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Films (débats, critiques), personnalités (acteurs, réalisateurs), prochaines sorties, les salles, la presse spécialisée...

Olaf Stromberg. Le plus grand cinéaste de tous les temps !

Message » 16 Avr 2019 17:14

Pour ma part, j’attends avec beaucoup d’impatience la sortie de Scènes éternelles, l’un des innombrables documentaires d’Olaf Stromberg. Rappelons au passage que cet artiste fut l’un des premiers à adopter la célèbre “Cameston”, première caméra miniaturisée du monde, puisqu’elle ne pesait que 87Kg (sans les batteries, dont le poids variait, selon l’autonomie choisie, qui pouvait aller de 3mn à 37mn30) et le premier à l’utiliser de façon permanente (installée sur un chariot que tractait son assistant à proximité) y compris la nuit.
Mais la particularité de Scènes éternelles, dont la sortie fut célébrée par les vrais amateurs le 21 août 1981, est de n’être composé que de séquences tirées des concerts de Joe Dassin. Pour l’avoir vu à sa sortie, on ne peut que regretter que la mort de Joe l’ait empêché de composer la musique de film qu’Olaf Stromberg s’apprêtait à lui demander!

Le film noir et blanc dure 37mn30 et sera proposé en Blu-Ray ultra 4k en son méga mono 28+5 canaux et en véritable 2D non trafiquée!

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Message » 16 Avr 2019 17:26

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Message » 18 Avr 2019 0:03

coincarre a écrit:Ça donne envie de revoir L'intention, je ne me rendais pas compte de la portée de ce film au regard de son script.


Bonjour, fidèle ami.

Sigmund Toll, psychiatre, a visionné ce film au moins 500 fois (c'est le record à battre).

Selon les huit ouvrages qu'il a déjà écrit sur l'intention - et ce n'est pas fini, un neuvième est en cours d'écriture - il y aurait là une matière suffisante pour révolutionner notre compréhension de la normalité et de son incidence sur le vécu. Raison pour laquelle il a décidé d'y consacrer sa vie.

livre a - De l'ennui de la simplicité du bonheur
livre b - A la recherche de l'intention
livre c - Réductionnisme des incidences
livre d - Méthodologie du peu
livre e - Du bonheur de la situation simple
livre f - Le pied, sa fonction dans la démarche intelligible
livre g - qu'est-ce que l'accident ?
livre h - les champs ouverts de l'abstraction humaine

Ces livres sont une mine pour qui veut cerner, si je ne craignais la redondance, la réelle intention, ou plutôt la notion de l'intentivité reconnaissable (die Absichkeit's erkennung) de l'intention.

A la première vision ce film, d'une banalité exemplaire, ne semble relater qu'une transaction automobile qui entraîne son auteur dans un fatras relationnel avec ses voisins. Envie, jalousie féroce qui peu à peu entraîne le titulaire de la carte grise (die graue Karte) à sa propre remise en équation. C'est le moment où surgit l'événement extérieur qui surprend par sa soudaineté, sa non-prévision et son caractère entièrement in-intentionnel.

Cette définition de l'accident est en lien étroit avec le thème du film. En fait, par opposition intrinsèque. S'en suit alors, toujours avec une clarté remarquable la décision de l'abstraction. Mais attention, une abstraction non pas subie mais volontaire. Un acte fort de recourir à ses jambes pour se déplacer et qui ne sera nullement executé sous la contrainte mais par un choix expliqué ET explicite.

L'insignifiante scène de la tarte aux mirabelles ne reste pas dans les mémoires pourtant elle témoigne, et ce n'est que le premier signe, du changement, de ce qui va opérer en profondeur à partir de la simplicité d'une décision individuelle et libre. L'homme face à son choix assumé.


ps : De grâce, ne me demandez pas de résumer chaque livre de Sigmund Toll, psychiatre. Toutes les trois phrases il y a un mot allemand et c'est encore plus ennuyeux à lire que Kant.
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Message » 18 Avr 2019 2:43

autrichon gris a écrit:
coincarre a écrit:Ça donne envie de revoir L'intention, je ne me rendais pas compte de la portée de ce film au regard de son script.


Ah oui, tu as raison. Dans ce film je me souviens qu'il y a un petit rôle de Bibi Anderson, décédée le 14 avril dernier à 83 ans. Il parait qu'Olaf a envoyé un mail à Ingmar Bergman pour le remercier de lui avoir recommandé de prendre Bibi, qui sortait tout juste du tournage en 1966 de "l'ïle" d'Alf Sjöberg, un copain d'Olaf, mais il est probable que l'adresse email de Bergman ne fonctionne plus depuis 2007.



C'était effectivement un très petit rôle et il faut être un parfait connaisseur de Bibi Anderson pour le savoir. Elle n'est même pas créditée sur l'affiche, par humilité. Elle apparaît à l'écran deux secondes, on ne voit que sa main qui rend la monnaie à Björk Stromberg dans la scène du restaurant. Une seule prise et ce fut la bonne. Au moment du "coupez" il y eut un tonnerre d'applaudissements d'Olaf, de son frère et de sa mère.
Une grande leçon de professionnalisme qui fît dire au réalisateur "Ça parait simple, mais pour arriver à ce niveau de sincérité naturelle dans le geste, il en faut des années de travail".

Bibi voulait offrir sa prestation mais Olaf a refusé, Devant l'insistance de l'équipe elle finit par accepter le tarif syndical mais exigeât de pouvoir les inviter dans un restaurant. Il existe encore dans le portefeuille du maître une photo qui immortalise l'actrice, enfin sa jolie main qui brandit un hareng traditionnel fumé au bois de hêtre. (27 couronnes au menu).

La nouvelle de sa disparition attriste beaucoup Olaf, Autrichon gris, nous-mêmes, les lecteurs, les spectateurs de Bergman, Arte, les Inrocks, Arnaud Viviant, et, d'une manière générale tous les amoureux de belle âme et de belles mains.

ps : il est vrai que le Caramail.su de Bergman est étrangement muet depuis 2007.
Dernière édition par peg-harty le 18 Avr 2019 3:01, édité 1 fois.
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Message » 18 Avr 2019 2:59

dub a écrit:Déjà en précommande sur à-ma-zone pour seulement 284,5€ :ohmg:

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Merci pour ce lien, cher Dub.

Je ne peux qu'encourager les lectrices et lecteurs à l'utiliser pour commander cet enregistrement. Une qualité pareille à ce prix, il faudrait être fou pour ne pas sauter sur l'occasion.

Il faudra probablement insister pour pouvoir passer commande en cliquant plusieurs fois. Je n'ai pu obtenir l'équipe du site qu'à ma trente-huitième tentative. Ils sont débordés, ce que chacun peut aisément comprendre.

N'hésitez pas à faire des commandes groupées pour économiser les frais de port et les clics.
peg-harty
 
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Message » 18 Avr 2019 11:37

Merci très cher Peg-harty pour cet éclairage sur L'intention, qui rend l'abstraction presque palpable. J'avais de plus considéré à tort que la tarte était aux Reine-Claude (le noir et blanc n'aidant pas), alors qu'elle était aux mirabelles, ce qui "fait sens" maintenant.

Je cours me procurer les ouvrages de Sigmund Toll, qui devraient enchanter ce prochain week-end prolongé (chaque volume faisant 1200 pages, le lundi férié ne sera pas de trop).
coincarre
 
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Message » 23 Avr 2019 12:07

Je me permets de poster ici un bref compte-rendu de la lecture des 8 premiers volumes de Sigmund Toll.

Ma première surprise a été de constater que, contrairement à ce qu'avait annoncé Peg-harty (à savoir, "un mot allemand toutes les trois phrases"), il y en avait plus. Beaucoup plus. En fait, tous les mots ou presque étaient en allemand... Je ris de moi-même car, dans mon enthousiasme et ma précipitation, j'avais en fait commandé l’œuvre de Sigmund Toll dans sa première édition non-traduite. N'ayant aucune notion de la langue de Goethe, je m'inquiétais ensuite : comment apprécier à sa juste valeur les 9800 pages (environ) de ces 8 volumes sans en maîtriser la langue d'écriture ?
Mais je me lançais et, au bout de quelques centaines de pages, je fus littéralement happé par l'intelligence du propos et la finesse de l'analyse de Sigmund Toll. Accessoirement, je m'apercevais que je lisais l'allemand sans difficulté.

Ces 8 volumes sont remarquables par leur clarté et la tension qui règne au sein des pages. On les dévore comme une bonne série, sans pouvoir s'arrêter. Les notes de bas de page (qui composent environ les 2/3 de l’œuvre) apportent une mise en perspective tout simplement passionnante.
Bref, vous l'aurez compris, amateurs d'herméneutique transfigurative, de philosophie der normalen Sprache et d'Abstraktionsprinzip, Sigmund Toll est fait pour vous !

PS : emporté par ma lecture, j'ai même failli oublier de revoir L'Oeuf, comme le font tous les amateurs d'Olaf chaque lundi de Pâques.
coincarre
 
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Message » 24 Avr 2019 11:53

Monsieur Coincarré.

Votre regard enthousiaste sur le travail de Sigmund Toll nous rassure. Il serait quand même dommage que ce psychiatre consacre sa vie pour rien à une telle oeuvre.

Ailleurs, j'ai surtout lu des critiques négatives. Ce qui revient le plus souvent hormis l'incompréhension globale des phrases chez le lecteur, serait "Il explique trop ses explications..." .
Faut-il être naïf pour ne pas y voir au contraire une qualité. L'un entraîne l'autre. Et pour dégager une clarté complète (sa célèbre notion de Vollständige Klarheit) il n'hésite pas à expliquer les explications de ses explications, d'où l'inflation de notes en bas de page qui finissent par dépasser le corps de texte.

Avant lui, chacun se contentait du trio thèse-antithèse-synthèse mais son école va beaucoup plus loin en ajoutant une nouvelle perspective quasi tridimensionnelle. Le chapitre où il compare la simplicité à la non-complication pour en déduire de nombreuses similitudes ouvre selon lui de nouvelles portes sur les portes et il faudrait être bégueule pour ne pas profiter de l'incroyable espace de liberté qu'insuffle ce concept.

Nos lecteurs, fins esthètes de la chose intelligible, ne pourront que, comme moi-même, vous remercier de votre contribution. Je vous laisse imaginer à quel point je l'ai savouré à sa juste valeur. Bravo ! Votre résumé m'a donné envie de gagner du temps et de me plonger dans vos conclusions.
peg-harty
 
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Message » 24 Avr 2019 16:05

Rétrospectivement je pense avoir eu de la chance de m'être retrouvé contraint de découvrir Sigmund Toll dans sa langue native. Pour avoir consulté quelques extraits traduits, la Vollständige Klarheit ne semble pas avoir survécu aux nécessaires adaptations d'une traduction (sauf peut-être pour l'édition japonaise). Je ne blâme pas les traducteurs, il faut bien avouer que certains concepts de Toll sont littéralement intraduisibles (je pense en particulier au Waldeinsamkeit Paradox). Ceci explique peut-être les critiques négatives que vous avez pu lire.

Il faut cependant reconnaître que les notes de bas de page dans les notes de bas de page (conséquence logique et inévitable des explications des explications) peuvent être rebutantes au premier abord mais, dès le troisième tome, on s'y fait complètement. Pour ma part, le seul reproche que j''envisagerais de concéder sur ces 8 volumes serait la nécessité d'avoir des étagères soutenues par des chevilles Molly de 8 mm (les 6 mm ne sont pas suffisantes, j'en ai fait l'amère expérience).

Quoi qu'il en soit c'est à vous, cher Peg-harty, que je dois ma lecture de Toll sur Stromberg et le ravissement qu'elle a occasionné, et je ne sais comment vous remercier d'avoir rendu cette expérience possible.
coincarre
 
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Message » 25 Avr 2019 0:14

Aaaaah on peut dire (voire surtout écrire) qu'il a fait couler de l'encre sous les ponts ce "Waldeinsamkeit Paradox" !

Le traducteur français a préféré ne pas se lancer dans son explication complète et c'est peut-être un des concepts les plus compliqués à saisir correctement parmi les 136.000 locutions étrangères du premier tiers du livre d - Méthodologie du peu.

Pourtant, on aurait tort d'en faire l'impasse car, selon Toll dans l'émission de France Culture Les Chemins de la Philosophie, c'est une des chevilles importantes qui fait tenir tout l'édifice et votre expérience nous en a prouvé les risques induits. Il insistait beaucoup là-dessus et saluait, lui aussi, le travail de cet humble nippon qui lui semblait avoir entraperçu le mieux approximativement le sens général. Lorsque la journaliste, d'humeur taquine, a évoqué la traduction italienne, les auditeurs ont découvert soudain un Toll véhément, aux antipodes de son image habituelle, toute de barbe et de sirop d'érable.

Comment ce Luigi Belganini avait-il osé traduire Waldeinsamkeit Paradox par un vague "le paradoxe de l'homme solitaire dans sa forêt"? L'entité-bois autonome avait tout simplement disparu et il ne fallait pas s'étonner alors de ne rien comprendre à l'esprit des p'tits lutins qui communiquaient avec lui, deux pages plus loin. Alors que c'est un moment fort, justement pour saisir le paradoxe.
De rage, de la bave coulait dans ses poils et il a continué son exposé en patois gnome ce qui ajoutait de la sincérité à l'entretien mais également un certain flou dans la compréhension.

Stromberg avait anticipé ce type de confusion et avait préféré faire confiance au spectateur, à son sens de la déduction. Il répétait à qui veut l'entendre "plutôt que d'expliquer l'ennui à un auditoire, il vaut mieux le faire bailler". A ce titre, l'Intention est une expérience vraie, et n'ayons pas peur d'écrire, une réussite.
peg-harty
 
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Message » 26 Avr 2019 15:13

Oui cette traduction italienne a traumatisé Toll, c'est d'ailleurs l'un des sujets principaux du chapitre XLIII du Livre G Qu'est-ce que l'accident ?

Toll s'est aperçu, entre autres, que le traducteur considérait que faire un contresens sur un contresens permettait de retomber sur ses pieds, ce qui l'a rendu fou, et la couverture souple lui a déplu. Toll raconte s'être auto-interné à 3 reprises à cause de cette affaire, et ce n'est qu'en replongeant dans L'Intention qu'il a pu s'en sortir.
coincarre
 
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Message » 10 Mai 2019 14:28

Cours après moi, Chérie trouve son public chez les midinettes et les jouvenceaux, il ne caracole pas en tête au box office mais résiste gaillardement pendant plusieurs semaines aux autres nouveautés. Une prestation honnête qui obtiendra plus tard l’Oscar du Best Charming Duo.

Malgré les insistances, Olaf décline les interviews et propose à Jodie et Karin d’égayer de leur bonne humeur communicative, si elles le désirent, les plateaux télé. Le duo s’y exprimera en français sous titré. Lui, conscient de sa chance et de la liberté que lui confèrent ses tranquillités financières préfère sillonner les réserves indiennes avec son fidèle destrier autonome à 21 vitesses.

Un vieil ami indien, lors du tournage de Royal Cône lui a offert un objet qui se révèle à l’usage un agréable passeport : il est accueilli sur ces terres en ami, et n’a ni froid, ni faim, ni soif. On le traite sans égards particuliers et cette normalité lui sied. De temps à autre, on lui dit des choses que le vent a porté. On le voit sérieux à certains moments et hilare à d’autres. Cette vie lui fait se souvenir de son enfance, en bordure de bois. Une enfance qu’il qualifiera d’heureuse et souvent solitaire.

Que pourrait-il réaliser à présent, que pourrait-il projeter et dans quel but ? Il cherche non pas des réponses, mais ses propres réponses. Hollywood, toujours à l’affût de bons coups lui propose de multiples scénarios. La machine dispose d’équipes professionnelles payées à écrire mais à ces lectures, Olaf soupire. Non qu’ils soient mauvais - l’un ou l’autre manuscrit témoigne même d’un haut degré de construction – mais aucun ne correspond à ce qu’il attend. Un riche investisseur qui désire garder l’anonymat lui soumet un énorme projet « clé en main ». Nom de code Persienne il serait la suite de la Veranda, avec quelques nouveaux arrangements décoratifs.

Il songe un court instant à décrocher, à suspendre à un clou momentanément sa caméra et profiter du temps qui passe pour l’observer.

Peut-être a t-il atteint son degré d’incompétence, en tous cas, très certainement le point jachère du non-intérêt passager. Ce moment triste où tout n’est que redite, ficelle et copie. Il a vu tellement de confrères, d’ami(e)s y sacrifier et se diriger, en traînant les pieds, là où on les attendait. Ceci n’est pas dans le caractère suédois et il s’y refuse. Il se surprend à rêver d’un autre possible, de nouvelles terres à défricher, de nouvelles demeures à visiter. Un pays lointain et proche à la fois…

a minuit plein je m'engage à répandre ce que j'ai appris… serait-il déjà minuit ? Il décide que non. L’éclairage ambiant semble lui donner raison, il fait encore bien jour. Il accepte néanmoins de se rendre occasionnellement dans l’une ou l’autre école pour répandre à dose homéopathique une partie de ses connaissances. (NDLR : Face à des classes ou des écoles trop guindées, là où il ne sentait aucune étincelle de fun, il se contentait d’expliquer très sérieusement l’utilisation du syndrome de Tütü dans son cinéma. Il aimait voir des élèves studieux prendre des notes avec un air concentré dans un silence presque religieux et cherchait dans l’assistance celle ou celui qui comprendrait le premier que tout dans un enseignement n’était pas à retenir. Ou plutôt, que la transmission d’une connaissance pouvait emprunter des chemins de traverse. (Il faut ici se souvenir que Tütü est un auteur de blagues suédois, équivalent scandinaves de celles de Toto).
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Message » 10 Mai 2019 14:31

Une intervention à la High School of Kinématologie d’El Pasos. Le 14.04.1990

(ouverture)

Salut les filles et les fils. Ca boume ? Ainsi donc vous vous intéressez aux images qui bougent ? Bien, quand j’avais votre âge, moi aussi j’étais assis sur un banc, comme vous et j’écoutais, tout en dormant, des hommes professionnels de la profession, faire des discours soporifiques qu’ils supposaient intéressants. Une grande majorité d’entre eux, je le sais aujourd’hui, cachetonnait pour survivre. Aujourd’hui vous avez du bol, je suis en période faste. Sauf chez l’un, l’une ou l’autre, je n’attendais qu’une seule chose : leurs conclusions. J’avais en tête mon premier film, l’Oeuf, et je pensais qu’ils me faisaient perdre du temps. J’avais mon casting à préparer et je peaufinais encore mon scénario.

C’est à elle ou lui que je tiens à m’adresser en premier. L’élève qui nourrit son projet. Pour l’encourager à prendre son mal en patience parfois et pour lui avouer que si j’avais su écouter l’un ou l’autre conseil, j’aurais probablement gagné quelques précieuses semaines à mes débuts au lieu de découvrir par moi-même ce que d’autres voulaient m’enseigner.

Je ne lui en voudrais pas de somnoler durant mon flot de paroles mais lui demanderais de ne pas ronfler trop fort pour ne pas réveiller les autres. Je connais la capacité limitée d’attention d’un auditoire jeune bourré d’hormones et j’essaierais d’être concis.


(il défait le bracelet de sa montre, l’exhibe à l’assistance)

Il est 14h30 et j’en aurais pour 50 minutes. Ce trésor de technologie comporte une fonction réveil que je règle donc à 15h20. Une petite musique retentira et c’est le moment où vous applaudirez si vous n’avez pas vu le temps passer pour une raison sur laquelle je ne vous interrogerais pas.

Avec force d’anecdotes dont il fût souvent victime, Olaf expliqua alors l’importance de l’accessoire, non pas tant sur le plateau ou caché dans les tiroirs que dans ce qui entoure la vie d’un film en dehors de sa réalisation artistique : comprendre les assurances, la gestion dont celle de l’égo de l’éclairagiste qui croit dominer la lumière, mais aussi la diffusion, la promotion, l’importance du bon sandwich, du respect des horaires dont pense encore dépendre le calendrier alors que c’est toujours dans l’aléa que se révèlent les capitaines.

Il insistait sur le changement qui allait accompagner l’étape après les débuts – qu’il savait forcément auto-financés et basés sur un bénévolat souriant -.

Viendront les attentes de toutes parts, de l’équipe, du public et il faudra tenir un cap pour ne pas étouffer le rêve. Trouver le bon équilibre entre l’aventure individuelle et collective, entre des intérêts forcément peu conciliables … Si vous n’y prenez garde votre long métrage risque à tout moment de vous échapper et si vous n’êtes pas à l’aise avec le chaos il vaut mieux choisir un autre métier. Selon la situation il vous faudra une main de fer dans un gant de yaourt, ou le contraire, la règle est fluctuante. Une petite équipe soudée est efficace et agréable mais comporte ses limitations. Quand le bateau grandit, tout devient exponentiel, et il vaut mieux garder à l’esprit que tout nouveau rouage aussi utile soit-il est source d’emmerdements. Réfléchissez y lorsque le scénariste vous proposera d’emboutir trois camions citernes au milieu de la fuite d’une foule de 900 figurants. Mon ami Woody Allen refuse systématiquement ce genre de choses dans ses huis clos. Lui aussi aime les explosions mais ne souhaite pas qu’elles s’étendent au budget.

S’enchaîneront les louanges, et les critiques négatives, l’incompréhension, souvent. Ce seront des échecs, des réussites jusqu’au jour où, eux aussi, peut-être, seront amenés devant le pupitre où il se tient aujourd’hui.

Espiègle, au moment opportun, Olaf s’amusait à plonger l’étudiant dans sa manière de concevoir l’histoire à raconter, fût-elle conférence. Un signe convenu, et la lumière s’éteignait, plongeait l’amphithéâtre dans le noir , il feignait la surprise, écoutait la protestation générale puis, selon un minutage précis, allumait tout aussi discrètement un projecteur de poursuite sur un élément du décor tandis qu’irradiait à l’arrière un nouvel halo bleuté.

- hop, t ‘as vu ? Je t’ai emmené où je voulais… l’obscurité t’as surpris, énervé, et pouf, je te mets du beau bleu qui est joli comme tout et je te montre un nouvel endroit où regarder… sans rien dire… tu vois, le cinéma, c’est aussi ça. Y’a pas que l’histoire mais sa charpente aussi qui contribue à ce que tu ne t’endormes pas et que tu deviennes acteur de la projection… tu n’es pas que « dirigeur d’acteurs » mais aussi, l’espace de ton film, le « dirigeur de spectateurs ». Là je te montre l’une ou l’autre arcane, en direct. Il te faudra inventer les tiennes… ou faire comme tout le monde, les piquer aux autres.

Il se levait, traversait la scène sur sa longueur tout en continuant son exposé et, arrivé au bout précisait :

hop, t’as vu, tu m ‘as suivi du regard pendant que je marchais, c’est un genre de travelling où j’ai remplacé ma caméra par tes yeux. Dommage pour moi, tu n’as pas de zoom.

Avec l’expérience, tu remplaceras probablement l’un ou l’autre dialogue par une gestuelle d’acteur. Tu peux mettre une voix off qui dit que ton personnage vieillissant est resté jeune mais il est tout aussi efficace et plus surprenant de lui faire exécuter une marelle fictive dans le parking en direction de sa voiture. Tout le monde comprendra... Essaye de suspecter ton auditoire d’intelligence, t’es pas obligé de faire dire à ton acteur que le temps presse alors qu’il suffit qu’il regarde sa montre. Tu me balances un fondu au noir sur le geste et pouf, tu induis qu’il est déjà en train de faire plein de choses, et le spectateur, pas idiot, sait exactement quoi et son pouls s’accélère. Tu viens peut-être de gagner cinq pages de script et dans le Seigneur des Anneaux, par exemple, ça compte...


Puis il ajoutait, en ménageant de longues plages de silence.

- il y a autre chose, aussi… quelque chose qui motive ma présence maintenant, ici, à vos côtés… un petit quelque chose que la technique ne doit pas trahir… votre projet. Et ce que vous aimeriez que le public retienne lorsque tout le reste se sera évaporé. Ne vous leurrez pas, ce sera probablement la transparence du chemisier de votre actrice quel que soit le cadrage que vous aurez choisi. C’est la vie...

j’aimerais vous parler, enfin, de votre responsabilité…

Ce que vous allez projeter ne sera jamais anodin… Vous puiserez quelque part, et vous restituerez à l’écran quelque chose… et d’autres y puiseront à leur tour une logique, voire une normalité…

Ceci n’est pas une histoire d’auto censure, ni même de morale mais gardez à l’esprit qu’un message délivré à une masse n’est jamais sans conséquences. Ce que Charlie Chaplin a porté à l’écran n’a pas provoqué une guerre mondiale et je vous laisse réfléchir à son positionnement politique. N’apportez pas votre concours aux sans scrupules qui voudront utiliser votre talent pour asservir les consciences. Écoutez au moins autant votre cœur que votre raison. Amusez-vous et A votre avenir, les enfants !


Ting ting titing ting ting ting tiiiing titing tingting ting ting tiiing ting ting ting tiitiiiing
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Message » 10 Mai 2019 15:10

peg-harty a écrit:[b][ votre projet. Et ce que vous aimeriez que le public retienne lorsque tout le reste se sera évaporé. Ne vous leurrez pas, ce sera probablement la transparence du chemisier de votre actrice quel que soit le cadrage que vous aurez choisi. C’est la vie...



Ben oui, dans la salle il y avait quelques jeunes actrices, et Olaf regardait fixement celle ci en clamant cette phrase définitive sur la puissance exponentielle du cinéma...

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Message » 10 Mai 2019 17:24

Superbe (l'actrice aussi).
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