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Musique enregistrée : BLURAY, CD & DVD musicaux, interprètes...

La 6e Symphonie de Tchaïkovski : comment l'entendons-nous ?

Message » 20 Nov 2004 10:11

Mais j'espère bien qu'il n'y a pas de réponse définitive là-dessus, il y a des mystères qui peuvent le rester!
Ma piste perso, sans garantie du gouvernement: parfois j'ai l'impression que les sons musicaux nous ramènent à des associations émotionelles acquises pendant notre propre stade pré-verbal, ou la prosodie du langage compte plus que le sens des mots: douceur de la voix maternelle, voix qui gronde en se déformant, voix plaintive qui se tord, voix saccadée trahissant la nervosité, dialogue enjoué entre deux personnes avec contraste de timbre, reprise de souffle pendant un monologue etc...
Il m'est d'ailleurs arrivé d'entendre un chorus de sax dans un état de demi-sommeil et de l'interpreter comme une série de phrases, une histoire, c'est très étrange (non je ne me drogue plus :roll: ).
Il y a surement aussi association avec les bruits de la nature et le sens qu'on leur attribue, bruissement de feuille sous une brise rassurante, grondement de tonnerre inquiétant, claquement sinistre d'une branche qui casse...
Mais pourquoi un accord mineur est perçu plus mélancolique qu'un majeur? sais pas! est-ce uniquement un conditionnement culturel occidental? je ne crois pas! :o
cdlt,
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Message » 20 Nov 2004 10:38

Oh la vache :o :o :o , je ne savais pas qu'on pouvait aller si loin dans l'analyse d'une oeuvre, d'une musique :D :D :D

Ok, je vais essayer (avec mes mots simples à moi :P ) de faire ces analyses sur des plages réduites, ainsi que sur des changements de rythmes ... mais un peu plus tard :wink: (et toujours sur le premier mouvement, pour l'instant).

Sinon, petite question, est ce que je continue mon analyse/interprétation des 3 autres mouvements comme je l'ai fait pour le premier, ou est ce que tu (vous) préfères (ez) que je me "limite" à des analyses plus séquentielles, comme tu le suggères dans ta réponse ?

A plus,

Carbo
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Message » 20 Nov 2004 10:56

(Je tenterais la minute à 16:30 du mouvement 1, ou vers 7:00 du mouvement 4 : mais je suis absent jusqu'à demain)
Bonne journée à tous !
Bernard
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Message » 20 Nov 2004 10:56

GBo a écrit:Mais j'espère bien qu'il n'y a pas de réponse définitive là-dessus, il y a des mystères qui peuvent le rester!

Rien ne peut être définitif en Art… rassure-toi…
Une analyse, ne peut-être que très parcellaire, ce n'est qu'un moyen de comprendre qu'une partie du fonctionnement.
Je me méfie comme toi des docteurs "es analyse" croyant tout comprendre par le seul décorticage des fonctions harmoniques et tonales d'une œuvre. Si cela était suffisant il n'y aurait plus qu'à mettre cela en algorithme et de laisser faire la machine (le plus beau c'est que certains y croient encore…). Hélas… il y a une différence… l'imagination humaine se distingue toujours.

Ma piste perso, sans garantie du gouvernement: parfois j'ai l'impression que les sons musicaux nous ramènent à des associations émotionelles acquises pendant notre propre stade pré-verbal, ou la prosodie du langage compte plus que son articulation: douceur de la voix maternelle, voix qui gronde, voix plaintive qui se tord, voix saccadée trahissant la nervosité, dialogue enjoué entre deux personnes avec contraste de timbre, reprise de souffle pendant un monologue etc...
Il m'est d'ailleurs arrivé d'entendre un chorus de sax dans un état de demi-sommeil et de l'interpreter comme une série de phrases, une histoire, c'est très étrange (non je ne me drogue pas).
Il y a surement aussi association avec les bruits de la nature et le sens qu'on leur attribue, bruissement de feuille sous une brise rassurante, grondement de tonnerre inquiétant, claquement sinistre d'une branche qui casse...


Oui Gil, ce que tu dis là est tout à fait exact.
Notre écoute est même liée à des souvenirs pré-nataux… le bruit du flux sanguin de la maman (ce qui explique en partie notre fascination du rythme).
Et même encore plus fort… notre cerveau est conditionné dans ses fonctions de perceptions acoustique à nos origines de pré-hominiens… lorsque nous étions des proies dans les grandes forêts. Le cerveau est très sensible au petits détails sonores subits… cela est pour lui peut-être signal de danger… un agresseur a peut-être cassé une brindille dans son travail d'approche ?
Par contre tout ce qui se prolonge, le cerveau le globalise et très vite saisissant la permanence n'y trouve plus signe de danger, donc s'en détache.
Notre écoute musicale est encore tributaire de ces fonctions de défenses paléolithiques…
Nous avons bonnes mines avec notre internet… :wink:
Mais pourquoi un accord mineur est perçu plus mélancolique qu'un majeur? sais pas! est-ce uniquement un conditionnement culturel? je ne crois pas!


Pour cela je crois que c'est de l'ordre du relatif… le mineur est "triste" par rapport au majeur.
S'il n'y avait qu'un seul type d'accord… il n'aurait probablement pas de perception de caractère.
Le caractère triste du mineur par rapport au majeur (je sais que tu sais… mais je le dis tout de même) est dans la position de la note du milieu de l'accord. En mineur elle est plus basse d'un demi-ton. Les disposition dans la verticalité des hauteurs se rattache à des archétypes universels… bas-- haut… Nous verrons cela un peu plus tard.

Voilà Gil quelques pistes de réflexions.

Dans l'attente de les poursuivre…
Cordialement

Gilles
Dernière édition par Gilles R le 20 Nov 2004 12:04, édité 2 fois.
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Message » 20 Nov 2004 11:16

carbo a écrit:Oh la vache :o :o :o , je ne savais pas qu'on pouvait aller si loin dans l'analyse d'une oeuvre, d'une musique :D :D :D

Ben… qu'est ce que tu crois… ça déménage au HCFR 8)


Ok, je vais essayer (avec mes mots simples à moi :P ) de faire ces analyses sur des plages réduites, ainsi que sur des changements de rythmes ... mais un peu plus tard :wink: (et toujours sur le premier mouvement, pour l'instant).

Sinon, petite question, est ce que je continue mon analyse/interprétation des 3 autres mouvements comme je l'ai fait pour le premier, ou est ce que tu (vous) préfères (ez) que je me "limite" à des analyses plus séquentielles, comme tu le suggères dans ta réponse ?


Salut Christophe,

Si cela n'engage pas trop de temps pour toi, tes interprétatons et les relevés chronométriques des autres mouvements, nous seront précieux pour revenir plus tard sur certains passages et nous pourrons confronter des analyses à tes perceptions.

Ensuite… prends un court extrait et essaies l'analyse de l'évolution des éléments musicaux de ce passage. 30 secondes au début… et puis ensuite l'oreille affinée augmente à la minute.
Mais tu vois les mots sont simples… il n' y a pas de vocabulaire spécifiques.

Bon courage !

amitiés

Gilles
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Message » 20 Nov 2004 11:18

Euh ..... c'est quoi, très brièvement (vraiment en 2 mots :wink: ) car je sais que je devrais plutôt poser la question sur ton autre post, un accord mineur par rapport à un accord majeur (et oui, je suis vraiment nul :oops: :mdr: ).

Pourquoi existe-t-il des symphonies en La Mineur, en Sol Majeur (pourquoi pas en La tout court, ou en Sol tout court) ?

Désolé :oops: :D

Carbo :wink:
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Message » 20 Nov 2004 11:44

Bonjour,

J'ai découvert cette partie du forum et plus particulièrement ce projet il y quelques jours; le temps d'acheter le CD et de comprendre comment me connecter pour remercier déjà tous les participants du plaisir que j'ai pris à lire tous les posts passés.
Et que je me réjouis de lire ceux à venir.
Je crois qu'un des secrets du 'spectacle vivant' c'est aussi le partage de l'émotion avec d'autres. Ce forum permet de retrouver ce frisson. Merci donc.

Hervé
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Message » 20 Nov 2004 11:48

GBo a écrit:
carbo a écrit:[...]Cela dit, dès le début, on sent qu'il va se passer des choses terribles, comme si le "mal" était là, sournois, rampant comme un serpent en attendant le moment favorable pour agir ...

Tout ça est très bien dit et c'est exactement ce que je ressens aussi!
carbo a écrit:Et bien non, nouveau rebondissement à 13'54, mais empreint quand même de mélancolie sur un rythme de valse (14'30) (...)

C'est un p'tit détail mais je compte plutôt 4 temps sur ce mouvement de 13:49 à 17:40 du track #3.

Oui, c'est effectivement mesuré à 4 temps.
Ce qui a donné cette impression de 3 temps à carbo c'est probablement le rythme de la phrase avec le 3e temps lié au début du 4e temps et l'effet d'élan de la dernière courte note du 4eme temps pour le premier temps suivant.

Il y a beaucoup d'animations rythmiques dans l'écriture de Tchaikovski… c'est un russe et il est en plus compositeur de ballet… alors…

salut

Gilles
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Message » 20 Nov 2004 11:55

carbo a écrit:Euh ..... c'est quoi, très brièvement (vraiment en 2 mots :wink: ) car je sais que je devrais plutôt poser la question sur ton autre post, un accord mineur par rapport à un accord majeur (et oui, je suis vraiment nul :oops: :mdr: ).

Pourquoi existe-t-il des symphonies en La Mineur, en Sol Majeur (pourquoi pas en La tout court, ou en Sol tout court) ?


Christophe,
Ta question est importante, aussi je vais y répondre. Mais pour ne pas trop mélanger le contenu des threads, je me permettrai d'aller donner ma réponse au topique :
"Les termes musicaux que vous voudriez connaitre"

C'est de toute façon une chose à éclaircir là bas…
Donc à plus tard

Gilles
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Message » 20 Nov 2004 14:54

Wevreh a écrit:Bonjour,

J'ai découvert cette partie du forum et plus particulièrement ce projet il y quelques jours; le temps d'acheter le CD et de comprendre comment me connecter pour remercier déjà tous les participants du plaisir que j'ai pris à lire tous les posts passés.
Et que je me réjouis de lire ceux à venir.
Je crois qu'un des secrets du 'spectacle vivant' c'est aussi le partage de l'émotion avec d'autres. Ce forum permet de retrouver ce frisson. Merci donc.

Hervé


Bienvenue Hervé.

Ta réaction est encourageante !

Nous attendons avec plaisirs le fruit de tes écoutes…
(le fruit des écoutes… ça se dit ça ?) :o

Bien cordialement

Gilles
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Message » 20 Nov 2004 20:25

Mes impressions d'écoutes globales:
Je n'écoute pas souvent du classique (sauf à l'occasion un peu de Bach, Chopin, Liszt, Debussy, Ravel, Stravinsky, Mahler, mais pas beaucoup plus), en tout cas je ne me souviens pas avoir écouté attentivement du Tchaikovsky, à part ses ballets les plus connus sans doute, mais il y a très longtemps.
Aucune idée préconçue sur la 6ième donc.

Cette découverte a été un choc d'émotions, avec des surprises enthousiasmantes.
J'ai accroché dès la première écoute, tant sur la composition que sur l'interprétation, même si plusieurs écoutes m'ont été nécessaires pour m'imprégner des différentes mélodies, variations; la structure de l'adagio--allegro non troppo par exemple n'a pas l'air évidente. Difficile en tout cas de prendre un cahier et de regarder l'afficheur tellement c'est prenant.

En ce qui me concerne, je n'entends pas grand chose de typiquement russe au niveau de la partition (quoique?), ce qui est le plus russe pour moi c'est ce lyrisme exacerbé, cette sincérité du trait, que Mravinsky a l'air d'avoir privilégié. J'imagine qu'il y a eu quelques répétitions costaudes pour arriver à ce résultat où la technique s'efface à ce point pour faire place à la matière de l'oeuvre avec un tel degré de concentration et de passion; comment faire mieux? :o

Vous l'aurez compris, j'adore ce disque*!

Un mot du son: incroyable de précision pour un enregistrement de cette époque (fait à Londres pendant une "tournée"). Les bois et surtout les percussions sont quand même un peu en dessous au niveau du rendu sonore, les cymbales accusent la définition des procédés de l'époque (ou l'âge de la bande lors du transfert CD). Mais pour le reste, on ne perd aucune miette. Et une cohésion, une matière, rares. Légère distorsion analogique présente par moment il me semble, mais peu génante.

On a déjà parlé de l'expressivité des cordes, vibrantes et capiteuses dans le bon sens du terme, et des cuivres, lesquels me font penser à des pierres précieuses brutes, ils envoient cash quoi ! :mdr: .
Question à lecteur plus érudit: ce type de jeu est-il toujours d'actualité aujourd'hui, est-ce typique de cet orchestre, de cette époque, etc...
Quid de cette impression de justesse "spéciale" des cuivres, c'est nous ou bien?

L'adagio (#3) et le Finale (#6) sont ceux qui me transportent le plus, le finale atteint même cette sorte de perfection qui humidifie les yeux si on est dans l'état adéquat.
Cela me parle avec justesse de la finitude de l'homme, de l'espoir contrarié, de la mort.
Question: de forme: est-il courant qu'une symphonie de cette époque se termine de façon aussi lente et sombre?

L' Allegro con grazia (#4) a pour moi un intérêt plus anecdotique, je ne comprends pas tout à fait ce que cette vraie/fausse valse fait là, si ce n'est quelques réminiscences d'une des mélodies du #3 il me semble (à creuser). Si histoire il y a, je l'interpréterais comme un dernier "show" avant le drame attendu, une sorte de plaisir sans trop y croire.

L' Allegro molto vivace (#5) est un morceau de bravoure qui a tout d'une musique de western :lol: (pour preuves les descentes en french cancan à la fin, non? :P ). Ce mouvement me plait pour le spectacle de la virtuosité, l'ingéniosité de l'écriture, et l'interprétation jouissive, mais je ne le raccroche pas encore bien aux autres wagons.

L'adagio--Allegro non troppo (#3) est passionnant de bout en bout, des phrases sont fulgurantes d'intelligence (pour autant que je puisse en juger!), pas de matière grasse, rien n'est gratuit. Les mélodies sont vraiment très belles, d'une beauté intemporelle.

A suivre sans doute!

cdlt,
GBo

(*) pour rappel si certains nous rejoignent, on parle bien du CD N°2 de ce coffret:
Image
#3. Adagio--Allegro non troppo
#4. Allegro con grazia
#5. Allegro molto vivace
#6. Finale: Adagio lamentoso
Dernière édition par GBo le 21 Nov 2004 0:43, édité 1 fois.
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Message » 21 Nov 2004 0:42

est-il courant qu'une symphonie de cette époque se termine de façon aussi lente et sombre?

GBo, si tu aimes ça, écoute les poèmes symphoniques ou les lieders de Richard Strauss : c'est le grand spécialiste des fins à rallonge... et moi j'adore ces moments !!!
blue dream
 
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Message » 21 Nov 2004 1:28

GBo a écrit:On a déjà parlé de l'expressivité des cordes, vibrantes et capiteuses dans le bon sens du terme, et des cuivres, lesquels me font penser à des pierres précieuses brutes, ils envoient cash quoi ! :mdr: .
Question à lecteur plus érudit: ce type de jeu est-il toujours d'actualité aujourd'hui, est-ce typique de cet orchestre, de cette époque, etc...
Quid de cette impression de justesse "spéciale" des cuivres, c'est nous ou bien?


C'est un jeu avec des dynamiques !
C'est la vision expressive de Mravinski. Tout chef peut désirer cette couleur et la trouver…

La justesse des cuivres… je pense que Mravinski devait y veiller.
Je n'ai rien remarqué… mais la couleur du timbre des cuivres peut apparaitre, en forçant un peu, comme légèrement fausse.
Car le spectre des cuivres est légèrement inharmonique.
Je vérifierai toutefois.


Gbo a écrit:L'adagio (#3) et le Finale (#6) sont ceux qui me transportent le plus, le finale atteint même cette sorte de perfection qui humidifie les yeux si on est dans l'état adéquat.
Cela me parle avec justesse de la finitude de l'homme, de l'espoir contrarié, de la mort.
Question: de forme: est-il courant qu'une symphonie de cette époque se termine de façon aussi lente et sombre?



Non, les derniers mouvements sont plutôt avec un tempo allègre… Mais cette entrée des cordes dans ce chant tendu est formidable dans son contraste avec la fin du mouvement précédent.

Il y a là une beau contraste ! :idee:

Il y a du travail autour de cette Symphonie !

À bientôt…

Gilles
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Message » 21 Nov 2004 12:37

Alors voilà, je vais essayer de faire mon commentaire selon l'approche indiquée par Gilles. :oops:

J'ai choisi la dernière minute du premier mouvement. Ca commence exactement à 16:26

Ce passage m'a réellement ému parce qu'il évoque certainement quelque chose de vécu (faudra que je creuse) mais aussi parce que cette mélodie est pour moi un idéal en musique : arriver à un tel niveau d'émotion avec si peu de moyens est le summum dans ce que j'aime en musique. Bon, si peu de moyens, c'est peut-être pas ce qu'il faudrait dire, mais plutôt parler de simplicité dans le sens "absence de complexité" : on accède directement au coeur de la musique, dans la plus pure limpidité.

En fait, le premier mouvement aurait pu se terminer déjà à la borne 16:25 en laissant s'éteindre doucement ce dernier accord. Non, Tchaikovsky a ajouté une page comme un dernier souffle (peut-on se laisser aller à un de jeu de mots en disant que la ligne mélodique n'est jouée que par les "vents" ?).

La surprise est grande parce que cet appendice ne reprend pas le thème principal !! C'est assez original, je crois, et vraiment ça donne un sentiment à la fois que les choses s'éteignent (par la frome de la musique elle-même) mais qu'en même temps elles vont reprendre (grâce à l'introduction d'un nouveau thème).

Ce souffle en forme d'expiration est cependant soutenu par une légère tension grâce au profil de ce passage que je décrirais par le symbole suivant :
<>=

Une ascendance, un relâchement et une partie plus stable pour finir.

Ce sont les cuivres (très retenus) qui commencent la ligne mélodique. Elle est continuée par les bois et flûtes au timbre plus clair et limpide, ce qui "ouvre" l'ambitus (différence entre le grave et l'aigu), objectif et subjectif, et ce qui ouvre aussi l'espace intermédiaire entre mélodie et assise rythmique jouée par les pizzicatos des cordes. Cette notion d'espace (de vide) est renforcée par l'absence des cordes frottées (toutes les cordes sont jouées pizzicato) et donne une merveilleuse "aération" à ce moment central.

Puis les cuivres reprennent la parole aux bois pour refermer cet espace (la ligne mélodique "redescend" en même temps) et pour terminer sur un sentiment plus sombre, affirmé par l'introduction des timbales. Si on est attentif, on remarque que les timbales ne jouent pas un battement régulier, mais quelque chose de plus subtil, peut-être pour éviter de rappeler le battement d'un coeur. Ce n'est pas non plus un coeur qui ralentit... une simple subtilité purement musicale ?

Voilà, cette fin de premier mouvement m'a ému, et grâce à cette forme d'écoute indiquée par Gilles, elle me sera encore plus proche désormais.

A vous les studios.
blue dream
 
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Message » 21 Nov 2004 13:44

blue dream a écrit:J'ai choisi la dernière minute du premier mouvement. Ca commence exactement à 16:26
En fait, le premier mouvement aurait pu se terminer déjà à la borne 16:25 en laissant s'éteindre doucement ce dernier accord. Non, Tchaikovsky a ajouté une page comme un dernier souffle (peut-on se laisser aller à un de jeu de mots en disant que la ligne mélodique n'est jouée que par les "vents" ?).

La surprise est grande parce que cet appendice ne reprend pas le thème principal !! C'est assez original, je crois, et vraiment ça donne un sentiment à la fois que les choses s'éteignent (par la frome de la musique elle-même) mais qu'en même temps elles vont reprendre (grâce à l'introduction d'un nouveau thème).

Ce souffle en forme d'expiration est cependant soutenu par une légère tension grâce au profil de ce passage que je décrirais par le symbole suivant :
<>=

Une ascendance, un relâchement et une partie plus stable pour finir.

Ce sont les cuivres (très retenus) qui commencent la ligne mélodique. Elle est continuée par les bois et flûtes au timbre plus clair et limpide, ce qui "ouvre" l'ambitus (différence entre le grave et l'aigu), objectif et subjectif, et ce qui ouvre aussi l'espace intermédiaire entre mélodie et assise rythmique jouée par les pizzicatos des cordes. Cette notion d'espace (de vide) est renforcée par l'absence des cordes frottées (toutes les cordes sont jouées pizzicato) et donne une merveilleuse "aération" à ce moment central.

Puis les cuivres reprennent la parole aux bois pour refermer cet espace (la ligne mélodique "redescend" en même temps) et pour terminer sur un sentiment plus sombre, affirmé par l'introduction des timbales. Si on est attentif, on remarque que les timbales ne jouent pas un battement régulier, mais quelque chose de plus subtil, peut-être pour éviter de rappeler le battement d'un coeur. Ce n'est pas non plus un coeur qui ralentit... une simple subtilité purement musicale ?


Bonjour Bernard,

Ton choix du passage met le doigt sur quelque chose d'important dans cette œuvre, la façon de finir ou d'enchainer autrement que ce qu'il semblerait normal de faire.

Tu fais une analyse juste.
Effectivement Tchaikovsky aurait pu finir juste avant 16'26".
Il module à ce moment là en prenant un motif ascendant dont les intervalles sont plus larges que ce qui est juste précédent et qui est en motifs descendants.
La couleur des cuivres donnent une impression de force passagère avec les pulsations de pizz. des cordes accentuant avec nuance une forme d'énergie et de battement du temps.
Cette courte "rémission" se prolonge dans le registre médium des bois (effet d'ouverture) pour redescendre par les cors puis les trombones et tubas dans le grave pour finir en mourrant.
Une forme d'onde lente… montante et descendante.

Cette fenêtre, je ne veux pas la commenter… Il y a pour chacun son interprétation. Mais en composition l'art de commencer et de finir est une caractéristique de chaques compositeurs. Tchaikovski ressent la nécessité de donner une forme à cette fin du mouvement… ce n'est pas gratuit… nous retrouvons plus tard plusieurs fois cette façon de "ranimer" le discours, alors que la fin semblait logiquement possible.

N'y a t'il pas quelque chose de comparable à la fin du 3e mouvement qui semble être dans ses derniers moments comme une fin d'œuvre… et le 4e mouvement qui reprend avec une matière de tout autre nature…
Quelle surprise…

Qu"en pense-tu ?

En tout cas bravo pour cette approche "intelligente" que tu montre à travers tes lignes.

Merci.

À bientôt :wink:

Gilles
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