Fini LA Noire en 25h35 pour environ 75% du jeu. Il me reste la moitié des délits et j’ai manqué un journal. Ce sera pour plus tard.
A la manière de Heavy Rain l’année dernière, LA Noire est le jeu qui divise : pour certains, novateur, mature, remarquablement écrit, bluffant de réalisme (les visages), totalement immersif par son ambiance et son univers ; pour d’autres, répétitif, ennuyeux, vide, incohérent, lourd (le gameplay). LA Noire est un peu tout ça à la fois, si bien que je n’arrive à me résoudre ni à l’adorer ni à le descendre en flèche. Il faut le prendre avec ses qualités et ses défauts, son rythme à l’exact opposé des AAA actuels, sa petite musique d’enquête répétitive (brief, découverte de l’affaire, preuves, interrogatoires, actions – le tout dans un ordre immuable ou presque, éternellement recommencé), son refus du tape-à-l’œil et du clinquant (les dialogues secs, précis, sans l’esbroufe d’un produit Rockstar), son système d’interrogatoire qui sanctionne alors qu’on voudrait de la souplesse.
Et tout en admettant que pour certains les défauts pourraient bien apparaitre comme des qualités à d’autres : personnellement, j’ai aimé le rythme du jeu, sa construction, cette idée de faire un jeu lent, déceptif, en étalant les climax avec parcimonie (étonnant surtout pour un jeu à épisodes – qui suit le modèle de la série américaine). Et puis cette manière de raconter des fragments de vies brisées, par la mort, le meurtre, la jalousie, la tromperie, le mensonge. Chaque enquête révèle des morceaux de vie gâchée : une photo heureuse jaunie par le temps, une valise dans un coin, un sac de femme renversé, des lits séparés… Des indices dont le jeu ne fait rien mais qui compose un univers que le joueur doit recomposer : pourquoi ces hommes et femmes en sont-ils arrivés à cette situation extrême ?
Ces qualités aident à faire oublier des mécaniques de jeu souvent lourdes : poursuites à pied dignes des Rues de San Francisco, système de cover approximatif, poursuites en voitures qui se finissent trop souvent dans un Tramway bien à l’heure et corps à corps au timing si permissif que Derrick coucherait Tyson en deux coups. L’ensemble demeure dirigiste et assisté, et marque de grands pas de recul par rapport à RDR.
Sur la durée, le travail de la Team Bondi paye : l’histoire et les personnages sont cohérents, crédibles, bien amenés, sans clichés autres que ceux propres au polar. La reconstitution est minutieuse et la ville existe par elle-même sans qu’il soit nécessaire d’avoir des salles de muscu, des strip bars ou des billards à tous les coins de rue.
Spoiler : cliquer pour lireA la manière de Deer Hunter, de certains Eastwood ou de certains livres de Roth, LA Noire parle des traumatismes de la guerre, de la manière dont ses héros (mais le sont-ils vraiment ?) se reconstruisent ou sombrent dans la folie, incapables de supporter l’atrocité de leurs actes dans une Amérique qui change, gangrénée par la corruption et le crime local, face sombre d’un pays qui fait du rêve sa matière première.
Comme dans LA Confidential, LA Noire suit 3 personnages, Cole Phelps, Roy Earle et Jack Kelso (finalement le vrai héros du jeu) pour des archétypes de flics : le rigide qui cache un secret, le pourri prêt à tout et l’intransigeant un peu rebelle. La construction et la distribution des rôles sont habiles, entre flashbacks et intrigues parallèles pour finalement imposer Kelso comme la grande figure du jeu (le final après le générique est remarquable) et renvoyer Cole à ses propres démons. De façon maline, la Team Bondi impose au joueur Cole, sans charisme, rigide, carriériste, intransigeant quand la logique aurait suggéré Kelso, rebelle, à la fois relâché et dur. Pour le sortir habilement de sa manche à la toute fin, éclairant parfaitement les zones d’ombre de Cole.
Par contre, les faces sombres de LA sont moins réussis : Leland Monroe est très caricatural et Fontaine a du potentiel mais l’acteur en fait des tonnes, sans aucune profondeur, tout en surface entre folie et rictus trop visibles. Restent les beaux personnages perdus comme Elsa, la femme fatale allemande qui précipite l’adultère de Cole et donc sa disgrâce, Ira, le pyromane plongé dans une folie destructrice et biblique et Sheldon, dont on ne sait s’il vise le bien de ses anciens GI ou la part du gâteau.