» 25 Sep 2007 0:38
Ahh vraiment excellentes questions Ogobert...
Oui la situation aurait été différente (pour elle) si elle avait eu son permis et sobre ;
L'action pénale se serait limitée à non maîtrise de la vitesse sans doute... mais sans autre circonstance, c'est très limité...
Les contrats d'assurance automobile doivent couvrir la responsabilité de toute personne ayant la garde ou la conduite même non autorisée du véhicule, et les clauses d'exclusion de garantie qu'ils peuvent comporter sont limitativement prévues par le législateur (par ex. Cass. civ. 1ère, 9 juillet 2003) ;
Donc l'assureur aurait indemnisé tout le monde dès le départ et n'aurait pas cherché la nullité du contrat ;
Mais à titre d'illustration, je vais plutôt m'appuyer sur le 1er arrêt de la 2ème Chambre civile qui me semble encore plus pertinent...
Alors qu'en est-il ?
La loi Badinter de 1985 est d’une loi d’indemnisation des victimes d’accidents de la route qui établit un régime spécial et distinct du droit commun ;
En l’espèce, le 2 mai 2000, M.X. qui circulait en moto alors qu’il avait consommé de l’alcool et du cannabis, a été victime d’un accident dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M.Y. assuré à la M.
Il est mort des suites de ses blessures et ses enfants, représentés par leur mère, M.Z. ont demandé réparation de leur préjudice ;
La Cour d’appel de Limoges, dans l’arrêt du 13 mai 2004, condamne solidairement la M et M.Y. car l’accident est dû à la seule faute de conduite de ce dernier. Selon elle, le faible taux d’alcool (0,90 gramme d'alcool dans le sang) ajouté à celui du cannabis relevés peuvent altérer les réflexes mais pas les annihiler...
Que nenni a dit la Cour de cass. !
La 2ème Ch. civ. casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel ;
Elle retient, au visa des articles 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985, que M.X. en conduisant sous l’empire de l’alcool et de stupéfiants a commis une faute en relation avec son dommage qui doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l’autre conducteur impliqué ;
Ainsi, il convient de voir tout d’abord la conduite sous l’empire de l’alcool et du cannabis d'une part, puis l’indemnisation limitée ou exclue pour faute de la victime d'autre part ;
Ainsi, et pour répondre complétement à la question, quel que soit le cas de figure, faute ou pas de l'autre, on analyse déjà l'état physique et le comportement de la victime qui conduisait ;
Voilà pourquoi depuis le 15 novembre 2001, on procède à des dépistages de stupéfiants lorsqu'il y a un accident mortel, et depuis janvier 2002 lorsqu'il y a un accident corporel ;
En cas de conduite en ayant pris de la drogue, ou de l'alcool, en cas de faute avérée, certaines garanties peuvent être exclues et les primes par la suite, fortement majorées ;
==> La question essentielle posée est de savoir si, pour exclure ou limiter l'indemnisation des dommages subis par un conducteur, lors d'un accident de la circulation, la faute qu'il a commise doit avoir un rapport de causalité avec la survenance de l'accident ou avec son dommage ?
Autrement dit, toute faute de ce conducteur, quand bien même apparaîtrait-elle étrangère aux causes déterminées de l'accident, serait-elle de nature à limiter ou à exclure son indemnisation ?
La réponse est non... Il faut déterminer s'il existe une relation de cause à effet...
L'Assemblée Plénière de la Cour de cassation l'a dit encore tout récemment : " Mais attendu qu'après avoir examiné les circonstances de l'accident d'où elle a pu déduire l'absence de lien de causalité entre l'état d'alcoolémie du conducteur victime et la réalisation de son préjudice, et retenu que l'excès de vitesse n'était pas établi, la cour d'appel, en refusant de limiter ou d'exclure le droit de la victime à indemnisation intégrale, a fait l'exacte application du texte visé au moyen. " (Cass. Ass. Plén. 6 avril 2007) ;
C'est pareil s'il va dans le talus tout seul en se blessant grièvement ;
S'il n'y a pas faute de sa part, il bénéficiera du doit à indemnisation dans les limites contractuelles prévues à la police, déduction faite des indemnités SS ;
Si un conducteur n'a pas commis de faute, il sera indeminé de manière pleine et entière, cad tout le préjudice, mais rien que le préjudice ;
Dans le cas contraire, si la faute est grave, il peut se voir dénier toute indemnisation ;
Il aura la prise en charge de la SS mais c'est tout !
Et en cas de handicap, c'est la misère...
Ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a les règles du Code de la route, les conventions des assureurs, et les règles de droit commun issues des tribunaux ;
De manière générale, les tribunaux appliquent les lois, réglements et suivent la jurisprudence de la haute Cour ;
Ils analysent donc les causes et tirent les conséquences (ce que refuse obstinément de comprendre certain), comme le dit souvent la Ch. criminelle " Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l'arrêt relève que sa vitesse, qui l'a empêché de maîtriser son véhicule, est un paramètre déterminant dans les causes et les conséquences de l'accident ; qu'ainsi l'excès de vitesse est constitutif d'une faute en relation directe avec le décès de la victime " (Cass. crim., 25 sept. 2001) ;
Ainsi, les malheurs de la famille de notre motard ayant bu et fumé ne s'arrêtent pas en si bon chemin...
En effet, la faute commise par la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis ;
Le droit à réparation des victimes indirectes (les enfants par ex.) dépend aussi de cette notion de faute... Ainsi le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages ;
Lorsque le conducteur d'un véhicule n'en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule. Le propriétaire dispose alors d'un recours contre le conducteur ;
==> Reste la question de la gravité de la faute... Cette gravité pourrait s'envisager au regard du comportement normalement prudent et avisé d'un conducteur attentif à assurer sa sécurité et celle des autres usagers de la route ;
En tout cas, l'appréciation de la gravité de la faute semble devoir être faite en considération de la dangerosité objective du manquement du conducteur victime à la sécurité routière ;
Et c'est là qu'on en vient à la dernière partie...
L'assurance est le dernier rempart et indemnise quand tout va bien ;
Mais ce n'est pas une entreprise philantropique...
L'action en remboursement prévue par l'article R. 211-13.4 du Code des assurances n'est ouverte à l'assureur, aux termes de l'article R. 211-10 du même Code, qu'à l'encontre des conducteurs autorisés faisant l'objet d'une exclusion contractuelle de garantie. Ce dernier article prévoit :
1º Lorsque au moment du sinistre, le conducteur n'a pas l'âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule, sauf en cas de vol, de violence ou d'utilisation du véhicule à l'insu de l'assuré ;
2º En ce qui concerne les dommages subis par les personnes transportées, lorsque le transport n'est pas effectué dans les conditions suffisantes de sécurité fixées par un arrêté...
Mais la 2ème Ch. civ. retient aussi l'action de l'assureur sur la base du 1382 du CC comme vu auparavant ;
Alors qu'en est-il concrétement ?
Si le tiers responsable est couvert par une RC, c'est elle qui sera appelée par l'assureur qui indemnisera toutes les victimes ;
Si pour une raison x ou y, l'assurance RC ne peut jouer ou encore le responsable du sinistre n'a pas de RC, c'est lui qui sera condamné à rembouser la SS et à payer les indemnités (en plus des amendes)...
Pire encore, l'assureur qui, en présence d'une clause d'exclusion de garantie fondée sur le défaut de permis de conduire du conducteur du véhicule assuré, a été contraint d'indemniser les victimes auxquelles une telle clause est inopposable, peut exercer contre l'assuré, à raison de la faute contractuelle qu'il a commise en confiant habituellement ce véhicule à une personne dépourvue de permis, une action en remboursement pour toutes les sommes qu'il a payées (sic !) (cass. civ. 2ème, 8 février 2006) ;
Allez, pour la fin et les chantres de la conduite sans permis (ou permis suspendu ou annulé) ;
"R.M., qui avait souscrit auprès de la S. une police excluant de la garantie les dommages survenus lorsque le conducteur n'était pas titulaire d'un permis de conduire en cours de validité, a été, comme passager, blessé dans un accident alors qu'il avait confié la conduite du véhicule à son fils JP, qui était sous le coup d'une mesure de retrait de permis de conduire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la S. faisait valoir que l'exclusion de garantie était opposable à R.M., du fait que, souscripteur du contrat d'assurance, il s'était lui-même placé, en connaissance de cause, en en violant les stipulations, dans une situation exclusive de la garantie, et que l'obligation de l'assureur était donc sérieusement contestable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; CASSE... ANNULE..." bla-bla... (Cass. civ., 20 nov. 1996) ;
Pas d'indemnité de l'assureur...
In fine, je rappelle que toute suspension du permis de conduire doit obligatoirement être déclarée à l'assureur, suivant les conditions contractuelles (cf. police) ;
En effet, celui-ci doit apprécier toute modification du risque ;
A défaut, toute 'ommission' expose à la déchéanche du contrat - en cas de sinistre, tous les frais, indemnités, remboursements... seront à la charge exclusive du fautif !
Le conducteur ayant fait l'objet d'une condamnation pour conduite en état alcoolique est tenu d'en effectuer la déclaration auprès de son assureur automobile, faute de quoi ce dernier peut invoquer l'annulation du contrat d'assurance pour non déclaration d'une aggravation de risque ;
Cette condamnation est considérée comme une circonstance nouvelle qui a eu pour effet d'aggraver le risque et de rendre inexacte les réponses faites par l'assuré dans le questionnaire complèté lors de la souscription du contrat et qui aurait donc dû être déclarée en application de l'article L 113-2 du Code des Assurances (Cass. Crim. 30 octobre 2000 ; Dalloz 2001, I.R. 279 ; Tribune de l'Assurance, Cahiers de Jurisprudence février 2001, p.IV, note L.D.) ;
Vous voyez la portée de cette seule condamnation ?
Dans le cas d'un gros pépin ultérieur, l'assureur ne se privera pas de demander l'annulation du contrat pour éviter de payer ;
Que dit cette jurisprudence publiée de la Cour de cass. ?
Que la dissimulation intentionnelle d'une circonstance nouvelle aggravant le risque au sens de l'article L. 113-2.3°, du Code des assurances est sanctionnée par la nullité du contrat en application de l'article L. 113-8 de ce Code ;
" Justifie dès lors sa décision la Cour d'appel qui annule le contrat d'assurance automobile souscrit par un conducteur ayant volontairement omis de déclarer, notamment à la date de la signature d'un avenant, la condamnation à une suspension de permis de conduire pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique dont il a fait l'objet au cours du contrat " ;
L'assurance ? c'est pour les bons conducteurs qui seront bien couverts quand ils en auront éventuellement besoin un jour... ou en cas d'un petit pépin en partage de responsabilité... Mais pas pour les margoulins, magouilleurs et autres fangios alcolos... pour eux, c'est la case portefeuille, et cachot pour les plus costauds...
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ivanhoe_idf le 25 Sep 2007 14:38, édité 7 fois.