bradest a écrit:Il s'agit d'une vision de Mahler qui, pour résumer, le présente comme Juif converti dont la musique prophétise l'holocauste. Différents grands thèmes sont adaptés pour un ensemble jazz, qui les joue comme une musique juive d'Europe centrale.
Le résultat est... troublant. Musicalement, c'est très étonnant (pas toujours convaincant) : on entend par exemple l'Abschied du Chant de la terre sous forme de plainte chantée en hébreu (yiddish ?). Ce qui est sûr, c'est que ma façon d'écouter Malher dans des versions "normales" n'est plus du tout la même depuis que j'ai entendu ce disque. La dimension tragique toujours présente chez Mahler, sous-jacente ou explicite, se mue depuis en une réelle angoisse devant quelque chose d'inconnu... C'est très difficile à exprimer avec des mots.
J'aurais voulu avoir l'avis des connaisseurs de Mahler (il y en a d'éminents sur ce forum) sur cette approche, et s'ils connaissent ce disque ce qu'ils en pensent.
Oui, il y a des amateurs et des connaiseurs de l'œuvre de Gustav Malher.
Je ne suis pas spécialiste de ce compositeur, qui est pour beaucoup l'un des trois ou quatre plus grands symphonistes que la Terre ait porté ( si la notion de "plus grand" en musique, n'est pas considérée comme une ânerie).
Je ne connais pas ce disque de Uri Caine, et connais mal le travail d'Uri Caine et son ensemble. Cela fait en partie penser aux interprétations qu'un musicien ou qu'un groupes de musiciens se font de l'œuvre d'un Maître du passé. Par principe, elle est valable, si elle ne ment pas sur la vérité historique de la vie et des témoignages de la pensée de l'artiste modèle.
Malher est probablement le compositeur qui a nourri le plus de littérature, de la très sérieuse (Henry-Louis de la Grange : "Gustav Malher" et Adorno : "Malher: une physionomie musicale"), le roman de gare et le "n'importe quoi".
Malher était juif, dans la société autichienne et la ville de Vienne de cette époque, cela a été évidemment significatif dans la personnalité, l'imaginaire et le développement de son œuvre. Leonard Bernstein a fait quelques démonstrations, avec des extraits d'œuvres, sur les infuences de la judaïté de Malher. Mais tout expliquer et tout résumer à cela… c'est aller trop vite et trop fort.
Un artiste n'a que son artisanat comme possibles certitudes… souvent de son art, il en a le doute. Ce sont les appréciations des autres qui y entendent son art.
Ce fut le cas de Malher d'ailleurs, grand malade par le doute. Il mit en œuvre ses symphonies, l'architecture et les nouveaux alliages d'orchestrations grâce à sa fonction de chef d'orchestre et les expérimentations que celles-ci lui permettaient. Sans oublier les confrontations régulières avec les grandes symphonies des maîtres du passé encore récent à l'époque (Beethoven).
Lorsque l'on connait les préoccupations d'un compositeur au moment de la composition, tout les discours porte-drapeaux (qui peuvent être de bonnes intentions) où auréolés de mysticisme me semble dérisoires. À moins que l'artiste ait précisé les rapports de son œuvre à une religion particulière. Nous en avons beaucoup d'exemples par le passé, puisque la majorité des œuvres étaient sacrées jusqu'à la période pré-classique, et nous n'écoutons et n'expliquons pas tout à travers cette vision…
J'ai jeté quelques commentaires… un peu de bon matin… tout cela pour te dire qu'éclairer en partie l'œuvre de Malher par sa judaîté, c'est intéressant et fondé. Mais, comme je le dis plus haut, n'en faire que cela, est vraiment très réducteur.
C'est comme dire que Mozart ne s'explique que par la franc-maçonnerie… mais là c'est un autre sujet…
Bonne journée Bradest…
Gilles