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Un coup de mou !
Je me suis trompé. Ma naïveté est sans limites. Le procureur général Nadal a été loué par certains dont moi-même mais les vrais "décideurs" ont tenu pour rien sa démarche et ses recommandations. Je ne sais pas qui compose "cette haute hiérarchie judiciaire" dont Gérard Davet, dans Le Monde, a écrit qu'elle se réjouissait de la prudente et incompréhensible abstention du garde des Sceaux mais toujours est-il qu'elle semble diablement efficace puisque son influence compte plus que l'intervention du deuxième magistrat de France.
Ce qui se passe est à ce point étrange qu'on a l'impression de se trouver face à un paysage judiciaire bouleversé, méconnaissable. Jean-Louis Nadal a fait ce qu'il a pu mais pour rien. Le ministre de la Justice, adoptant une surprenante passivité qui n'a pas toujours été la sienne - j'en sais quelque chose -, soutient le procureur de Nanterre contre le procureur général de la Cour de cassation et n'évoque même pas le procureur général de Versailles dont on finit par se demander s'il n'est pas le subordonné de Philippe Courroye, tant ce dernier a les coudées franches et l'action irrésistible (Le Figaro) ! En définitive, il ne s'agit plus de préserver l'indépendance de la magistrature contre des atteintes extérieures mais de permettre à quelques magistrats de poursuivre leur chemin en dépit des avertissements et conseils prodigués par d'autres. C'est une guerre judiciaire comme il y a des guerres civiles : les pires (Marianne 2).
On ne peut plus se le cacher ou l'ignorer. L'entêtement technique, avalisé par le pouvoir, a un dessein politique et les dernières péripéties le manifestent de manière brutale, éclatante et ostensible. Il n'était pas absurde d'espérer mais le peu de considération qui a été attaché à la suggestion de nommer un juge d'instruction déchire le voile.
J'aurais désiré écrire un billet vengeur. Mais pour dénoncer l'atmosphère judiciaire d'aujourd'hui, il faudrait avoir le génie d'un Léon Bloy, d'un Emile Zola, voire d'un Finkielkraut de la grande époque. J'en suis si loin et, pourquoi le taire ?, il y a des autorités qui s'effacent quand elles devraient éclairer la route et se déchaînent pour des riens. On peut avoir peur pour soi.
Surtout, à quoi cela servirait-il de se battre, de protester ? Le judiciaire et ses compromissions l'emportent sur l'aveuglante simplicité de la justice. Depuis des mois, la querelle sur les procédures se heurte au mur buté de la raison d'Etat. C'est décourageant.
Pourtant, qu'on ne s'y trompe pas. Ce n'est pas parce que Jean-Marc Ayrault met en cause "le désordre dans la justice" (nouvelobs.com) que ce constat triste à voter ne concernerait que l'Opposition qui voudrait à toute force décrier. Au-delà des inévitables hostilités syndicales et, pour équilibrer, des complaisances hiérarchiques, il y a, dans la magistrature d'aujourd'hui, quelles que soient ses tendances politiques, devant le spectacle offert par ceux qui sont dans la lumière et nichés au creux du Pouvoir, une exaspération de ceux d'en bas.
Il n'y a plus d'élites mais il y a de plus en plus de révoltés.