Test HCFR Focal Clear, casque audio

Test HCFR Focal Clear, casque audio

Le Clear, c’est clair, éclaire l’écoute en un éclair

Si le Clear ne laisse rien à désirer sur le plan de son ergonomie et des accessoires avec lesquels il est livré, qui le rende directement utilisable et prêt à l’emploi sur quasiment tous les terrains, vient ensuite l’épineuse question du tarif, qui est élevé: 1500€ soit environ 1,3 mois de SMIC. Il y a “mieux”, comme on dit, mais il y a surtout “pire”, du moins en termes de montants compensatoires corrigés des variations saisonnières. Cher, donc, mais “pas entièrement inaccessible”. À quoi s’ajoute que les caractéristiques techniques permettent d’anticiper la possibilité d’utiliser la première prise casque venue – ou presque – ce qui, d’ailleurs, se vérifie. Smartphone de tous les jours (j’ai essayé en écoutant qobuz sur le mien) ; DAP préféré qu’on emmène en balade (j’ai essayé sur mon petit iBasso DX50) ; prise casque de son bon vieil intégré vintage (mon petit Revox A78 et un bon vieux tuner branché dessus) ; ou un ampli casque de tarif très abordable, depuis le petit K214-V2 proposé par Audiophonics (orienté basse impédance et qui conviendra ici), jusqu’aux Amity HPA-9 et Lake People G103: il n’y a que l’embarras du choix.

 

On me dira qu’on “peut trouver mieux”, mais, au risque d’agacer, ce qui n’est pas mon but, je redis que l’idée suivant laquelle un casque “de ce prix” devrait obligatoirement être associé à un ampli “du même niveau” (sous entendu de prix) relève en partie d’un mélange de légende urbaine et de propagande marketing. Loin de moi l’idée de critiquer ceux qui achètent des amplis hors de prix: j’en ai moi-même acheté un qui n’est pas donné et en plus, j’ai prémédité la chose pendant plusieurs années (ce qui dit bien le vice inhérent à la chose). Mais c’est sans compter que le Clear n’est pas le casque le plus difficile de la création, tant s’en faut. Vu la sensibilité, 1 “vrai watt” sera déjà démesuré et le “plus” qu’on obtiendra de façon tout à fait réelle oscillera entre “petit” et “moins petit”. Et il se paiera un montant qui n’est absolument pas rationnellement proportionnel à l’écart entendu – et réciproquement. C’est donc un choix passionnel et au coup de cœur, et non une décision à la fois objective et “démontrable”, qui n‘a rien d’obligatoire et qui n’enlève rien à celle de qui resterait “raisonnable”.

Si le casque est excellent, ce qui est le cas du Clear, on peut envisager, si l’on est jusqu’au-boutiste, l’achat d’un ampli casque plus coûteux (et là, il n’y a, comme on sait, aucune limite: et si l’ampli n’est pas assez cher, on peut toujours faire un don à une œuvre caritative). Alors que, dans le cas inverse, si le casque est moyen ou médiocre, l’ampli le plus cher du monde n’y changera rien, quelle que soit son excellence. On peut, mais ça ne veut pas dire qu’on doit. Avec les quelques exemples d’amplis que j’ai indiqués, il y a de quoi se faire un système de très haut de gamme, certes coûteux, mais qui fera beaucoup de musique durant de très longues années pour le plus grand plaisir de son propriétaire.

 

Quoi qu’il en soit, j’avais pu longuement essayer l’Utopia et l’Elear, le premier m’ayant paru certes proposer une écoute de grande qualité, mais qui n’est pas du tout ma tasse de thé, le haut médium et l’aigu me semblant, pour spectaculaires qu’ils soient, trop mis en avant (hé oui, c’est comme ça), et le second m’ayant nettement plus convenu, même si, dans l’absolu je lui avais trouvé un petit manque d’aération. Ayant pu brièvement les réécouter il y a peu, en compagnie du Clear, même si les conditions n’étaient pas optimales, je m’étais dit que le petit dernier avait l’air aussi plaisant qu’intéressant. Vu le niveau d’excellence auquel on se situe avec ce casque, je n’ai exclu aucune des comparaisons que je pouvais faire, tant avec des modèles encore en vente (libre) et que j’aime bien, comme le HD800, ou l’Ergo AMT, ou le Kennerton Odin, qu’avec d’autres, plus anciens et qui se trouvent sur le marché de l’occasion, comme l’AKG K1000, ou le Float électrostatique. Car, non seulement ce qui a été bon un jour reste bon toujours, mais, qui plus, s’il est vrai qu’on trouve de nos jours des électrodynamiques et des orthodynamiques pourvus de qualités inconnues il y a 20 ou 30 ans, c’est justement la comparaison qui permet de se faire une idée des progrès accomplis (pour mémoire, il coûte actuellement deux fois le tarif d’un AKG K340 d’il y a 40 ans, inflation comprise).

Je remercie donc l’équipe de Focal qui nous a donné la possibilité de réaliser cet essai, plus qu’intéressant, et me confirme que le Clear est un casque qui mérite que l’on s’y intéresse de près.

 

Un mot, pour achever ces préliminaires, sur le système sur lequel j’ai fait les quelques essais et comparaisons qui suivent. Les sources sont un tuner Yamaha T-1, un lecteur de CD-SACD Yamaha CD-S2000 et un streamer Pioneer N30, qui sont reliés aux entrées d’un DAC MSB Link3, lequel alimente un AudioValve RKV-III Ivory (le tout agrémenté de quelques casques, ainsi que d’un Ergo Tube Amplifier chargé de faire chanter un Float électrostatique). De l’autre côté, un tuner Yamaha T-2, un TD Well Tempered + Zyx R100 + AudioLabor Fein et, en source principale, un MacMini relié, par une interface Stello, à l’entrée AES-EBU d’un Wyred4Sound DAC-2, qui alimente un Audio-GD Phœnix.

Mais passons (à) un peu de musique avec, pour commencer, l’album de Fabio Biondi et l’ensemble Europe Galante Vivaldi: Les Quatre Saisons, qui contient aussi le Concerto en Do M. et le Concerto pour archets “Conca” (CD Opus 111 de 1999, reparu depuis; voir aussi le coffret de Concertos de Vivaldi, avec entre autres interprètes le même, chez Erato-Warner sorti au printemps passé pour 22€). J’ai écouté le Concerto en Do M. L’enregistrement est un peu brillant de lui-même, du moins l’ai-je toujours entendu ainsi sur tous les systèmes casques ou autres que j’ai pu croiser. Avec le Clear, le premier violon est bien net, chantant et incisif sans être agressif, et l’ensemble est propre et précis, donnant une impression d’aisance et de naturel. Certes, je suis difficile, de manière quasi névrotique, sur la manière dont les casques reproduisent une certaine zone, en particulier le haut médium. En gros: jamais content, c’est trop ou trop peu. Avec l’Utopia, c’était décidément trop (disons vers les 2/3kHz), et, à la limite, j’aurais préféré trop peu. Le Clear rappelle l’Utopia, à l’évidence, mais déplace peut-être un peu les choses: la restitution me paraît beaucoup plus naturelle et plus fluide, disons plus “calme”. J’entends encore un peu de soulignement ou, pour mieux dire, de “présence”, mais ça “passe” beaucoup mieux, ce qui tient probablement à une signature générale proposant un autre équilibre. Évidemment je n’ai pas pu faire de comparaison directe avec l’Utopia ou le Clear… L’impression générale est celle d’une écoute qui attire l’oreille, mais sans fatiguer, ni rapidement ni à la longue. On n’est pas du tout du côté de la petite matité de l’Odin et il faudra aller chercher du côté d’un Jecklin Float électrostatique (qui n’est plus, depuis longtemps au catalogue: il est remplacé, depuis 4 ou 5 ans, par le Jecklin QA, mais ça demande un boîtier transdyn du même montant au minimum), ou d’un Ergo AMT (lequel, en coûtant un petit tiers de moins que le Clear, demandera un ampli nettement plus coûteux pour chanter, et avec quelques restrictions, en particulier dans le grave) pour trouver peut-être aussi bien…

À 70 ans, David Gilmour a gratifié ses fans, il y a peu, d’un nouvel album sortant du traintrain dès le premier morceau et, à passé 70 ans, il est retourné à Pompéi (entre autres) pour un concert – le Live in Pompeii – qui nous a offert les nouvelles, et pas mal d’anciennes: dont Wish You Were Here. Le Clear gratifie son auditeur d’une belle assise et d’une belle extension dans le grave. Dans l’absolu, on peut évidemment trouver mieux, c’est-à-dire un casque qui ne descendra pas forcément plus bas, mais sera plus tendu, plus impactant comme on dit dans cette région – ainsi, chez des orthodynamiques russes ou sino-américains bien connus. Mais avec le Focal, on a un grave un peu rond, qui de ce fait me semble un peu moins sec et précis que celui d’un HD800, mais plus enveloppant, plus agréable sur ce type de musique. Quoi qu’il en soit, il faudra comparer en direct pour entendre la différence, qui d’ailleurs sera plus de l’ordre de la précision et de la modulation dans ce registre, et faire son choix. L’ambiance live d’un concert de rock y est (certes, je ne suis pas allé à Pompéi: depuis chez moi, c’est pas pratique pour y aller, car y’a pas de métro) et la signature du Clear favorise une très belle présence de la voix et de la guitare, le tout avec un placement et une localisation très précis, une belle image stéréo et une latéralisation de bonne qualité. De ce point de vue, un HD800 fait, ÀMHA, un peu mieux, mais en proposant un peu moins de matière et de présence dans le médium/haut médium. C’est également un peu en dessous de ce dont sont capables, en termes de latéralisation et d’étagement des plans, des casques comme l’AKG K1000, ou le Float, et, dans une certaine mesure, l’Ergo AMT. Mais ces derniers, de leur côté, seront nettement moins performants du côté de l’assise dans le grave. Le Clear se présente donc comme un concurrent direct et plus que sérieux du HD800 – d’autres ajouteront, à raison: Chroma MD2, Dharma, etc. – et l’amateur éclairé devrait procéder à une écoute comparative avant de choisir, car ça sera, pour l’essentiel, une affaire de goût.

De Haydn le Quatuor “Alouette” par le quatuor Italiano: album sorti au milieu des années 1960, je crois, que j’ai dans une version Philips du milieu des années 80 (le CD ressort régulièrement), qui contient les quatuors “L’Alouette”, “Sérénade” et “Les Quintes”. J’en profite pour signaler la sortie, chez DECCA, d’un coffret des Italiano qui offre, en 37 CD (ce qui nous fait moins de 2,5€ le CD!), l’ensemble de leurs enregistrements (et un autre contenant tous ceux de Mozart) pour Philips, Decca et DG. J’ai choisi de me concentrer sur le final de “L’Alouette”: voilà un petit morceau extrêmement vif et guilleret, que j’ai souvent entendu en bis au concert, à la fois pour son côté entraînant, un peu virtuose. Mais avec ce piège que la virtuosité doit s’effacer pour servir toute la légèreté de cette pièce. C’est un peu comme servir du champagne, à la fin du repas, avec le gâteau du dimanche. Ou bien, si on se passe ça le matin, en même temps que l’on prend son café (oui, bon: je peux admettre que certains puissent préférer le thé, ou d’autres breuvages plus ou moins lactés: mais seulement en théorie), ça te met de bonne humeur au moins pour toute la journée.

Il en existe, évidemment un grand nombre de versions disponibles, certaines plus récentes: j’aime bien celle-ci parce que la prise de son ne souligne pas des effets de proximité que je juge, pour ma part, très excessifs, et pas seulement parce qu’ils rendent les instruments trop distincts et trop incisifs, mais aussi parce qu’ils appuient trop fort sur le bouton “stéréophonie”… Il suffit d’aller au concert pour écouter un quatuor à cordes depuis le milieu de la salle ou au-delà pour se dire qu’on devrait s’interroger sur les effets stéréophoniques que les enregistrements proposent: ils me semblent plus faits pour ceux qui affectionnent les premiers rangs – ce qui n’est pas mon cas. Je préfère un peu de distance, de façon à ne pas prendre en pleine figure la manière dont les interprètes projettent le son pour ceux qui sont derrière, de sorte que, pour moi, le but de l’image est de permettre de distinguer les instruments les uns des autres par localisation, mais non pas produire de manière sonore une image visuelle (psychologiquement, c’est l’inverse qui fonctionne, comme le sait: la vision aide considérablement à distinguer les localisations sonores dans la réalité). De ce point de vue, je dirais que le Clear place l’auditeur dans le premier tiers de la salle et cet enregistrement a beau avoir 50 ans, il n’est pas dépassé: les instruments, en particulier les violons, sont brillants, mais pas trop, les lignes du violoncelle et de l’alto sont distinctes et faciles à suivre, même si j’ai parfois le sentiment que c’est un peu, non pas “emmêlé”, mais, disons, touffu en plus d’être tout flamme. Je précise que ce petit retrait est très audible sur mon smartphone ou mon petit DAP – mais qu’il ne m’a pas du tout sauté aux oreilles sur mon système habituel: c’est à la comparaison directe avec le HD800 que j’entends ce petit manque… qui ne tient du reste, peut-être pas au Clear lui-même, mais à mon matériel, ou à mes oreilles, ou à mes goûts, ou à un peu tout cela à la fois. À l’inverse, rien ne vient “sauter aux oreilles” pour les meurtrir sous prétexte de les impressionner: sans rien ôter dans l’aigu, le Focal ne présente pas la célèbre petite irritation dont le Sennheiser est capable. Sur ce style de musique, vu que la restitution de l’infra grave ne constitue pas réellement un avantage, mais se trouve relativement indifférente, rien n’empêche pas le Clear d’être à peu près au même niveau d’excellence qu’un AMT, et de commencer à approcher celui d’un Float – lesquels présentent, en tout cas à mes oreilles, quelque chose de particulièrement achevé dans la reproduction des pièces baroques, et me font, dans plus de 99% des cas, regretter d’utiliser un autre casque. Que le Clear tienne la comparaison me semble donc un gros point positif.

Changeons de registre avec dernier album en concert de King Crimson, Live In Chicago, de juin passé, très récemment sorti en CD sous le label Musea, et le morceau – un classique de ce groupe – Starless, lequel concluait l’album Red sorti en 1974. Et, n’en déplaise à Fripp et Bruford, et même s’il y a prescription, c’était une erreur d’avoir exclu cette chanson du précédent album, Starless And Bible Black. Excellent double CD d’un bon live, accessible pour une 20taine d’€ (dont j’en profite pour signaler aux amateurs que sur le site dgmlive.com, on peut télécharger pas mal de live, payant pour le FLAC, mais aussi beaucoup de gratuits en mp3). Tu vas me dire que t’as pas encore acheté ce disque et que j’aurais pu choisir autre chose parmi les quelque 190 albums que j’ai de ce groupe (ben oui, je n’ai pas tout): oui, j’aurais pu, mais là, non, car, vu que ça fait pas longtemps que j’ai ce disque, faut bien que je l’écoute.

À nouveau, sur ce genre de musique, le Focal présente d’énormes avantages et propose une ambiance très live. Évidemment je n’étais pas à Chicago l’année passée (depuis chez moi, c’est pas pratique pour y aller, le train est pas direct). Mais ça n’empêche pas de reconnaître une ambiance, et heureusement. J’aurais tendance, pour ma part, à situer le Clear, en termes de plaisir, quelque part entre l’Odin (qui ne descend peut-être pas plus bas dans le grave, mais donne un peu plus de ce que l’on appelle l’impact, la sensation physique du grave) et le HD800 (qui donne moins de présence et de matière que le Clear, mais une image plus vaste et plus immersive). On me dira que c’est quand même dommage d’écouter ça au casque vu qu’il n’en existe aucun qui puisse reproduire la même assise, le même impact dans le grave qu’une bonne paire d’enceintes. Mais, même si c’est vrai, et en dehors du fait que sur la propreté, la transparence et pas mal d’autres critères, qui contribuent à l’aération et à l’impression de réalité fluide qui font l’intérêt du live, beaucoup de casques en remontrent à pas mal d’enceintes, il y a aussi, quand l’image stéréo est bien enveloppante, une impression d’immersion inhérente à ce type d’écoute. Et là-dessus, le Clear est à la fois attachant et de très haut niveau.

De Philip Glass, le dernier mouvement du Quatuor n°5 par le Quatuor Smith. Bon, je t’entends déjà: ça y’est, le dub il va encore nous casser les oreilles en se risquant dans le bizarre… Philistin va! Alors et d’une, ce double album qui est sorti il y a une petite dizaine d’années chez Signum Records contient l’Intégrale des quatuors: et là, je ne t’en inflige qu’un tout petit extrait. Et de deux, j’aurais pu choisir Different Trains de Steve Reich. Et de trois, je te cause même pas de mes écoutes de François Bayle, Luc Ferrari, Pierre Schaeffer et Iannis Xenakis : tu as échappé à la musique acousmatique, ce qui est déjà pas mal. Et puis on a trop vite fait de lâcher les mots “minimalisme” et “répétitif”… Si je compte bien, c’est le dernier des quatuors écrits pour les Kronos (qui en propose aussi l’œuvre sur CD chez Nonesuch), et il suffit d’écouter l’un après l’autre le premier et le cinquième pour saisir que l’esthétique musicale n’est pas exactement la même. J’ai cependant choisi la version des Smith, pour changer un peu de celle des Kronos: excellent enregistrement d’un excellent quatuor de musiciens qui excellent dans le quatuor contemporain.

Côté transparence et aération, je ne connais guère que le K1000 qui soit capable de faire mieux que ce que j’entends ici, et, peut-être, le Float. Mais le K1000 se paie de certaines restrictions bien connues: en particulier, une bande passante limitée en bas et la difficulté d’amplification. Il est bien possible aussi que l’aigu à la fois doux et incisif du Float sonne plus naturel. Malgré ce petit point en retrait, il faut quand même avouer que le Clear se situe dans le tout haut du panier de ce que je connais, et ceci, en particulier en raison de toutes les autres qualités qu’il propose: certains casques font mieux que ce qu’il propose sur certains points, mais il fait globalement mieux que beaucoup. En particulier, il propose un premier violon à la fois net et naturel, incisif et plein de douceur, ce qui n’est pas si courant que ça, sur ce type de musique, et pourtant nécessaire. Dans le tout haut du spectre, il reste un petit quelque chose de mécanique et d’un peu contraint par rapport à d’autres casques, donc, mais ça n’apparaît qu’à la comparaison directe. En revanche, à la différence de l’Utopia, ce côté contraint et un peu forcé n’est pas là dans le haut du médium ou le haut médium: celui-ci me semble, curieusement peut-être, à la fois très présent, mais sans projections ni insistances importunes. L’un dans l’autre, donc, il offre, me semble-t-il, une qualité globale d’écoute qui, pour ce type de musique, est exceptionnelle, peut-être meilleure, au moins sur un point, que ce qu’offre l’Odin, lequel me semble un peu en retrait dans la qualité et l’aération générale de l’aigu, même s’il donne plus de matière et plus de richesse dans les timbres.

Je n’ai rien, je l’ai déjà dit, contre un bon vieux gros rock sudiste qui tache, ni d’ailleurs contre le rock en général, alors, à l’improbable intersection de Creedence Clearwater Revival, des Ramones, des Who et des New York Dolls, un petit Sweet Home Alabama, en live, tiré de l’album One More From For The Road (sorti en 76) de Lynyrd Skynyrd ne peut pas faire de mal. À part, peut-être, risquer de me faire passer, ÀMHA à tort, pour un redneck – en bon français: un bouseux réac’. Je n’ai jamais mis les pieds en Alabama (depuis chez moi, c’est pas pratique pour y aller, c’est pas direct par le tram’), et je vois mal quelle circonstance pourrait m’amener dans cette partie du monde (à part, peut-être, dans une prochaine réincarnation, que je n’exclus pas entièrement). Et je n’ai jamais eu le mal du pays, ça serait même plutôt le contraire. Mais en tout cas, je peux comprendre non seulement qu’Ed King, Gary Rossington et Ronnie Van Zant aient tenu à défendre leur pays natal contre une dénonciation trop générale et englobante, mais aussi, tout simplement, écrit une chanson nostalgique, à la limite de la ballade (ça pourrait se jouer en picking). Toujours est-il que le Clear fournit une écoute démonstrative et spectaculaire à souhait, et ceci sans avoir besoin de pousser le volume, mais sans avoir besoin non plus de le baisser: ceux qui, comme moi, écoutent à très bas volume seront, je pense, aussi satisfaits que ceux qui aiment écouter à volume fort ou très fort.

La version de la Sonatine Bureaucratique de Satie qui suit est extraite des Œuvres pour piano enregistrées par Jean-Noël Barbier, d’abord sur un 33t sorti dans les années 1960 chez BAM, et ensuite reprises dans un coffret de 5 disques en 1979 puis ressorties en CD au milieu des années 1980 (qui nous change de la non moins bonne intégrale proposée par Aldo Ciccolini chez EMI, dont on peut trouver, à prix très bas, un coffret de 57 CD destinés aux amoureux du piano).  Il en existe une version coffret en 4 CD chez Universal, disponible à bas prix: la pièce se trouve sur le quatrième CD. C’est un petit morceau insolent, qui pourrait être dédié à tous les bureaux de travail, et à tous ceux qui ont le malheur d’être consignés dans lesdits bureaux et y sont astreints à y recevoir des ordres, ou pire: à en donner. Mais qui présente l’avantage considérable, comme toute pièce de piano d’être très exigeante. C’est sans doute sur ce morceau que le Clear me paraît exceller le plus évidemment, car il ne présente ni la petite pointe bien connue d’irritation du HD800, ni la matité propre à l’Odin, ni l’excès de l’Utopia dont j’ai déjà parlé, ni le manque évident dans le grave des AKG K1000, Ergo AMT et Float. La main gauche, de plus, ne me paraît pas spécialement atrophiée ni brouillonne, comme c’est souvent le cas avec mal d’électrodynamique. Est-ce que la totalité du clavier du piano est parfaitement reproduite? Je n’en sais rien, car je n’ai pas de piano à la maison (j’habite pas assez grand et je préfère la guitare: 6 cordes pour 4 doigts, c’est plus facile que 127 pour 10!), et encore moins celui utilisé pour cet enregistrement. Reste que, pour le peu que j’en sais et que j’en aie entendu la restitution me paraît très cohérente et peu critiquable.

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Faut-il réellement conclure? Oui? Bon… Mais alors juste un peu. C’est, je le redis, un casque qui coûte cher, même si je sais que ça semble à la mode ces derniers temps, et que les tarifs élevés, qui se chiffrent en milliers d’euros alors que l’on ne comptait, il y a peu encore, qu’en centaines, ont l’air de séduire plus que d’effrayer. Reste que, pour un tarif comparable à ceux des casques qu’il concurrence directement, comme le HD800, et quelques autres de chez Audeze, Enigmacoustics, Fostex, Kennerton, Hifiman, Rudistore, etc., l’amateur devrait, ÀMHA, prendre le temps d’essayer et de faire son choix. Le Clear est un casque qui, sans doute, n’est pas parfait (il n’y a jamais rien de tel en ce cas monde), mais que l’on aura énormément de mal à prendre en défaut radical ou rédhibitoire sur quoi que ce soit. En particulier vis-à-vis du HD800, que je connais bien et apprécie assez, il offre une écoute un peu différente, mais de même niveau: un grave un peu plus rond, mais plus séduisant, un médium/haut médium plus présent, mais sans agressivité ni côté artificiel, une image moins spectaculaire, mais plus réaliste peut-être (restons prudent sur ce point tant que l’on n’écoute pas des enregistrements de type binaural), un aigu aéré et fluide, sans le côté spectral, mais qui peut tourner à l’irritation parfois, du Sennheiser… Bref, les goûts personnels joueront donc énormément. Et même encore, par comparaison avec des modèles beaucoup plus chers ou plus exigeants côté amplification, on pourra se demander si le jeu en vaut la chandelle – je pense, pour ma part, à quelques-uns des casques qui m’ont le plus frappé ces dernières années, comme le HE1000 v2 ou le HE6 de chez Hifiman.

Eric_dub
HCFR – Avril 2018

 

– sujet HCFR dédié au Focal Clear : https://www.homecinema-fr.com/forum/casques-sedentaires/focal-utopia-clear-elear-elegia-test-hcfr-post-1-t30074075.html

 

 

 

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