Meep a écrit:Le sujet est extrêmement intéressant et le point de vue de João Ganho est selon moi fondamental.
Pour les non-anglophones il explique que les prises de son en studio sont de nos jours la plupart du temps gâchées par l'écoute de proximité causées par les enceintes de monitoring qui sont loin de nos écoutes à la maison (moins de 1,50m en studio face à 2 à 4 mètres chez soi).
De plus ces écoutes de proximité font qu'à de trés rares exceptions le mixage réalisé "rate" bcp de choses primordiales qui ensuite sont rattrapées artificiellement au mastering.
Le mastering n'est plus ce qu'il était, à la base c'était la cerise sur le gateau, le petit truc magique en plus qui permettait de finaliser l'enregistrement réalisé en beauté.
Maintenant c'est devenu une sorte de ravalement de façade, un pansement sur une jambe de bois.
Il évoque aussi d'où est née la mode du monitoring avec le Yamaha NS10, soi-disant une enceinte mythique que j'ai toujours personnellement détestée pour avoir un son trés mat, voire tristounet.
A la fin des années 70, Bob Clearmountain un des ingés sons en freelance itinérant à la mode décida de se dégotter une paire de mauvaises enceintes hifi, partant du postulat que si sa prise de son est bonne sur ces enceintes là, alors le son sera bon n'importe où ailleurs ensuite !
Bonjour à tous,
Intéressant en effet cet article.
Je suis ingénieur du son, je travaille en studio, majoritairement pour des musiques actuelles plus ou moins acoustiques (disons jazz bizarre
).
Je passe une bonne partie de mon temps à mixer dans mon studio de mixage. Or, je n'ai jamais supporté travailler ni réussi à produire quoi que ce soit de satisfaisant en écoutant à travers des enceintes dites "de proximité". Je suis venu à ce métier à travers l'écoute musicale en live et, chez moi, dans des conditions "audiophiles" (les enceintes loin de moi). Du coup, il me manque trop de choses en écoute de proximité (la profondeur et l'image stéréo en relief principalement) pour arriver à trouver mon confort.
J'utilise donc des enceintes hi-hi (des Duntech Princess aujourd'hui, que j'adore!), à environ 3,50m de moi.
Mais ce n'est pas le cas de la majorité de mes collègues. Ceux-ci ont en effet appris à bosser avec ces petits machins posés sur le bandeau de vu-mètre de la console, et n'ont la plupart du temps pas de système de qualité à la maison. Ils n'ont donc pas idée que ces paramètres de profondeur et relief existent, et mixent sur un plan. Ils ne peuvent également que difficilement gérer le niveau et la tenue du grave.
Mais pour moi, ce n'est pas le problème le plus grave. Cela n'empêche pas nombre d'entre eux de faire du travail correct. Le problème vient bien plus du niveau sonore qu'un disque (même de jazz) se doit d'avoir aujourd'hui ! Et si certains mixeurs se sont laissé entrainer vers la production de mixage de plus en plus tassés et optimisés pour le niveau final (en laissant moins de crêtes sur la batterie et en la mettant moins fort dans le mix par exemple), c'est tout de même au mastering que l'opération la plus forte de massacre de la dynamique a le plus souvent lieu.
Pour preuve, écoutez les disques de stars de la pop et du rock des années 80, et comparez à leurs albums d'aujourd'hui. Il est pratiquement devenu impossible d'écouter en entier ces derniers, tellement le son est écrasé et écrêté. Pourtant, ils ont souvent été enregistrés et mixés de façon assez proche que ceux des années 80, les effets de mode (réverbes, etc.) mis à part. A l'époque déjà, on utilisait la compression de bande pour donner une couleur et du punch aux sons de basse/batterie, puis des compresseurs au mixage, mais pas dans le but de "faire plus fort".
Exemple flagrant : Metallica (comparez le Black album et Death Magnetic !
)
La différence la plus importante entre les deux, pour moi, c'est le niveau subjectif. Or Rick Rubin (producteur de Death Magnetic) est devenu complètement malade du niveau sonore : essayez d'écouter les albums de Johnny Cash qu'il a produit, même sur un piano/voix, c'est insoutenable !
Pour Metallica, ils ont eu beau avoir accès aux plus grands et aux mieux équipés des studios, ils ont tout saccagé pour obtenir un niveau sonore débilement élevé...
Mais écoutez ensuite un album comme "The Incident" (2009) de Porcupine Tree, et vous trouverez un son moderne vraiment rock, mais avec une super dynamique, de l'air. Vous pourrez l'écouter super fort, cela ne vous posera pas de problème.
Donc il reste quelques gaulois qui résistent, et j'ai l'impression que, doucement mais sûrement, nous revenons vers des choses plus raisonnables de ce point de vue, même si c'est loin d'être suffisant de mon modeste point de vue.