Vu
Le Havre d'Aki Kaurismaki en blu-ray
Résumé : Marcel Marx, ex-écrivain et bohème renommé, s’est exilé volontairement dans la ville portuaire du Havre où son métier honorable mais non rémunérateur de cireur de chaussures lui donne le sentiment d’être plus proche du peuple en le servant. Il a fait le deuil de son ambition littéraire et mène une vie satisfaisante dans le triangle constitué par le bistrot du coin, son travail et sa femme Arletty, quand le destin met brusquement sur son chemin un enfant immigré originaire d’Afrique noire. Je fais rarement l’éloge d’un film que je n’ai pas apprécié. Le Havre me met dans cette position relativement inconfortable. Première chose : on est ou pas sensible à la petite musique de Kaurismaki. Je ne le suis pas. Sa direction d’acteurs, sa poésie emprunte de fatalisme, de mélancolie et son humanisme ne me touchent pas. Je suis resté en dehors du film, malheureusement (notamment les scènes entre Marcel et sa femme, malade). C’est admirablement surjoué mais je ne comprends pas la raison ou l’intérêt cinématographique de ce décalage.
Le Havre est un conte où les bons côtés de l’être humain sont mis en avant face à la cruauté et à la brutalité du monde. C’est la force principale du film : parler d’un sujet sérieux et grave (proche de celui de Welcome de Lioret) sans perdre de vue l’absurdité tragi-comique du monde. Le sens du détail de Kaurismaki (dans les décors ou les costumes) et son cadrage au scalpel font mouche et peignent Le Havre au carrefour de multiples époques (des années 2000 – Sangatte, l’euro – aux années 50 voire bien avant – musiques, lieux…). Surtout, c’est autant la France de Sarkozy que celle de l’Occupation qui défilent de nos yeux, habilement déguisées derrière le conte. Kaurismaki fait preuve d’une finesse remarquable, sans virer à la démagogie (ce que n’évitait pas Welcome, malgré sa force émotive) pour faire se rencontrer les deux situations. On cache et on dénonce un enfant noir comme on le fit pour un enfant juif.
Le Havre impose, avec grâce parfois, sa mélancolie et son allégresse chaplinesques, porté par un André Wilms qui joue un candide pas si dupe, un humaniste résignée. Et puisque c’est un conte, et comme le chantaient les Beatles, à la fin, le bien que l’on fait est égal au bien que l’on reçoit. Un final un peu trouble d’ailleurs où le cerisier remplace l’étrange couple d’oiseaux du Blue Velvet de Lynch. Deux musiques différentes : je reste insensible à celle de Kaurismaki.
Nuits noires (Beneath the Darkness) de Martin Guigui :
