Pianistes de légende

[olivier le normand]

Cela veut dire qu'une biographie de Cortot serait en cours de préparation?

En effet, Pascal Ory est un historien assez réputé, qui a beaucoup travaillé sur la seconde guerre mondiale et sur la culture durant cette période.

Il y a la biographie de Gavoty qui a été réédité récemment, non?

Sinon, pour s'en tenir qu'à l'aspect pianistique, ce coffret s'annonce indispensable, non?

[fredicol]

Je ne vois toujours pas comment peut-on faire 45 disques avec les enregistrements que l'on connaît de lui aujourd'hui... Ou alors, il y aurait une flopée d'inédits ? Je m'en réjouirais mais trouve cela assez peu probable...

[olivier le normand]

Déjà avec les Chopin, et les nombreuses versions des Etudes, Preludes, Valses, Ballades, etc, sans oublier les concertos, enregistrées avant guerre (je ne sais pas grand chose du legs Chopin de Cortot enregistré après-guerre), cela doit bien avoisinner les 15 à 20 CD.

Ensuite, il a enregistré Ravel, Debussy, Schumann (et pas qu'un peu), Albeniz, César Franck, du Liszt (et en grande quantité), un peu de Beethoven, sûrement du Bach, et puis il ne faut surtout pas oublier le trio merveilleux qu'il formait avec le violoniste Jacques Thibaud et le violoncelliste Pau Casals, et là aussi ce la doit faire un nombre conséquent de CD!

Il y aura sans doute beaucoup d'inédits, peut-être aussi des enregistrements qui datent des années 40-45, et qui ne doivent pas être très commercialisés, en raison des circonstances que nous explique Haskil dans un précédent post!

Enfin, c'est là mon idée, mais s'il y en a qui en savent plus, n'hésitez pas à vous manifester

[haskil]

Je pense qu'on doit pouvoir atteindre les 45 CD, si l'on commence avec les faces enregistrées avec Felia Litvine au tout début du 20e siècle, que l'on continue avec les faces enregistrées aux Etats-Unis pour l'acoustique et l'électrique (il est le premier pianiste qui a enregistré pour l'électrique), puis avec les faces enregistrées à Londres dès les années 20 et jusqu'aux années après la guerre (bien qu'EMI ait eu beaucoup de mal avec son passé collabo comme en témoigne des correspondances gênées), sans oublier les faces françaises avant, pendant et après la guerre, très nombreuses elles aussi : avec de nombreux remake sans oublier des sonates de Beethoven jamais publiées officiellement et dont certaines bandes seraient perdues (histoire mystérieuse de "vol" partiel chez EMI), la musique de chambre avec Casals, avec Thibaut, avec les deux en trio, Cortot chef (Brahms, Bach, Couperin), et j'oublie les live...

Je possède 51 CD de Cortot, mais j'ai des doubles et il me manque certaines choses, mais pas trop : je n'ai pas le live avec Casals en 1957 pourtant édité sur disques, par exemple et il me manque sur CD un concerto de Schumann acoustique et diverses petites choses.

Donc je pense que 45 CD est possible si c'est son intégrale de studios avec tous les doublons et les inédits jamais publiés (Trois volumes ont déjà été publiés d'inédits en GB) qui est édité, et qui sait, peut-être retrouvera-t-on son Gaspard de la nuit...

En tout cas, j'ai poussé EMI à tout publier car le britiche qui avait publié le coffret Chopin (le coffret blanc) pour EMI, il y a 20 ans, avait fait un choix personnel dont il aurait pu nous éviter les incongruités...

[haskil]

Cela veut dire qu'une biographie de Cortot serait en cours de préparation?

En effet, Pascal Ory est un historien assez réputé, qui a beaucoup travaillé sur la seconde guerre mondiale et sur la culture durant cette période.

Il y a la biographie de Gavoty qui a été réédité récemment, non?

Sinon, pour s'en tenir qu'à l'aspect pianistique, ce coffret s'annonce indispensable, non?

Et Myriam Chimènes n'est pas moins sérieuse... et le fils adoptif de Cortot ouvre ses archives familiales au jeune historien qui travaille sous la direction de Pascal Ory.

La biographie de Gavoty est assez médiocre sur ce chapitre là de la seconde guerre mondiale...

Le coffret sera indispensable, car Alfred Cortot est le pianiste le plus souvent cité par ses confrères de nos jours : depuis 30 ans son aura ne cesse de grandir, de grandir... Ce qui n'est que justice : il était génial comme instrumentiste (irrégulier mais fabuleux pianiste), comme musicien (sa faculté à se fondre dans la musique et les styles si différent est phénoménale et détruit bien des idées reçues).

[olivier le normand]

C'est celui-ci le concerto de Schumann?



Pour Gavoty, cela ne m'étonne pas que l'activité de Cortot sous la seconde guerre mondiale soit peu évoquée, la biographie ayant été écrite à une époque, je pense, où il était de coutume de passer sous silence ces années noires (dans les années 60, non?)!

Ce n'est qu'à partir des années 70, et du livre de Paxton, que la France a fait un vrai travail sur son passé durant ces années sombres!

Bon, je crois que j'attends impatiemment le coffret, c'est une certitude même!

[haskil]

Non, la biographie a été publiée par Gavoty au milieu des années 1970...

[olivier le normand]

Je ne connais pas cette biographie, ni les relations qu'entretenaient Gavoty avec Cortot, mais peut-être que Gavoty n'a pas voulu enfoncer Cortot, ou peut-être n'avait-il pas tous les documents disponibles lui permettant de faire un vrai travail sur l'activité politique et culturel de Cortot pendant la Guerre?

Ou alors, admiratif et du pianiste et du musicien, il a préféré édulcorer cette période dans la vie de Cortot.

Ce n'est pas toujours facile de dissocier l'artiste de l'homme, surtout quand celui-ci a été impliqué, si je puis écrire cela comme ça, dans le mouvement de l'Histoire. Ne faut-il plus lire Celine ou Drieu la Rochelle parce qu'ils ont été collaborationnistes ou ont adhéré aux idées de Vichy? Comment séparer l'activité artistique des idées politiques d'un pianiste, d'un écrivain, d'un peintre? La question s'est posée récemment en Allemagne avec Furtwängler, et aussi avec Karajan. Et également Günther Grass je crois!

Alors, pianiste génial Cortot, oui, mais ne pas oublier qu'il fut aussi un de ceux qui ont participé à la politique de la Révolution nationale! mais ne plus écouter Cortot parce qu'il fut "vichyste" cela serait complètement absurde!

J'espère que le récent travail entamé par les historiens dont le nom a été cité plus haut nous en permettra d'en savoir plus, et de manière totalement objective.

[olivier le normand]

A propos de pianiste de légende, je suis en train d'écouter Alicia de Larrocha dans Goyescas de Granados, dans un enregistrement de 1955, réalisé par American Decca. C'est un enregistrement paru fin 2011 dans un coffret qui a fait peu parler de lui, mais qui est splendide, intitulé "The Liszt Legacy". Ce sont les enregistrements réalisés par cinq pianistes, dont Alicia de Larrocha, dans les années 50-60. Les bandes étaient peu connues et certaines sont apparemment inédites, paraissant pour la première fois en CD. C'est un vrai plaisir d'entendre Alicia de Larrocha très bien enregistrée, dans des interprétations somptueuses de Granados, Mompou et Turina. Dans Goyescas, outre la technique pianistique superlative, et la beauté sonore, on assite à de véritables scénarios, à des drames, des joies, à la vie en somme.

Un bien bel enregistrement à découvrir!

[olivier le normand]

Et puisque j'ai découvert ce topic qui m'intéresse en premier lieu, car je suis passionné de piano et des pianistes, je tiens à signaler un dossier entier consacré à Clara Haskil dans le numéro de juillet-août de la revue Diapason.

Deux articles sont consacrés à la légendaire pianiste roumaine, l'un biographique, l'autre d'essence plus technique qui tente d'expliquer pourquoi le jeu d'Haskil était si fascinant (ne manquez pas de lire le témoignage de sa consoeur Tatiana Nikolayeva). Et puis, l'exemple d'Haskil est une belle fable sur l'être et le paraître, dans le domaine artistique en général: à l'heure où tout n'est qu'apparence, où les artistes sont plus considérés pour leur image de marque, leur force de vente, leur image "marketing", comment expliquer que ce petit bout de femme toute menue, bossue, et qui n'avait rien, en apprence, pour soulever les foules, ait été adulée de son vivant et fasse encore parler d'elle plus de 50 ans après sa disparition? Par la beauté, la lumière,le génie pour tout dire de son jeu. Et c'est cela le plus important, non?

A noter qu'un double CD accompagne ce numéro, avec des prises de concert d'Haskil entre 1952 et 1957, avec des Schumann, des Mozart et une sonate de Schubert absolument passionnants!

[haskil]

Et une sonate de Haydn foudroyante !

Dans sa jeunesse Haskil était une pianiste dont la virtuosité était phénoménale. Magaloff disait qu'il avait joué à deux pianos avec Haskil "âgée" chez lui le 3e de Rachmaninov à une époque où elle n'aurait pas pu l'affronter en public. Et il disait que ce qu'elle faisait dans certains passages était stupéfiant pianistiquement et laissait tout le monde dans l'ombre : insurpassable disait-il.

[olivier le normand]

Puisque l'on évoque Magaloff, cela me rappelle l'émission, disponible dorénavant en DVD, "Les leçons particulières de musique", où l'on voit et entend un jeune Philippe Cassard en train de boire ses paroles!

Dans ce documentaire, on voit la villa de Magaloff à Montreux, ou Vevey, sur les hauteurs du lac Léman, où il reçoit des élèves et évoque ses souvenirs, tout en nous offrant des interprétations superbes de Chopin!

Sa femme apparaît, elle était la fille du grand violoniste Joseph Szigeti (elle doit malheureusement être décédée à ce jour, je ne sais pas). Magaloff est décédé il y a pratiquement 20 ans, et il a connu tous ceux ou presque qui ont fait l'histoire du piano au 20ème siècle: les Lipatti, Argerich, Haskil, et j'en passe sont passés chez lui.

Il disait de lui-même qu'il était comme un médecin qu'on vient consulter quand quelque chose n'allait pas!

[TELLOUCK]

Merci à vous Haskil et Olivier pour toutes ces infos passionantes

[haskil]

Magaloff était un seigneur (Sa femme Irène est bien morte). Les pianistes l'admirent plus que le public qui l'a oublié, mais, à la vérité, ne l'ai jamais réellement, sauf en Italie, porté au pinacle. Admiré, oui, mais porté au pinacle : non. Pourtant, Magaloff incarnait une forme suprême d'élégance pianistique et de vérité musicale. Un artiste singulier, en dehors des modes, jamais le meilleur (si tant est que cela veuille dire quelque chose), mais toujours intéressant, émouvant, juste, vivant.

[DaveStarWalker]

L'interview du pianiste et compositeur français Pierre Volondat, premier lauréat du Concours Reine Élisabeth en 1983.
http://www.youtube.com/watch?v=mWXnUY6fmiU" onclick="window.open(this.href);return false;

Je me demande s'il joue encore du piano.

ENOOOORME!!! Sensationnel!

C'est une histoire tragique ! Quand il était élève du Conservatoire de Paris, Volondat était une gloire locale : déchiffreur à vue exceptionnel, réducteur à vue de partitions d'orchestre complexe, en plus de cela excellent interprète... il épatait tout le monde. A chaque génération de pianistes, il y en a un comme ça ! dont parfois on entend plus parler plus tard...

Puis, il est tombé dans les mains de ce qui a été décrit, à l'époque comme une secte, et il a viré mystique et tenu ce genre de discours à la fin de ses études.

Je ne sais pas si c'est comparable, ne connaissant pas Pierre Volondat, mais ça me fait un peu penser à Cyprien Katsaris. Qui est à l'Eglise de scientologie.

Lui aussi : quel phénomène !!! Avec certaines oeuvres de très haute virtuosité, je n'ai jamais entendu "mieux". Je pense notamment aux transcriptions des symphonies de Beethoven par Liszt, en particulier chez Teldec. C'est juste inhumain .

Ce bonhomme est capable de jouer comme personne certaines partitions réputées très difficiles voire injouables. Un des seuls pianistes qui m'aient fait la même impression, c'est Simon Barère. Au-delà encore des Cziffra, Horowitz, ou plus récemment Marc André Hamelin.

Ceci dit, dans un répertoire plus traditionnel, les intentions de Katsaris sont parfois difficiles à cerner.

David