» 03 Juin 2015 13:05
Ronald D. Moore a conçu BSG en opposition par rapport aux consignes héritées de Gene Roddenberry sur Star Trek. Après huit ou neuf ans d'idéalisme et de "pas d'intrigues suivies sur plus d'un ou deux épisodes, pas de conflits entre membres de l'équipage, pas de vision négative du futur", Moore avait suffisamment d'idées ou d'histoires à raconter dans une autre veine.
L'irruption du religieux dans BSG ne me pose pas problème, et elle a effectivement eu lieu très tôt (les hallucinations de Baltar, les rêves de Roslin), mais je pense cependant que la résolution de l'intrigue sous l'impulsion d'une forme de transcendance est très maladroite et a une allure de deus ex machina. Entre les règlements de compte concernant les Cinq derniers, une ficelle d'écriture lamentable pour boucler l'intrigue des Cylons, et le coup de l'installation sur Terre, avec une civilisation avancée qui aurait dégénéré en quelques siècles avant notre existence, il y a un peu trop d'éléments absurdes à digérer. Il y a quelques très grandes scènes dans ce final (tout ce qui implique Roslin et Adama), mais les effets autour de Starbucks/pas Starbucks tombent beaucoup à plat. Curieusement, l'épilogue ne me dérange pas tant que ça, vu qu'il est aussi une pirouette comique (quand on voit le robot dont il faudrait se méfier...).
De toute façon, boucler une grande saga fantastique ou SF avec une intrigue linéaire et foisonnante n'a rien de facile, les qualités permettant aux auteurs d'imaginer tout un cadre avec des règles étranges n'étant souvent pas les mêmes que celles qui permettent de conclure une histoire de façon satisfaisante. LOST, La Tour sombre, le cycle des Cantos d'Hypéron ou la trilogie de jeux Mass Effect (fortement influencés par BSG, avec quelques voix communes, et une production au Canada) n'avaient pas trouvé de porte de sortie beaucoup plus réussie. Il faut trouver une conclusion pour l'histoire des personnages principaux, et équilibrer ça par rapport au sort général d'un monde, voire de l'univers tout entier.
En fait, le fond du problème, c'est qu'un univers de fiction a de toute façon un dieu "naturel", l'auteur. C'est lui qui décide seul, arbitrairement, du destin des personnages, de la création de nouveaux mondes ou de leur destruction. Il peut décider que dans ces mondes, il y aura du religieux, une forme de transcendance. Mais on reconnaît un "bon" auteur au fait qu'il ne se confond pas avec cette transcendance, et que ses choix d'écriture ne se réduisent pas à cette seule intervention du "divin". Or, dans le final de BSG, il y a trop de chevilles scénaristiques pour moi, et l'intervention de la transcendance (Dieu, IA ultime, etc.) sert surtout aux auteurs à évacuer des éléments qu'ils n'arrivaient pas à régler sinon, à côté de ces autres chevilles.