Certains sont persuadés que l'année 2006 est une année Mozart. Admettons que cela soit vrai: cela ne doit pas nous faire oublier que l'événement réel de cette année, c'est qu'il y a cent ans venait d'être conçu l'embryon connu ensuite sous le nom de Dimitri Chostakovitch.
Le centenaire de sa conception vient donc tout juste de commencer, dans une obscurité tout à fait scandaleuse, comme éclipsé par la célébration de compositeurs somme toute mineurs…

Or, comme tout se prépare, et de longue date, je suggère que nous préludions la fête du prochain 6 septembre par une gestation personnnelle. Un parcours de ses presque cent cinquante oeuvres (147?) qui irait de ci de là, au gré des humeurs de chacun siérait à cette célébration ce me semble.
Commençons, peut-être par réécouter le quatuor n°8 (quoiqu'il date de 1960), parce qu'il présente la signature mélodique de Chosta: Ré-Mib-Do-Si — et la Symphonie n°1 qui est citée, avec la n°10, dans ce même quatuor — et parce que, utilisé par la propagande des années 60 pour célébrer la mémoire des victimes faite par le nazisme chez ses adversaires et chanter la gloire du régime, — il présente la complexité même du bonhomme qui parle de lui et se cite en donnant l'apparence de glorifier un régime qu'il honnit sans doute. Ainsi, le chant patriotique (Torturé à mort dans une captivité cruelle) cité dans le 4° mouvement peut-il tout aussi bien être compris comme un retournement ironique (ou pseudo tragique selon ses termes propres) contre le régime en place. Ce d'autant que le motif Ré-Mib-Do-Si (=D. SCH., les initiales du compositeur), qui se trouve aussi dans la Symphonie n°10 (écrite juste après la mort de Staline), en prouve le caractère autobiographique. C'est une oeuvre écrite par Chosta à sa propre mémoire, grimace ironique des célébrations obligatoires du régime auxquels il fut astreint.
Ecoutons le propos mordant et grinçant de distance vis-à-vis de soi-même:
«On pourrait écrire sur la couverture: “ À la mémoire du compositeur de ce quatuor ”. …/… Bref, un joli méli-mélo. Le caractère pseudo-tragique de ce quatuor vient de ce qu'en composant, j'ai répandu autant de larmes que je répands d'urine après une demi-douzaine de bières.» — écrivit Chosta à I.Glikman.
Et lisons, ou relisons le livre — passionnant et accessible à tous — de Krzysztof Meyer (et dont la traduction est disponible chez Fayard).
Qu'écouter en second lieu (ou plutôt en cinquième, après le quatuor 8, le trio et les deux Symphonie 1 & 10)? Je m'en vais, pour ma part, aller me repasser le concerto pour violon, dirigé par Mravinski et chanté au violon par D. Oistrakh en 1957…
Enfin quoi: soyons près pour le moment où l'on nous assènera ce anniversaire!
Cdlt
