Dagda a écrit:Pio2001 a écrit:Tout dépend ce qu'on entend par "domaine temporel" et "domaine fréquentiel". Ce sont des termes flous.
? Hein ?
Dans REW, une même mesure peut être affichée dans la vue "SPL and Phase" ou dans la vue "Impulse". La première est la vue fréquentielle, la second est la vue temporelle, mais les deux représentent exactement la même chose. L'une en fonction de la fréquence, l'autre en fonction du temps. On peut calculer l'une à partir de l'autre par une opération appelée transformée de Fourier.
Les courbes SPL and Phase sont la transformée de Fourier de l'impulse, et l'impulse est la transformée de Fourier inverse des courbes SPL and phase.
Quoi qu'il en soit, si on cherche à corriger ce résultat, on va modifier le signal. Cette modification sera visible aussi bien en vue fréquentielle qu'en vue temporelle. Sinon, c'est que rien n'a été fait.
Alors que signifie "corriger le domaine temporel" et "corriger le domaine fréquentiel" ? Une correction, quelle qu'elle soit, peut toujours être représentée dans le domaine fréquentiel, comme dans le domaine temporel.
En l'absence de sens mathématique, on peut donner un sens pratique à ces expressions : corriger le domaine fréquentiel signifiera effectuer une égalisation (correction électronique). Corriger le domaine temporel signifiera absorber pour diminuer le temps de réverbération (traitement passif avec panneaux acoustiques).
Mais déjà là, les deux ne sont pas imperméables : dans les basses fréquences, une égalisation aura davantage d'effet sur le traînage temporel qu'une absorption. Donc égaliser les fréquences, ça peut parfois corriger le domaine temporel.
Inversement, absorber peut aussi changer le niveau des fréquences les unes par rapport aux autres en privilégiant une partie du spectre, ou en éliminant des résonances.
Donc égaliser ce n'est pas corriger que le niveau, et absorber ce n'est pas corriger que le temps de réverbération.
Autre sens possible : on entend parfois dire que certaines solution de corrections automatiques par DSP corrigent "en plus" le domaine temporel, ce que ne feraient pas les autres, moins performantes. Mais qu'est-ce que cela veut dire au juste ? Alors là... secret commercial... mais on peut supposer que ces systèmes tentent de corriger l'excess phase en plus de la phase minimale...
Késako ? Parlons-en. Déjà, sachez que tout égaliseur basique (analogique ou simple IIR numérique) modifie la phase en même temps que l'amplitude. Si on part du principe que la courbe SPL, c'est le niveau, et que la courbe de phase, c'est le temps, alors aucun égaliseur ne corrige le niveau sans corriger le temps. Les corrections à "phase linéaire" (courbe de niveau seule) sont réservées aux coupures entre haut-parleurs.
Dans ce cas, peut-on dire que ces correctiosn spéciales "à phase linéaire" sont justement des correction du domaine... heu, du domaine de quoi, d'abord ? On est ici en train d'opposer le domaine de l'amplitude au domaine temporel, et non plus le domaine fréquentiel au domaine temporel.
Mais globalement la notion de "phase" est extrêmement abstraite et ne représente pas ce que nous appelons intuitivement le "temporel". Le temporel, pour nous, tel que nous le percevons, c'est d'abord la réverbération (mesure de RT60) ensuite les pré et post ringings (manque de précision temporelle du signal, étalement des attaques) et éventuellement le group delay, qui est perçu comme un retard, ou une avance d'une fréquence sur un autre. Mais la phase, on ne l'entend pas en tant que telle. On entend ses effets sur le group delay et le ringing.
Le ringing, c'est quoi ? C'est la tête et la queue de la réponse impulsionnelle (pré et post ringing). Par exemple quand on a un beau mode propre qui résonne dans le grave entre deux murs, le traînage qui en résulte dans le grave de notre système est un "post-ringing". A ce titre, on peut carrément voir toute la réverbération de la pièce comme les post-ringings cumulés de centaines de petits modes propres. Simple changement de vocabulaire pour désigner le même phénomène (post-ringing = reverb).
Où est-ce que je veux en venir ? Un peu de patience. Il me reste un second point à expliquer : si vous prenez un DSP puissant et que vous demandez à changer le niveau d'une fréquence, par exemple, enlever 10 décibels à 100 Hz, le logiciel peut vous proposer deux façons de le faire : avec un filtre à phase minimale (adapté à l'égalisation) ou avec un filtre à phase linéaire (je suppose que cela sert à la jonction entre deux voies d'une enceinte, ou à la jonction entre une enceinte et un caisson). Le premier corrige la phase en même temps que le niveau, le second change le niveau sans changer la phase.
En termes de réponse impulsionnelle, le premier a une réponse impulsionnelle avec un pic suivi d'une queue (post-ringing), tandis que le second a toujours un pic au centre, avec un pré et un post ringing identiques. Or notre oreille est essentiellement sensible au pré-ringing, et pas au post-ringing.
On en arrive donc au paradoxe suivant : si on corrige la phase en même temps que le niveau, les attaques sont préservées dans le domaine temporel, mais si on corrige le niveau sans corriger la phase, les attaques sont étalées dans le temps (apparition de pré-ringing audible). Autrement dit : corrigez la phase, le domaine temporel sera inchangé. Ne corrigez pas la phase, le domaine temporel sera dégradé !
Pour enfoncer le clou : toute correction appliquée à une impulsion pure qui n'a pas d'extension dans le temps déforme cette impulsion. C'est-à-dire lui donne un étalement dans le temps. Il est mathématiquement impossible de corriger le niveau d'une fréquence sans rien déplacer dans le temps. Ce n'est pas une question de phase.
Donc, la prochaine fois qu'on vous parle de "corriger le domaine temporel", demandez-vous si on vous parle de traiter le temps de réverbération de votre pièce avec des panneaux absorbants, ce qui est simple et clair, ou si on vous parle de trafiquer expérimentalement une correction électronique, ce qui est une porte ouverte sur on ne sait jamais trop bien quoi.