Test HCFR Hifiman Sundara, casque audio

Test HCFR Hifiman Sundara, casque audio

 

See, Sex and Sun — dara…

Quarante ans de ça, à peu de choses près… Notre Gaingain national griffonnait trois mots sur un coin de table en dix minutes, pondait une “musique” et… faisait un tube: Au point que Patrice Leconte l’avait adopté pour la musique d’entrée de ses Bronzés quelques mois plus tard. Tu vas me dire: quel rapport avec le Sundara de chez Hifiman? — car je te connais, t’es toujours en train de râler, que le dub on comprend rien à ce qu’il dit, que c’est trop long, tout ça… Ce qui ne fait que prouver à nouveau à quel point t’es difficile et jamais content — et puis, franchement, râler de l’avoir trop long, tu veux que je te dise… Non, rien, pas la peine. T’as qu’à lire plus vite, quitte à louper le pourquoi du comment.

Donc, le Sundara vient remplacer les précédentes versions du HE400 sorties chez Hifiman. Ce “petit” orthodynamique annonce 37 Ohms en impédance et une sensibilité, plutôt moyenne, de 94db — il n’est donc pas impossible de le brancher sur un baladeur (correctement choisi quand même, car l’impédance basse ne fait pas tout, et la sensibilité demeure le critère essentiel pour l’alimentation: Un smartphone peut s’avérer insuffisant), et ce, quoiqu’en dise Hifiman là-dessus, même si tout annonce plutôt un casque réservé à des écoutes sédentaires. Seul point noir à l’horizon, donc, le Sundara, qui est vendu ~500€, n’est accompagné que d’un câble, toujours à terminaison jack miniature côtés casque, ultra court à terminaison coudée mini-jack + un adaptateur… Ce qui rend périlleuse une utilisation chez soi, l’acheteur étant contraint d’aimer écouter en position pénitente, à genoux devant son ampli préféré (ce qui facilitera, j’en conviens, une écoute recueillie de la Messe en Si mineur de Bach), en se retenant soigneusement d’éternuer… Il faudra donc compter 20 ou 30€ de plus pour trouver le câble indispensable à son utilisation. J’avoue pour ma part n’être pas convaincu par l’idée suivant laquelle ce casque serait conçu pour une orientation nomade: C’est un casque ouvert, pesant et volumineux, que je me vois mal, pour ma part, utiliser dans le train ou le métro…

Côté esthétique et confort, en revanche, il n’y a rien à dire. Un noir plutôt mat (j’entends déjà les uns râler, et les autres, apprécier), décliné diversement sur les coussinets, les coupelles, le bandeau et l’arceau de soutien, donnent une esthétique très sobre. De même, les matériaux qui ne conduisent pas les bruits parasites et le système de réglage à coulisse du genre de ce que propose Beyer rendent l’ensemble facile à ajuster et d’une tenue à la fois légère et sans risque. La largeur des oreillettes englobe bien les oreilles et les porteurs de lunettes ne seront pas pénalisés. Mais le plus important n’est pas là, bien entendu, l’essentiel étant la musique, qui est également au rendez-vous, autant le dire tout de suite…

Un petit mot sur le système sur lequel les écoutes ont été faites, système désormais dédié : Il est composé de trois sources. Un tuner Yamaha T-1, un streamer Pioneer N-30 et un lecteur CD/SACD Yamaha CD-S2000 reliés à un Dac MSB Link 3, alimentant deux amplis, l’un de chez Audio-Valve, le RKV-3, l’autre un Ergo Tube Amplifier (dédié au seul Jecklin Float électrostatique). Alternativement: un MacMini, une interface Stello, un Dac Wyred4Sound 2 et un Audio-GD Phœnix.

Jordi Savall – La Folia 1490-1701

Pour cet essai, j’ai programmé une série d’écoutes en alternant CD et SACD (en écoutant, à chaque fois, tout le disque et non des extraits) — avec, pour commencer, l’excellent album La Folia de Jordi Savall sorti chez Alia-Vox [AVSA9805].

Que dire, sinon que c’est un type d’écoute très plaisant ?Dans l’absolu, on peut trouver un petit côté artificiel dans le haut médium/aigu (disons peut-être, au doigt mouillé et à la louche, vers les 1 à 3kHz ?). Mais si l’on aime une écoute dénuée de toute agressivité, un peu descendante comme on dit, on appréciera – Pour ma part, je l’avoue volontiers, je préfère ça à l’inverse. Dans la mesure où il est tout de même assez rare d’aller écouter de la musique baroque lors d’un concert donné dans une salle de bain ou un hôpital. Subjectivement et par comparaison avec d’autres casques que j’aime, comme l’AKG K1000 ou le Float, la bande passante est un peu écourtée ou en retrait dans le haut du spectre. C’est d’ailleurs une bizarre impression, dans cette zone, un peu comme si les extinctions de notes sonnaient “mécaniquement”: Mais il faudra pousser le volume de manière éhontée pour l’entendre. Et, par rapport à un HD800 ou un Kennerton Odin, on pourra seulement le juger un peu plus timide dans l’infra grave (ce qui est déjà un exploit). Mais outre qu’il ne s’agit-là que d’impressions fugaces, que l’on ne peut confirmer que par comparaison directe et qui s’effacent en quelques instants quand on écoute un disque, l’ensemble est très équilibré — et le différentiel de tarif est aussi à prendre en compte. L’avantage de ce disque, c’est également de permettre d’évaluer d’emblée l’image stéréo que ce casque procure – En l’occurrence une image bien large et latéralisée, qui ne reste pas collée “dans les oreillettes” et ne creuse pas un “trou au milieu”. Comme si chacune jouait seule dans son coin. Dans l’absolu, il y a mieux (K1000, Float, HD800, AMT), mais, dans sa gamme, le Sundara propose quelque chose de fort bien réussi, voire d’exceptionnel.

 

Vivaldi La Tempesta di Mare – Fabio Biondi & Europe Galante

Second disque: La Tempesta di Mare ou tempête sur la mer (et d’un!) de Vivaldi, par Fabio Biondi et l’ensemble Europe Galante, sorti chez Warner/Erato [n° 5454242], sur un album proposant des Concerti con Titoli, ou concertos pourvus d’un titre (même s’ils ne le sont pas tous): L’inquiétude, Funèbre, La nuit, Le reste: Pour Noël, etc… La mémoire est versatile, et plus trompeuse encore que l’imagination et la perception réunies, comme on devrait le savoir. Cela n’empêche que ça me rappelle des souvenirs, déjà anciens, d’écoute en concert – Madeleine qui me retient, réminiscence ou illusion, je laisse à chacun le soin de décider. Mais j’entends-là une belle flûte baroque (“flauto diritto”), des violons, violes, hautbois, basson, guitare et autre clavecin de belle facture. Tout ça sonne assez naturel, assez fluide, malgré la petite coloration (quelque part entre le haut médium et le bas aigu) dont j’ai parlé et un côté un peu estompé dans l’aigu (je parle bien de l’aigu, vers 5/6kHz et surtout au-delà de 10kHz, comme je l’ai vérifié avec un vieux CD de test de la RDS). Sur ce dernier point, ça n’est pas tant que l’écoute manquerait de détails ou de clarté — C’est un sentiment différent: Disons que ça ne “respire” pas autant que ça pourrait. Écoute reposante, donc, et peut-être plus que celle de certains Sennheiser bien connus, ce qui ne l’empêche pas d’être réaliste et fort réussie (voir: https://www.prestoclassical.co.uk/classical/products/7951598–vivaldi-concerti-con-titoli).

Est-ce à dire que ce casque serait à réserver à l’écoute de la musique baroque? Je ne le pense pas. Mais il y réussit très bien, ce qui, dans mon expérience, n’est pas une mince affaire. Le petit retrait que je crois entendre dans le haut médium (ou le bas aigu, comme on veut) ne crée pas vraiment de manque; en un sens, il contribue même à procurer une écoute globale assez prenante. Ceux qui aiment les écoutes démonstratives et spectaculaires resteront peut-être sur leur faim. Quant à moi, même si sur ce disque je préfère l’écoute procurée par mon bon vieux HD600 (au prix de son manque d’assise dans le grave bien connue), j’aime assez cette restitution calme et intime, qui a la politesse de ne pas transformer un violon baroque en instrument moderne, monté sur ressort et manié par un Nigel Kennedy se prenant pour Jimy Hendrix…

 

Serge Gainsbourg – Love On The Beat

Bon, c’est pas tout ça, mais on va encore dire que je n’écoute que du baroque, des castagnettes chinoises du bas moyen-âge et du pipeau des Andes! Je te connais, si on ne va pas tâter du RTL-2 ou du gros rap qui tache, on se trouve vite taxé de ringardise… Mais ne compte pas sur moi pour me risquer dans ces contrées-là, faut tout de même pas pousser pépère dans la soupe FM. Au mieux, j’irais jusqu’à un Gaingain des années 80: Love On The Beat [Philip n° 822 849-1 pour la première sortie en 33t et les ressorties en CD, n° 548 611 pour les Philips Mercury, et n° 530 854 chez Universal – entre autres, vu qu’il y en a quand même des centaines de milliers d’exemplaires qui se sont vendus ? Ben oui quoi… C’est pas NRJ qui passait ça en boucle à une certaine époque? Évidemment, tu ne te souviens pas, forcément, mais au milieu des années 80, ses chansons, écrites plutôt côté cul que côté cœur, disant crûment le sexe (et de deux!) et taisant pudiquement les sentiments, pouvaient provoquer des réactions à moitié (voire plus) hystériques: “D’abord je veux, avec ma langue, natale, deviner tes pensées. Mais toi, déjà, déjà, tu tangues aux flux et reflux des marées” – avec en arrière-plan, Bambou dans le rôle de la crieuse ! C’était quand même superbement écrit, et ce, sans compter qu’on a de nos jours fait infiniment pire dans la provoc’ à deux balles qui se croit maligne alors qu’elle n’est que vulgaire… Mais surtout, ça nous changeait par rapport aux machins de la période reggae (formidable un quart d’heure et chiant pendant une heure et quart, comme disait Michel Blanc vers la même époque): du bon vieux funk, avec de la basse et des percus qui déménagent – des musicos comme seul Gainsbourg pouvait en réunir. Pour l’avoir entendu en concert dans ces années-là, je trouve que l’atmosphère est plutôt bien rendue – en tout cas, ça rappelle des souvenirs. Il y a toujours cette impression d’une matité, compensée par une exploration très honorable – et plus si affinité – du registre grave. D’ailleurs, entraîné par l’élan, j’ai ensuite réécouté le Live au Casino de Paris sorti en 1986, et qui reprend le précédent disque (33t Philips 826 721-1 et CD 826 721-2), puis Le Zénith de Gainsbourg (33t sorti chez Philips en 1989 sous le numéro 838 162-1; CD 838 162-2). Pas dégueux! Sur ce type de musique, il devient difficile de critiquer…

 

Certes, par rapport à des modèles bien plus ambitieux – dont le HE6, les HE1000, l’Odin, l’Abyss, le Susvara, côté ortho, les Utopia, Clear, Dharma et autres LCD2 et 3, de l’autre, etc. – on pourra juger le résultat un peu trop sage dans le bas du spectre. Mais, sans rien exagérer, car, dans cette gamme de tarifs, le résultat est déjà exceptionnel: gros point fort que cette assise et, si l’on y ajoute la présence dans le médium, l’écoute de musique moderne pourra être pratiquée avec assiduité. Ce casque me paraît rester très linéaire jusqu’aux environs de 30Hz – un beau grave, impactant correctement et très lisible, certes pas abyssale, susvaresque ou odinesque: s’il n’en fait peut-être pas autant, il fait déjà pas mal et fait bien ce qu’il fait. Et puis, surtout, ce qu’il fait, il le fait à tarif plus amical. Mieux qu’un bon vieux Senn des familles, sauf, peut-être, le HD800, lequel pourtant “tape” moins, me semble-t-il, mieux qu’un K1000, un Float ou un AMT (mais là, c’est facile) – moins que les Clear, HE1000, Odin, Utopia et autre Abyss, HE6, Susvara, etc., on s’en doute.

 

Barbara – Soleil Noir

Quoi d’autre? Une petite voix pour suivre, celle de Barbara qui, durant l’été 68, nous chantonna un disque offert à l’automne suivant chez Philips (n° 844 783 pour le 33t, puis 063 178 pour le CD, la version de 2002 comprenant la chanson coécrite avec Moustaki: Moi, Je me balance tirée du film La Fiancée du Pirate, sorti l’année d’après et à (re)voir de toute urgence – Mais je ne saurais trop te conseiller d’aller te dégotter une intégrale sur discogs, vu que ça se trouve à partir d’une 50taine d’€ selon celle qu’on vise): Soleil – Et de trois! – noir. J’ai toujours aimé Barbara – et je dis bien Barbara, et pas seulement ses chansons. Il y a comme ça des osmoses, des symbioses, des créations organiques: Impossible de séparer cette voix de Barbara, véritable instrument de musique (qui a fait mieux depuis: Je ne sais pas, et même pas si ça existe), la musique (de la même aidée par Michel Colombier, à l’occasion) et les paroles, qui font de chaque pièce une perle: “Pour ne plus, jamais plus, vous parler de la pluie, Plus jamais du ciel lourd, jamais des matins gris, Je suis sortie des brumes et je me suis enfuie, Sous des ciels plus légers, pays de paradis”; “J’suis une souris, gueule de nuit, Et je vais, je viens, je passe, passe. J’suis pas du jour, gueule d’amour, D’ailleurs j’suis de Montparnasse, -nasse”, etc.

 

Là, franchement, je n’ai pas grand-chose à redire tant c’est beau – Ce qui me fait dire que ce casque présente d’énormes qualités dans le médium. Sur ce type d’enregistrement, comme sur d’autres de la même farine (je pense à certains enregistrements publics de Ferré vers la même époque), le petit retrait signalé plus haut est même un plus: Ça rend l’ensemble plus euphonique et plus plaisant. Que celui qui ne s’est jamais adonné, jamais oublié, jamais abandonné à la douce voix de la grande dame brune lui susurrant la mélopée à l’oreille tard dans la nuit me jette le premier casque: un HE1000 V2, un Susvara ou un Sundara, de préférence, et lentement, que j’aie le temps de l’attraper!… La question n’est pas tant de savoir si, sur les voix, certains casques — l’Odin, par exemple, ou mon AMT, mais pas le HD800 d’après mon goût — font mieux ; elle serait de savoir si, dans les mêmes tarifs, il y a beaucoup de prétendants capables de faire aussi bien. Mieux sur certains secteurs, peut-être, mais mieux en toutes choses, ça n’est pas certain. Petite coloration d’un côté, belle extension dans le grave, de l’autre, mais une écoute globale sans gros défaut — en somme…

 

En conclusion :

Reste à conclure (avec un “d”, comme dans “dub”) – mais là, franchement ne compte pas sur moi. Je pense que les amateurs d’écoutes chatoyantes, qui aiment un médium particulièrement souligné et mis en avant, n’apprécieront probablement pas ce casque, et le trouveront terne, voire éteint. Ceux qui sont plus difficiles dans le haut médium et l’aigu, qui se nourrissent exclusivement de baroque, pourront trouver un petit côté artificiel de ce côté là. Je souligne, au passage, l’avantage de ces articles écrits à plusieurs mains: lisez l’analyse de Julien_cleriensis et celle de Bernard_kéké et vous y trouverez des précisions à la fois sur ce qui m’a plu et sur ce qui m’a gêné, mais que je n’ai pas réussi à dire avec assez de précision. Ceux qui, en revanche, sont amateurs d’une restitution équilibrée, non pas démonstrative, mais cohérente et capable de s’effacer derrière la musique seront déjà plus intéressés – et ce, même si, dans cette gamme de tarifs, l’offre disponible sur le marché est abondante et diverse. Mais, dans cette offre, je pense qu’il ne doit y avoir que très peu de casques capables d’offrir autant pour leur prix: à dire vrai, je n’en vois pas vraiment d’autres. Un autre point de vue, de plus, m’est apparu, après avoir un peu joué avec l’équaliseur (par la faute à Julien_cleriensis qui m’a poussé!). À moins que ça ne soit une impression purement subjective de ma part, en rajoutant une ou deux décibels aux alentours de 1500/2000 Hz, il est possible de “parfaire” ce dont ce casque est capable (dans l’aigu, en revanche, je ne l’ai pas eu assez longtemps pour comprendre quoi y faire) — ce qui change assez l’écoute pour mériter d’être essayé. Toujours est-il, que ceux qui sont passés à la démat’, et dont le player permet d’ajouter un équaliseur, trouveront ici un avantage. Et, dans une moindre mesure et en étant plus délicat, léger dans la pesée, on pourra faire subir le même sort à l’infra grave… Dans cette optique, la donne change considérablement, et l’on obtient des résultats tout à fait étonnant. D’ailleurs, dans une moindre mesure, les résultats sont un peu dans le même genre sur mon petit baladeur iBasso DX50 quand j’en active l’équaliseur. Question de goût, donc, mais aussi de technique d’utilisation.

Voilà un casque qui, donc, dans son tarif (même en comptant les euros nécessaires à l’achat d’un câble), a peu de concurrents sur le marché: Certes, je n’ai pas pu lui comparer le Sennheiser HD660S, qui a fait l’objet d’un test collectif il y a peu ici-même… Mais je serais prêt à parier que ce dernier ne sortirait pas vainqueur si je devais m’offrir un casque! Certes encore, des casques plus ambitieux existent: Abyss, AMT, Chroma, Clear, Dharma, Elear, HE1000, HD800, Jecklin Float, K1000, Odin, Susvara, Stax et autres Utopia… Mais, outre que ces derniers ne sont eux-mêmes jamais exempts de toute critique, le tarif n’est absolument pas le même, puisque, avec le Sundara, l’amateur a affaire à un très haut de gamme à un tarif qui reste réaliste et accessible.

Eric_dub
HCFR – Avril 2018

 

– lien vers le sujet HCFR dédié au HiFiman Sundara : https://www.homecinema-fr.com/forum/post179347480.html#p179347480

 

 

 

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