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Films (débats, critiques), personnalités (acteurs, réalisateurs), prochaines sorties, les salles, la presse spécialisée...

(La) Vie d'Adèle. (Palme d'or 2013)

Message » 20 Oct 2013 19:51

J'vous dirai ça dans quelques mois, qualité dvd, ça suffira. :mdr:
Arsenic
 
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Message » 20 Oct 2013 21:57

Arsenic a écrit:J'vous dirai ça dans quelques mois, qualité dvd, ça suffira. :mdr:


C'est dommage, à nouveau, la photo est magnifique. De nombreux plans m'ont fait pensé à du Malick + Lubezki. Ca abuse un chouia du contre-jour, mais c'est beau comme tout.
tenia54
 
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Message » 20 Oct 2013 21:59

T'inquiètes je déconne. Je le regarderai comme je regarde tout, dans la meilleure qualité possible ;)
Arsenic
 
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Message » 21 Oct 2013 9:06

Le film d’après ce que j'ai lu,raconte surtout un amour entre une fille d'une condition sociale modeste avec une femme d'origine bourgeoise,et cette dernière par sa condition est incapable d'aimer une "prolo" car elle lui fera toujours sentir sa différence
jhudson
 
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Message » 21 Oct 2013 13:40

jhudson a écrit:Le film d’après ce que j'ai lu, raconte surtout un amour entre une fille d'une condition sociale modeste avec une femme d'origine bourgeoise,et cette dernière par sa condition est incapable d'aimer une "prolo" car elle lui fera toujours sentir sa différence


Oui mais non. Y a quelques clichés là dessus, la prolo qui ne comprend pas les discussions sur les peintres dont la bobo parle avec ses potes bobos, mais ayant moi même connus ça avec d'autres prolos, c'est pas une question de classes sociales du tout, juste une question de choc des cultures. Le même choc existe entre Adèle et son 1er mec, tous deux du même cercle social.

C'est une grosse erreur de penser que le film fait cette opposition, parce qu'honnêtement, c'est une composante ultra limitée du film. Ca pourra en gêner certains, parce que c'est clair que c'est pas amené avec finesse (le vernissage à la fin, heureusement que c'est un point de détail, parce que les lieux communs "je vois l'opposition du bleu et du rouge, l'ancienne et la nouvelle Emma"... :roll: ), mais c'est tout à fait anecdotique et pas du tout, mais alors pas du tout le coeur du film, qui est quelque chose d'autrement plus simple que ça.

A nouveau, c'est une tranche de vie. Rétrospectivement, c'est un peu de l'infra ordinaire à la Ozu. Le temps qui passe, avec une poignée d'éléments quelconques en globalité mais marquants sur l'échelle d'une personne.

C'est pour ça que je pense le film comme particulièrement touchant, parce qu'il touche à cela, au vécu, à la réalité de la déception amoureuse, de la dureté de voir l'être aimé évoluer dans une sphère qui n'est pas vraiment la nôtre et de laquelle on se sent à l'écart.
tenia54
 
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Message » 21 Oct 2013 13:58

tenia54 a écrit:Pour autant donc, derrière un film très fluide (on pourrait appréhender le parpaing de 3h, mais non, ça passe presque tout seul), il y a aussi des actrices avec un charme plus ou moins relatif. Si Adèle Exarchopoulos est clairement formidable, avec un charisme, un naturel et un magnétisme impressionnant, Léa Seydoux impressionne beaucoup moins, et semble comme trop sûre d'elle, et au final, son jeu semble forcé à côté de celui d'Exarchopoulos.

A nouveau, c'est une tranche de vie. Rétrospectivement, c'est un peu de l'infra ordinaire à la Ozu. Le temps qui passe, avec une poignée d'éléments quelconques en globalité mais marquants sur l'échelle d'une personne.


Ce que tu dis sur le jeu de Léa Seydoux semble confirmer la déclaration de Kechiche : qu'il a eu du mal a avoir ce qu'il voulait d'elle et pensait sérieusement a la remplacer


Chez Ozu tout se passe dans une tranquillité apparente ,et les drames ne sont jamais vraiment montrés, toujours sous entendus ,c'est la raison que la camera n'a pas besoin de bouger
(il y a 2 des ses films qui sortent en blu ray,en passant)
jhudson
 
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Message » 21 Oct 2013 17:20

jhudson a écrit:Ce que tu dis sur le jeu de Léa Seydoux semble confirmer la déclaration de Kechiche : qu'il a eu du mal a avoir ce qu'il voulait d'elle et pensait sérieusement a la remplacer


Je ne sais pas s'il fallait aller jusqu'à la remplacer, mais c'est clair que celle qui illumine le film, c'est Exarchopoulos. Il est possible que simplement, en face d'elle, n'importe quelle actrice générerait la même sensation.

jhudson a écrit:Chez Ozu tout se passe dans une tranquillité apparente, et les drames ne sont jamais vraiment montrés, toujours sous entendus, c'est la raison que la camera n'a pas besoin de bouger (il y a 2 des ses films qui sortent en blu ray,en passant)


Et vous aurez au moins 1 des 2 à lire dans l'hebdo et le 2e en test BR seulement sur le forum. :wink:

Maintenant, non, les drames sont montrés dans Ozu, pas toujours plein cadre, mais c'est jamais ellipsés. La solitude, les pleurs, la difficulté de communication, c'est en plein dedans, et c'est particulièrement apparent dans la plupart de ces films. Quand la grand mère meurt, quand le fils déçoit, quand la fille part, tu te le prends en pleine tronche, avec les gens seuls, les gens qui pleurent, les regrets, etc. Même quand tu pars sur des films moins connus comme ses films de gangsters, ça me semble être un mythe que de penser qu'il se détourne du drame.

Quant au fait de ne pas faire bouger la caméra, il y a aussi 2 raisons techniques à cela : la 1ere, c'est qu'Ozu a toujours été quelqu'un d'assez rétrograde dans sa manière de réaliser. Il s'est converti au parlant tard, puis à la couleurs tout aussi tard. Mais aussi, c'est le fait que les éclairages étaient disposés de telle manière qu'il devait positionner assez bas sa caméra. Les 2 cumulés, quand on lui a demandé de bouger la caméra pour dynamiser le tout, il a été de bonne volonté en faisant un essai avec et sans mouvement, avant de dire "Vous voyez, c'est la même chose !".

Pour moi, c'est juste une manière de dépouiller le film de tout apparat. Il n'y aurait qu'un pas à franchir pour qualifier ça de facilité, mais je pense simplement que c'est quelque chose qui ne l'intéressait pas. Pour lui, le cinéma, ce n'était pas tant l'image que les acteurs, et ça se voit particulièrement dans Le fils unique, son 1er parlant, où on ne peut pas dire que l'utilisation des dialogues paraissent la plus maîtrisée qu'il soit. :mdr:

Maintenant, pour autant, pour avoir revu Voyage à Tokyo jeudi soir et Le fils unique hier soir, pour moi, il subsiste un lien avec La vie d'Adèle dans le traitement des évènements, d'avoir un film qui coule comme une rivière tranquille. Et puis, cette sensation d'apaisement, de flottement.
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Message » 22 Oct 2013 12:24

Je voulais dire que chez OZU on n'est jamais dans le pathos, il en fait le minimum plutôt rare au cinema ,mais ça viens de la culture nippone de ne pas étaler ses émotions au grand jour, donc elle est bien réelle cette réserve !

Si sa camera fixe était toujours a la méme hauteur,ca viens aussi surtout de la composition de ses plans,si la caméra bouge un peu on la perd cette composition ,le cinema japonais est reconnu a cause de la rigueur de sa réalisation.
Quand il a fait son premier film en couleur (ou un de ses premiers ),il faut voit comment il l'utilisait dans les scénes de repas par exemple, avec des verres remplis de divers boisson de couleur différentes et bien alignés ,ça m'avait marqué en voyant le film !

Mais je dois dire ça fait un moment que je n'ai pas revu un de ses films ,j'attendais les versions HD
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Message » 22 Oct 2013 13:19

tenia54 a écrit:
A nouveau, c'est une tranche de vie. Rétrospectivement, c'est un peu de l'infra ordinaire à la Ozu. Le temps qui passe, avec une poignée d'éléments quelconques en globalité mais marquants sur l'échelle d'une personne.


Ozu, je sais pas, mais ce que tu décris (j'ai pas encore vu le film) va très bien à la graine et le mulet, son précédent opus.

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Message » 30 Oct 2013 19:16

Apparemment la polémique est loin d’être fini,Kechiche est entrain de se faire plein d'amis ,il accuse cette fois Le Monde ,ca montre sa mégalomanie parano !! :hehe:

http://www.telerama.fr/cinema/la-vie-d- ... 104185.php

A croire que c'est le seul réalisateur avoir une certaine presse contre lui,mais d'autres réalisateurs ont eu bien pire sans pouvoir faire grand chose .

Les critiques de cinema c'est bien connu aiment bien descendre certains réalisateurs ,mais par contre ils n’apprécient pas du tout qu'on les critique en retours

Aprés on s'étonne que le film suivant de tel réalisateur est moins bien,mais ça viens souvent qu'ils se sont restreins pour éviter d'avoir la critique sur le dos

Et il y a les réalisateurs quoiqu'ils fassent un gros navet ou un bon film ,seront toujours encensés ,il n'y a pas pire car ces réalisateurs finissent par croire qu'ils sont des génies, bénis des dieux !
jhudson
 
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Message » 01 Nov 2013 12:30

Sa tribune a au moins le mérite de montrer une chose : il sait écrire et se défendre et il le fait avec une érudition manifeste :

http://www.rue89.com/rue89-culture/2013 ... ele-246826
Dernière édition par Emmanuel Piat le 01 Nov 2013 12:59, édité 1 fois.
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Message » 01 Nov 2013 12:59

J'ai vu la vie d'Adèle hier soir.

La composition des plans et la photo sont vraiment superbes. La caméra de Kechiche semble amoureuse d'Adèle Exarchopoulos. Chaque image la sublime et cette actrice, absolument incroyable dans ce film, semble avoir un potentiel que bien peu d'actrices avaient au même âge. Lea Seydoux donne l'illusion d'être complètement monolithique en comparaison.

Malgré ses qualités manifestes en terme de mise en scène et les remarquables compositions d'atmosphères, le film m'a parfois semblé trop long, notamment à partir des deux tiers, avec des plans qui s'étirent inutilement, voir des rajouts qui n'apportent rien. Les scènes de sexe, très crues, n'apportent également pas grand choses et elles auraient sous doute gagnées à être offertes en images flash pour simplement illustrer la passions de ces deux femmes. Je pense qu'il manque aussi bcp de tendresse charnelle féminine dans ce film. Des amies femmes qui l'ont vu m'ont dit que Kechiche n'avait rien compris à l'amour féminin... Et je pense qu'effectivement Kechiche en se focalisant uniqt sur la performance sexuelle et pas la tendresse a oublié beaucoup de choses. J'ai également trouvé la rupture entre la vie lycéenne d'Adèle et sa vie professionnelle extrêmement brutale et laissant en suspens tous les problèmes relationnels qu'Adèle voit se profiler devant elle suite à la découverte de son homosexualité. Le milieu du lycée est brutal, Kechiche insiste sur ce point, mais il décide aussitôt après de l'éluder en faisant un saut dans le temps, ce qui m'a à mon tour frustré... La scène de la rupture m'a aussi semblé mal jouée par Léa Seydoux qui semble ne rien éprouver d'autre qu'une colère forcée. La scène du dîner avec les parents d'Adèle est aussi très caricaturale... Malgré ses réserves ou défauts, la vie d'Adèle est indéniablement un beau film si on le prend dans sa globalité. Et Adèle Exarchopoulos y est proprement vertigineuse.
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Message » 01 Nov 2013 13:45

Je n'ai vu qu'un film de lui dont je me souviens bien, la Venus noire

Si les titres me disent quelques choses, je ne me souviens plus si je les ai vu ou non !

-2003 L'esquive
-2000 La faute à Voltaire

Et voir ce film était une vraie expérience qu'on a rarement au cinema,car ce film ne ressemble a rien de connu ,c'est sur qu'il laisse durer les plans ce qui amène parfois le malaise voulu ,ou la signification de telle scéne ,la ou d'autres réalisateur choisiraient la facilité en étant lourdement explicatif,enfin pour les rares qu'ils font un cinema qui a quelque chose a dire !

L'histoire de la Graine et du mulet ne m'ayant pas trop attiré ,je l'avais zappé , j'ai peut être eu tord
jhudson
 
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Message » 01 Nov 2013 16:49

Il faudrait que Kechiche apprenne que dans la grammaire cinématographique, il y a autre chose que le gros plan.

Je comprends partiellement le choix esthétique du réalisateur. Adèle n'a pas de recul, n'a pas de vision surplombante et totalisante, du coup les scènes sont représentées avec le "regard" d'Adèle, avec des cadres serrés et des focales moyennes. Ça m'a rappelé Elephant de Gus Van Sant au niveau du choix, sauf que Van Sant alternait entre plusieurs personnages et laissait quelques plans d'ensemble. Là, ça manque de respiration, et, surtout, le parti-pris systématique donne une impression de surplace, là où il aurait peut-être fallu un peu ouvrir le cadre dans les dernières minutes (l'héroïne aura droit dans sa vie à des chapitres supplémentaires…). Ça marche en revanche à fond dans deux scènes, celle du pique-nique au bord du canal au début et celle du salon de thé à la fin, où les deux femmes ne se soucient guère des autres personnes dans la pièce.

Ma réserve principale est que ça ressemble parfois trop à un film de promotion pour le travail du dentiste des deux actrices principales, vu le nombre d'images (et de prises de son) centrées sur la bouche des deux protagonistes. Résumé du film :

Intérieur, soir, l'appartement d'Adèle.
Gros plan sur la bouche d'Adèle en train de manger des spaghettis
MÈRE D'ADÈLE (off) : Alors, ça s'est passé comment l'école aujourd'hui ?
ADÈLE (petits bouts de viande au coin des lèvres) : Slurp, slurp (elle termine de mâcher sa bouchée). Très bien, m'man. Dis papa, ils sont excellents, tes spaghettis.
PÈRE (off) : Merci, Adèle, de rappeler que je prépare à chaque repas un plat qui nous associe subtilement à un milieu modeste, ici les spaghettis, auxquels il faut faire très attention parce qu'ils sont symboliques dans le film.
ADÈLE : Dans La Vie de Marianne, c'est curieux, Marianne n'est jamais décrite en train de manger.
MÈRE : Tu sais, Adèle, si Marivaux avait écrit plus de pages sur les habitudes alimentaires, il aurait fait un bien meilleur auteur.

Intérieur, nuit, un bar fréquenté par la communauté lesbienne de Lille
Gros plan sur le visage de Léa, avec quelques cheveux bleus dans le cadre et un verre de bière aux lèvres
LÉA : Glou, glou, glou… Comment tu peux être venue ici par hasard ?
Contrechamp sur la bouche d'Adèle, avec quelques bouts de popcorn coincés entre les dents, qui essaye de les déloger avec la langue.
ADÈLE : J'te dis, j'étais avec des copains, et puis j'ai voulu sortir prendre un peu l'air, genre, tu vois quoi, et là j'ai vu un autre bar et je suis rentrée. (Elle porte son verre à ses lèvres, boit et déglutit fortement) Rien de plus.

Extérieur, jour, un parc au bord d'un canal
Adèle et Léa sont allongées sur l'herbe entre la promenade et le canal. Elles se regardent dans le blanc des dents en mangeant des lambeaux de jambon sorties d'un paquet Fleury Michon. Mèche de cheveux qui tombe sur le visage d'Adèle. Scène tournée en gros plan et champ-contrechamp.
ADÈLE : Tu manges pas la croûte, toi ?
LÉA : Non, je mange pas la croûte. Pourquoi ?
ADÈLE : Parce que moi je mange la croûte. Je mange de tout. Tu verras, j'suis pas une fille difficile, y a qu'avec les fruits de mer que j'ai du mal, surtout les huîtres.
LÉA : Bah, moi je vais te dire que j'aime beaucoup les huîtres et pas uniquement à titre alimentaire, parce que je suis une lesbienne et que je fais de l'humour.
ADÈLE : Attends, moi, je peux faire une blague sur le fait que tu es peintre et que tu n'aimes pas les croûtes ?
LÉA : Non, parce qu'il y a de l'humour compatible avec la Palme d'Or et de l'humour incompatible avec la Palme d'Or. Là, tu fais de l'humour incompatible.

Intérieur, soir, la maison des parents de Léa
Adèle et Léa viennent d'arriver et ses parents l'accueillent avant de se mettre à table.
BEAU-PÈRE DE LÉA : …bla bla… je suis un intello qui parle de choses intelligentes… bla bla… Réflexion sur un tableau… Bla bla… Léa m'a beaucoup parlé de vous et on vous a donc préparé tout spécialement des huîtres de chez le meilleur traiteur de toute la région de Lille. Et que ça m'a demandé un effort pour trouver un vin assorti, surtout que vous ne devez rien y connaître en œnologie, ou même pour trouver des huîtres, ce qui était débile de ma part, vu qu'on est pas dans un mois en R…
MÈRE DE LÉA : On a même pensé à prendre du Gros-Plant, mais ça aurait été trop explicite sur les partis-pris de cadrage du film…
BEAU-PÈRE : Enfin bon, je vais vous faire sentir votre sentiment d'infériorité sur le plan culturel, surtout quand vous allez nous dire que vous voulez être instit de maternelle. (sourire faussement innocent, aux contours machiavéliques) Alors, vous en pensez quoi de ce vin ?
ADÈLE (buvant une gorgée avec un gros plan sur son cou) : Il est bon, et il va bien avec les huîtres que je vais me sentir obligée de prendre pour que votre domination culturelle.
MÈRE DE LÉA : Ah bon ? On a fait exprès de vous servir du rouge pour démasquer l'inculte que vous êtes…

Intérieur, soir, la maison des parents d'Adèle
Léa est à son tour invitée par les parents d'Adèle, qui ne se doutent de rien les concernant. Ils sont tous les quatre à table, autour d'un grand plat de spaghettis à la bolognaise. Cadrage en gros plans.
PÈRE D'ADÈLE : Vu que vous lui donnez des conseils de philo et que je suis un prolo, je vous ai donc préparé des spaghettis que nous allons tous manger avec de très gros plans sur nos bouches en me ridiculisant en plus à vos yeux parce que malgré vos regards et vos sourires chargés de sens, les prolos n'ont généralement aucune notion de l'homosexualité, notamment féminine. Je vais donc vous demander quand est-ce que vous allez épouser votre copain histoire d'être entretenue et de pouvoir peindre, gros Jean comme devant (mais sinon très sympathique) que je suis…
LÉA (mâchant des spaghettis) : Merci de me faire sentir ma supériorité culturelle à nouveau.

Extérieur, jour, la garden party pour la pendaison de crémaillère de Léa et Adèle
Adèle et Léa sont encore seules. Léa a arrêté de se teindre les cheveux. Gros plans sur leurs dents.
LÉA : Écoute, Adèle, j'ai besoin que tu ressentes aujourd'hui ton infériorité culturelle vis à vis de tout le monde. Que peut-on faire ?
ADÈLE : Je peux préparer des spaghettis…
LÉA : Très bonne idée ! Je suis sûr qu'il doit y avoir un ou deux spectateurs dans le public, peut-être le type qui n'est venu là que pour se rincer l'œil mais qui n'ose pas partir depuis la fin des scènes de sexe de peur de passer pour un simple mateur, qui n'ont pas encore compris la symbolique des spaghettis dans le film. Mais il faudrait en faire plus…
ADÈLE : De spaghettis ?
LÉA : Non… non, il faut trouver autre chose pour que l'écart soit encore plus flagrant. Bon, j'ai invité plein d'amis.
ADÈLE : C'est parfait, parce que je ne vais inviter aucun ami, parce que je n'ai pas envie qu'ils sachent que je suis lesbienne même si ça fait trois ans qu'on est en couple, et que comme je n'ai pas rencontré tes amis, je vais être fatalement humiliée par les gens que tu fréquentes.
LÉA : T'es trop géniale, je t'adore.

Extérieur, jour, la garden party
Les invités sont arrivés et, comme prévu, les amis de Léa dominent la conversation dans le mixage et les rapports de classe. Cadrage en gros plans
AMI 1 : C'est très intéressant d'avoir préparé les spaghettis. J'ai lu dans un essai passionnant consacré au comique d'Aldo Maccione que les spaghettis participent aussi à la symbolique de la castration causée par le complexe d'Œdipe. Tenez-vous bien, ce sont des pâtes dures qui, plongées dans l'eau salée - l'eau de mer/mère, le liquide amniotique si vous préférez - deviennent molles. Adèle, je suis sûr que t'ignores ce que c'est que le liquide amniotique, non ?
ADÈLE (avec un air particulièrement cloches) : Écoute, déjà, j'écoute pas vraiment du Miotik.
(Sourires condescendants de la part de l'assemblée)
AMIS DIVERS : …chose intelligente sur l'Art contemporain… Adèle qui n'est bonne qu'à préparer des spaghettis à la bolognaise… Tirésias… Vous savez que dans "bolognaise", il y a "niaise"… Voilà à quoi ça sert d'avoir fait Bac +6, à ça et à apprécier Loulou de Pabst qui est projeté sur un drap à côté…

Intérieur, soir, le salon d'Adèle et de Léa
Adèle est seule et tracassée. Elle compose un numéro.
ADÈLE (à elle-même, en composant le numéro puis en attendant qu'on lui réponde) Mais où est-elle ? Mais où peut-elle bien être ? (à son interlocuteur au téléphone) Allô ? Bouygues Télécom ? Écoutez, je voudrais savoir quand est-ce que vous allez enfin me rendre mon portable. Ça fait cinq ans qu'il est en réparation chez vous et que je suis obligée de passer par un fixe.

Intérieur, soir, la cuisine de l'appartement d'Adèle
Adèle et Léa ont rompu depuis quelques semaines. Adèle est en larmes, les cheveux en bataille et trempés, le visage affreusement déformé par les convulsions, mais les dents toujours impeccables. Elle extrait du buffet une bouteille de vin rouge. Elle la pose sur le plan de travail parce qu'elle cherche en fait autre chose dans le buffet. Elle revient avec un paquet de spaghettis Barilla (le film a été tourné avant les propos homophobes du PDG de l'entreprise). Elle dépose le paquet sur la table de la cuisine. Toujours en larmes, elle sort du frigo de la viande hachée et du coulis de tomates, qu'elle pose à leur tour sur la table.
Adèle toujours abattue et en pleurs s'affale sur la chaise et enfourne dans bouche une poignée de viande hachée crue. L'autre main a saisi des spaghettis qu'elle met ensuite en bouche et mâche avec de gros craquements.

Intérieur, jour, le vernissage de l'exposition de Léa.
Cadrages en gros plan. Les amis de la garden-party sont revenus. Adèle porte une robe bleue, histoire de souligner la symbolique du film. On entend le brouhaha de l'assistance.
ASSISTANCE : …petits fours contre spaghettis… Bleu contre rouge… Mais moi, je suis daltonienne… Nous sommes homos dans l'assistance, donc nous devons parler uniquement de sujets homosexuels, comme tous les vrais homosexuels le font… Évidemment, Bob Dylan a sorti des choses plus fulgurantes sur la fin d'une liaison dans des chansons de quatre minutes…
Adèle semble étouffer dans cette ambiance. Le fait de voir Léa avec sa nouvelle compagne la met mal à l'aise. Elle boit deux gorgées de champagne (prise de son très en avant dans le mixage Dolby Atmos)

Extérieur, jour, devant la galerie
Adèle, gênée par ce monde, est sortie, ce qui lui permet de fumer une cigarette. Elle jette un coup d'œil à l'exposition, et voit encore une fois Léa séparée désormais d'elle par une vitre, les bruits de la conversation lui parvenant désormais étouffés.
Elle décide de s'éloigner. Ses mains commencent à trembler. Elle est en manque. Elle ouvre son sac à main. Un paquet de cigarettes en tombe. Elle continue à marcher. Elle furète toujours dans son sac à main et en extrait des spaghettis qu'elle saisit à pleine main pour les avaler aussitôt. Le calme revient aussitôt sur son visage.

FIN
Sledge Hammer
 
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Message » 01 Nov 2013 19:11

Perso, le film m'a vraiment donné faim à certains moments. Et j'adore les spaghettis :grad: . Pour redevenir plus sérieux j'ai eu un peu le mal de mer au tout début à cause des gros plans et d'une caméra trop mobile. Ensuite j'ai adhéré. Filmer en gros plan est un exercice très difficile. Je n'avais pas adhéré aux gros plans systématiques sur le visage de Duris dans l'homme qui voulait vivre sa vie. J'avais trouvé ça lourd. Alors qu'ici, j'ai trouvé la caméra inquisitrice de Kechiche parfaitement justifiée et très inspirée dans sa retranscription des émotions au plus près. Là ou j'adhère moins, c'est dans le discours de Kechiche qui peut vite paraître pseudo intello et artificiel. Le discours ne colle pas tjrs sur la réalité sociale des images et semble vite professoral (alors que ça fonctionnait très bien dans l'esquive)...
Emmanuel Piat
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