Happy!
(Inédit pour le moment en France)
Adaptation d'un comic en quatre parties de Grant Morrison (et Darick Robertson), Happy! repose sur le travail du scénariste d'origine avec Brian Taylor (le co-auteur des Crank avec Mark Neveldine). C'est à première vue une série noire post-moderne, avec héros au bout du rouleau (Nick Sax, un ex flic au bout du rouleau devenu tueur à gages) qui essaye tant bien que mal de retrouver une part de dignité alors que la moitié de la mafia est à ses trousses.
Sauf qu'il y a l'âne licorne multicolore qui volette autour de lui, Happy.
Bah oui, vous savez, l'ami imaginaire d'une gamine qui s'avère être la fille qu'il ignorait avoir, et qui est convaincu que Sax est un héros incorruptible plutôt que le pochtron vaguement maso dont tout le monde se moque. Et, tolérant tant bien que mal Happy, sans savoir au fond s'il est le produit de son imagination, Sax va tenter de retrouver la trace de sa gamine kidnappée.
Bon, soyons clairs, c'est une série de très très mauvais goût (même avec l'allègement récent de certains critères, ça pousse assez loin les normes de violence, langage et sexualité pour une série diffusée sur SyFy), mais faite avec un certain brio (Brian Taylor est tout particulièrement à l'aise dans les épisodes qu'il réalise pour des scènes de baston ou de fusillade totalement improbables). Le ton change constamment, avec des embardées du côté de la télé-réalité trash ou de l'horreur pure.
Et surtout, le casting est particulièrement réussi. Christopher Meloni est surtout connu pour ses rôles très physiques dans Oz ou New York, Unité spéciale, qui n'étaient pas particulièrement joyeux, mais (un peu comme Michael Shannon) il a presque une seconde carrière à incarner avec le plus grand sérieux des personnages grotesques (le cuistot de Wet Hot American Summer et des deux séries qui ont suivi pour Netflix, le patron de Paul Rudd dans They Came Together, celui qui a un problème avec son déguisement lors d'une soirée costumée). Là, il incarne jusqu'à la caricature un personnage de "dur" à la mâchoire serrée (du Jason Statham en plus menaçant) qui affronte en vrai macho une cascade d'humiliations sans moufter o.
Dans le reste de la distribution, la voix de Happy est assurée par Patton Oswalt, qui est surtout connu en France pour Ratatouille, mais qui est un des comiques de stand-up les plus célèbres outre-Atlantique. Ici, il campe un personnage qui tente de décrire avec des mots d'enfant des situations particulièrement trash, ce qui est très jubilatoire. Et, au milieu des nombreux (mais variés) personnages psychopathes de la série, il y a le Smoothie de Patrick Fischler. Fischler est une de ces tronches que l'on reconnaît vite, sans forcément connaître leur nom. Vous l'avez certainement vu dans Lost (un type de l'initiative Dharma) ou Mad Men (le comique Jimmy Barrett de la saison 2) ou Idiocracy (le mari "intello" du prologue). Mais c'est aussi un de ces acteurs auxquels Lynch fait souvent appel, récemment dans Twin Peaks, et il y a quinze ans dans LA scène dont tout le monde se souvient dans Mulholland Drive, celle du type qui raconte son cauchemar à un ami dans le dinner. Là, Fischler campe un personnage particulièrement retors et sournois, avec son petit sourire pincé de sadique.
Le final de la saison passe ce soir à la télé américaine, et la série est d'ores et déjà reconduite pour une saison 2, ce qui suggère qu'elle ira bien au-delà de l'histoire de la BD d'origine. Franchement, ça accomplit plus ou moins ce que l'adaptation de Preacher tentait de faire : il n'y a pratiquement pas de temps mort, le ton réussi à faire passer des idées absolument répugnantes sur le papier (de la sauce tomate parfumée avec du sang menstruel qui a quelques décennies, un certain type de préparation du poisson dans un resto chinois), et c'est presque tout le temps jouissif, en partie grâce à une bande son spécial Noël.
