[Ep.VIII] CR de l’installation d’Igor Kirkwood par TMS …

[Ep.VIII] CR de l’installation d’Igor Kirkwood par TMS …

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Je connaissais déjà depuis assez longtemps le travail d’Igor, digne descendant d’une filiation prestigieuse s’il en est d’ingénieurs du son : André Charlin, Georges Kisselhof, Igor Kirkwood, quelle lignée de preneurs de son amoureux du beau son, du respect de la stéréophonie (qui veut dire écoute en relief, que l’on ait 2 canaux ou 5, voire même 7 ou 22…) et donc de la spatialisation (avec le respect de la phase du signal). J’ai dans ma discothèque moult 30 cm et CD de ces « maîtres de la prise de son ».
J’ai toujours eu une écoute bien plus sensible dans le domaine de la spatialisation, du respect des transitoires (équilibre dynamique), alors qu’elle est bien plus tolérante sur le respect des timbres (équilibre tonal). Les disques enregistrés par les preneurs de son cités m’ont toujours apporté un ravissement à mes oreilles, un peu comme la « substantifique moelle » de la prise de son.

On avait déjà réalisé et réglé l’écoute 5.1 de la cabine de mixage où opère Philippe Vaidie (à qui on doit le superbe mixage des six épisodes de « Apocalypse », diffusé sur France2 et disponible en DVD et Blu Ray, en 16 bit seulement, alors que le master a été créé en 24 bit). Igor et Philippe sont en contact professionnel, et quand j’ai reçu le 1er mél d’Igor, se référant à Philippe, pour venir retravailler son système de monitoring, je n’y croyais pas mes yeux…
Nous avons mis un certain temps avant de nous rencontrer, les premiers échanges étant faits via mél et téléphone. Igor commençait déjà à nous donner des informations sur son système, ses enceintes, les HP utilisés (le tweeter n’étant plus d’origine).

Pour le choix du processeur, Igor a opté pour le FDS366 (choix possibles proposés : DCX2496 upgradé ou non, FDS366, Soundweb, Optimizer). Je voulais plutôt l’orienter sur un Soundweb, les ressources (nb d’EQ disponibles), la souplesse de programmation (on peut y ajouter du processing pour émuler le comportement d’enceintes de cinéma en détournant un tant soit peu les outils internes) et la possibilité d’inclure par la suite d’autres enceintes (un Vélodyne par exemple, car disposant de 8 entrées et 8 sorties) me semblaient une solution plus adaptée à son usage. Mais Igor a préféré conserver son choix…

On a ensuite travaillé sur la connectique entre le FDS (XLR symétrique) et l’amplificateur (CINCH asymétrique), puis entre l’amplificateur et les enceintes. Igor préférant réduire au minimum le nombre de connecteurs sur les enceintes, nous avons opté pour des connecteurs Speakon 8 broches, avec du câble HP pro multi-conducteurs.

Dès le départ, Igor avait l’objectif de descendre la fréquence de raccordement entre boomer et médium, nous lui avons dit que ce serait les mesures in situ qui valideraient (ou pas) cette possibilité.

Il est à noter ici que l’objet principal de ce système de reproduction sonore est le monitoring de fichiers son pour des usages professionnels : nous ne sommes donc pas du tout dans une approche « j’aime – j’aime pas » … Il s’agissait donc de concevoir in situ, un système qui permette une écoute au plus près du fichier, écoute qui se doit d’être :
– Hyper précise, mais pas agressive
– Neutre, mais pas « terne » (une écoute « vivante »)
– Au plus près des normes et des fondamentaux de la stéréophonie.
– Libérée le plus possible de l’environnement acoustique des enceintes (nous reviendrons plus loin sur ce point).

Le choix de conserver l’ébénisterie somme toute assez « classique » (HP grave en clos, médium et aigu en façade) a été fait, une nouvelle ébénisterie allant plus loin que ce qu’Igor voulait aller. Ce genre de géométrie présente de par sa conception un mésalignement temporel des centres acoustiques des HP, mais l’usage d’un processeur numérique tel le FDS366, incorporant des lignes à retard par HP, permet de compenser très fortement ce défaut. A noter que dans le cas d’un filtrage passif, ce décalage temporel dimensionnel est irrattrapable, pour ce faire il faudrait se tourner vers un processeur de calibrage qui permette de moduler le temps de propagation de groupe en fonction de la fréquence. Nous allions donc pouvoir nous adapter et obtenir un résultat à la hauteur de la fonction du système ET des attentes de leur propriétaire.

Igor nous a également fourni la documentation d’origine des NS1000X, tout comme les spécifications des HP utilisés pour l’enceinte. Gagner 100Hz de coupure vers le bas n’était pas gagné d’après les spécifications du HP, mais les mesures sur placent allaient nous renseigner.

La prise du 1er RDV n’était pas des plus évidentes, entre l’agenda d’Igor, et celui de mon acolyte qui est encore à mi-temps à l’INA, mais nous avons finalement pu trouver une date convenant à tout le monde.

Arrivé sur site, le temps de faire connaissance avec Igor (en chair et en os), puis avec les lieux… Après avoir fait le tour du propriétaire, nous avons commencé par lister les éléments pas forcément optimaux ;
– Une pièce bien plus longue que large
– Une acoustique gauche / droite asymétrique (absorbante dans le médium d’un côté, réfléchissant/diffusant de l’autre côté) : l’électronique allait nous permettre de compenser ceci.
– En corolaire au 1er point : une base d’enceintes trop étroite (on était assez loin des préconisations de l’ITU)
– Un tweeter monté en façade, avec des arrêtes faisant office de réfracteur.

C’est avec une certaine réticence qu’Igor a accepté d’élargir la base de ses enceintes et d’avancer (un peu…) le canapé qui sert de point d’écoute.

La matinée a été passée à réorganiser tant que faire se pouvait la géométrie ainsi que de mesurer le tweeter, mesure qui confirmait l’impact négatif de la géométrie environnante. (Il est à préciser que mon collègue a passé de nombreuses années à mettre au point des enceintes acoustiques, en plus des méthodes de mesures et de correction électronique. Certains filtres d’enceintes 2 voies avaient jusqu’à 24 éléments de filtre avec pour résultat une fréquence de raccordement totalement inaudible et non mesurable à 1 mètre de l’enceinte, que ce soit avec des mesures acoustiques ou des mesures d’impédance !!! )
Pendant que nous allions déjeuner dans le quartier, l’épouse d’Igor faisait des travaux pratiques de pâte à modeler pour réduire les aspérités autour du tweeter (dont les conséquences étaient visibles aux mesures) . En revenant de déjeuner, cela était fait, et les mesures ont montré le bien fondé de l’opération.

Puis nous avons commencé l’adaptation de l’enceinte au local. Une des forces d’un système actif en filtrage, et la rapidité de changement de paramètres à tester (et mesurer). Il est à noter que dans notre approche, la mise au point du système c’est faite à 98% aux instruments de mesure, la touche finale de validation se faisant à l’écoute (sur le moment dans un premier temps, puis écoute sur du plus long terme, qui permet de révéler des choses qu’une écoute à chaud ne révèle pas forcément). Le juge de paix inflexible et totalement intègre est la réponse impulsionnelle (RI), qui ne laisse au HP que très peu de chance de nous cacher quelque chose. Une mise au point d’enceinte « à l’oreille » peut marcher pour faire une enceinte « que l’on aime » (et qui a de la chance de ne plaire qu’à son concepteur), mais pas du tout pour une enceinte qui doit montrer le plus fidèlement possible ce qui est enregistré dans un fichier.

Les premières mesures sur les enceintes ayant montré que les enceintes s’y prêtaient, nous avons également pointé l’axe des enceintes devant le point d’écoute afin d’élargir latéralement le « sweet spot ». L’écoute ayant confirmé ce que les mesures prévoyaient.

Pour le raccordement médium/tweeter, nous sommes initialement partis des valeurs de l’enceinte originale, mais les mesures nous montraient un raccordement loin d’être optimum. Pour l’utilisation d’Igor, avoir une courbe de Tg (temps de propagation de groupe) la plus constante possible était une contrainte principale du cahier des charges (pour avoir la spatialisation que la stéréophonie nous promet et qu’Igor prend tant de soin à enregistrer lors de ses prises). Après quelques essais, le 2,6 kHz/4e ordre est passé à 3 kHz / 2e ordre pour les plus grands bienfaits de la RI et du Tg…

Dans les diverses pérégrinations pour rendre le niveau de performance maximal (ce que nous appelons la Maximisation), nus sommes également tombés sur un tout petit tableau, accroché sur le mur traité acoustiquement, et qui nous faisait une superbe réflexion parasite, que nous aurions pu éventuellement compenser électroniquement (quoique les ressources du FDS sont limitées de ce côté), mais après avoir localisé le fautif, son déplacement d’une vingtaine de centimètre n’ayant pas fondamentalement chamboulé la décoration, il s’en est suivi la suppression salutaire de la réflexion gênante.

Après avoir fini la 1e passe de réglage, nous avons laissé Igor reprendre ses marques auditives et s’approprier son nouveau système. Puis nous sommes repassé pour peaufiner les réglages en fonction des remarques d’Igor. Nous lui avons suggéré de mettre un store à lamelles entre le canapé et la vitre pour améliorer l’écoute (le processeur électronique n’ayant aucune influence ici), ce qu’il a fait et en a tiré tous les bénéfices au niveau de l’écoute.

Igor a entre temps déniché un EQ de plus sur le système du caisson, qui lui a donc permit de récupérer une correction plus fine dans ce secteur grave qui ne voit aucune correction acoustique.

Le résultat de tout ceci ?

Déjà Igor n’a touché à rien depuis le 2e passage (7 mois), le système semble lui convenir à 200%, tout comme aux ingénieurs du son ou musiciens qui ont visité son installation.
Les personnes « amateurs » qui ont écoutées semblent également ravies de ce qu’elles ont écouté, alors que l’écoute a été conçue à 100% dans une optique « monitoring », donc sans aucune concession pour tendre à faire du « beau son » avec les enceintes, tendance qui est assez répandue dans le milieu des audiophiles par de nombreux artifices.

Ceci montre également qu’avec un système réellement neutre (neutralité confirmée par la mesure), le plaisir d’écouter est, contrairement à certaines idées reçues, totalement présent, chaque enregistrement nous révélant la « personnalité » propre, à chaque fois différente… gage d’un incessant renouvellement de plaisir à écouter, le système n’ayant aucune « couleur propre » venant se surimposer à ce qui a été enregistré.

A noter également qu’avec des moyens pas forcément « astronomique », avec du matériel « sérieux » (et pas du HDG ou THDG), correctement mis en œuvre (= avec adaptation électronique au local), on peut arriver à un résultat auditif bien supérieur à des systèmes très nettement plus coûteux… Mais qui eux, offrent le prestige de la marque. Rassurez-vous, un système prestigieux est également « maximisable » :)

Une question reste en suspend : « Aurait-on pu aller plus loin ? » La réponse est « oui » sans l’ombre d’une hésitation, avec des EQ supplémentaires, avec des processeurs plus récents et travaillant en FIR. Intellectuellement, ça rassure de savoir que l’on pourrait aller plus loin, mais Igor est pleinement satisfait de la version actuelle de son système, il n’y a donc pas de raison objective de vouloir aller plus loin (même si un traitement acoustique dans le grave serait un plus …)

NB : Filtrage actif vs filtrage passif

Beaucoup de choses on été écrites, tout comme beaucoup de bêtises…
Comme précisé plus haut, le filtrage actif permet une souplesse et une rapidité de mise au point étonnant, surtout si l’on compare aux filtres passifs. De plus ils possèdent en général des retards par HP et des EQ (filtres numériques), et même des limiteurs qui protègent les HPs.

Un filtre passif performant est long à mettre au point, va perdre des précieux dB de sensibilité, complexe (jusqu’à 24 éléments pour une 2 voies). Dans le grave, des filtres passifs deviennent très vite horriblement coûteux, lourds et encombrants.
J’aimerais aussi tordre le cou à une légende urbaine concernant l’approche « zéro filtres » (HP large bandes) ou filtres du 1er ordre comme nec plus ultra. La « rapidité » et/ou les rotations de phase sont données par la réponse globale du système filtre (actif ou passif) + HP. Pour une forme de coupure donnée, on aura la même réponse (mesure ET écoute) que la coupure soit avec un filtre, ou avec un HP qui coupe naturellement !!! Protéger un HP demande une coupure électrique bien supérieure au 1er ordre, maintenant l’on peut construire des tweeters qui encaissent du signal grave en excès, mais ça risque d’être au détriment d’autres paramètres. Dans le cas des enceintes d’Igor, la coupure médium/aigu est au 2e ordre, mais aucune distorsion de phase ne se fait sentir alors que le 1er ordre n’a pas été utilisé (il n’aurait de toute façon pas assez protégé le tweeter focal dont la principale qualité n’est pas la tenue thermique ou mécanique. Il est clair qu’utiliser des filtres d’ordre supérieur à un demande du savoir-faire pour ne pas retrouver des défauts (mesurables et audibles) qui font vouloir éviter des raccordements de HP dans la zone 300 Hz – 4 000 Hz …

Beaucoup de systèmes avec des filtres passifs jouent également sur certains type de composants pour « moduler le type de son » ; dans un filtrage actif, ceci n’existe pas, mais une fois maximisé, une variation de 1dB va pouvoir se percevoir : les ajustement finaux sur le son se font à nouveau différemment, par du soft plutôt que du hard.

Également, sur un système 2 voies en filtrage actif, si on a deux amplis de 100W, nous allons quasiment avoir la dynamique d’un ampli de 400W (et non 200W) sur un système filtré en passif. Les HP seront également mieux contrôlés/amortis par l’impédance de sortie de l’ampli qui drive directement le HP sans composant passif intermédiaire.

TMS pour HCFR.

Photo : DR

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