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Films (débats, critiques), personnalités (acteurs, réalisateurs), prochaines sorties, les salles, la presse spécialisée...

12 Years a Slave

Message » 25 Fév 2014 12:34

Marlo a écrit:Grosse compilation de procédés pour tirer la larmichette à grand renfort de Hans Zimmer qui va pas tarder à devenir ma boussole qui indique le sud. Pathos, drama et morale facile, personnages dont je n'ai pas eu grand chose à faire et traitement du sujet bien conforme.
A peu près tout ce que je déteste dans un film sans oublier l'impression de prise en otage de part le "tiré d'une histoire vrai".


T'as raison, ils auraient du traiter le sujet sous forme de film comique voir même de comédie musical histoire d’alléger un peu l’atmosphère, voir même introduire un super héro qui sauve tout le monde à la fin. Et puis c'est sur, c'est un sujet tellement éculé au cinéma, on en a autant que des Marvel.
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Message » 25 Fév 2014 12:48

Marlo a écrit:Grosse compilation de procédés pour tirer la larmichette à grand renfort de Hans Zimmer qui va pas tarder à devenir ma boussole qui indique le sud. Pathos, drama et morale facile, personnages dont je n'ai pas eu grand chose à faire et traitement du sujet bien conforme.
A peu près tout ce que je déteste dans un film sans oublier l'impression de prise en otage de part le "tiré d'une histoire vrai".

Je ne suis pas du tout d'accord avec ton point de vu. Le film aurait pu facilement tomber dans le larmoyant, sauf que ce n'est pas le cas, bien au contraire. En effet, même si on a tout au long du film de la compassion pour ce qui arrive à ce pauvre homme, on ressent surtout de la colère et de la haine vis à vis de ces esclavagistes, et plus encore, du manque d'humanité dont l'Homme peut-être capable.

A mon sens, ton analyse va à contre-sens de ce que le réalisateur a voulu faire, et c'est bien dommage...
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Message » 25 Fév 2014 16:49

Nikolai a écrit:Tu nies quand même beaucoup Sledge le pouvoir de l'acteur justement dans la production aujourd'hui.
Quand Tom Cruise aussi produit, c'est limite lui qui a la toute puissance sur la production, sur son image, sur le film, sur ce qu'il véhicule.
Brad Pitt emprunte ce même chemin et je pense que cette tendance se confirmera dans ses prochaines prods.


Euh, désolé, là, ça n'est plus de l'argumentation, c'est du simple procès d'intention.
Plutôt que de commenter ce film sur le fond et inscrire ton jugement sur de vrais éléments concrets, tu te mets à supposer que Brad Pitt va maintenant avoir une carrière à la Tom Cruise. Tout ça pour une apparition de cinq ou dix minutes dans un film bien particulier ! Ça n'est pas de la déduction, c'est du Didier Derlich...
Je te le demande, si tu ne savais pas que Brad Pitt avait produit le film, en quoi son apparition à l'écran te dérangerait ? Joue-t-il mal, joue-t-il faux ?
J'ai depuis feuilleté le livre en librairie, et le passage où Northup décrit ses conversations avec Bass est retranscrit très fidèlement à l'écran. Bass a clairement accompli aux yeux de Northup quelque chose d'héroïque. La séquence transposée par McQueen montre à quel point le simple fait de poster une lettre ou de rendre visite à des connaissances de Northup dans le nord, est à la fois capital pour Northup et relativement anodin pour quelqu'un d'aujourd'hui. L'angle est moins de magnifier l'héroïsme du personnage parce que c'est Brad Pitt qui le joue (où le voit-on affronter des dizaines de sudistes enragés avec son colt histoire d'accéder à une boîte à lettre ?) que de montrer à quel point l'idéologie de l'esclavage était puissante à l'époque, au point que poster une lettre est en soi un fait héroïque vu les risques encourus (le livre de Northup explique d'ailleurs que Bass aurait été lynché s'il était resté un jour de plus dans la région).

Pour te répondre sur ce qui me fait pouffer, c'est que c'est clairement un tout. C'est le rôle et lui dans sa façon de jouer, c'est quelque chose de parfaitement global. J'adore en général Brad Pitt hein, je trouve que c'est un acteur brillant, mais là c'est grotesque dans l'écriture de bout en bout. Que veux-tu que je te dise de plus ? Voir cette forme de supériorité voire d'autorité morale incarnée par le grand Brad Pitt avec son air à la cool, bâtisseur droit dans ses bottes, c'est pas crédible une seule seconde, on y croit pas et quand bien même il aurait été incarné par quelqu'un d'autre de plus anonyme, ça aurait été tout aussi ridicule. Et honnêtement on s'en fiche si c'est dans le bouquin ou pas, faut dissocier fait historique et traitement. Qu'il y ait un personnage comme cela dans le livre qui a sauvé Salomon, peut-être, que Fassbender est un personnage qui a sûrement existé, oui sûrement, là c'est juste une question de mise en scène et d'écriture.


Grosso modo, tu charges le film parce qu'il ne te plaît pas et du coup tu affirmes que non seulement Pitt est grotesque mais que la scène aurait de toute façon été grotesque avec un autre acteur que Pitt parce que le film est grotesque à tes yeux.
C'est une argumentation circulaire et régressive où il faudrait trouver que... parce que tu as décidé que... Comment veux-tu que je souscrive à ce genre de raisonnement ?
Au fait, j'attends toujours les nombreux films sur l'esclavage qui auraient couvert le sujet. Parce que la particularité du film, c'est qu'il n'y a curieusement pas eu tant que ça de films (ou même de récits) qui portaient directement sur l'esclavage.

"L'esclavage aurait été terminé plus vite grâce à des blancs courageux ayant nos valeurs politiquement correctes d'aujourd'hui comme Brad Pitt" on n'a pas vu le même film.

Euh non c'est pas ce que je dis bien sûr. De toute façon le film n'est traité ici que sous l'angle du fait divers à l'échelle de un personnage pour toucher à l'universel, sauf que l'universel on ne le sent jamais. Le film n'a aucune perspective globale, c'est un simple survival dans le contexte de l'esclavage. Sauf que pour être réellement universel il aurait fallu une écriture qui touche à une forme d'ensemble, que le calvaire ne se termine pas juste parce que lui a été sauvé. Il aurait fallu par exemple filmer le procès ou que sais-je, dépasser le cadre de la simple souffrance évidente.


C'est n'importe quoi. Dans le film (et c'est apparemment différent dans le livre), McQueen fait bien plus un portrait de la mentalité blanche dans la région que de l'histoire particulière de Northup. Northup est présenté dans le film comme un Monsieur-tout-le-monde, histoire surtout de permettre l'identification rapide du spectateur avec lui, et indique que les mauvais traitements infligés à Northup étaient monnaie courante dans la région. C'est en partie un récit de survie, parce que la survie y est montrée comme la seule solution, et Northup est surtout l'intermédiaire du spectateur, un témoin présenté comme fiable pour décrire ses maîtres successifs. C'est donc un angle assez différent du Pianiste de Polanski, qui est beaucoup plus un récit de survie, même si les deux films insistent sur le rôle de la chance à l'intérieur d'un système, et ne tentent pas de présenter leur protagoniste respectif comme un héros, ou une figure christique révélée par ses souffrances.

McQueen part toutefois de ce récit pour élaborer beaucoup sur les motivations des différents maîtres, sur leur mentalité sous-jacente et la corruption des esprits qu'inflige l'esclavage. Un exemple frappant, c'est que Ford (Benedict Cumberbatch) est présenté en des termes clairement positifs dans le récit de Northup. Le personnage de Northup dans le film lui est très reconnaissant, mais l'adaptation le montre d'emblée comme un "salaud" au sens sartrien du terme, le type qui pourrait faire plus, qui pourrait avoir une conscience plus juste de ce qui se passe et agir en conséquence, mais qui préfère rester dans une zone intermédiaire qui lui permet de détourner les yeux et de dormir tranquille. Il ne veut pas séparer la mère de son enfant, mais pas au point de ne pas acheter ensuite la mère. Il se doute que Northup est un ingénieur doué et expérimenté, et qu'il a été un homme libre, mais il fait pourtant du recel.

Et, bien entendu, le personnage le plus mémorable et fascinant du film, celui sur lequel l'adaptation insiste, c'est Epps. Autant Northup (et délibérément) n'a pas une personnalité développée, autant Epps est l'objet d'une série d'études qui en révèlent les différentes facettes. Et sur ce plan, McQueen est dans la lignée de Hunger ou de Shame. Le film est encore une étude d'un personnage incarné par Fassbender.
Donc, "récit de survie" quand la moitié des scènes montre l'impact de l'idéologie dans l'esprit des esclavagistes, c'est une affirmation pour le moins saugrenue... La scène clé du film c'est le récit du contremaître déchu qui explique que le choix qu'il a, c'est de picoler ou de trouver une pseudo-justification pour ce qu'il fait au quotidien. Et le film se concentre sur la pseudo-justification, plus que sur le chemin de croix de Solomon.

C'est le regard coloriste de McQueen, sa façon de tout réduire à la simple souffrance manichéenne qui me gêne.
Tu as raison le film est binaire et n'a aucune ambiguïté, c'est tout blanc ou tout noir. Aucune forme de gris dans ce film. Aucune réelle nuance. Aucune ampleur dramatique, c'est relaté littéralement un calvaire avec la libération comme finalité pour soulager. Personnellement le film ne me fait jamais réfléchir, ne m’apporte rien tant les effets sont éculés pour arriver à ses fins. Sur un thème aussi complexe, je le redis, ça ne m'intéresse que peu surtout quand ici c'est bourré de tics (musique, cadrages, facilité dans l'écriture, personnages etc..).


Il y a des situations où on ne peut pas faire dans l'ambiguïté simplement parce que toi ou d'autres spectateurs seriez convaincus que l'ambiguïté fait forcément un meilleur film. Prends un film sur les SS (au lieu des soldats allemands enrôlés dans la Wehrmacht), les Khmers rouges ou d'autres personnes qui ont existé et qui ont perpétré de leur plein gré des atrocités réelles, le fait de les montrer sous un jour non entièrement négatif ne rajoute pas de l'ambiguïté. Comme ici, ça fait surtout ressortir la monstruosité du reste de leurs actions : ce sont des hommes libres qui ont malgré tout pris ces décisions. Et, comme ici, la question de ce qu'ils ont fait est moins pertinente que ce qui les a amené à agir en monstres.

McQueen a commencé par deux films tout sauf manichéens. Il est capable de nuance et de subtilité. Et là, il ne renonce pas à cette ambiguïté parce que Brad Pitt ou Hollywood le lui auraient demandé, c'est assumé clairement par le scénario, avec cette thèse qu'il n'y a pas vraiment de "bon" maître, simplement une mentalité ou une idéologie justifiant de façon perverse un système inhumain. Epps est un monstre, sans ambiguïté. C'est la thèse posée explicitement par le film. Mais ça n'est pas un monstre caricatural. Il est tiraillé entre ses valeurs, une femme qui ne l'aime pas (et qui partage une bonne partie des mêmes valeurs, et le désir qu'il éprouve envers Patsey. Au fond, c'est lui le vrai personnage tragique du film. Pour Northup, l'esclavage a été un état. Pour Epps, l'esclavagisme est la seule façon qu'il a trouvée pour se définir et exister.

Je suis ressorti avec les mêmes idées que j'avais au départ, je lui reproche clairement de ne jamais dépasser les scènes évidentes et attendues, les lieux communs pour créer une simple indignation facile.


Tu sembles surtout être ressorti avec les mêmes préjugés. Pour ma part, je suis ressorti avec l'impression que je n'avais jusque là pas vraiment saisi l'ampleur du problème et de l'impact que l'esclavage a encore aujourd'hui dans les états du Sud ou dans la communauté noire.

gotonin a écrit:Très déçu par ce film communautariste où le blanc, bouhh il est méchant et que le noir bah il est super gentil... Bref, du vomi manichéen !


Qu'est-ce que tu sous-entends par "communautariste" ?
Steve McQueen est un réalisateur britannique. Chiwetel Ejiofor est un acteur britannique. Lupita Nyong'o est d'origine kenyane et a la nationalité mexicaine. Six des neuf premiers acteurs dans la distribution sont blancs (Fassbender, Cumberbatch, Dano, Giamatti, Paulson et Brad Pitt). En dehors d'Alfre Woodard (qui joue une épouse affranchie) et du scénariste, il n'y a en fait même pas d'afro-américains dans les noms majeurs du générique !

Si tu veux des films communautaristes, les Afro-Américains en ont un paquet, notamment toutes les productions de Tyler Perry, non distribuées en France. Ce sont des films qui parlent de tout sauf de l'esclavage ou de la ségrégation (en fait la "communauté" n'a pas du tout envie de revivre ce qui a été sa condition pendant près de deux siècles). Ça y parle surtout des affreuses bonnes femmes qui se croient supérieures à leur mari parce qu'elles ont fait des études et c'est très régressif. Un film comme 12 Years A Slave avec son protagoniste noir plutôt passif qui n'arrive pas à se libérer par ses seules ressources, c'est donc tout sauf le message que cette communauté aime entendre.

C'est vraiment préoccupant que "communautariste" devienne un terme équivoque voire un simple prétexte pour des allusions racistes sur certains forums non modérés comme ceux de Yahoo. "Communautariste", c'est comme "bobo", un terme qui sert surtout à décrédibiliser l'objet dont on parle. Là, c'est un film qui n'est pas fait par les descendants d'esclaves américains, mais on l'appréhende comme si Oprah Winfrey était derrière le projet...
Si tu veux voir à quoi sert aujourd'hui un mot comme "communautariste", va jeter un coup d'œil aux actus de Yahoo, ouvertes aux commentaires et absolument pas nettoyées par une modération quasi-inexistante, notamment l'actu faits divers ou "people". "Communautariste", ça fait partie des euphémismes utilisés par certaines personnes sur le forum, à côté de "chances pour la France" ou de "sionistes", par opposition aux gens qui seraient implicitement les "bons" Français, les Français de souche. Et je continue d'ailleurs à trouver curieux que, du fait de mes origines juives, j'appartiendrais à des "communautaristes" alors que ma famille est installée dans le nord-est de la France depuis 170 ans, soit plus longtemps que nombre de ces Français non-communautaristes. À croire que c'est plus facile de prendre souche quand on est un gland.
Sledge Hammer
 
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Message » 25 Fév 2014 17:03

Je ne suis pas du tout d'accord avec ton point de vu. Le film aurait pu facilement tomber dans le larmoyant, sauf que ce n'est pas le cas, bien au contraire. En effet, même si on a tout au long du film de la compassion pour ce qui arrive à ce pauvre homme, on ressent surtout de la colère et de la haine vis à vis de ces esclavagistes, et plus encore, du manque d'humanité dont l'Homme peut-être capable.

A mon sens, ton analyse va à contre-sens de ce que le réalisateur a voulu faire, et c'est bien dommage...


Aucune compassion, je n'y crois pas une seconde en fait. J'ai passé 2h à voir les ficelles s'agiter, ça m'a fait le même effet que l'interview de 7 à 8 ou salut les terriens en fin d'émission. On appuie bien sur les leviers les uns après les autres pour faire pleurer dans les chaumières. Donc non du coup j'ai eu aucune compassion pour cet homme ni pour la jeune femme, pas plus que je n'ai eu de rancœur envers les négriers. Si l'objectif du film était là, en plus de ne pas vraiment être original mais on peut pas trop en vouloir, n'est pas vraiment atteint pour moi.

En tout cas j'espère vraiment que ce que le réalisateur a voulu faire est en effet bien différent de ce que j'ai reçu. Après, il n'y a rien de dommage, c'est tout ce qu'il a à dire sur le sujet, c'est pas grave.


T'as raison, ils auraient du traiter le sujet sous forme de film comique voir même de comédie musical histoire d’alléger un peu l’atmosphère, voir même introduire un super héro qui sauve tout le monde à la fin. Et puis c'est sur, c'est un sujet tellement éculé au cinéma, on en a autant que des Marvel.


Je vois pas le rapport avec ce que j'ai dit. Je n'aurais pas voulu voir l'atmosphère allégée et si je voulais exagérer je dirais même que j'aurais voulu en voir une déjà.

Ceci dit, il y a des passages à la Benny Hill et un super héros à la fin. C'est un début.
Marlo
 
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Message » 27 Fév 2014 12:18

Sledge oui Brad Pitt joue mal, il fait simplement le kéké avec son accent et c'est ridicule.
Je vais pas encore développer là-dessus, il est pas crédible une seule seconde, et son rôle de chevalier blanc au grand coeur franchement.. ça fait tâche dans le récit.
Bref on va pas en parler 12 ans (a slave). Si tu le trouves excellent, que son rôle de moralisateur te plaît et qu'il est parfaitement bienvenue dans ce récit. Pourquoi pas hein
Franchement c'est un contrepoids profondément artificiel à l'atrocité. J'ai l'impression d'avoir 5 ans quand je l'entends parler pour lui dire que ce que fait le méchant est pas bien quand même.
D'ailleurs je le redis ce film est parfaitement fait pour les enfants qui aiment bien tout délimiter pour éviter d'aller dans la complexité et dans les choses qui DÉRANGENT vraiment.

"Le portrait de la mentalité blanche" mais quel portrait ? A part dire que y'a des méchants blancs qui achètent des esclaves pour leurs besoins/plaisirs, qu'est-ce que le film dit de plus ?
Ce n'est pas une radiographie du monde, d'une mentalité, d'un système, c'est simplement retranscrire le calvaire d'un personnage dans un CONTEXTE de l'esclavage en présentant des personnages qui ne sont quasiment que des bourreaux vrillés et psychopathes, des vendeurs ultra cyniques ou des lâches comme Cumberbatch . Même ce personnage donc qui serait le plus nuancé et bienveillant participe à cette façon de tout réduire au final à la souffrance du personnage. Le film fonctionne toujours comme un étau. L'histoire aurait pu se passer n'importe où, n'importe quand, c'eut été pareil.
C'est ça le portrait ? Tout ici converge au catharsis par la douleur, le reste est périphérique et n'intéresse jamais ou très peu McQueen. Il ne cherche pas à présenter des personnages complexes, ils ont tous qu'une seule facette ou presque histoire de facilement aboutir à une forme d'indignation mélodramatique facile.

Il s'agit pas forcément d'une question d’ambiguïté mais de regard, de singularité et d'approfondissement pour dépasser les clichés et les lieux communs. Quand je vois le docu "Act of Killing" par exemple, là on scrute profondément la monstruosité, l'horreur car elle est authentique et parce qu'elle n'a pas qu'une seule facette.
Ici tous les personnages me semblent être des caricatures de la monstruosité. Ou des caricatures pseudo bienveillantes comme Brad Pitt. On est vraiment dans quelque chose d'artificiel avec des procédés hyper lourdingues pour arriver à ses fins.

J'aime beaucoup Shame et Hunger car malgré son côté doloriste qu'il a toujours eu (tous ses héros sont plus ou moins christiques hein), c'était déjà bien plus profond. Là il se fait broyer à la fois par le sujet et la machinerie hollywoodienne.

"Mais ça n'est pas un monstre caricatural. Il est tiraillé entre ses valeurs, une femme qui ne l'aime pas (et qui partage une bonne partie des mêmes valeurs, et le désir qu'il éprouve envers Patsey."

Mais en quoi cela sont des nuances ? C'est typique justement du monstre caricatural... (sa femme l'est aussi)
Je veux dire Ralph Fiennes dans La liste de Schindler c'était exactement la même chose, il était attiré lui aussi par la servante juive par exemple, je trouve pas du tout ça plus subtil bien au contraire. C'est une névrose typique du grand méchant pour montrer toute son horreur. Jamais une seconde on sent que cette folie se brouille au système qui favorise cela, il est juste taré, parce qu'on ne peut être qu'un bourreau taré et névrosé dans un tel contexte. Ce personnage n'a strictement aucun intérêt. Il est qu'utile que pour créer l'indignation chez le spectateur, jamais l'esprit malade paraît complexe pour réellement fasciner, et il est connecté à rien. C'est ça surtout le problème.
C'est tellement limité.. encore une fois.
Nikolai
 
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Message » 02 Mar 2014 9:29

Je suis assez d'accord avec la critique de Nikolai. Brad Pitt est juste ridicule.
Pour le reste, on est quand même face à un film excellement bien réalisé, avec certaines interprétations de premier ordre (Fassbender, meilleur acteur actuel ?), et dont l'utilité première, dénoncer l'esclavage, n'est pas contestable.
Alors académique et sans surprises, oui. Bien fait et nécessaire (faut il rappeller qu'aux US beaucoup sont nostalgiques de cette époque ?), oui aussi.
Arsenic
 
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Message » 29 Juil 2014 13:40

J'ai enfin vu ce film au calme dans mon salon. Difficile d'aller voir un tel film au cinéma tant il est intéressant de s'y plonger coeur et âme. Je m'attendais à un film narratif un peu poussif. Il y a des scènes qui souffrent de longueurs, mais ce sont surtout des silence qui renforce le côté pesant de l'histoire. Dès les premières scènes, l'ambiance est là. Lourde, pesante, dramatique. Le regard des maîtres sur leurs choses. L'ambivalence des sentiments de certains sur les noirs mais qui se retrouvent noyés dans la mouvance de l'époque. Je le disais à mon épouse du reste qui ne comprenait pas une telle cruauté envers une 'race'. Qui sait ce que nous aurions fait à l'époque, au même endroit, si nous étions blancs.

Le film est particulièrement bien traité. Les acteurs parfaitement campés. On est loin des effets de style comme dans Django même si le jeu de Di Caprio était crédible. Mais on était alors détaché de l'historie. On sent bien avec le présent film l'histoire en marche avec une société à la dérive qui tente de masquer ses faiblesses, sa cruauté et ses fautes par la religion. L'arrivée de Brad Pitt ne me choque pas. L'Amérique a bien combattu ce mal qu'est l'esclavage par la suite même si jouer la carte des noirs était un argument électoral comme montré dans le film Lincoln de Spielberg. Il y avait des gens capables de vouloir renversé les choses et que l'esclavagisme ulcérait. Et il y avait la vermine qui se nourrissait de cette main d'oeuvre qu'elle considérait comme un bien.

Je ne jette rien de ce film. Les acteurs magnifiques et crédibles. Le scénario. Les images avec des gros plans qui rappellent parfois Moricone. La musique et les chants. La version BR soignée.

C'est un bon 9.5/10 que je donne sans problème à un tel film.
Keron
 
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Message » 30 Juil 2014 21:21

Un excellent film ! :bravo:

C'est sur le côté historique que je m'interroge un peu.

Alors ce noir de New-York qui réussit bien dans la vie se fait enlever pour devenir esclave, mais pourquoi ? Qu'avaient à y gagner les protagonistes ? Ensuite on connaît tous la tragique période de l'esclavage mais Brad Pitt fait un peu l'homme débarqué du 21ème siècle. S'il y avait vraiment des hommes comme ça alors comment l'esclavage a-t-il pu exister ?...surtout qu'une centaine d'années après, c'était la ségrégation raciales aux Etats-Unis. Alors comme les gens sont fondamentalement racistes, comment est-ce que ce noir de New-York, a-t-il pu arriver à ce niveau de bourgeoisie à son époque ? Ou bien alors comment ce fait-il que l'Amérique soit tombée aussi bas avec la ségrégation raciale, il y a moins d'un siècle ?
asheewan
 
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Message » 30 Juil 2014 21:49

Les gars qui l'embarquent faire une tournée sont des escrocs. Plutôt que de lui verser 50 euros ils préfèrent le vendre à un esclavagiste. Sans doute une belle somme aussi. Tout bénéf pour eux.
Il y avait forcément des hommes contre l'esclavagisme à l'époque tout comme tu as aujourd'hui des gens qui protègent les roms et des gens qui ont à l'époque sauvé des juifs.

NY cela a toujours été une ville à part. Un mélange des peuples et des races.
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Message » 30 Juil 2014 21:59

Keron a écrit:Les gars qui l'embarquent faire une tournée sont des escrocs. Plutôt que de lui verser 50 euros ils préfèrent le vendre à un esclavagiste. Sans doute une belle somme aussi. Tout bénéf pour eux.
Il y avait forcément des hommes contre l'esclavagisme à l'époque tout comme tu as aujourd'hui des gens qui protègent les roms et des gens qui ont à l'époque sauvé des juifs.

NY cela a toujours été une ville à part. Un mélange des peuples et des races.


OK, je resitue mieux. NY n'est pas les Etats-Unis, tout comme Paris n'est pas la France. :wink:
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Message » 31 Juil 2014 0:33

Rapide résumé de l'histoire des afro américains :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_d ... %A9ricains
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Message » 31 Juil 2014 0:36

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Message » 31 Juil 2014 0:44

Sur Wiki, nous pouvons aussi voir que les deux ravisseurs de Solomon on empochés 650 dollars. Une somme conséquente.

Et Bass (B. PITT) est en fait un abolitionniste.

En 1852, un menuisier canadien itinérant, Samuel Bass, vint travailler pour Epps. En entendant Bass exprimer son point de vue abolitionniste, Solomon décida finalement de lui confier son secret : c'était la première personne à qui il dit son vrai nom et ses origines d'homme libre depuis qu'il était esclave. Bass envoya une lettre écrite par Solomon et écrivit plusieurs lettres aux amis de Solomon avec les détails de son emplacement à Bayou Bœuf, dans l'espoir de gagner son secours. Bass prit de grands risques à titre personnel : dans le pays Bayou, il aurait pu se faire tuer si le secret avait été divulgué avant l'intervention des autorités.
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Message » 31 Juil 2014 12:24

Quelle sale histoire ! Les noirs libres n'étaient donc pas si bien intégrés que cela si l'on pouvait comploter comme ça dans leur dos. Quel get appen pour un homme si semblait heureux !
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Message » 31 Juil 2014 12:43

Bass, comme Keron l'a cité, est un Canadien, et l'esclavage avait été aboli au Canada depuis quelques décennies, sans avoir de toute façon revêtu la même importance socio-économique qu'aux États-Unis. C'est pour ça que Bass est "abolitionniste" : il ne comprend pas la raison d'être d'un tel système.

De façon générale, les États-Unis ont tendance à se cliver au delà du raisonnable sur des questions majeures de société : l'assurance-maladie, les armes à feu, l'alcool, et plus généralement les droits des états contre le gouvernement fédéral ou de l'exécutif (le Président) contre le législatif (le Congrès).
Ce qu'il y avait à l'époque du film, c'est deux cultures qui se comprenaient de moins en moins. Le Nord était passé à une économie industrielle reposant sur une main d'œuvre salariée, avec une croissance assez importante, avec par exemple le recours au chemin de fer pour le négoce. L'esclavage y avait existé (domestiques et servantes essentiellement), mais des sociétés philanthropiques avaient œuvré pour l'émancipation des esclaves.
À l'inverse, le Sud reposait essentiellement sur la monoculture du coton, et l'esclavage. Les saisons y avaient moins d'importance que dans le Nord, les gens avaient une autre conception du temps, fondée sur la permanence et l'immuabilité de certaines choses. Une société qui fonctionnait repliée sur elle-même, en dehors des échanges économiques avec le nord. Et, ça, ce temps qui s'écoule en filigrane, c'est extrêmement bien rendu dans le film.

Le mouvement abolitionniste gagnait en intensité dans les états du Nord, après notamment la parution de La Case de l'Oncle Tom. Et les gens voulaient la fin de l'esclavage dans les états du Sud, donc au niveau fédéral. Le Parti Démocrate et le Parti whig (qui était l'autre force politique de l'époque) parvenaient à obtenir chacun des majorités au moyen d'élus dans le Sud, ce qui impliquait de fermer les yeux sur la question de l'esclavage.
Toutefois, la question est régulièrement remise sur le tapis, notamment pour les territoires que les États-Unis étaient en train d'acquérir et qui allaient se constituer en états : il y avait une règle tacite qui était que pour chaque état "libre", on admettait aussi un autre état, où l'esclavage serait autorisé, histoire de maintenir une certaine parité au Congrès ou pour l'élection présidentielle. Une loi visant à interdire l'esclavage sur tout nouvel état avait été retoquée. Mais en 1850, il a fallu accorder le statut de nouvel état à la Californie, en pleine expansion suite à la ruée vers l'or, et c'était un état au sud de la ligne de partage traditionnelle. C'était toute la question des futurs états de l'ouest (et surtout du sud-ouest) qui se posait, autrement dit la "conquête de l'ouest" et la frontière. La Californie a été "autorisée" comme état mais en échange d'une coopération accrue des états nordistes pour traquer les esclaves fugitifs (le réseau de l'Underground Railroad, évoqué au passage dans Batman Begins), puis lors de l'acte Kansas-Nebraska, qui permettait aux électeurs de chaque état (des hommes blancs propriétaires d'esclaves pour les états du Sud) de voter sur la question de l'esclavage. Quand le Kansas s'est révélé tangent, des partisans de chaque camp ont foncé dans l'état pour s'y inscrire sur les listes électorales, et ça a tourné à l'émeute.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Compromis_de_1850
http://fr.wikipedia.org/wiki/Acte_Kansas-Nebraska

Du coup, le parti whig (pro-industriel) a implosé, devant ces compromis, et les éléments progressistes ont fondé avec des dissidents démocrates le Parti Républicain. Et la question a été alors celle de la survie des États-Unis sous la forme d'une République unique, tant les dissensions entre états du Nord et du Sud s'aggravaient.
Et le candidat élu du Parti Républicain, Lincoln, était un modéré, qui considérait que l'émancipation était le seul scénario viable à long terme, car sinon la République allait fatalement imploser. Ça n'était pas particulièrement un philanthrope rêvant d'une société intégrée sans barrière raciale. C'était un avocat extrêmement intelligent et persuasif qui voulait faire passer ce qui était pour lui le scénario du moindre mal, même si ça a déclenché la guerre de Sécession. Les autres scénarios étaient effectivement pires à ses yeux.

Après la Guerre, les Sudistes ont rejoint les rangs du parti démocrate. La question de l'esclavage et des droits civils était suffisamment grave à leurs yeux pour qu'ils votent comme un seul homme démocrates jusqu'à Kennedy, un siècle plus tard. Quand Martin Luther King a fait ressortir la question des droits civils et que Johnson, suite à des promesses encore vagues de Kennedy, a fait passer la loi sur la déségrégation, abolissant toutes les lois dites Jim Crow, ils ont basculé dans le camp républicain, où ils sont encore aujourd'hui.
Là aussi, c'est un point qui est extrêmement bien rendu dans le film. Encore aujourd'hui, les blancs du Sud ont une attitude qui repose sur la supériorité de l'homme blanc, au moyen même de la perversion des idéaux chrétiens. L'émancipation et les droits civils y sont toujours considérés comme une catastrophe (cf. le tableau délirant sur la Reconstruction de D.W. Griffith, descendant de Sudistes, dans Naissance d'une nation, alors que le reste de son œuvre était sinon sensible et tolérant). Le film montre notamment très bien la constitution de cette mentalité (ainsi que la résignation du côté noir).

Quant à Northup, on a perdu sa trace en 1857. On ne sait pas s'il est mort oublié, d'une cause naturelle, s'il est rentré dans la clandestinité pour faire passer d'autres esclaves vers le Nord, ou s'il a disparu, victime d'une vengeance pour ce qu'il représentait. Tout ce qu'on sait, c'est que sa disparition n'a causé aucun écho vraiment crédible.
Sledge Hammer
 
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