» 21 Fév 2014 11:46
Mais en même temps, j'ai l'impression avec cette histoire que tout le monde découvre que les révoltes font des morts. Où avez-vous vu qu'un gouvernement se laissait renverser sans rien faire? Les manifestants qui se font tuer sont sans aucun doute dans le sens de l'Histoire, il n'empêche que si nous avons à faire aux prémices d'une Révolution, il y aura des morts. Sans doute beaucoup. On a juste perdu l'habitude d'en voir à quelques heures de Paris. Mais c'est comme cela que ça se passe.
Ensuite, dans cette affaire, l'ingérence de l'UE risque de coûter très très cher. Parce que la situation est simple au niveau politique: c'est une démocratie, le gouvernement élu gouverne, et l'opposition est mécontente de la décision dudit gouvernement (légitime puisqu'élu démocratiquement) de se rapprocher de la Russie plutôt que de l'UE. Sur ce plan, l'UE n'a strictement aucun droit ni aucune légitimité pour intervenir de quelque façon que ce soit: un gouvernement d'un pays souverain a fait un choix d'orientation, il n'y a rien à dire sur ce sujet. L'opposition s'est élevée contre cette décision, elle n'a pas été entendue par le gouvernement, comme dans de nombreuses démocraties bien plus anciennes (et même si ça vous fait mal au cul, c'est exactement ce qui se passe en France: notre classe politique est aussi pourrie, aussi minable, aussi manipulatrice, et les mécontentements sont aussi vigoureux). Le problème, c'est d'une part que cette opposition est soutenue et gangrénée par des extrémistes qui ont jeté de l'huile sur le feu (comme en France AUSSI!) et que le gouvernement gère cette crise comme on gérait les crises du temps de l'URSS. Elle est là la différence avec la situation française. Depuis les dernières révolutions du XIXème siècle, la France a eu la sagesse de gérer ses conflits sociaux et ses émeutes (parfois très violentes) sans tirer sur la foule. Ce n'est pas le cas de l'Ukraine. Mais à part appeler à l'apaisement et agir diplomatiquement, nous n'avons aucun droit d'ingérence dans cette affaire. Ni politiquement, ni moralement, même si voir des personnes se faire tuer me soulève l'estomac.
Après, il y a évidemment un autre problème, qui est bien évidemment LE problème sous-jacent de cette histoire, et c'est bien-évidemment la question énergétique et géopolitique. La Russie NE LAISSERA PAS FILER L'UKRAINE. C'est un pivot géopolitique, géostratégique (accès à la mer Noire et donc à la Méditerranée pour la Russie), géo tout ce qu'on veut. Si la Russie laisse filer l'Ukraine, elle abandonne de fait son influence en Europe. Dans l'esprit des Russes, l'Ukraine n'existe même pas en tant qu’État, la plus grande partie de son territoire est un don selon Poutine à l’État de Kiev. L'UE ne se soucie que de question économique vis-à-vis de l'Ukraine, pour la Russie de Poutine cette partie du territoire est absolument capitale. Si l'UE veut se lancer dans un bras de fer avec Moscou, elle peut soit se préparer à faire chauffer les missiles (oh, pas sur notre territoire, ce sera sans doute ailleurs), soit à faire chauffer la carte bleue, parce que notre gaz va prendre une méchante claque dans la tronche. Deux gazoducs sur trois qui alimentent l'Europe passent par l'Ukraine. Si l'Europe s'était sorti les doigts du cul pour en finir avec notre dépendance aux hydrocarbures, on n'en serait pas là.