RoroMinator a écrit:Je vais te faire une confidence. Après le test, par curiosité, j'ai rebranché le Spaghetti sur mon système et je l'ai laissé jusqu'à aujourd'hui. Je l'ai enlevé parce que, hier soir, l'écoute au casque était dégueux : inarticulée, terne, insipide.
Je ne peux pas te dire pourquoi je n'entends pas la différence en aveugle mais elle est bien là ; sur l'écoute d'un disque c'est flagrant tellement il manque de choses avec le Spaghetti.
Roro, tu me donnes l'occasion ici de rebondir sur ce truc qui me chiffonne depuis qu'on joue ici de ces fameux tests en aveugle. Ces tests ont été détaillés et explicité remarquablement par pio2001. Ils utilisent un outil scientifique rigoureux, des tests notamment utilisé en recherche biomédicale. Ces tests, je les utilise dans mon boulo (quoique en science dure, là ou seul l’observateur apporte ce facteur de variabilité humaine, l’observé n’étant qu’un objet qui réagit de manière répétable à une influence expérimentale contrôlable… je laisse tomber les principes quantiques

). Mais j’ai appris à m’en méfier, de ces fameux tests, qui peuvent être facilement mal utilisés.
Ce qui me chiffonne, c’est le choix du protocole de test et des critères d’évaluation. Je m’explique.
On comprend que ces choix sont dictés non seulement par la faisabilité expérimentale (on tend vers le simple, méthode scientifique, rasoir d’Occam…) , vers des choix dictés par l’outil statistique (qui donne une réponse « indiscutable »).
Tout d’abord, il faut bien faire attention à ne pas sur-interpréter les résultats de l’expérience. La question posée était : dans des conditions expérimentales contrôlées et définies à l’avance (écoutes à répétition d’extraits musicaux) est ce qu’il est possible d’entendre une différence entre le câble A et B ? La réponse aux tests qui ont été publiés ici et ailleurs est globalement négative. On peut conclure qu’on ne peut observer de différence significative entre l’écoute rapide d’un cable A et d’un cable B. Toutefois, un auditeur a eu un score élevé. C’est du pain béni pour les rigoristes et autres vendeurs de câbles et on se retrouve à nouveau avec une discussion qui part à la gifle. C’est très rigolo, les Gaulois se battent à coup de poisson pourri, mais ça ne fait pas avancer le chimblick.
Les fameux et indiscutables tests en double aveugle utilisés pour tester des médicaments ont leurs limites (voir par exemple les antidépresseurs et les taux de suicides… à méditer), et surtout !!! les gens qui prennent les médocs/placébos restent dans la plupart des tests placés en condition de vie réelle. Ce n’est pas le cas dans nos tests idiophiles.
AMHA, c’est un point clé. Il faut replacer la question et l’interprétation des résultats dans un contexte pertinent. L’intérêt d’un câble, ou de tout autre matériel, ne peut résider que dans ce qu’il peut apporter ou non dans un contexte d’utilisation domestique, a savoir quel apport peut il avoir dans un système voué à faire de la musique pour le plaisir de l’auditeur. Je fais abstraction ici des considérations mercantiles, de rapport qualité prix etc.
Faire un test de matériel en faisant une écoute de quelques secondes, en répétant de nombreuses fois un ou des morceaux est de toute évidence loin du contexte pertinent. C’est un test
in vitro ! Qui écoute 40 fois d’affilée le même extrait musical en se concentrant sur des détails minuscules ? Certes, qui peut le plus peut le moins, et on peut arguer que si on peut déceler une différence dans ces conditions rigoureuses on doit pouvoir aussi la percevoir en écoute normale. Mais, c’est un modèle expérimental, de l’in vitro… c’est aller vite en besogne que de généraliser, ça peut être un raccourci saisissant. Rigoureusement, les protocoles de test utilisés ici ne permettent aucunement de mettre en évidence des différences qui ne pourraient n’être perceptibles que dans la durée (> 1 jour). L’absence d’évidence expérimentale de différence perceptible en écoute courte, surtout quand on considère qu’il existe plusieurs formes de mémoires (sensorielle, de travail, affective), de durées très différentes (de l’ordre de la fraction de seconde à l’ordre de la durée d’une vie…) ne peut exclure un effet perceptible dans la durée.
Quelqu’un a écrit ici qu’il serait intéressant de faire ces tests d’écoute de longue durée avec un câble installé par une tierce personne, câble caché par une gaine visuellement neutre. Pas évident à mettre en œuvre, mais je serais plus convaincu par ce test, en contraste des écoutes rapides, répétées, stressantes (donc altérant l’auditeur) et de pertinence moyenne.
Les critères d’évaluation et leur retranscrition par les auditeurs pose aussi un problème ; comment qualifier l’entendu ? L’émotion ? La sensation ? Le ressenti ? Pour le moins que l’on puisse dire, l’instrument de mesure (oreilles/cerveaux) n’est pas calibré ! Je ne suis pas du tout un spécialiste des sciences psycho et socio, mais il me semble que de pallier à ce biais nécessite au moins d’augmenter le nombre d’auditeurs, qu’il faut tester avec des auditeurs naïfs ou entraînés, d’environnement socioculturels divers, qu’il faut préciser les types de réponses possibles à des critères précis et si possible quantifiables.
Pour conclure, ces tests, aussi rigoureux soient t’ils, ne restent que des expérience in vitro. Ils sont intéressants, rigolo à faire, mais il faut prendre garde à les extrapoler directement et définitivement à l’in vivo, c'est-à-dire la situation réelle, qui est des gens qui écoutent de la musique en menant une vie normale. Sur ce, je retourne oublier un peu la science en écoutant mon opéra favori
