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Musique enregistrée : BLURAY, CD & DVD musicaux, interprètes...

Quelles suites pour violoncelle de JS Bach ?

Message » 02 Jan 2005 16:43

Pandème, je suis globalement d'accord avec ce que tu écris...

Sauf sur un ou deux détails !

- la notion de style d'interprétation propre à une époque est l'une des idées qui doivent être le plus discutées car elle est le fond de commerce de la critique musicale, depuis une trentaine d'années. Globalement, c'est assez faux pour la musique instrumentale.

Avec une autre : on joue de plus en plus vite (alors que le contraire est établi), la technique des pianistes a fait des progrès (encore faux), on joue différemment (tout aussi faux et le pire c'est qu'on le sait et qu'on en a des preuves en plus d'un siècle d'enregistrements acoustiques et électriques !

sauf pour les instruments à cordes dont la technique a beaucoup changé... (bien qu'elle soit fixée depuis un siècle : cf. Capet dont la méthode est la base de l'école russe !), mais justement Casals est l'un des "cordistes" qui ont libéré le violoncelle (pas le seul, mais le plus connu : les autres étant plus connus comme prof ou compositeurs que comme interprètes).

L'interprétation de Casals n'est en réalitée datée que par sa prise de son et, peut-être, par d'infimes détails de technique d'archet... et encore ! Mais certainement pas du point de vue de l'expression : car tous les violoncellistes pas formés au baroque jouent fondamentalement de la même façon de nos jours.

Elle est en revanche, marquée par la personnalité et signée par la sonorité de ce musicien et là, c'est unique !


Il y a moins de différences entre Casals, Maréchal, Rostropovitch (malgré la différence d'approche technique) qu'il y en a entre Rostro et Starker (je parle du jeu et plus de bach d'une façon précise) et bien sur entre Rostro et Bylsma...

Comme il y a moins de différences entre Cortot (1877-1962) et Argerich (née en 1942) (dans l'idée) qu'entre Argerich et Pollini (la soixantaine aussi). mais il y a moins de différences entre Pollini et Backhaus (1880 et des poussières) qu'entre ce dernier et Cortot...

- Les enregistrements live peuvent être encore plus coincés que les enregistrements de studio... Du temps qu'on en connaissait peu et pour de bonnes raisons c'était vrai ce que tu dis. de nos jours, ou par mesure d'économie, on publie des live... c'est moins vrai.

Quant à Celibidache : c'est encore une autre histoire. aurait il fait des disques, que peut être sont aura aurait été moins grande... car ces partis pris ne sont pas toujours déterminants. du reste, de nos jours, on s'en aperçoit. ça ne marche pas toujours à la réécoute. En concert, la présence, le magnétisme du chef, l'équilibre miraculeux qu'il obtenait du point de vue sonore faisaient oublier des paramètres qui s'imposent à la réécoute sur disque...

- On a publié des méthodes de viole au XIXe siècle... et cet instrument a été moins délaissé qu'on ne le dit... Et on a même fabriqué ! Il n'y avait pas de disques, pas de radios, la notion de public n'était donc pas la même : mais les musiciens savaient et fort bien ce qu'était une viole, en Grande bretagne, par exemple...

Un autre piste : les organistes vivent très vieux !!! et il suffit de voir qui s'est succédé aux tribunes parisiennes depuis plus de deux siècles... de se souvenir de Boely qui, à Paris, jouait Bach au début du XIXe et composait de la musique contrapuntique quand c'était plus la mode... Il savait comment jouer bach à l'orgue... il le tenait de bonne source !

J'ai très bien connu la petite fille de Marguerite Hasselmans (la compagne de Fauré), elle même pianiste et prof d'harmonie : je peux te dire qu'elle savait très bien comment il fallait jouer du point de vue tempos, du point de vue formel, la musique de Fauré... surtout quand elle te montrait les partitions annotées par Fauré : "surtout ne pas céder"... "a tempo"... "vite, plus vite encore"... "pas de pédale"... etc. Et pourtant, un disque récent du à Koon Woo Paik a obtenu tous les suffrages ou presque alors qu'il déforme cette musique plus encore qu'Aimée van de Wiele déforme les Goldberg de Bach en jouant comme une machine à coudre sur son clavecin Pleyel !

Tiens, on a joué du clavecin tout au long du XIXe siècle : il n'y a pas que la France où on en a tout de même aussi joué un peu contrairement à ce qui se dit. On a même encore fabriqué, restauré des clavecins au début du XIXe siècle !!!

Et en 1886, Diemer a joué un clavecin historique en public à l'exposition universelle et avec plus de savoir qu'on ne le dit aujourd'hui... suffit de voir qui l'avait enseigné et qu'il avait fréquenté !

En fait, on en savait plus sur la façon de jouer Couperin, Bach, Rameau, Duphly au clavier au long du XIXe que les clavecinistes ne le savaient en 1950 !!! Pour des raisons liées a la tabula rasa effectuée par Landowska et à sa prééminence.

On oublie toujours que le temps est plus compressé qu'on ne l'imagine... Il y a toujours un lien bien plus évident qu'on ne le pense... avec le passé.

Un exemple : gamin, j'ai demandé à mon prof, élève de Francis Planté, comme jouaient Liszt et Chopin... vu qu'il avait beaucoup joué avec Liszt...

réponse : "à la même question planté m'a répondu m'a dit Lévèque (grand ami de Geoffroy Dechaume qui lui savait et pas qu'un peu ! ): "comme n'importe quel très grand pianiste : les deux mains ensembles et sans faire de fausses notes...". Planté né en 1839 mort en 1935...

Leveque a enregistré tout couperin au piano pour la RTF en 1953 : en inégalisant les rythmes ce qu'aucun claveciniste ne savait faire en ce temps là... il tenait ça de planté qui avait eu pour proffesseur des vieux au conservatoire de Paris... issus de lignées de musiciens si proches du XVIIIe...

La tradition orale existe aussi...

Cf. berlioz qui a été estomaqué d'entendre les vieux musiciens de la société des concerts du conservatoire ornementer leurs parties pendant les répétitions de la création de la Symphonie fantastique... Ils faisaient ça en 1780 pourquoi ne l'auraient ils pas fait en 1830 !

Pauline Viardot est morte en 1910, elle a sauté sur les genoux de Da Ponte à New York, Da Ponte le librettiste de Mozart, elle a déjeuné avec Stravinsky, joué à vue, à Paris en chantant tous les rôles, Tristan et isolde devant Liszt (qui raconte ça) et Berlioz qui venait de lui apporter la partition d'orcheste que Wagner venait de lui offrir. Elle savait très bien comment Chopin et Liszt, ses amis, jouaient, très bien comment Brahms et Schumann jouaient, comment Mendelssohn jouait, comme son père chantait, le grand manuel garcia, comment Rossini jouait et aimait qu'on chante, etc.



Et si l'on a réinventé pour le public le clavecin au XXe siècle, grâce à Landowska et à quelques autres, il est établi que la coupure n'a pas été aussi nette qu'on l'a prétendu : l'ornementation, l'inégalisation et d'autres choses aussi importantes ont été préservées via l'orgue et via le piano (aussi curieux que cela puisse paraître ! des pianistes jouaient couperin en inégalisant à une époque ou les clavecinistes ne savaient pas que cela existait.

Seulement, déjà on lisait la musique à l'envers et on parlait de progrès... hélas !

Le problème serait le peu de passages entre piano et clavecin au XXe et le manque de talent de la plupart des éleves des pionniers (genre Landowska) jusqu'à la génération de ceux qui sont venus après la deuxième et la troisième génération des éléves de landowska... Leonhardt and co qui ne doivent quasi rien à Landowska...

Il ne faut jamais lire la musique en pensant qu'untel annonce untel : mais toujours en remontant le cours de l'histoire.

Dans le cas de Landowska : c'est fascinant, car elle a créé ex-nihilo un jeu de clavecin sur un instrument qui n'était pas un clavecin... en réaction à son époque telle qu'elle la percevait. Ce qu'elle a fait est fascinant de courage, de détermination, d'intelligence et différent de ce qu'elle prone !!!

J'ai un jour interrogé Harnoncourt sur le sujet pour lui : pas de problèmes, éditions mises à part, car elles sont fautives : "Schuricht, Kleiber père, Monteux dirigeaient beethoven d'une façon bien plus proche de ce que je fais que les chefs de la tradition post romantique leurs contemporains..."

Et c'est ainsi qu'il y aussi moins de différences entre lui et eux qu'entre barenboim et lui et eux... sur plus de 70 ans d'histoire !

Il y aurait un livre à faire, enregistrements antédiluviens à l'appui pour montrer avec quelques exemples bien choisis que l'historiographie musicale pousse le bouchon un peu loin, chaque mois, dans les revues et déforme ainsi une vision historique juste pour une partie non négligeable du répertoire...

Dans le domaine du chant français, ce n'est pas moins fascinant de voir comment des vieux comme Dens, Souzay, Michaux, Cuenod pouvaient se méler à des baroqueux voici 30 ans sans que leur chant fassent le moins du monde tâche...

Si un enregistrement de clavecin se démode à cause d'une façon précise de restituer les ornements, c'est pour d'autres raisons : il n'aurait jamais dû être modé en fait, car il a toujours été déficient d'un point de vue plus important !

La preuve, ceux de Landowska ne sont pas démodés...

et dans un autre genre : on a un jour décrêté que le continuo dans les opéras de MOnteverdi devait être fait par peu de musiciens... puis on a découvert des traces d'interprétations faites à l'époque avec un continuo pléthorique... et l'on s'est rendu compte, que finalement Raypond Leppard, de ce point de vue n'avait pas tord...

Plus j'étudie l'histoire de l'interprétation (de la musique de clavier), plus je m'aperçois que l'on raconte beaucoup d'histoires en les répétant sans cesse et qui n'ont pas un fondement historique réel... mais bon sang qu'elles sont tenaces là où elles devraient pas l'être : dans les revues musicales qui sont censées informer les lecteurs...

Une dernière pour la route ?

Les clavecinistes sont parfois d'une ignorance redoutable quand bien même ils sont savants dans un domaine très pointu.

Je me suis gentiment fritté à la radio avec Rousset qui venait de dire qu'il déniait le droit à un pianiste de jouer bach ou rameau au piano... comme le très romantique Edwin Fischer !

Il a bien fallu lui répondre que Fischer n'était pas du tout un pianiste romantique car le romantisme était mort depuis 80 ans quand il a enregistré Bach, que Fischer était un adepte de la nouvelle objectivité de Busoni, que du temps de Fischer il y avait d'autres pianistes qui jouaient fondamentalement différemment de lui et qu'il voulait sans doute dire que Fischer avait une approche disons expressive, sensible de bach plus que philologique, mais que pourtant le même Fischer trouvait des explications à certains problèmes d'interprétation de Beethoven dans le fait que les piano-forte sonnaient différemment et qu'il fallait alléger le son pour retrouver les intentions de Beethoven...

Et ce n'est pas sans une certaine joie, que j'ai vu que son élève Badura Skoda rapportait ce fait dans le dernier diapason...

Rousset, en fait, n'a jamais entendu une note de Bach par Harold Samuel, Eibenschutz, Renard, Levèque et d'autres pianistes nés au XIXe siècle... dont certains jouent d'une façon autrement plus juste solfégiquement parlant que quantités de mauvais clavecinistes du XXe siècle...

A part ça, Rousset est un musicien et claveciniste admirable dont on ne saurait trop recommander d'écouter les suites anglaises et françaises chez Mirare... C'est drôle... mais il joue comme un pianiste... inspiré :wink: Comme son collègue Pierre Hantaï qui suivait, lui, Richter à la trace... et qui est fascine par le scarlatti d'Horowitz !

Alain :wink:
haskil
 
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Message » 02 Jan 2005 17:02

haskil a écrit:Il y aurait un livre à faire, enregistrements antédiluviens à l'appui pour montrer avec quelques exemples bien choisis que l'historiographie musicale pousse le bouchon un peu loin, chaque mois, dans les revues et déforme ainsi une vision historique juste pour une partie non négligeable du répertoire...


Alors, Alain quand t'y mets tu ?
Tout ce que tu dis là est extrémement intéressant et important… Un sacré témoignage à faire !
Je connais peu de musicologues capables de le faire… puisque n'ayant pas vécu tes rencontres, et n'ayant pas tes sources, ni tes archives.

Penses-y !

Amicalement
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Message » 03 Jan 2005 0:48

Oui d'accord avec Gilles, Alain quand t'y mets-tu? Ton texte est très intéressant et j'y ai appris beaucoup de choses.
J'ignorais qu'on avait encore construit des violes au XIX. Y a-til un répertoire pour cela? J'avais écouté un cd consacré par puyana aux contemporains de scarlatti. Il y avait dessus quelques pièces tardives pour clavecin datées du début du XIX. Je trouve que tu poses de manière très intéressante la question du rapport à la tradition. Tu dis qu'il ne faut pas penser qu'untel annonce untel mais plutôt remonter le cours de l'histoire. Je suis plutôt d'accord. Est-ce que le lizt de nuages gris annonce l'atonalité libre de l'école de Vienne, ce n'est pas certain. par contre on peut voir chez Schönberg un aboutissement de la musique du XIX. En réalité les ruptures se manifestent le plus souvent dans la perspective du "retour à". C'est panovsky qui explique en gros qu'on invente simultanément la Renaissance et le moyen-âge. Avant la rupture, les hommes du moyen-Age pensaient peut-être vivre dans la continuité de l'antiquité. L'idée fondatrice de la renaissance correspond à la volonté de retrouver ce qui est perdu. Ton exemple de tabula rasa chez landowska me paraît assez proche: elle veut retrouver une tradition mais pour la retrouver il faut nécessairement qu'elle ait été perdue. Les orchestres à cordes du début du XX étaient peut-être encore assez proche de ceux de la fin du XVIII avec leurs cordes en boyau Vouloir rejouer à la manière des XVII et XVIII comme l'ont fait les baroqueux correspond à une vision distanciée. Le fil est rompu et la tradition reconstituée l'est à l'aide des sources écrites, d'une démarche philologique. C'est comme les hypothèses de Perez sur le chant des origines chrétiennes. Elles sont plausibles mais elles passent par une reconstruction analogique. C'est tout le risque d'une démarche "muséologique".
J'aime beaucoup ce qu'écrit Kundera sur Schönberg et Stravinski dans "testaments trahis". Il va à l'encontre de l'analyse Boulézienne qui condamne la période néo-classique de Stravinski. Pour Kundera Schönberg est un continuateur alors que Stravinski récapitule l'histoire de la musique. Cette hypothèse n'est pas dénuée d'intérêt. J'apprécie beaucoup la manière dont Spering avait remonté la Passion selon saint Matthieu comme Mendelsohn aurait pu la jouer: ça c'était vraiment une réflexion sur la tradition!
:idee:

à+

pandème :wink:
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Message » 03 Jan 2005 13:06

Ecrire un livre qui sera lu par 200 personnes est moins intéressant qu'écrire ce que l'on devine, ce que l'on sait, que l'on pense savoir au gré d'articles qui sont lus par beaucoup plus de monde.

Je devais en écrire un sur les grands pianistes... et j'ai remboursé l'éditeur !

Aucun compositeur n'annonce ce qui se produira à la génération suivante. Mais la génération suivante réagi à la génération précédente. S'empare ou pas de ce qu'elle sait du passé proche et lointain. Etudier la composition c'est analyser les oeuvres du passé lointain et proche !

On voit dans Beethoven, par exemple, dans les lectures de l'histoire de la musique faites à l'envers un annonciateur...

En fait, la musique de LVB est, et ça c'est une certitude, bourrée d'allusions au passé : jusqu'à des citations de chant grégorien (dans la Neuvième, par exemple) ou de chansons populaires, notamment des chants français révolutionnaires. C'est plus intéressant que chercher de la mélodie de timbres partout dans ses oeuvres orchestrales juste pour le relier à Schoenberg. Ce dernier savait tout de Beethoven et Beethoven ignorait tout de Schoenberg ! Mais évidemment Beethoven tout en étant ancré dans son époque et plongé dans le passé était un génie qui ne s'embarassait pas trop des contingences encore que... un peu plus qu'on l'a dit et qu'on lui a fait dire.

Sa musique était moins difficile à jouer à cause de ses difficultés techniques que de son langage. On en a un exemple au XXe siècle avec le concerto pour la main gauche de ravel. On a dit ce concerto injouable par les pianistes car trop difficile... Ah bon ! C'est n'importe quoi ! Son langage pouvait, en revanche, dérouter (Vuillermoz y a vu les prémices de dégénérescence cérébrales...) et rendre sa lecture et son assimilation difficile, mais certainement pas ses difficultés, certes réelles, mais si loin de celles du concerto en mi mineur de Chopin composé un siècle plus tôt... Faut une grande main, en revanche !!! Et si aujourd'hui un gamin de 16 ans peut le jouer, c'est uniquement parce que le langage est totalement assimilé et qu'il n'est pas surpris en le déchiffrant. Bref, on joue plus facilement ce qu'on comprend dans la mesure ou on le comprend. Mais on continue de lire que cette oeuvre était inaccessible pianistique à la plupart des pianistes d'autrefois...

Si l'on revient à Beethoven, certaines de ses sonates pour piano, pathétique incluse... ont été publiées pour clavecin ou piano-forte, c'est sur le frontispice !!! certainement pas pour le piano à double échappement, cordes croisées, pour le piano moderne comme on dit. Et du reste, l'écriture de la pathétique, comme de la Clair de lune... sentent plus le clavecin que le Steinway modèle D... La dynamique y est par plans, par strates (comme si l'on accouplait les claviers du clavecin) et pas comme dans l'Opus 110, par exemple qui, malgré ses fugues, son arioso, a besoin d'un instrument qui joue piano et forte pour sonner !

Mais plus d'une détail d'écriture des sonates reste impossible à restituer sur un piano moderne : comment enfler le son après qu'il soit émis sur un accord tenu pendant une mesure ? On trouve ça dans la hammerklavier... Beethoven composait donc en pensant à un synthétiseur pas au piano moderne ! je rigole, à peine !

Pour le répertoire de la viole : je ne sais pas si l'on a composé pour cet instrument au XIXe... mais Hindemith et Britten, bien avant Tous les matins du monde... se sont intéressés à la viole, aux violes devrait on dire... Hindemith en a joué !
Il y avait plein de sociétés de musiciens anciens en Europe tout au long du XIXe siècle, en France, en Grande Bretagne, en Allemagne et le relais se passait. Et donc on en a joué...

Le Liszt des pièces de la fin poussent le chromatisme un peu loin ! mais ne sont en rien annonciatrice de la musique atonale, dodécaphonique ou sérielle des années 50.

En poussant le bouchon, on pourrait aussi dire de Chopin qui est parfois polyrhitmique et polytonal qu'il annonce Darius Milhaud, voire Webern pour son coté concis ! Alors que Chopin est en permanence tourné vers le passé (il possédait une édition de Couperin et la seule partition qu'il ait emportée à Majorque c'est le Clavier bien tempéré et il pestait contre les éditeurs qui avaient modifié le texte de Bach : intuition de compositeur qui préférait les bizarreries apparentes à la correction).

Bref, les pièces de Liszt ne reposent pas sur un système mais sont plutôt des improvisations notées auxquelles ont veut trop souvent faire dire autre chose que ce qu'elles sont. Et il y a plus de Chopin chez Wagner et Liszt que l'inverse... et plus de Liszt chez Wagner que l'inverse. Et pourtant les trois se sont marché sur les pieds.

Les orchestres à cordes du début du XX étaient peut-être encore assez proche de ceux de la fin du XVIII avec leurs cordes en boyau Vouloir rejouer à la manière des XVII et XVIII comme l'ont fait les baroqueux correspond à une vision distanciée. Le fil est rompu et la tradition reconstituée l'est à l'aide des sources écrites, d'une démarche philologique.


Les orchestres de la fin du XIXE et du début du XXe étaient nécessairement plus proches du point de vue des cordes de ceux de la fin du XVIIIe qu'ils ne le sont de ceux de nos jours. Car il faut toujours un grand temps pour que les orchestres changent sous l'effet de la musique et l'arrivée de nouveaux instruments se fait peu à peu et le XIXe était une usine à instruments ! Particulièrement les vents qui ont considérablement changé et de nouveaux sont apparus ! Sonorité des vents et technique de jeu ont changé plus que ceux des cordes dont les manches ont été rallongés... Et l'on a utilisé le vibrato en temps qu'élément rhétorique et non généraslié et le portamento jusqu'à une date récente. Aujourd'hui, on y revient d'ailleurs ! En France, les cors vibraient beaucoup, il y a encore 30 ans... fini... mais en Russie, les vents vibrent toujours...

Autre notion, le style : le style wagnérien, par exemple, est postérieur aux oeuvres : les musiciens qui créèrent ses opéras, les chanteurs aussi étaient connus pour interpréter d'autres musiques que la sienne... et ne pouvaient donc pas ressembler à ce que les années 1930 nous ont fait entendre dans ce domaine qui est devenu la vérité pour la majorité du public.

Tristan a été créé dans un opéra dans la fosse duquel une petite soixantaine de musiciens pouvaient entrer...
Le jour où l'on entendra Tristan par un orchestre de 60 musiciens et chantés par des chanteurs qui ne sont ni des Flagstad ni des Nilsson... sans doute n'aura-t-on plus envie d'envahir la Pologne... C'est le rêve d'Alagna de donner ainsi Tristan... à l'Opéra Comique... on en a une petite idée avec l'enregistrement Kleiber chez DGG... une mozartienne pour Isolde ! C'est plus logique qu'un canon !

a technique de jeu ayant elle moins changé au XIXe qu'elle n'a changée depuis les années 20-30 de notre siècle. Encore que là aussi, c'est un peu plus compliqué : Heifetz a fait ses débuts aux Etats-Unis vers 1915... et il n'est pas sorti du néant ! On lui a bien appris à jouer du violon selon des préceptes connus et non selon des préceptes qui seraient connus 50 ans plus tard ! Et il a enregistré ses premières faces à cette époque : suffit d'écouter !
Mais Heifetz était un météore... un peu comme Paganini en son temps. Mais bon, Sevcik et sa méthode étaient passés par là, comme Capet et sa technique d'archet qui n'est pas non plus sortie du néant !

Idem d'Hoffman ne en 1876: on a certes perdu les faces qu'il a enregistrées pour Edison vers l'âge de 10 ans, mais l'on a des disques de lui qui datent de 1912 : sa conception de la technique du piano est identique à celle d'aujourd'hui. Mais il joue plus proprement que beaucoup, beaucoup de nos contemporains...!!!
A la même époque Paderewski... jouait d'une façon plus fantaisiste et moins proche de ce que l'on est accoutumé d'entendre et faisait déjà râler Rubinstein qui le trouvait sentimental et too much...
Mais le même rubinstein, allant au Brésil à la même époque, trouvait qu'Antonietta Rudge jouait comme un Dieu : Beethoven et Chopin...
Et le même Rubinstein, avant la guerre de 14, à Paris a entendu Francis Planté âgé de 80 ans, jouer la Polonaise Fantaisie de Chopin... à la perfection... et Planté était né en 1839... tiens, le même Planté qui a joué avec Franchomme, le violoncelliste ami de Chopin et joué en public des études de Debussy et créé la partie de piano de la sonate pour violoncelle de Rachmaninov en France...
Je ne connais pas un exemple d'un pianiste dont la technique et les conceptions musicales aient changé du tout au tout entre ses 20 ans et ses 80 ans ! Et quand Planté dit au début des années 30 que Chopin et Liszt jouaient comme n'importe quel pianiste : il a entendu tous les grands pianistes depuis la fin des années 1840... quand il a joué pour Chopin... Et donc Chopin pourrait revenir aujourd'hui : on trouverait pas son jeu bizarre, pas plus que celui de Gould en tout cas qui l'est, ô combien !

Et le prof de Rubinstein qui fut aussi celui de Kempff (et quelles différences de conceptions musicales entre ses deux immenses artistes !), un vieux vestige du romantisme, M. Heinrich Barth : faisait travailler métronome sur le piano, mains séparées et avec peu de pédale... et avait horreur du sentiment étalé... comme Clara Schumann... dont les dernières élèves sont mortes, quand même, au milieu des années 1960... dont Illona Eibenschutz créatrice londonienne de l'Opus 118 de Brahms et amie de ce dernier... Elle a fait des disques en 1898-1902... on entend très bien... Mieux que Brahms dont l'unique enregistrement nous enseigne juste une chose : il joue sa première danse hongroise... vite !

Même sur le romantisme on se trompe donc : Chopin, Liszt, Clara Schumann : trois romantiques, trois conceptions du jeu totalement différentes... Comme berlioz, Wagner et Mendelssohn pour la direction d'orchestre. Le premier et le dernier adeptent d'une discipline de fer et voulant rester au plus près du texte sans le surjouer . Wagner est lui adepte d'une vision cosmique qui fait peu de cas du respect du texte pour faire dire à la musique ce qu'il veut qu'elle dise. Mais son idée est contemporaine de la construction de l'Allemagne et de la volonté de grandeur et d'hégémonie de ses classes dirigeantes qui va bientôt aussi créer le mythe du chef d'orchestre en grand prêtre de la musique...

Et l'on pourrait multiplier les exemples : il n'y a pas, pour toute une partie du répertoire, particulièrement du clavier un style propre à une époque. Il y a des individus de talents différents, qui ont un rapport à la musique différent, tout comme à leur instrument. C'est pareil aujourd'hui : entre Argerich et Maurizio Pollini, il y a un gouffre... Idem hier entre Rubinstein et Cortot, mais inversé. Entre Furtwangler et Toscanini. Le second étant en réaction contre son époque, le premier totalement le produit de la sienne. Du coup, Toscanini réagissait contre la supériorité, le côté j'incarne la musique allemande, du second, à mon avis pathétique par son enflure (certains articles de Furt sont d'une inconséquence politique redoutable) : il était mur pour être cueilli par les nazis et leur esthétique... elle aussi puisée dans le passé.

On pourrait aussi parler de la prétendue école de piano française : quel point commun pianistiquement entre Marguerite Long et Cortot ? Entre Nat, Casadesus et Cortot ? Or les trois sortent de la classe de Diemer. Qui joue Debussy comme il le faut : Long ou Cortot ? Les deux, sans doute, mais la première a du talent, le second du génie et son jeu n'appartient à aucune école.

Mais il y a le type de jeu instrumental et il y a la façon de diriger : hier sur Musique, Lodéon disait, une fois encore, que l'on joue mieux de nos jours qu'autrefois et il cite la 40e de Mozart dirigée par Strauss qui est une horreur (c'est vrai !) pour dire qu'aujourd'hui on est plus fort qu'autrefois et il cite bach qui ralait contre ces musiciens...

C'est aller encore une fois vite en besogne ! On ne peut se fonder sur un disque et quelques déclarations d'un compositeur dans un contexte qui demande à être explicité pour établir une règle !

C'est un peu comme si dans 100 ans, tous les disques d'orchestre avaient été détruits et qu'on écoute la 9e de Schubert par Barenboim et Berlin ou le 4e Concerto de Beethoven dirigé par Klemperer à Vienne... le second aussi mauvais que Strauss... le premier à la dérive, malgré un orchestre de premier plan...

Il aurait suffit qu'au lieu de la 40e de Mozart par Richard Strauss, Lodeon écoute un disque de l'Orchestre symphonique de Paris dirigé par Straram ou Monteux ou un disque dirigé par Paul Paray dans les mêmes années 1930... pour que son discours soit totalement différent. Ou le concert du jubilée de Josef Hoffman, enregistrée au MEt en 1938 sous la direction de Fritz Reiner... Ou un des disques de Toscanini des années 20... et sa théorie s'effondrerait. C'est tout le problème de la documentation et du disque... dont on dit qu'il est parfait... Ah ! bon, je ne m'en étais pas aperçu... ou de son influence sur la façon de jouer... Là aussi je ne m'en suis pas encore aperçu... bien que tant d'interprètes le répètent à l'envie... Notez qu'en 1920, on disait déjà qu'autrefois, les artistes avaient plus de personnalité !

Quant à Bach : qui peut penser une seconde que les habitués du café Zimerman et les fidèles qui écoutaient ses cantates chaque dimanche auraient supporté les canards, les choeurs totalement décalés, les cordes dérapant sans cesse ! Il avait ce qu'il avait à sa disposition et tout comme il y a aujourd'hui des points faibles dans certains orchestres, lui a eu des problèmes avec certaines recrues : et alors ! Qui a entendu un cocnert de l'orchestre de Paris il y a 25 ans se souviendra d'un premier violon effroyable au son pincé, jouant pas juste (Luben Yordanoff qui ne voulait pas quitter son poste) et un pupitre de cors effroyable...


Bref :mdr: et c'est ça qui est drôle finalement. On ne sait rien, mais l'on sait plus de choses que l'on ne le pense.

Mais si l'on se fixe sur notre époque : on dit souvent que tous les orchestres sonnent aujourd'hui de la même façon... On a la preuve du contraire sous les oreilles et pourtant on le croit... on le répète à l'envi... Rien qu'à paris : Opéra, national et Orchestre de Paris ne sonnent pas du tout de la même façon et pas du tout de la même façon, chacun d'eux, en fonction du chef qui dirige !

mais pour en revenir à la Philologie, je trouve bien plus intéressant d'écouter Herreweghe dans la 7e de Bruckner que Celibidache... le second dirige comme on est accoutumé d'entendre cette symphonie, mieux que plein de ses collègues, aussi bien que d'autres...

Herreweghe me fait réfléchir... en faisant entendre Schubert et le Wagner d'avant le wagnérisme interprétatif, c'est plus intéressant et pas moins émouvant.

Pardon pour le désordre des idées jetées en vrac !

Alain :wink:
haskil
 
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Message » 03 Jan 2005 13:07

Ecrire un livre qui sera lu par 200 personnes est moins intéressant qu'écrire ce que l'on devine, ce que l'on sait, que l'on pense savoir au gré d'articles qui sont lus par beaucoup plus de monde.

Je devais en écrire un sur les grands pianistes... et j'ai remboursé l'éditeur !

Aucun compositeur n'annonce ce qui se produira à la génération suivante. Mais la génération suivante réagi à la génération précédente. S'empare ou pas de ce qu'elle sait du passé proche et lointain. Etudier la composition c'est analyser les oeuvres du passé lointain et proche !

On voit dans Beethoven, par exemple, dans les lectures de l'histoire de la musique faites à l'envers un annonciateur...

En fait, la musique de LVB est, et ça c'est une certitude, bourrée d'allusions au passé : jusqu'à des citations de chant grégorien (dans la Neuvième, par exemple) ou de chansons populaires, notamment des chants français révolutionnaires. C'est plus intéressant que chercher de la mélodie de timbres partout dans ses oeuvres orchestrales juste pour le relier à Schoenberg. Ce dernier savait tout de Beethoven et Beethoven ignorait tout de Schoenberg ! Mais évidemment Beethoven tout en étant ancré dans son époque et plongé dans le passé était un génie qui ne s'embarassait pas trop des contingences encore que... un peu plus qu'on l'a dit et qu'on lui a fait dire.

Sa musique était moins difficile à jouer à cause de ses difficultés techniques que de son langage. On en a un exemple au XXe siècle avec le concerto pour la main gauche de ravel. On a dit ce concerto injouable par les pianistes car trop difficile... Ah bon ! C'est n'importe quoi ! Son langage pouvait, en revanche, dérouter (Vuillermoz y a vu les prémices de dégénérescence cérébrales...) et rendre sa lecture et son assimilation difficile, mais certainement pas ses difficultés, certes réelles, mais si loin de celles du concerto en mi mineur de Chopin composé un siècle plus tôt... Faut une grande main, en revanche !!! Et si aujourd'hui un gamin de 16 ans peut le jouer, c'est uniquement parce que le langage est totalement assimilé et qu'il n'est pas surpris en le déchiffrant. Bref, on joue plus facilement ce qu'on comprend dans la mesure ou on le comprend. Mais on continue de lire que cette oeuvre était inaccessible pianistique à la plupart des pianistes d'autrefois...

Si l'on revient à Beethoven, certaines de ses sonates pour piano, pathétique incluse... ont été publiées pour clavecin ou piano-forte, c'est sur le frontispice !!! certainement pas pour le piano à double échappement, cordes croisées, pour le piano moderne comme on dit. Et du reste, l'écriture de la pathétique, comme de la Clair de lune... sentent plus le clavecin que le Steinway modèle D... La dynamique y est par plans, par strates (comme si l'on accouplait les claviers du clavecin) et pas comme dans l'Opus 110, par exemple qui, malgré ses fugues, son arioso, a besoin d'un instrument qui joue piano et forte pour sonner !

Mais plus d'une détail d'écriture des sonates reste impossible à restituer sur un piano moderne : comment enfler le son après qu'il soit émis sur un accord tenu pendant une mesure ? On trouve ça dans la hammerklavier... Beethoven composait donc en pensant à un synthétiseur pas au piano moderne ! je rigole, à peine !

Pour le répertoire de la viole : je ne sais pas si l'on a composé pour cet instrument au XIXe... mais Hindemith et Britten, bien avant Tous les matins du monde... se sont intéressés à la viole, aux violes devrait on dire... Hindemith en a joué !
Il y avait plein de sociétés de musiciens anciens en Europe tout au long du XIXe siècle, en France, en Grande Bretagne, en Allemagne et le relais se passait. Et donc on en a joué...

Le Liszt des pièces de la fin poussent le chromatisme un peu loin ! mais ne sont en rien annonciatrice de la musique atonale, dodécaphonique ou sérielle des années 50.

En poussant le bouchon, on pourrait aussi dire de Chopin qui est parfois polyrhitmique et polytonal qu'il annonce Darius Milhaud, voire Webern pour son coté concis ! Alors que Chopin est en permanence tourné vers le passé (il possédait une édition de Couperin et la seule partition qu'il ait emportée à Majorque c'est le Clavier bien tempéré et il pestait contre les éditeurs qui avaient modifié le texte de Bach : intuition de compositeur qui préférait les bizarreries apparentes à la correction).

Bref, les pièces de Liszt ne reposent pas sur un système mais sont plutôt des improvisations notées auxquelles ont veut trop souvent faire dire autre chose que ce qu'elles sont. Et il y a plus de Chopin chez Wagner et Liszt que l'inverse... et plus de Liszt chez Wagner que l'inverse. Et pourtant les trois se sont marché sur les pieds.

Les orchestres à cordes du début du XX étaient peut-être encore assez proche de ceux de la fin du XVIII avec leurs cordes en boyau Vouloir rejouer à la manière des XVII et XVIII comme l'ont fait les baroqueux correspond à une vision distanciée. Le fil est rompu et la tradition reconstituée l'est à l'aide des sources écrites, d'une démarche philologique.


Les orchestres de la fin du XIXE et du début du XXe étaient nécessairement plus proches du point de vue des cordes de ceux de la fin du XVIIIe qu'ils ne le sont de ceux de nos jours. Car il faut toujours un grand temps pour que les orchestres changent sous l'effet de la musique et l'arrivée de nouveaux instruments se fait peu à peu et le XIXe était une usine à instruments ! Particulièrement les vents qui ont considérablement changé et de nouveaux sont apparus ! Sonorité des vents et technique de jeu ont changé plus que ceux des cordes dont les manches ont été rallongés... Et l'on a utilisé le vibrato en temps qu'élément rhétorique et non généraslié et le portamento jusqu'à une date récente. Aujourd'hui, on y revient d'ailleurs ! En France, les cors vibraient beaucoup, il y a encore 30 ans... fini... mais en Russie, les vents vibrent toujours...

Autre notion, le style : le style wagnérien, par exemple, est postérieur aux oeuvres : les musiciens qui créèrent ses opéras, les chanteurs aussi étaient connus pour interpréter d'autres musiques que la sienne... et ne pouvaient donc pas ressembler à ce que les années 1930 nous ont fait entendre dans ce domaine qui est devenu la vérité pour la majorité du public.

Tristan a été créé dans un opéra dans la fosse duquel une petite soixantaine de musiciens pouvaient entrer...
Le jour où l'on entendra Tristan par un orchestre de 60 musiciens et chantés par des chanteurs qui ne sont ni des Flagstad ni des Nilsson... sans doute n'aura-t-on plus envie d'envahir la Pologne... C'est le rêve d'Alagna de donner ainsi Tristan... à l'Opéra Comique... on en a une petite idée avec l'enregistrement Kleiber chez DGG... une mozartienne pour Isolde ! C'est plus logique qu'un canon !

a technique de jeu ayant elle moins changé au XIXe qu'elle n'a changée depuis les années 20-30 de notre siècle. Encore que là aussi, c'est un peu plus compliqué : Heifetz a fait ses débuts aux Etats-Unis vers 1915... et il n'est pas sorti du néant ! On lui a bien appris à jouer du violon selon des préceptes connus et non selon des préceptes qui seraient connus 50 ans plus tard ! Et il a enregistré ses premières faces à cette époque : suffit d'écouter !
Mais Heifetz était un météore... un peu comme Paganini en son temps. Mais bon, Sevcik et sa méthode étaient passés par là, comme Capet et sa technique d'archet qui n'est pas non plus sortie du néant !

Idem d'Hoffman ne en 1876: on a certes perdu les faces qu'il a enregistrées pour Edison vers l'âge de 10 ans, mais l'on a des disques de lui qui datent de 1912 : sa conception de la technique du piano est identique à celle d'aujourd'hui. Mais il joue plus proprement que beaucoup, beaucoup de nos contemporains...!!!
A la même époque Paderewski... jouait d'une façon plus fantaisiste et moins proche de ce que l'on est accoutumé d'entendre et faisait déjà râler Rubinstein qui le trouvait sentimental et too much...
Mais le même rubinstein, allant au Brésil à la même époque, trouvait qu'Antonietta Rudge jouait comme un Dieu : Beethoven et Chopin...
Et le même Rubinstein, avant la guerre de 14, à Paris a entendu Francis Planté âgé de 80 ans, jouer la Polonaise Fantaisie de Chopin... à la perfection... et Planté était né en 1839... tiens, le même Planté qui a joué avec Franchomme, le violoncelliste ami de Chopin et joué en public des études de Debussy et créé la partie de piano de la sonate pour violoncelle de Rachmaninov en France...
Je ne connais pas un exemple d'un pianiste dont la technique et les conceptions musicales aient changé du tout au tout entre ses 20 ans et ses 80 ans ! Et quand Planté dit au début des années 30 que Chopin et Liszt jouaient comme n'importe quel pianiste : il a entendu tous les grands pianistes depuis la fin des années 1840... quand il a joué pour Chopin... Et donc Chopin pourrait revenir aujourd'hui : on trouverait pas son jeu bizarre, pas plus que celui de Gould en tout cas qui l'est, ô combien !

Et le prof de Rubinstein qui fut aussi celui de Kempff (et quelles différences de conceptions musicales entre ses deux immenses artistes !), un vieux vestige du romantisme, M. Heinrich Barth : faisait travailler métronome sur le piano, mains séparées et avec peu de pédale... et avait horreur du sentiment étalé... comme Clara Schumann... dont les dernières élèves sont mortes, quand même, au milieu des années 1960... dont Illona Eibenschutz créatrice londonienne de l'Opus 118 de Brahms et amie de ce dernier... Elle a fait des disques en 1898-1902... on entend très bien... Mieux que Brahms dont l'unique enregistrement nous enseigne juste une chose : il joue sa première danse hongroise... vite !

Même sur le romantisme on se trompe donc : Chopin, Liszt, Clara Schumann : trois romantiques, trois conceptions du jeu totalement différentes... Comme berlioz, Wagner et Mendelssohn pour la direction d'orchestre. Le premier et le dernier adeptent d'une discipline de fer et voulant rester au plus près du texte sans le surjouer . Wagner est lui adepte d'une vision cosmique qui fait peu de cas du respect du texte pour faire dire à la musique ce qu'il veut qu'elle dise. Mais son idée est contemporaine de la construction de l'Allemagne et de la volonté de grandeur et d'hégémonie de ses classes dirigeantes qui va bientôt aussi créer le mythe du chef d'orchestre en grand prêtre de la musique...

Et l'on pourrait multiplier les exemples : il n'y a pas, pour toute une partie du répertoire, particulièrement du clavier un style propre à une époque. Il y a des individus de talents différents, qui ont un rapport à la musique différent, tout comme à leur instrument. C'est pareil aujourd'hui : entre Argerich et Maurizio Pollini, il y a un gouffre... Idem hier entre Rubinstein et Cortot, mais inversé. Entre Furtwangler et Toscanini. Le second étant en réaction contre son époque, le premier totalement le produit de la sienne. Du coup, Toscanini réagissait contre la supériorité, le côté j'incarne la musique allemande, du second, à mon avis pathétique par son enflure (certains articles de Furt sont d'une inconséquence politique redoutable) : il était mur pour être cueilli par les nazis et leur esthétique... elle aussi puisée dans le passé.

On pourrait aussi parler de la prétendue école de piano française : quel point commun pianistiquement entre Marguerite Long et Cortot ? Entre Nat, Casadesus et Cortot ? Or les trois sortent de la classe de Diemer. Qui joue Debussy comme il le faut : Long ou Cortot ? Les deux, sans doute, mais la première a du talent, le second du génie et son jeu n'appartient à aucune école.

Mais il y a le type de jeu instrumental et il y a la façon de diriger : hier sur Musique, Lodéon disait, une fois encore, que l'on joue mieux de nos jours qu'autrefois et il cite la 40e de Mozart dirigée par Strauss qui est une horreur (c'est vrai !) pour dire qu'aujourd'hui on est plus fort qu'autrefois et il cite bach qui ralait contre ces musiciens...

C'est aller encore une fois vite en besogne ! On ne peut se fonder sur un disque et quelques déclarations d'un compositeur dans un contexte qui demande à être explicité pour établir une règle !

C'est un peu comme si dans 100 ans, tous les disques d'orchestre avaient été détruits et qu'on écoute la 9e de Schubert par Barenboim et Berlin ou le 4e Concerto de Beethoven dirigé par Klemperer à Vienne... le second aussi mauvais que Strauss... le premier à la dérive, malgré un orchestre de premier plan...

Il aurait suffit qu'au lieu de la 40e de Mozart par Richard Strauss, Lodeon écoute un disque de l'Orchestre symphonique de Paris dirigé par Straram ou Monteux ou un disque dirigé par Paul Paray dans les mêmes années 1930... pour que son discours soit totalement différent. Ou le concert du jubilée de Josef Hoffman, enregistrée au MEt en 1938 sous la direction de Fritz Reiner... Ou un des disques de Toscanini des années 20... et sa théorie s'effondrerait. C'est tout le problème de la documentation et du disque... dont on dit qu'il est parfait... Ah ! bon, je ne m'en étais pas aperçu... ou de son influence sur la façon de jouer... Là aussi je ne m'en suis pas encore aperçu... bien que tant d'interprètes le répètent à l'envie... Notez qu'en 1920, on disait déjà qu'autrefois, les artistes avaient plus de personnalité !

Quant à Bach : qui peut penser une seconde que les habitués du café Zimerman et les fidèles qui écoutaient ses cantates chaque dimanche auraient supporté les canards, les choeurs totalement décalés, les cordes dérapant sans cesse ! Il avait ce qu'il avait à sa disposition et tout comme il y a aujourd'hui des points faibles dans certains orchestres, lui a eu des problèmes avec certaines recrues : et alors ! Qui a entendu un cocnert de l'orchestre de Paris il y a 25 ans se souviendra d'un premier violon effroyable au son pincé, jouant pas juste (Luben Yordanoff qui ne voulait pas quitter son poste) et un pupitre de cors effroyable...


Bref :mdr: et c'est ça qui est drôle finalement. On ne sait rien, mais l'on sait plus de choses que l'on ne le pense.

Mais si l'on se fixe sur notre époque : on dit souvent que tous les orchestres sonnent aujourd'hui de la même façon... On a la preuve du contraire sous les oreilles et pourtant on le croit... on le répète à l'envi... Rien qu'à paris : Opéra, national et Orchestre de Paris ne sonnent pas du tout de la même façon et pas du tout de la même façon, chacun d'eux, en fonction du chef qui dirige !

mais pour en revenir à la Philologie, je trouve bien plus intéressant d'écouter Herreweghe dans la 7e de Bruckner que Celibidache... le second dirige comme on est accoutumé d'entendre cette symphonie, mieux que plein de ses collègues, aussi bien que d'autres...

Herreweghe me fait réfléchir... en faisant entendre Schubert et le Wagner d'avant le wagnérisme interprétatif, c'est plus intéressant et pas moins émouvant.

Pardon pour le désordre des idées jetées en vrac !

Alain :wink:
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Message » 03 Jan 2005 21:12

Ne t'excuses pas Alain !
Superbe texte!

Simplement, tu obliges tes lecteurs à tirer ce texte par imprimante… La densité et la durée de lecture, cela se lit mal à l'écran.

À la première lecture… Je suis + 100 avec le contenu de ton texte…

Juste pour paraphraser ton début sur LVB et les influences réelles par les musiques du passé plutôt que les supposées pémonitions de techniques des compositeurs postérieurs… Pierre Schaeffer avait une phrase sur la création musicale : "Nous avançons vers le futur à reculons".

Bon, je vais te relire tranquillement…

Et tous mes meilleurs vœux, Alain, pour toi est tes proches pour cette nouvelle année.

Amicalement

Gilles
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Message » 04 Jan 2005 9:24

haskil a écrit:mais pour en revenir à la Philologie, je trouve bien plus intéressant d'écouter Herreweghe dans la 7e de Bruckner que Celibidache... le second dirige comme on est accoutumé d'entendre cette symphonie, mieux que plein de ses collègues, aussi bien que d'autres...



Je parcours ce post et je tombe sur ça, je me demande s'il n'y aurait pas une allusion à un de mes propos sur un autre topic :roll:

Je n'ai pas d'opinion sur Herreweghe dans Bruckner, je n'ai eu l'occasion de le juger abominable uniquement dans le répertoire auquel il s'est longtemps cantonné, la musique sacrée de Bach.
Quant aux autres collègues, il est évident qu'aucun ne la dirige comme C., ne serait-ce qu'en raison d'un tempo inapproprié.
Sir David Willcocks
 
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Message » 04 Jan 2005 11:47

Ben non ! J'avais écrit ça avant que tu causes des retrouvailles de Celibidache avec berlin dans la 7e ! :wink:

Celibidache qu'il vaut mieux écouter faire de la musique, oui, comme je le dis depuis quelques posts, plutôt que s'intéresser de trop près à ses déclarations et à son côté "philosophe" de la musique assez peu déterminant.

Ecouté, voici quelques jours sa valse de ravel diffusé sur Musiques : remarquable, mais manquant juste un peu de tension rythmique. Mais d'une balance orchestrale assez extraordinaire. Pas Boulez, mais remarquable !

Alain :wink:
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Message » 04 Jan 2005 12:09

haskil a écrit:Ben non ! J'avais écrit ça avant que tu causes des retrouvailles de Celibidache avec berlin dans la 7e ! :wink:

Celibidache qu'il vaut mieux écouter faire de la musique, oui, comme je le dis depuis quelques posts, plutôt que s'intéresser de trop près à ses déclarations et à son côté "philosophe" de la musique assez peu déterminant.

Ecouté, voici quelques jours sa valse de ravel diffusé sur Musiques : remarquable, mais manquant juste un peu de tension rythmique. Mais d'une balance orchestrale assez extraordinaire. Pas Boulez, mais remarquable !

Alain :wink:


Au temps pour moi dans ce cas.
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Message » 04 Jan 2005 12:43

Je n'ai pas d'opinion sur Herreweghe dans Bruckner, je n'ai eu l'occasion de le juger abominable uniquement dans le répertoire auquel il s'est longtemps cantonné, la musique sacrée de Bach.
Quant aux autres collègues, il est évident qu'aucun ne la dirige comme C., ne serait-ce qu'en raison d'un tempo inapproprié.


En revanche, ceci m'intrigue : Herreweghe abominable dans la musique sacrée de Bach : ça demande des explications.

Ainsi que cette histoire de tempos pour la 7e de Bruckner ! Il se trouve que, de mémoire, Bruckner ne donne pas d'indications métronomiques, mais des indications : allegro, andante, etc.

Et que ces indications se réfèrent au fameux tempo giusto qui découle aussi de la façon de battre les temps de la mesure !

Ce qui fait qu'il y a une vérité du tempo qui se tient, en fonction de l'acoustique de la salle, dans une fourchette qui ne peut pas aller du simple au triple.

Un allegro c'est pas un andante, un andante c'est pas un adagio, un adagio pas un largo.

En quoi, les tempos de Celibidache seraient ils plus appropriés que ceux des autres chefs dans Bruckner ?

J'admire les Bruckner de Celibidache, mais Grands Dieux !, je n'irais pas dire qu'il est le seul à être dans le vrai, à détenir la vérité des tempos du compositeur ! ça ne veut rien dire ! Qu'il soit émouvant, grandiose, que sa direction ait une puissance incantatoire parfois subjuguante me semble plus approprié comme remarque que de dire qu'il a "le" tempo brucknérien et pas les autres chefs !

Là, je ne te comprends pas !

Alain :wink:
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Message » 04 Jan 2005 13:00

haskil a écrit:
Je n'ai pas d'opinion sur Herreweghe dans Bruckner, je n'ai eu l'occasion de le juger abominable uniquement dans le répertoire auquel il s'est longtemps cantonné, la musique sacrée de Bach.
Quant aux autres collègues, il est évident qu'aucun ne la dirige comme C., ne serait-ce qu'en raison d'un tempo inapproprié.


En revanche, ceci m'intrigue : Herreweghe abominable dans la musique sacrée de Bach : ça demande des explications.

Ainsi que cette histoire de tempos pour la 7e de Bruckner ! Il se trouve que, de mémoire, Bruckner ne donne pas d'indications métronomiques, mais des indications : allegro, andante, etc.

Et que ces indications se réfèrent au fameux tempo giusto qui découle aussi de la façon de battre les temps de la mesure !

Ce qui fait qu'il y a une vérité du tempo qui se tient, en fonction de l'acoustique de la salle, dans une fourchette qui ne peut pas aller du simple au triple.

Un allegro c'est pas un andante, un andante c'est pas un adagio, un adagio pas un largo.

En quoi, les tempos de Celibidache seraient ils plus appropriés que ceux des autres chefs dans Bruckner ?

J'admire les Bruckner de Celibidache, mais Grands Dieux !, je n'irais pas dire qu'il est le seul à être dans le vrai, à détenir la vérité des tempos du compositeur ! ça ne veut rien dire ! Qu'il soit émouvant, grandiose, que sa direction ait une puissance incantatoire parfois subjuguante me semble plus approprié comme remarque que de dire qu'il a "le" tempo brucknérien et pas les autres chefs !

Là, je ne te comprends pas !

Alain :wink:


Le tempo juste est en effet une affaire de ressenti, il ne s'explique pas selon les termes d'Otto Klemperer. La justesse de la septième avec Berlin par rapport avec Munich relève de l'inexprimable, C. laisse véritablement totalement la musique s'exprimer en ce sens que chaque note/son n'est lâchée que lorsque toute sa substance est épuisée et doit être remplacée par la suivante pour que le sens de l'oeuvre soit exprimée.

Je reconnais tout de même qu'on peut faire très bien de manière différente: je trouve Klemperer justement assez incroyable dans cette oeuvre alors que le tempo est relativement allant, ce qui s'explique pour une part par un son incroyable et totalement inhabituel chez ce chef d'ailleurs.

Quant à Herreweghe dans Bach, je n'apprécie pas sa conception tout simplement: tempi (toujours plus vite), phrasés (inexistants), son (creux)... Tous ces interprètes baroqueux se ressemblent par leurs insupportables maniérismes inexpressifs mais je sais que je dois être un des derniers à penser cela.
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Message » 04 Jan 2005 14:02

Quant à Herreweghe dans Bach, je n'apprécie pas sa conception tout simplement: tempi (toujours plus vite), phrasés (inexistants), son (creux)... Tous ces interprètes baroqueux se ressemblent par leurs insupportables maniérismes inexpressifs mais je sais que je dois être un des derniers à penser cela.


Pour mettre tous les interprètes philologiques dans le même sac, il faut, pardon, mais ne pas les avoir écouter !

Entre le bach d'Harnoncourt, celui d'Herreweghe, de leonardt, de Suzuki, de Rifkin, etc. il y a un tel monde que vraiment ta charge est aussi forcée que celle qui consisterait à écrire que Ramin, Thomas, Richter, Klemperer, Karajan, Rattle, Mengelberg, etc. prennent des tempos (toujours plus lents), ont des phrasés (poussifs), un son (plantureux), etc.

Tout cela relève de la provocation ! Et pour ma part, j'abandonne là cette discussion. les forumeurs qui suivent ces posts sont assez grands pour se faire idée eux-mêmes du talent d'Herreweghe dans Bach... comme de Suzuki !

Et pour autant, j'admire aussi Klemperer, Richter, Karajan, Ramin dans les oeuvres religieuses de bach !

Et même le Cinquième brandebourgeois par Furt à Salzbourg que j'ai écouté hier : fascinant, pas vraiment du Bach, mais toujours du bach, tant il transforme le premier mouvement et la cadence en une sorte de rêve suspendu qui fait abstraction du temps qui passe.

Ce n'est pas tant d'avoir des idées bien à toi qui me trouble que le caractère définitif de tes appréciations sans qu'elles soient un minimum explicitées par un jugement ouvert, près à écouter sans idées préconçues !

Bon, c'est pas grave, nous causons de musique !


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Message » 04 Jan 2005 15:18

haskil a écrit:Ce n'est pas tant d'avoir des idées bien à toi qui me trouble que le caractère définitif de tes appréciations sans qu'elles soient un minimum explicitées par un jugement ouvert, près à écouter sans idées préconçues !



J'ai commencé à écouter la Messe en si par leonhardt, c'était l'époque où je ne connaissais rien en musique classique et c'est un des premiers disques que j'ai achetés.
J'ai trouvé cela magnifique et j'écoutais très souvent ce disque. Les années ont passé, les interprétations baroques écoutées multipliées (Harnoncourt, Kuijken, Herreweghe pour me limiter à cette oeuvre) et j'ai revendu d'occasion ce disque de Leonhardt parce que je n'y entendais rien de ce que j'ai découvert aimer en musique.
Je suis obligé de dire que je retrouve dans tous ces disques la même spiritualité apprêtée, une volonté prétendue de retouver le sens du texte originel avec force recherche dans les couleurs phrasés, tempi, etc. ... et l'impression que toutes ces idées sont totalement creuses.
Cela ne peut venir d'a priori négatifs car j'ai commencé par là l'esprit tout à fait ouvert. Et le tous dans le même sac relève évidemment d'un raccourci grossier mais le tableau général que j'ai dressé se retrouve néanmoins dans tous ces disques, comme s'il y avait bien une communauté de pensée entre tous ces interprètes.

Mais bon, je ne suis pas là pour me faire des ennemis, je ne fais que parler musique en effet :wink:
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Message » 04 Jan 2005 15:59

J'ai donc, comme pas mal de quinquas, fais le chemin inverse. je suis parti des interprétations non philologiques de Bach, si diverses quant à leur qualité (Fritz Werner, c'est pas Ristenpart qui n'est pas Karl Richter (et ses solistes vocaux fabuleux) qui n'est pas Klemperer, qui n'est pas Karajan, qui n'est pas Solti, etc., pour un jour tomber sur des interprétes philologiques qui sont aussi divers dans leur approche (tempos, phrasés, effectifs, couleurs) que les générations précédentes ont pu l'être !

Par exemple, Leonhardt dans la musique religieuse de bach (certaines cantates faites relativement récemment et pas celles qu'il se partage avec Harnoncourt dans l'intétrale Teldec et aussi en concert) a le don d'empêcher les chanteurs de déployer leurs voix, solistes comme choeur, que c'en est pénible à écouter car en permanence les phrases sont coupées, comme hâchées, mais si tu écoutes Suzuki ou herreweghe, c'est tout différent. Et leur façon de lire cette musique, qui est une critique au sens premier du terme, apporte un sentiment de spontanéité, d'évidence qui rend le retour en arrière un peu difficile.

Richter, par exemple, avec sa façon un peu trop carrée et ronflante d'articuler les dessous finit par empeser et amoindrir les différences de carrure (et pourtant lui, dans cette optique non philologique est de premier plan !), les différences d'articulation. Heureusement que son orchestre est somptueux et que ces chanteurs ne le sont pas moins : mais... parfois ils se livrent à des numéros de chants, de beau chant, proche de l'opéra.

Il faut bien prendre garde à ne pas faire deux paquets : d'un côté les anciens de l'autre les baroqueux. Il y a à prendre des deux côtés. Et comme le temps passe, il est plus facile de discerner ce qui réunit et sépare les anciens que ce qui réunit et sépare les baroqueux qui, en réalité, ne sont aucunement identiques, n'ont aucune communion de pensée.

Les interprétes talentueux, capables de recréer un univers spirituel existent dans les deux "camps" à égalité. Reste quand même qu'il y a solfégiquement parlant de plus ou moins bonnes façons de battre le début de la Saint Matthieu et que, dans les deux camps, certains s'y prennent plus ou moins bien ! :wink:

On s'aperçoit aussi de cela avec la musique instrumentale : dimanche dernier, Lodeon passait une suite de Bach : aucun des "baroqueux" n'était semblable. Mais les suites des bach à 60 musiciens, pas articulées avec souplesse (en raison même de l'effectif qui rend ce travail quasi impossible à faire), aux tempos lentissimes dans les danses c'est vraiment tout aussi impossible que prises à des tempos trop rapides, sautillantes ou articulées façon motorique et sans aucun rubato.

Ce qui est étrange, c'est de confronter dans les brandebourgeois un Cortot (ça va vite ! bien souvent) avec un interpréte récent... et de constater qu'il y a moins de différences entre eux qu'entre un enregistrement des années 60 genre Musici ou Ristenpart qui sont d'une absence de variétés dans les phrasés, d'une carrure imperturbable qui empèse une musique que, toutes générations confondues, certains ont su interpréter de façon à lui restituer la vie.

Ce que Furt, dans le 5e brandebourgois, capté live à Salzbourg sait faire, en prenant une voie, totalement inusitée qui ne doit rien à la philologie, rien non plus à la conception néoclassique de Klemperer (son live de Budapest) très motorique à la Hindemith et tout à son rêve intérieur : sans aucun doute à côté de la plaque, mais il crée un monde sonore et spirituel totalement neuf à partir d'un vieux texte ! Mais c'est spécial !

En bref, je crois qu'il est utilie, s'agissant d'un chef d'oeuvre comme la Saint Matthieu de connaitre au moins trois versions : celle de Spering dont parle Pandème qui est la critique faite par Mendelssohn de l'oeuvre de Bach (il a touché l'orchestration, entre autres !), c'est un travail de compositeur remarquable (bien mieux que ce co.uillon de Schuman qui a mis des parties de piano sous les sonates et partitas de bach : encore qu'historiquement, c'est intéressant de voir que l'on pouvait aduler un compositeur sans le prendre pour la statue du commandeur... ce qu'on a fait avec Bach après quitte à batir des théories fumeuses sur son rapprot à la musique et au religieux);
la critique faite par Klemperer (néo classique monumental avec unification des battues ryhthmiques : rien que le début pas battu comme le texte le demande, si ma mémoire est bonne) qui atteint un degré de perfection rare dans cette esthétique;

et celle d'un herreweghe qui démonumentalise l'oeuvre pour en traduire toute la diversité dans une approche plus chambriste, plus diversifiée dans les rapports solistes/choeurs/solistes instrumentaux/ masse orchestrale qui restitue un Bach plus humain, et finalement plus tragique.

Mais entre Suzuki et, par exemple, Rifkin (un fêlé passionnant mais horripilant) on ne peut pas dire qu'il y ait une communion de résultats !

Tu te feras pas d'ennemis : on discute ! :wink:


Alain :wink:
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Message » 14 Jan 2005 14:39

Gilles R a écrit:Il faut faire ensuite la même chose avec Fournier, Tortelier, Starker…:wink:

El Furax… compare toi aussi et tiens nous au courant de l'écoute de la version de ton père (de quelle version s'agit-il ?)

Bonne écoute…

À plus tard…

Gilles



Arg, j'ose à peine interrompre ce débat (je me sens comme un élève de 6ème ayant rejoint par erreur un colloque de physique nucléaire) pour revenir sur le sujet initial.


La version de mon père est celle là Image

http://www.fnac.com/Shelf/article.asp?PRID=388393&Mn=3&Origin=FnacAff&Ra=-29&To=0&Nu=2&Fr=3 même si la jaquette a changé (le CD de mon père est plus tout jeune), ça colle : Fournier, 1961, Deutsch Grammophon.

Pas encore eu le temps d'écouter en détail :)


Enfin, mes recherches m'ont fait décrouvrir ce lien http://www.bach-cantatas.com/NonVocal/Solo-Cello-Part1.htm qui vous intéressera peut-être.

Sinon un jour peut-être je viendrai relire les posts du dessus et je comprendrai tout :D
El Furax
 
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