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Films (débats, critiques), personnalités (acteurs, réalisateurs), prochaines sorties, les salles, la presse spécialisée...

Olaf Stromberg. Le plus grand cinéaste de tous les temps !

Message » 25 Mai 2019 11:05

Mai, juin, juillet 1990… Olaf réalise qu’un trimestre s’est écoulé et qu’il est toujours dans son pays natal, le nez au vent frais, les pieds dans la bruyère. Dans sa besace, quelques biscottes pour les écureuils. La torpeur de la grande ville du cinéma ne lui manque pas. Ni sa villa, ni les fêtes du week-end, ni les gribouilleurs sur toile et plasticiens de bric ou de broc nourris au petit lait sucré du « amaaaaazing » lors des messes-vernissages, ni mêmes les moulinets des attachées de presse payées à dévoiler un sourire enjôleur ou même la naissance d’un sein pour négocier un accord.

Steven, les deux David, les deux Sean, Martin et d’autres lui avaient appris les stratégies que déployaient les sphères de pouvoir pour l’accroître. Il avait mis quelques temps à vérifier leurs dires mais effectivement, toute une strate satellite de connivence naviguait dans le business. Toutes les rencontres fortuites ne l’étaient pas et le secteur employait ou missionnait tout ce qui était corruptible et grenouillait à proximité des réalisateurs ou des acteurs, actrices en vogue. Il était sympathique ce jardinier qu’on lui avait conseillé, qui comprenait le suédois, ne savait pas faire fonctionner correctement une tondeuse, confondait les vivaces et les annuelles, arrosait les cactus et lui présentait ses « cousines » toutes plus jolies les unes que les autres.

Olaf sympathisa avec lui et lui présenta les jardiniers inexpérimentés de Scorcese et de Peter Falk et de quelques acteurs complices pour qu’ils puissent, ensembles, parfaire leur ignorance du jardinage. Un mélange efficace qui eut un drôle d’effet : quelques semaines plus tard, il fût sollicité par un cuisinier qui ne savait pas cuire un steak, qui parlait suédois, et qui connaissait vaguement le jardinier de Peter Falk. Peter Falk qui, lui, rencontra lors d’une soirée une admiratrice de Colombo et dont le frère se proposait de devenir chauffeur de sa 403 mais sans parvenir à la démarrer. Scorsese devant sa photographie éclata de rire, il avait reconnu l’ancien prof de yoga de Tom Cruise...

Ils savaient tous que les métiers qui brassent trop d’argent deviennent berceaux de jalousie, de convoitise, de dangers pour les âmes faibles ou isolées. Condamner à réussir... c’est être condamné quand même. Cette idée ne lui plaisait pas et tous ses sens s’étaient aguerris. Comme le héros dans son « Chérie, j’ai mangé des cerises » il s’amusait maintenant à débusquer les pièges à miel, vamp’ fatale ou fausse ingénue, ou encore cow-boy athlétique garde du corps, dont la fonction semblait se résumer à s’installer dans le quotidien pour, ici glaner de l’information, là, influencer des choix. Un œil ou une oreille exercé les repérait assez vite, ils venaient d’on ne sait où, se livrait peu, et se débrouillait pour pénétrer le cercle de l’intimité. Tout d’un coup ils étaient là, on s’habituait à eux sans vraiment les connaître et leur travail commençait. Ils prêchaient le faux, entamaient un formatage. Les indiens avaient un mot pour ça : les langues fourchues.

Patrick, dans son Prisonnier, avait mis en garde : ils veulent du renseignement, et ce n’était pas de la fiction. Quoique.

Les soirées mondaines bruissaient de rumeurs invérifiables, amusantes souvent mais parfois humiliantes et même terrifiantes. John, Peter, lui et quelques autres avaient pris l’habitude, à l’évocation d’un nom, et selon le cas, de croiser discrètement un poignet sur l’autre. Cela signifiait des menottes virtuelles. Celui-là était ligoté et sa liberté intellectuelle était comparable à celle de la mouche engluée dans une toile d’araignée. L’incorporer dans un projet c’était l’assurance d’y voir très vite planer une ombre bizarre et indéterminée.

Le maccarthysme voulait protéger l’Amérique d’idées, selon les censeurs, contraires aux intérêts supposés de la nation et de son peuple. Aujourd’hui, bien sûr, tout a changé, et dans les dîners, deux camps non déclarés se côtoient en toute civilité. Ceux qui se sentent investis d’une mission en enclenchant la caméra : allégorie du pays, de ses valeurs, de sa puissance. Et d’autres, plus universalistes, moins dupes ou plus naïfs, un peu moins bannière étoilée flottant au vent et qui seront toujours observés bizarrement, à défaut d’être suspectés. Hollywood a oublié que les racines du Cinéma sont européennes, et françaises. Dans le vieux continent de trop nombreux conflits, mais aussi d’historiques consanguinités avaient fini par persuader chacun que les vérités étaient protéiformes et qu’il valait mieux, quand l’occasion se présentait, trouver le courage d’en rire. Olaf citait à l’occasion the big woadrouy (?) une comédie durant l’occupation où deux monstres sacrés du french cinéma ridiculisaient l’adversaire allemand tout en se moquant d’eux-mêmes. Pour rompre le cycle infernal, That’s the way !

Après Harold Lloyd, Buster Keaton, Chaplin ou Laurel & Hardy, le cinéma américain s’était pris au sérieux au point de confondre Art et combat idéologique. L’époque d’or du Western avait malheureusement prouvé qu’on pouvait vivre et admettre l’apartheid jusque sur les écrans. Tout un pan du 7ème art véhiculait, consciemment ou non, de bêtes idées reçues. Les minorités, depuis le cireur de chaussures, étaient généralement rabaissées, mises à l’écart. Le cireur était un acteur blanc, grimé en nègre. La musique n’échappait pas à la règle. Même le blues et son fils légitime, le rock ne s’était popularisé réellement - n’avait acquis ses lettres noblesses – que par l’entremise d’un King blanc middle-class worker. Rares étaient ceux qui ne sacrifiaient pas à la scénarisation de la force blanche victorieuse. Les grands studios amplifiaient jusqu'à l'absurde le syndrome du soldat, tripes à l’air et sa réplique « laisse moi une cigarette et une grenade Joe, je vais les retarder ces chiens jaunes ».

Et dire qu’on lui reprochait la confiture. Il la préférait au ketchup, tout simplement. Il avait vu débarquer une série de scribouilleurs, tous formés à la même école et la tendance devenait lourde. De la grosse technologie au service d’une dérive hypra violente. Ils n’étaient pas nombreux dans la profession à accorder une place aux gazouillis des petits oiseaux. Il fallait un chien dans l’histoire. C’était compatible avec le rôle de gendarme du monde. Pas beaucoup de hérissons, d’abeilles ni de grenouilles mais des T. Rex aux dents acérés, des requins ou des tueurs paranoïaques. Heureusement, une nouvelle génération de jeunes cinéastes pointaient un nouveau regard sur le monde et venaient à la rescousse d’un Stanley Kubrick qui résistait ironiquement à une folie bien ancrée.

Olaf, le vent en poupe, s’était vu, lui aussi, proposer maints scripts à la gloire exclusive de Sam. Dans l’un, un genre de super héros bodybuildé était sensé libérer une famille d’honnêtes cadres de l’industrie pétrolière pris en otage par des bachi-bouzouks sanguinaires, dans l’autre, l’enfant d’un scientifique de Boston devait sauver le monde d’un virus impitoyable venu de l’espace. On lui garantissait la location gratuite de deux porte-avions, d’un sous marin et même, s’il le désirait, de pouvoir filmer pendant 24h des scènes dans le bureau ovale. Par contrat, on lui permettait aussi d’inclure la présence d’un diplomate suédois dans un rôle valorisant. Le producteur pensait tenir l’argument imparable pour qu’il accepte. Il lui suffirait de signer, de travailler et d’encaisser. Les séquences de combats aériens lui seraient fournis gracieusement par l’US Airforce, avec les tous derniers modèles de chasseurs, et puis aussi des drones, et plein de jolis écrans avec des trucs électroniques très complexes destinés à crédibiliser l'image d'un sur-américain. Il pourrait garder toute latitude artistique sur la couleur des papiers peints et costumes des figurants. Une affaire en or… qu’il déclina respectueusement. Il commençait à mesurer le courage de ses confrères qui osaient montrer à l’écran une Amérique différente. Eux se reconnaissaient dans la filmographie d’Olaf, surtout dans Royal Cone. Une estime réciproque les liait dorénavant. A la dualité un peu simpliste et arbitraire du bien contre le mal ils intercalaient un peu de l’esprit européen, le doute, la légèreté, la poésie, l’erreur, le ridicule, l’auto-dérision, la franchise, la tempérance, l’hésitation...

Capra, en son temps, avait essayé de concilier deux mondes, de faire cohabiter la fierté américaine mais sans trop diaboliser les adversaires de circonstances. Un de ses films emblématiques, la vie est belle, avait eu le toupet d’égratigner la puissance du dollar en y opposant victorieusement la fraternité, l’amitié. Pour ne pas céder au découragement il s’était senti le besoin de faire intervenir un ange… quasi alcoolique, dans un bar. Pas facile de lutter contre les stéréotypes à Hollywood.

Stanley Kubrick, intelligemment, dénonçait, mais toujours en surabondant. Il se prévenait pourtant des risques, mais rien n’y faisait. Olaf se souvenait d’une discussion en marge d’un festival avec lui.

O.S. : Alors Stanley, ça va vers où ?
S.K. : Pffff… c’est la merde Olaf. Et on est dedans jusqu’au cou.
O.S. : Quoi ?!? Ne me dit pas que tu cèdes… Ils ne te font plus rigoler ?
S.K. : C’est de l’ordre de l’intime, tu sais bien…
O.S. : Le grand jeu, hein ? l’homme, la femme.
S.K. : Ouais, t’as résumé l’affaire. Je tourne autour du pot mais c’est la vraie question. L’humain et l’animal… le miroir… Un jour, peut-être, j’aborderais le truc calmement.
O.S. : Bah, t’as le temps. Qu’est-ce que tu tournerais après ?!? Je parie que c’est le genre de film que tu feras en conclusion. Ça sera un drame ou une comédie ?
S.K. : Une comédie ?!? Toi, t’es un optimiste. Peut-être car tu es encore jeune… j’ai vu Cours après moi, Chérie. T’as pas d’enfants toi et tu prends encore ça pour un jeu.
O.S. : Jeune, j’ai vu ton impressionnante adaptation de Lolita. Il donnait prise. Moi je voulais lui laisser une chance face à deux principes féminins qui luttent ensemble sans en avoir l’air.
S.K. : Ouais... sauf que t’as pris deux copines et pas un duo mère-fille. Parce que là, c’est encore autre chose, ça transpose réellement et ça dépasse l’imagination.
O.S. : Je comprends pas...
S.K. : C’est bien ce que je dis, t’es un optimiste…
O.S. : Buvons à la femme, Stanley. Celle qui existe. Cognac ou Peppermint ?

Depuis une visite à Las Vegas, Olaf avait pris l’habitude de jouer à Shériff/avocat. Avant une première projection avec des amis, il pariait tous un dollar et il fallait miser sur une des deux professions qui apparaîtrait la première à l’écran : homme de loi (avocat, juge…) ou représentant des forces de l’ordre (shériff, fbi, militaire…). Il choisissait toujours avocat mais les probabilités étaient proches de 50/50.

Dans son cinéma, Olaf restait espiègle et vaguement insouciant. Les aléas ennuyeux ne le perturbaient jamais très longtemps. Comme tous les gamins de la Terre il pouvait alterner de la tristesse au rire en un clin d’œil. Il se disait qu’un ange l’observait, le protégeait et qu’il faisait un sacré bon boulot. Bien sûr, comme tout un chacun, il lui arrivait de patauger et, pire, de sauter à pieds joints dans la flaque d’eau qui éclaboussait dès lors un peu son voisin, mais c’est parce que la malchance ou le hasard l’avait placé là.

Lui ne faisait que Genekellyser sous la pluie. Il s’était confié un jour, après quelques bières, aux Monthy Python qui s’étaient interrogés eux aussi dans un long métrage sur le sens de la vie. Entre deux hoquets il affirmait :

« moi je sais que mon ange, il filme toute ma vie. Après, il fait régulièrement un rapport au Chef. Un genre de montage en accéléré, avec des zooms et des ralentis sur les faits marquants. Des fois, il lève les yeux au ciel, enfin, plus haut que le ciel car lui, il y est déjà, et le Boss il dit, mais c’est pas vrai, il est un peu con ou quoi ?!? Alors mon ange, il est un peu emmerdé, comme s’il s’en voulait d’avoir failli à sa mission. Alors, je trouve que c’est injuste qu’il soit suspecté… parce que, attention, il fait un boulot surhumain… bon, c’est un peu normal, vu que c’est un ange… mais à la loterie il est tombé sur un patapouf hors du commun. C’est sûr que c’est moins reposant que de s’occuper de Soeur Emmanuelle ou Albert Schweitzer. Mon ange il a pas été pistonné alors en contrepartie j’essaye de le faire rigoler entre deux gaffes. Comme ça, lors du montage, il a de la matière et la maîtrise absolue sur le cut final. Bon, lui, il est incorruptible et il ne lui viendrait pas à l’idée de balancer du faux. Le portrait sera juste. Mais sans aller jusqu’à atténuer la réalité, je pense qu’il a loisir de présenter un film vaguement infinitésimalement intéressant. Le truc qu’il faut garder en mémoire, c’est que le Boss a déjà tout vu. Y’a rien d’humain qui puisse vraiment le surprendre. C’est LE public des publics. Il connaît toutes les intrigues, toutes les ruses, toutes les réalités, tous les mensonges ainsi que tous les effets spéciaux dont il est le Maître absolu. N’essaye même pas de le bluffer, c’est peine perdue. Si lors de la projection il accorde un coup d’œil discret ou vaguement amusé, c’est déjà le Pérou. J’ai cru comprendre que le frisson des feuilles dans le vent automnale avait davantage de chance d’attirer son attention que le cumul de toutes les fanfares de ceux qui se croient puissants. Alors chacun peut causer avec son ange qui a une grande qualité d’écoute, faire un pied de nez a son démon mais même avec une carte de visite en or, tu ne caresses même pas l’espoir d’un entretien en tête à tête avec le Chef. Le Chef, il est seul. Son bureau est grand comme l’univers tout entier. Walâââ monsieur. ».

Et à tous les présents de rigoler en tournant une manivelle imaginaire près de leurs tempes sans que l’on sache très exactement comment l’interpréter. Une bande de copains joueurs.
peg-harty
 
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Message » 27 Mai 2019 23:22

peg-harty a écrit:1990, le cinéma et la Suède sont en deuil.

Une des rares comédiennes qui avait réussi la difficile transition entre le cinéma muet et le cinéma bavard.

...

On raconte qu’Olaf Stromberg, à l’annonce de ce décès, restera silencieux de longues heures, au ralenti, devant une de ses photographies. Sorti du recueillement, il ressent le besoin pressant de retourner en Europe. Il passe quelques jours à régler les affaires en cours, à écarter poliment tous les nouveaux rendez-vous. Quinze jours plus tard, il atterrit à Stockholm. Il ne le sait pas encore mais il a quitté, lui aussi peut-être définitivement, Hollywood.


Il me faut sortir de ma position de simple observateur de la présente oeuvre titanesque de retranscription des épisodes de vie du grand réalisateur Olaf.
Bien entendu, je perçois la dérision triste du narrateur derrière cette opposition du cinéma muet au cinéma bavard, mais il doit être sermonné. Ne trompons pas ses lecteurs !
M.Stromberg n'utilisait pas cette appellation française ignoble de "cinéma muet". Je me souviens même qu'il mettait en garde ses traducteurs et leur interdisait son usage.

De nombreuses années, j'ai cherché sans y parvenir à mettre un nom sur le triste inventeur de cette formule, jusqu'à me convaincre qu'il s'agissait d'un simple idiot anonyme aveuglé par l'idolâtrie du progrès. La tentation était grande à l'invention du son synchronisé de ranger dans une vieille étagère au fond du grenier tout le cinéma préexistant à cet artifice. Dans les sociétés commerciales, il y a ce terme hideux d'archivage et encore ce ne fut pas leur destin le plus funeste, certaines bobines périrent matériellement dans l'indifférence générale. Ce cinéma portait la marque terrible d'une infirmité. Un M, l'initial maudit.

Je me souviens encore d'une conférence d'Olaf sur les films de super héros dans l'histoire du cinéma. Il venait d'aborder The Mark of Zorro avec Doug Banks et alors qu'il précisait la date de sorti en 1920, la salle bruissait de messes basses. Un gaillard avec le courage des idiots se levait et demandait : Ce film est il muet ? Oui, lui répondit Olaf, pourquoi cette question ?
Et l'homme rustre avec une perversité gourmande d'interroger : Comment les réalisateurs représentaient-ils le sourd muet Bernardo dans leur film muet ?
L'hilarité se propageait à toute l'assemblée laquelle guettait perfidement la découverte d'une faille chez ce brillant réalisateur.
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Il resta un long moment silencieux et l'assemblée se tue, c'est à ce moment qu'il prit la parole pour asséner une courte réplique :
Regardez ce film, Bernardo vous parlera mon ami !
L'assemblée resta muette comme une carpe des grands lacs de Vänern et Vättern.

Malheureusement, le mal est fait pour le grand public et la formulation bien ancrée dans les esprits francophones. Quiconque refuserait celle-ci passerait pour un snobinard ou un zozo du politiquement correct. Cela m'est arrivé dernièrement sur un forum de supporter de la mythique équipe stéphanoise de football. Un utilisateur m'a rembarré sans ménagement du fait de mon utilisation du terme de cinéma silencieux moquant un emprunt idiot au silent movie anglo saxon. J'ai du lui écrire toute une tartine pour justifier des raisons de mon choix. Un simple visionnage de l’œuf aurait pu suffire mais encore faut-il être réceptif et dans l'échange volontaire, ce contradicteur semblait surtout vouloir se farcir un volatile.

Mais revenons en à Olaf, mes tourments n'ont que peu d'intérêt, je ne sais si le narrateur a déjà évoqué sa passion pour les automobiles car il dévorait les revues consacrées suédoises et leurs comparatifs. Il me parlait toujours de son rêve d'acquérir une Saab 96 sport, à ses dires la voiture d'une époque dans laquelle l'avis des concepteurs était plus important que celui des responsables marketing.
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Cette passion pour les comparos de la presse automobile s'était transmise dans ses analyses de cinéma, il aimait comparer une même scène chez plusieurs réalisateurs.
Pour lui les scénarios étaient d'une importance moindre et ceux trop alambiqués très vulgaires, du cinéma commercial abrutissant les masses par une distraction artificielle. Il me disait la grande littérature se différencie par le style de l'auteur, le grand cinéma par le style du réalisateur. Il y a très peu de choses différentes à dire dans un film mais la manière de les dires permet des variations infinies. Et ce soir là, tous les deux enfoncés dans son canapé Ikea, les bûches crépitant, il me proposa un nouveau comparo. Je vais vous le présenter car il est instructif pour une comparaison du cinéma silencieux et du cinéma parlant.
Les deux scènes sont celles de l'amour naissant, du premier baiser, mais le traitement du réalisateur est bien différent.

Commençons par le parlant, avec le fameux Quai des brumes de Marcel Carné sorti en 1938, et son célèbre t'as de beaux œufs tu sais :


Le couple s'éloigne de la fête foraine par une petite allée de traverse encadrée de containers, c'est une ambiance ballade dans les docks avec son petit chien.
Le travelling arrière est classique mais efficace, le couple s'éloigne du monde et le couloir semble s'allonger, la fête continue dans la profondeur de champ.
Nous sommes seuls avec eux et le dialogue part de l'insignifiant :
Tu n'as pas faim ?
Non je n'ai envie de rien. Je suis bien.
C'est vrai tu es bien avec moi ?

Reconnaissons un dialogue collant parfaitement avec la vaine réaliste romantique recherché par l'auteur du film. Ce moment d'amorce de fusion est toujours d'une grande bêtise dans les échanges.
Ensuite la scène bascule tout comme le corps de Michèle Morgan contre la cloison et Gabin se rapproche à distance critique.
Gabin se retrouve dans l'ombre du plan et Morgan dans la lumière, puis inversement chaque fois que la parole est destinée à être donnée à l'un ou l'autre. Je trouve cela trop systématique et maladroit mais sans doute la tentation est grande du fait de l'artifice du parlant. La spectatrice féminine pourra se mettre à la place de Morgan passée dans l'ombre et inversement. Ce procédé est moins vilain que les mouvements pendulaires mais Olaf n'aimait pas et je ne l'ai pas contredit.
Ensuite la succession de plans sur l'un puis l'autre et sa montée en crescendo appelle moins la critique, les acteurs ont de la présence et l'éclairage bien effectué. Survient alors le fatidique t'as de beaux yeux tu sais, puis la supplique en retour, embrassez moi idiot. Ce dialogue n'est toujours pas dérangeant en tant que tel mais les jeunes spectateurs d'aujourd'hui s'en moqueront et l'effet de tension sexuel se transforme en comédie. C'est là où Olaf voulait en venir, une succession de belles images restera toujours indémodable, le dialogue imposé lui ne résiste pas à l'usure du temps.

Olaf s'est levé et a changé le magneto Serge pour passer à un film silencieux de la divine Greta Garbo, la Chair et le Diable (Flesh and the Devil) réalisé par Clarence Brown sorti en 1926.
Il ne disposait que d'une vieille bande Vhs et l'image n'était pas très bonne mais néanmoins :



Même procédé le couple s'échappe du bal au château pour se glisser dans un jardin d’éden nocturne. Cette fois le réalisateur se livre à une revisite biblique, le fruit que nous nous abstiendrons de désigner par une pomme (la référence fréquente à la pomme pourrait être due au fait qu'en latin, pomum signifie « fruit » suivant wiki) est remplacé par un jeu tout en sensualité avec une cigarette. Cette castratrice de Greta soufflera également sur la flamme pour l'éteindre avant de mieux la rallumer. Tout le mouvement du film est dans cette scène. La réalisation est beaucoup plus sophistiquée et bien moins binaire. Jusqu'à l'éclairage plus rudimentaire car le réalisateur avait donné à John Gilbert en guise d'allumette un objet lumineux non identifié mais donnant à la scène un aspect féerique alors que le film précédent était d'un aspect laborieux d'un coup tu éclaires l'un, ensuite l'autre.
Les intertitres n'ont pas une utilité si importante pour la scène mais permettent déjà d'annoncer la suite du film.
Qui es tu ?
Quelle importance ?
Je vais te revoir ... souvent.
Peut-être.
Tu es ...très belle.
Tu es... très jeune.


Olaf s'est relevé et en me regardant fixement m'a demandé : tu vois la différence ?
Je lui ai répondu : elle est évidente.

Puis nous sommes restés silencieux un long moment sirotant un verre de peppermint.
Le silence fut rompu bien plus tard par un cavarneux : Allons nous coucher ? Demain sera un autre jour !
Kishizo42
 
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Message » 28 Mai 2019 5:10

Bonsoir monsieur Kishizo42.

Bienvenue dans Olaf Stromberg, le plus grand cinéaste de tous les temps.

Votre oeil exercé à noté le titanesque de cette biographie mais eu égard au lapidaire de votre introduction (que je mets sur le compte de la passion et de la fougue de la jeunesse) je vous remercie de prendre connaissance de sa méthodologie (relire le post du 25 juin 2007 à 14h35).
L'exactitude et la vérité de chaque ligne sont garantis avant sa publication ici par un processus long et fastidieux de vérification par Olaf Stromberg, lui même.Il ne peut pas y avoir tromperie.

Que tous nos lecteurs et étudiants se rassurent, tout est vérifié et certifié sincère. C'est la raison pour laquelle plus de dix ans auront été nécessaires pour n'arriver qu'à la moitié de son parcours.

Cordialement. Harty.
peg-harty
 
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Message » 28 Mai 2019 22:43

Monsieur Harty (ou votre algorithme)

Je vous remercie de votre accueil dans Olaf Stromberg, le plus grand cinéaste de tous les temps. Néanmoins la rapidité de votre réponse et son caractère assez impersonnel me font songer à un texte automatique se déclenchant à l'arrivée de contradicteurs.

Au delà d'une attaque gratuite sur mon éventuel jeune âge et la forme de mon intervention, vous ne répondez pas sur le fond : M.Stromberg n'aurait jamais utilisé l'appellation de cinéma muet pour caractériser un cinéma silencieux. Je me souviens qu'il était très à cheval sur la terminologie et n'aurait pas laissé passer cette formule à un étudiant. Je pense plutôt que vous avez pris quelques libertés dans votre processus de vérification et il me semble inutile de vous enferrer dans une position inconfortable. Sans doute avez vous oublié de consulter M.Stromberg avant le message en question et ce n'est en rien blâmable depuis le temps que vous officiez dans ce sacerdoce.
Inutile de vous préciser qu'avant d'intervenir j'ai pris connaissance de votre méthodologie en date du 25 juin 2007 à 14h35, ma longue formation universitaire couronnée par un doctorat en sociologie suédoise m'a enseigné depuis bien longtemps de connaître le cadre avant de tracer à la règle. Les épisodes rapportés ont été vécus par moi-même en compagnie de M. Stromberg et dès lors il m'apparaissait inutile de prendre des précautions d'usage.

Si vous croisez prochainement Olaf Stromberg vous pourrez lui remémorer le jour de l'an 1973 passé ensemble à Stockholm au Berns en compagnie du réalisateur Bo Arne Vibenius, de Christina Lindberg et ses copines.



Quelle idée géniale de rester hors cadre lors d'un duel ! Ne nous donnons pas en spectacle, j'accepte vos excuses, recevez les miennes.

Cordialement. Kiki du 4 2
Kishizo42
 
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Message » 03 Juin 2019 23:39

Je dois vous informer qu'Olaf Stromberg vient de m'appeler.
Il m'a confirmé être associé à la présente entreprise menée par le sieur Harty.
Alors je lui ai dit pourquoi cette erreur, ne l'avez-vous pas relu ?
Trop de peppermint ce soir là mon ami, Harty mène l'affaire à un rythme effréné, je n'avais plus les yeux en face des trous.
Alors je lui ai répondu, ne vous inquiétez pas Olaf, je vais le surveiller de près :mdr:
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Message » 05 Juin 2019 9:20

"rythme effréné"... Mais depuis 12 ans quand même :mdr: ! Heureusement que le CVFOS veille... :charte:

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Message » 05 Juin 2019 22:40

12 ans ne sont rien à l'échelle de l'immense tâche à accomplir. La vie d'Olaf Stromberg semble s'étendre à perte de vue, le col à gravir est impressionnant, la tâche colossale.
J'émets quelques doutes sur votre CVFOS qui n'a été d'aucune utilité pour intervenir sur l'erreur malheureuse m'ayant amené à prendre violemment à partie notre hôte harty.
C'est pourquoi Autrichon, même si vous ne m'avez pas convié, je refuse d'intégrer ce comité fantoche sans doute sous influence. Ils ont du vous envoyer une suédoise et un bon disque de jazz pour vous endormir et détourner votre vigilance. Mon oncle Kishizo tout court m'avait déjà briefé sur vos faiblesses. Cette tâche nécessite l'usage d'hommes incorruptibles.
Je me trouve contraint d'annoncer ce soir la création de la Section Indépendante d'Observation d'Harty (SIOH) placé sous mon commandement. Nous n'abuserons et n'agirons pas sur des broutilles car nous sommes conscients des difficultés de l'entreprise d'Harty mais il n'en demeure pas moins qu'il doit être contrôlé.
Kishizo42
 
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Message » 06 Juin 2019 0:17

Mr Kishizo42,

Il est surprenant de voir le CVFOS ainsi attaqué, lui qui a pour habitude de sommeiller dans la plus sereine et discrète des vigilances.

La phrase qui a déclenché votre ire : "Une des rares comédiennes qui avait réussi la difficile transition entre le cinéma muet et le cinéma bavard. " est une opinion exprimée par Peg-Harty en son nom, et non une citation d'Olaf Stromberg. Aussi, nous espérons que vous en conviendrez, en aucun cas l'expression "cinéma muet" n'a été attribuée à Stromberg. Il n'y a donc pas d'erreur et le CVFOS, selon l'expression consacrée, considère que cette polémique n'en est pas une.

Nous vous remercions cependant de nous avoir permis de réfléchir au caractère maladroit, et contestable, de ce rétronyme.

Coin carré, président provisoire du CVFOS.
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Message » 06 Juin 2019 9:55

Kishizo42 a écrit: Ils ont du vous envoyer une suédoise et un bon disque de jazz pour vous endormir et détourner votre vigilance. Mon oncle Kishizo tout court m'avait déjà briefé sur vos faiblesses. Cette tâche nécessite l'usage d'hommes incorruptibles.


Mon cher Kishizo42, vous saluerez très aimablement votre oncle Kishizo tout court avec qui j'ai eu le plaisir de jouter dans ces colonnes à une époque certes révolue ou la haute tenue des nos échanges n'avait comme corollaire que celle de l'estime que j'avais pour lui. Il semble que vous ayez plutôt hérité du coté de votre tante, la regrettée et volcanique Olga Johansson-Nolde, dont vous omettez de signaler qu'elle fut non seulement votre estimée parente, mais aussi la cousine germaine d'Olaf Stromberg, ceci expliquant peut-être la virulence de votre irruption dans nos débats séculaires et apaisés sur l'oeuvre d'Olaf. Dites-nous tout ce sera plus clair.

J'ajoute, puisque vous m'y invitez, et au risque de vous choquer, que j'ai bien connu votre voluptueuse tante, y compris au sens biblique du terme (eh oui mon jeune ami !) et je garde un souvenir particulièrement ému de ce soir, ou, au creux d'un village provençal perché entre Ventoux et Baronnies, ou, après quelques verres de rosé et au milieu des chants des grillons, elle a accepté de succomber à mes avances, et la rondeur de ses seins, le grain de sa peau et les ... Je m'emballe sans doute. Sachez toutefois que je reste encore aujourd'hui tout tremblant de vous raconter ceci d'autant qu'il est peu probable que vous ayez été averti par votre oncle de telles circonstances, celui ci était bien trop occupé à écouter de la musique rock pour voir que sa femme délaissée ne demandait qu'à s'exprimer. Au demeurant, en homme compréhensif, il a conclu cet épisode une fois au courant d'un très philosophe, citant Olaf Stromberg: "tout le monde fait des erreurs" avant de retourner écouter PJ Harvey. Il me manque beaucoup.

Quoi qu'il en soit, je me joins à coincarré pour contester votre mise en cause de la rigueur nordique du CVFOS, et je ne rejoins pas votre dissidence. :oldy:

Votre dévoué, autrichon tout gris.

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Message » 08 Juin 2019 1:31

M.Autrichon,

Je suis surpris de la teneur de votre message dans le prolongement de celui votre Président Coincarré. Ce dernier venait d'avoir la grande habileté de trouver une porte de sortie honorable à chacun et vous venez souffler sur des braises qui s'éteignaient sûrement. Accordez vos violons ! Moi à sa place, vous recevriez un blâme pour ne pas vous comporter en digne subalterne apprenant de la science de son aîné. Vous êtes un membre du CVFOS bien indiscipliné.
Vous ne comprenez pas non plus l'éthique de comportement que peuvent avoir certains hommes ne souhaitant pas se servir de l'argument d'une filiation pour appuyer leur argumentation. Il ne faut voir aucun autre mystère ou quelconque manœuvre là dedans, je n'ai pas pour habitude d'avancer masqué, mais seul, toujours. Et si vous souhaitez une réponse à votre question présentée d'une manière inquisitoriale assez grotesque, je vous réponds tranquillement : Oui je suis de la famille d'Olaf Stromberg et je n'en ai pas honte.
Sur l'incartade conjugale de ma tante dont vous semblez vous flattez, je suis bien au regret de vous révéler qu'il ne faisait pas grand mystère dans la famille que le couple de mon oncle Kishizo tout court n'en était déjà plus un depuis longtemps. Chacun d'eux vivait librement des aventures de son côté, désolé à ce sujet de rabaisser votre performance à celle d'un toy boy pour ma tante. Ce sont d'ailleurs des choses dont un gentilhomme ne se flatte pas habituellement.
Ensuite ma ressemblance la plus flagrante ne vient pas de ma tante, la regrettée et volcanique Olga Johansson-Nolde, mais plutôt de ma grand mère maternelle norvégienne Kirsten Flagstad. Maman aimait rappeler dans les fêtes de famille, qu'encore dans le couffin, elle me voyait serrer les poings lorsque passait l'enregistrement de Kirsten lançant son Ho jo to ho magistral.



Argh et sa représentation avec Furtwängler des quatre derniers lieder de Strauss au Royal Albert Hall en 1950. Et les histoires sur le Maharaja de Mysore, Jayachamarajendra Wadiyar Bahudar, qui avait rendu possible ce concert que l'on me racontait et que j'écoutais avec fièvre et passion.



Enfin je m'écarte et nos bisbilles doivent indisposer Harty, le Président Coincarré arrivera t il à enrayer cette nouvelle escalade ?
Kishizo42
 
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Message » 30 Sep 2019 11:01

Bonjour.

J'espère vous retrouver en bonne santé, le cœur ragaillardi, après cette expérience étonnante sur les sédiments en suspension et cette loi physique immuable sur l'influence du temps dans la perception des choses.

C'est Olaf qui m'a conseillé d'adopter cette position qui lui a offert cette sérénité qu'on retrouvera mise en images dans sa période dite suédoise et que nous allons à présent aborder. A Hollywood et durant sa période américaine il s'était lassé de l'establishment vorace qui en contrepartie de la gloire lui confisquait sa liberté et sa légèreté. Greta Garbo avait défriché un sentier qu'il lui semblait préférable à l'autoroute ne serait-ce que pour entendre les petits oiseaux qu'il affectionnait.

Iggy Pop, qui lui-même avait emprunté nombre de routes plus ou moins fréquentées résumait la situation avec une phrase devenue légendaire dans le microcosme rock :
- Tu sais, au début tu penses que ça va plus vite, l'autoroute, mais y'en a très vite qui rajoutent des péages...
peg-harty
 
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Message » 02 Oct 2019 16:16

Magnifique transition, cette distance philosophique, voire métaphysique, étant justement au cœur d' Il était une fois dans un pays lointain, et plus encore de Pas de pruneaux pour monsieur Paul.
coincarre
 
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Message » 18 Juin 2020 13:45

Il était une fois dans un pays lointain. (1990)


Long métrage 35 mm (couleur) – genre anticipation traditionnelle - Durée : 1 H 35 mn.
Co-Réalisé par Olaf Stromberg et Peter Bash avec Franz Trenner, Jenn Hotstta, Ingrid Bertsch, Arielle Dombasle, les enfants du Cirque Zingarü

L’histoire : Un homme d’âge mûr, Hector, revient s’installer sur les lieux de son enfance. Rien n’a guère changé. Des faits étranges vont se succéder, puis s’enchaîner. Ont-ils des liens entre eux ? Une rencontre décisive avec une femme parfaite inconnue, Christine Gnossen. Mais aussi avec un homme, Salmon Frey. Un homme qu’il avait connu et au parcours pour le moins… tumultueux.


Une très libre adaptation du roman de l’irlandais Peter Bash. (titre original, Snowing in my Mind )
Ce livre assez méconnu relate les aventures d’un hérisson migrateur de retour d’Afrique et qui reconnaît immédiatement les paysages qui l’ont vu naître. Son voyage accompli, il s’intègre dans ce qu’il constate n’avoir jamais quitté. Pour l’autre protagoniste de l’histoire, un hérisson rabougris, le retour est différent.

Une historiette poétique elle-même adaptée de la tradition orale irlandaise. Un machin qui se raconte et se chante dans les pubs du vert pays depuis des temps immémoriaux. On en a vu des légers entonner ce refrain, accompagnés par des durs au comptoir qui le bredouillaient, le nez dans des verres, avant de se raviser et de joindre leurs voix enfin fortes et tonitruantes à la chorale improvisée.

Un livre au succès local mais qui ne peut que bouleverser celles et ceux qui ont eu la chance de naître quelque part, phénomène assez courant.

Un récit où il est question de traversée de routes dangereuses, de perte d’amis chers écrasés par des roues anonymes, mais aussi d’instants de grâce, de nouvelles échelles, de ponts en pierres sur riants ruisseaux d’eau fraîche, de vers entre voyageurs et d’amours légers comme la brise. Mais peut-être et surtout une rencontre entre hérissons.
Après en avoir acquis les droits et négocié avec l’auteur, Olaf choisit enfin sa transposition. Ce sera quelque chose de personnel : un homme qui revient d’un grand voyage avec deux valises. L’une de souvenirs, l’autre d’expérience.

Olaf, dans la revue Kine National, peu avant la sortie du film :

Journaliste : Vous mûrissiez ce projet de tournage, cette adaptation, depuis quelques années. Pourquoi avez-vous choisi de vous écarter du hérisson originel et de le remplacer par un homme ?

Olaf : Le hérisson me plaisait beaucoup. Une bonne bouille et des piquants pour se protéger. Tous les êtres humains auraient pu se reconnaître et s’identifier. J’ai fait quelques essais mais mon comédien se mettait en boule trop fréquemment. J’ai discuté avec Peter Bash, l’auteur, qui a compris que mon support était moins libre que le sien. Sauf trucage et budget exponentiel pour un résultat finalement peu crédible j’aurais eu du mal à reproduire la scène où il décroche le pompon dans le manège de la foire de son village natal pour un nouveau tour gratuit. Nous avons donc convenu tous deux que le propos ne serait pas trahi en transposant.

Journaliste : A propos du propos, quel est-il ?

Olaf : Il est comme d’habitude celui que vous déciderez. Peter et moi avons une grande différence d’âge. Mais c’est encore un enfant. Quand je lui ai proposé de co-réaliser ce long métrage il s’est immédiatement mis debout sur sa chaise. Un beau spectacle que celui d’un octogénaire encore souple en train d’agiter les bras pour attraper un colifichet imaginaire. Lui comme moi sommes sensibles à cette notion de tour gratuit. De l’élan qu’il suppose.
Passé ce moment que d’aucuns pourraient juger stupide nous sommes redevenus sérieux. L’idée était de revivifier chez nous, dans l’équipe de tournage et enfin chez le spectateur une vérité première. « vouloir décrocher le pompon » est un concept immortel. Il se poursuit même lorsque le manège est démonté pour s’installer ailleurs. Dans son livre passionnant il m’a rendu attentif au bras invisible qui articule la ficelle et offre l’éphémère victoire à l’un ou l’autre. Qu’est-il cet animateur de manège sinon lui-même un enfant qui a grandi et qui porte aujourd’hui la responsabilité de la Providence ? Il l’a repéré, l’enfant pauvre qu’il aimerait voir sourire encore une fois. Cette petite fille timide et fragile qui n’ose pas défier les lois de l’équilibre et qui semble prête à admettre la cruelle fatalité de l’échec. Quant au dégourdi trop sûr de lui, d’extraction trop aisée, qui avait déjà gagné plus qu’à son tour, il allait calmer ses ardeurs, lui apprendre une autre règle de la vie en remontant la ficelle au moment opportun. Nous voulions rafraîchir la mémoire du spectateur avec cette histoire de Pompon et son mécanisme...

Journaliste : Salmon… Frey…, celui qui est grincheux, bizarre, je suppose que ce nom n’est pas anodin. Le retour à la source, un chemin long et compliqué sanctionné gravement quand même.

Olaf : C’est plus complexe que cela. Tout n’est pas lacanien dans la vie. C’est encore une nouvelle chance aussi. A côté d’Hector nous avons mis en scène celui qui, au lieu de boucler tranquillement son parcours, devra affronter maints périls en nageant à contre-courant pour retrouver différemment son origine, s’il en est capable. C’est un choix de vie. Il y a à creuser là-dedans pour qui nourrit l’intention de faire des trous. C’était dans le bouquin aussi, le vieil hérisson rabougris qui râle tout le temps. On a de l’affection pour lui. Pour lui, tout redémarrait également, mais différemment.

Journaliste : On est frappé par le soin que vous apportez à des détails anodins. On ne fait que le discerner au premier visionnage mais une foule de détails dans le décor raconte une histoire dans l’histoire. Je pense au ruisseau et au fleuve, au jeu des petits chevaux et au casino, au jouet de l’enfant et à son père sur la grue, à la dînette des fillettes durant le brunch des parents, au bonsaï près de la souche, bien sûr à ses chansons enfantines qui clôturent des discussions économiques ou politiques. Quelle mécanique bien huilée sous tend cette construction ?

Olaf : Essayez de parler plus simplement, de raisonner minimaliste à l’occasion. N'oubliez pas que je suis très éloigné des cercles intellectuels, mes dernières discussions étaient avec les Ramones. (rires préenregistrés) Y’a un paquet de références que nous avons voulu plus ou moins discrètes simplement pour ratisser large, happer l’attention du plus grand nombre avec des exemples précis qui le ramène à sa vie intime. C’est au spectateur de décider s’il veut s’intéresser aux stéréotypes de son voisin. Le petit qui grandit, le sincère qui enfle au-delà de la caricature, le banal et son extension logique. Tout le thème de notre film à mon sens est là. Comment se préparer à un retour au début. Se libérer des poids. Re-frissonner à la brise. Retrouver l’échelle du Paradis. Là, parfois des logiques s’inversent. Le fort devient trop faible, le confiant angoisse, tandis que d’autres rient et jouent.
Cette avalanche de clin d’œils répond également à une logique économique. Selon les prévisions de notre distributeur, ce sujet ne pourra pas rivaliser avec Extractor VI, WarDays5, Fast Cars, Bloody Sacrifice, Speed, Zombie California, Drone qui sortent en même temps et qui promettent du grand spectacle. Pour rentrer dans nos frais, il faudra que chaque spectateur aille le voir quatre fois et demi.

Journaliste : Ceci me permet de bifurquer sur une rumeur. Il se murmure dans les milieux autorisés que vous tirez un trait sur Hollywood ? Que ce film serait l’annonce de votre propre retour en Suède ?

Olaf (silencieux pendant de longs instants) : Je ne sais pas. J’ai laissé beaucoup d’amis là-bas et j’ai eu des moments incroyables dans cet univers. J’y ai aussi senti une menace. La même qu’avait senti Greta Garbo en son temps. Et d’autres. Celle d’être submergé par d’autres logiques que celle de raconter une histoire que l’on pense importante. C’est un réflexe très humain de croire qu’on est l’Univers entier. Mais il faut parfois prendre garde aux voleurs d’histoire. Leur imposer parfois son propre rythme. Greta Garbo m’a appris cela. Mon histoire hollywoodienne est, disons, entre parenthèse. De futures collaborations ne sont pas exclues bien sûr. Privilégions les surprises !
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Message » 18 Juin 2020 14:06

peg-harty 8)

Mais qu'a fait Olaf pendant le confinement ? Hmmm ? Non mais hein, bon... :hehe:

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Message » 18 Juin 2020 20:39

Bonjour Autrichon gris,
J'espère que ce courrier vous trouvera en bonne santé. Apte à relever tous ces merveilleux défis de l'époque d'Après :
- paramétrer la box reliée au frigo qui indique en temps réel le stock de lait frais.
- imprimer les auto-autorisations de saluer avec la main les voisins à bicyclette.
- se baigner dans de l'eau.

Olaf qui s'était retiré sur une île avec son épouse (c'est la raison pour laquelle je n'utilise pas le qualificatif "d'île déserte") ignorait tout du confinement. Elle avait insisté pour passer un week-end au calme, sans téléphone, sans tablette, juste avec un panier pique-nique et sur une petite île située dans un chapelet. Ils s'y sont rendus en bateau et il était convenu qu'on vienne les rechercher deux jours plus tard. Il s’agissait d'une petite location dans un chalet meublé et ils ont été bien étonnés de ne voir aucune embarcation à l'horizon le lendemain pour leur retour. Au loin ils discernaient vers 20h des applaudissements qui semblaient venir de la grande ville du rivage. Ils se sont beaucoup interrogés mais la rivière était poissonneuse et ils disposaient de trois grandes boites d'allumettes dans le placard.

Ils vont bien. Par solidarité, conscients d'avoir failli à l'acte collectif, ils ont décidé dès leur retour à la civilisation de s'auto-confiner avec quelques pâtes pour une durée équivalente.
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