[Ep.I] Igor Kirkwood Visite d’un studio pas comme les autres

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1. Une gamme, quatre enceintes

Vous allez acheter des enceintes acoustiques. Ou vous en possédez déjà. Votre chaîne haute fidélité étant ce qu’elle est, dans un local donné, comment faire pour tirer le meilleur de ces enceintes ?
La question n’est pas si simple. Il ne suffit pas de placer les deux baffles de part et d’autre dans la direction de l’auditeur. En jouant sur la hauteur, l’orientation, le positionnement des enceintes, sur le réglage du préamplificateur, sur ceux -éventuellement- des enceintes, en insérant un égaliseur dans la chaîne, vous allez sans doute améliorer un peu, beaucoup ou même plus encore le rendu musical de vos enceintes.
C’est à cela que cette série d’articles veut vous aider. Non par considérations théoriques, mais en partant d’un exemple concret.
(Suit la liste de quatre modèles d’une gamme d’un fabricant réputé de l’époque.)

Nous allons tenter de déterminer comment optimiser chacun de ces modèles par une utilisation judicieuse. Il nous faudra savoir si l’optimisation d’un modèle ne conduit pas à obtenir des résultats supérieurs à l’usage du modèle supérieur (et plus coûteux) dans de mauvaises conditions. Et jusqu’où cette optimisation peut mener.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, nous devons mieux connaître ces quatres modèles par une écoute critique traditionnelle, qui nous fera reprére les qualités et les défauts de chacun, donc les améliorations à apporter à l’écoute.
Les quatre modèles d’enceinte sont été confrontés paire contre paire, en partant du modèle le plus modeste. On a aussi déterminé trois batteries de comparatifs : 1 contre 2, 2 contre 3, 3 contre 4 (l’échelle étant proportionnelle à la montée dans la gamme).

Les écoutes

Aux écoutes d’un « jury » passionné et peu avare de son temps, on a ajouté des contrôles chiffrés au moyen d’un analyseur temps réel.
On a choisi de procéder à des écoutes non aveugles. En effet, l’objectivité d’une écoute aveugle serait en partie illusoire, car le seul positionnement plus ou moins favorable des enceintes peut inverser les résultats, comme on le verra par la suite.

Suit une explication de cette affirmation et le détail de la méthodologie de placement des enceintes par le « jury » à l’aide de l’analyseur temps réel. Si la technique a beaucoup progressé depuis, la finalité reste la même : obtenir la courbe de réponse de l’ensemble formé par la pièce et les enceintes. Les systèmes analogiques générateurs de bruit rose de l’époque ont maintenant cédé la place à des systèmes comme le Clio, plus performants de par la variété des signaux qu’ils peuvent émettre et des réponses qu’ils peuvent analyser.

Enceinte 1 versus enceinte 2

Les tests comprennent des écoutes comparatives de :
– clavecin
– orgue
– pianoforte
– flautino et orchestre de chambre
– grands choeurs, orchestre et voix solistes
– voix parlées

Ces choix ne sont pas datés et pourraient d’ailleurs valablement être utilisés dans les comparatio effectués de nos jours. Par ailleurs, le nombre de comparatio est important. Je me trompe peut-être mais je ne me souviens pas avoir lu ces dernières années des comparatio de cette ampleur et de ce niveau de détail dans le presse actuelle. Enfin, le test des voix parlées mériterait certainement d’être plus souvent mis en oeuvre -au delà des sempiternels disques tests- car c’est ce que notre oreille connait le mieux et il est donc difficile de l’abuser via des artifices techniques :wink:.
Pour chaque comparatio, la démarche sera identique, utilisant les mêmes disques, bien évidemment cités.

Ce premier comparatio est sans appel en faveur de l’enceinte 2. A la lecture des résultats détaillés des tests, on peut constater que tout ou presque est résumé dans le test sur les voix parlées.

Enceinte 2 versus enceinte 3

Dans ce cas, c’est surtout la différence des technologies mises en oeuvre pour les tweeters qui fera la différence en faveur de l’enceinte 3.

Enceinte 3 versus enceinte 4

Le comparatio est plus serré et pas toujours à l’avantage immédiat de la 4, comme la conclusion l’indique : sur certains types de musique, la 3 fait jeu égal, mais différent avec la 4. Là encore, c’est une situation que nous retrouvons souvent sur HCFR :wink:.

Enfin, les appréciations émises dans les comparatio sont étayées par la publication des courbes de réponse des enceintes, mesurées par le rédacteur de l’article et non fournies gracieusement par le constructeur.

Conclusion générale

Les quatre enceintes de la nouvelle gamme (…) qui ont été ici confrontées suivant les méthodes traditionnelles constituent une ensemble exemplaire et représentatif de ce qu’il est possible d’acquérir tant en qualité de réalisation qu’en valeur de reproduction musicale pour un prix donné.
On pourra s’étonner de ce que notre démarche n’inclue pas des enceintes de prix beaucoup plus élevé. La raison principale tient avant tout à ce qu’au-delà d’une certaine qualité, les améliorations sonores décisives ne sont pas à attendre d’une enceinte qui serait spectaculairement supérieure, mais bien de l’utilisation optimale que l’on fait du modèle choisi. Ainsi, les mélomanes soucieux d’améliorer les performances musicales de leur installation auront toujours intérêt à bien positionner leurs enceintes, à envisager des réglages soignés sur le préamplificateur et sur les enceintes elles-mêmes (lorsqu’elles en comportent), et peut-être mieux encore, à utiliser un égaliseur-correcteur.
Pourtant, les premiers égaliseurs analogiques introduisaient souffle, distorsion, rotations de phases. Même si un Behringer premier prix offre aujourd’hui un service bien supérieur, ce type de correction, même très perfectible, apporte un gain notable comme nous le verrons par la suite.

C’est sur ces trois points que nous reviendrons dans nos prochains numéros, en compagnie de la même gamme d’enceintes et dans le même local. On y verra comment les conclusions auxquelles nous sommes parvenus au terme d’une confrontation traditionnelle et sans précautions particulières d’emploi peuvent être remises en cause.

Donc, en synthèse, une écoute traditionnelle sans précautions particulières, c’est-à-dire comme nous en avons tous fait en auditorium, peut effectivement permettre d’établir une hiérarchie au sein d’une gamme, même si les différences s’amenuisent entre les modèles au fur et à mesure que l’on monte en gamme. C’est quelque part rassurant de constater que, toutes choses égales par ailleurs, rien n’a vraiment changé en une génération :wink:.

Il serait bien entendu présomptueux de généraliser ces résultats à n’importe quelle gamme d’enceintes, même si notre bon sens (qui n’a pas toujours raison) nous invite à le faire. Et pourtant, je suis certain que vous aussi avez déjà fait cette expérience.
Pour ma part, c’est flagrant sur la gamme Divatech que je connais bien. En écoute traditionnelle, la Diva 16 est surpassée par la Diva 18, elle-même supplantée par la CL26 qui cède la place à la CL28, même si sur certains points la CL26 a un charme que beaucoup apprécient. Je ne doute pas que cet article, pour daté qu’il soit, ait des résonances dans votre propre expérience auditive et que vous puissiez en transposer les résultats dans votre contexte personnel.

C’est à cette fin que nous l’avons publié. Pas pour sa valeur intrinsèque sur un comparatio de matériels vintage (quoique…) mais bien parce qu’il permet à chacun de se construire sa propre gamme de référence sur la base de ses écoutes. En un sens, nous sommes donc tous au même niveau pour aborder le deuxième article de cette série, car même si nous n’avons pas le même matériel, nous partageons une méthode d’évaluation et nous l’avons appliquée dans notre contexte.

Les scans des textes originaux :
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