Haskil a écrit :
« Transparence au signal » ai-je écrit, ajoutant qu'il devait être le moins possible déformé... l'original est là : le signal... c'est de l'électricité transformée au bout son par un haut-parleur... mais je n'oppose en rien transparence et musicalité... j'oppose Haute fidélité à Musicalité...
Ce que "je", "tu", "il" pense de ce qu'il entend ? `
Mais cette musicalité change avec chaque auditeur... comment la prendre en compte ? Sur quelle base sérieuse ?
Musicalité ne veut pas dire pour moi, ce que ça veut dire pour un autre...
Et ça, il suffit de faire des écoutes à plusieurs pour s'en apercevoir très vite... j'ai vu des audiophiles se pâmer en écoutant des enceintes Audionote, alimentées par du Audionote, sommet de musicalité pour eux : je n'entendais que du violon coupant comme un rasoir, un piano ferraillant... et par dessus le marché pas à la bonne hauteur de diapason... la platine tournait trop vite...
J'ai entendu les enceintes Kalibrator simple et doubles avec des audiophiles qui étaient aux anges... je n'entendais que coloration, aigu désagréable et timbres pauvres...
J'ai entendu les petites Kef à HP concentriques lors de leur sortie : impressionné par le naturel, pas sans défauts, mais évident pour moi... alors que d'autres audiophiles n'entendait que des défauts...
Je précise que ces exemples - j'en ai des dizaines sous le coude -, étaient partagés dans le même temps par diverses personnes et ne font pas état d'écoutes ici ou là, à des moments différents...
Alors, je plaide non pas pour la "transparence" mais je décris, en employant cette image, le mot haute fidélité, terme pas choisi par hasard, voici environ 70 ans...
Choisi pour dire que le signal préamplifié, puis amplifié, puis transformé en son... devait être le plus fidèle possible à celui qui était au fond du sillon du microsillon ou inscrit dans l'oxyde ferrique de la bande magnétique...
C'est quand même assez simple à comprendre. »
Bonsoir Haskil. Aisé à comprendre certes, mais à mon avis un peu réducteur de la difficulté à juger de la qualité d’une installation, du souci à mettre un jugement qui se voudrait objectif, non seulement sur une installation composée de nombreux éléments (source, ampli et enceinte pour faire simple), dans un environnement acoustique qui est déterminant, mais encore par le truchement de nos oreilles et de notre façon personnelle d’entendre.
Lorsque tu opposes ton acception de la haute-fidélité à la notion de musicalité, c’est à cause d’événements qui font partie de ta vie d’audiophile et ta vie t’est personnelle. Si tu te méfies du terme, c’est parce que tu as entendu certains se gargariser de ce mot « musicalité » pour exprimer une admiration incongrue pour l’un ou l’autre appareil audio ; pire parce que tu as eu l’impression que cette admiration était engendrée moins par ce que ces personnes avaient pu entendre que par la renommée d’une étiquette commerciale habillement utilisée pour faire vendre.
Je ne conteste absolument pas ton irritation devant une certaine bêtise (au nom de quoi le ferais-je puisque je n’étais pas présent) ; mais je m’interroge sur la façon d’utiliser l’expression de ces gens peu avisés pour en tirer une règle générale qui ferait objectivement du terme « musicalité » l’expression de la bêtise audiophile et rendrait définitivement le mot impropre à une communication saine des idées. Cependant, c’est dans le cadre de ta personne, de ta culture et de ton expérience que tu formules ce rejet. Ce sont tes goûts musicaux, ta façon personnelle de juger ; et ce substrat n’a rien d’objectif.
Pour moi, rien n’est véritablement objectif dans le domaine de la haute-fidélité (et certainement pas les caractéristiques données par les constructeurs des appareils et enceintes). La qualité d’une installation repose avant tout sur la mise en œuvre de ses éléments et sur les propriétés acoustiques de la pièce où l’installation a été ainsi constituée pour former un tout, un tout unique et sans comparaison, dont le rôle essentiel est de nous fournir le plaisir d’écouter de la musique.
Encore une fois, je peux parfaitement comprendre ta critique sur l’usage commercial parfois abusif du terme « musicalité » (il en va ainsi également pour d’autres termes comme haute-fidélité qui devient hifi et même transparence qui se comprend comme éthéré et sans matière). Mais je dois avouer que je m’insurge contre une sorte de rigorisme de l’objectivité qui rejette tout ce qui peut apparaître comme le simple plaisir d’écouter.
Si on me demandait qu’elle est la qualité essentielle de mon installation, je continuerai à dire sa musicalité par ce que c’est ainsi que je me comprends.
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Padcost a écrit :
« Dès lors que les critères d’écoute sont bien établis au départ, je ne crois pas du tout que plusieurs personnes ne puissent émettre d’avis plus ou moins convergents à l'issue d’une écoute collective de tel ou tel appareil ou enceintes hifi, à l'aide d'un ou plusieurs échantillons musicaux. »
Salut Padcost. C’est évident et je ne conteste absolument pas que les avis convergents de plusieurs personnes puissent avoir une valeur significative. Mais cette valeur significative dépendra, non de la convergence des appréciations (comme les thuriféraires des marques citées par Haskil), mais, dans cette convergence, de la personnalité plus ou moins avisée, plus ou moins réputée, des personnes qui s’exprimeront. Donc encore une fois, l’objectivité qui pourrait en résulter n’est que la convergence d’avis personnels. Il n’y a donc pas d’objectivité objective en soi.
Padcost a encore écrit :
« Dès lors que les critères d’écoute sont bien établis au départ, je ne crois pas du tout que plusieurs personnes ne puissent émettre d’avis plus ou moins convergents à l'issue d’une écoute collective de tel ou tel appareil ou enceintes hifi, à l'aide d'un ou plusieurs échantillons musicaux. »
« L’écoute peut s’appréhender de deux manières : cognitive passive/active ou esthétique passive/active. Pour ce qui nous occupe ici, l’écoute est active.
– Cognitive active à partir de critères objectifs : dynamique, spatialisation, timbres, etc. qu’il s’agira d’analyser, puis de synthétiser.
– Esthétique active : l’artiste joue-t-il mieux à l’écoute de tel appareil ou système plutôt que tel autre p.ex. – éprouve-t-on plus ou moins de sensation de plaisir, d’émotion, etc.
Encore une fois, ces deux manières d’écouter ne sont pas passives (inconscientes), mais actives, attentives.
Est-ce si difficile ? Certainement pas. A moins d’être incapable de se concentrer plus longtemps qu’un poisson rouge, peut-être… »
Pour moi, il n’y a pas deux manières d’écouter ; elle est globale et se suffit à elle-même. Je n’écoute pas l’enregistrement avant la musique.
Le terme « musicalité » dans ma bouche n’a rien d’une définition générale comme celle tirée de Wikipedia ou d’un autre document. C’est le terme que j’utilise pour qualifier la qualité d’écoute d’une installation prise dans sa globalité. La musicalité dont est capable une installation, c’est pour moi la possibilité de reproduire un peu du plaisir que j’aurais pu éprouver si j’avais pu assister à l’exécution originaire de l’enregistrement. C’est la perception malgré l’enregistrement des émotions que peuvent communiquer de bons interprètes en jouant une œuvre que j’apprécie. La musicalité se retrouve d’abord dans le support qui permet la communication puis dans une restitution domestique par laquelle l’émotion vient jusqu’à moi, c’est-à-dire mon installation dans le sens de truchement des émotions originaires.
A mon ami Igor qui proposait le vocable béatitude pour qualifier le plaisir d’écouter(et après trois petits tours s’en est allé), Haskil a répondu :
« C'est pas mal non plus : béatitude... c'était l'état dans lequel étaient plongés des audiophiles en extase devant des enceintes équipées de larges bandes Lowther et devant ces chaines audio note avec une platine qui ne tournait pas à la bonne vitesse... alors que le son délivré était atroce et dénaturait la sonorité de Samson François, Ruggiero Ricci and co.
On était loin de la haute-fidélité... qui permet de reproduire [i]fidèlement un signal transmis par une chaîne hifi... »
Mon cher Haskil.Je ne mets pas en cause ton jugement seulement ta manière trop absolue de ne vouloir prendre en compte que ce qui paraîtrait comme objectif.
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Ce à quoi Wuwei a ajouté justement :
« Je trouve qu'il y beaucoup de ''hautes-fidélités'' différentes, du moins quand on lit les uns et les autres, c'est ce que j'en déduis, à peu près personne n'est d'accord, chacun sa lorgnette.
Pourtant en 2019, le matériel est devenu hyper performant à un coût abordable, maintenant la ''passion'', ce truc du diable qui fait que l'on est jamais content, on peut l'entretenir ad vitam aeternam, par des changement incessant de matériel, je préfère pour ma part écouter de la musique plutôt que de pinailler sur des défauts minimes, réels ou imaginaires. »
Salut Wuwei, Je partage cette analyse que la suite de ta communication semble contredire. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’installations, une (ou plusieurs) chez chacun de nous, et la seule chose que l’on puisse nous souhaiter est de prendre plaisir à les entendre, c’est-à-dire à y prendre le simple plaisir d’écouter de la musique. Et tant mieux si on peut progresser dans ce plaisir en restituant toujours mieux le message musical porté par les sons; et tant mieux si des pionniers comme Igor cherchent à améliorer cette restitution. Mon point de vue n’est certainement pas qu’il faille se priver de ce que la technique peut nous apporter de nouveautés dans la prise de son comme dans la reproduction domestique mais il n’en reste pas moins que même les plus grands consensus ne seront jamais que la réunion de l’avis personnel d’audiophiles éclairés. Et que par conséquent, ne pas adhérer à ce qui serait la pensée dominante est en soi une manière de contribuer à une juste discussion.
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Syber a écrit :
« Mais parce que l'audiophile croit faire un commentaire sur le seul critère du son alors qu'il émet une opinion globale qui inclut ses différents sens, sa mémoire, son expérience, sa culture, ses émotions.
Une glace à la vanille jaune pâle et présentée dans un bac en plastique sous la marque [i]Yabon à 3 euros le litre, puis la même glace à la vanille mais avec un colorant alimentaire qui la colore d'un jaune un peu plus soutenu, avec des petits grains noirs qui suggèrent l'utilisation de vanille naturelle, puis présentée dans un bac de verre sous la marque
Authentics, with Bourbon Vanillaà 12 euros le litre, ne seront pas perçues de la même manière par le consommateur.
Cela s'appelle un biais cognitif. Lorsque l'on demande au consommateur quelle glace il préfère (vous avez tous compris qu'elles ont le même goût pour les récepteurs papillaires de la langue), le consommateur décrit en fait ses propres goûts (au sens large cette fois-ci), ses propres jugements de valeur, ses propres critères esthétiques, sa propre culture de la glace à la vanille et l'imaginaire qui va avec.
Le seul test qui vaille
si et seulement si on désire faire une appréciation sur le seul goût de la glace, c'est de les goûter en aveugle. »
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Mon cher Syber. Que cherches-tu à suggérer par cette partie de colin Mayar chez un glacier ? Veux-tu nous renvoyer au consommateur de musique que nous serions ? Devons-nous pour mieux apprécier la musique nous pourlécher dans les sons avec la joyeuse gourmandise insouciante des enfants ? Tu crains sans doute que nous soyons trop enclins à juger sur les apparences : Comme pour un choix de glace-vanille où nous risquons de préférer à la saveur le conditionnement et même le prix, pour la chaine audio nous sommes malgré nous séduits par le prestige de la marque ou le baratin du vendeur plutôt que par sa musicalité (pardon par la qualité du son qui en sort). Alors bandons-nous les yeux pour apprécier et mangeons ou écoutons en aveugle.
Contrairement à ce que tu pourrais croire, je n’ai aucune objection à formuler contre une écoute en aveugle, même si cette écoute en aveugle n’a pas pour but de rechercher le plaisir d’écouter de la musique. Je tiens cependant à souligner une nouvelle fois que la conclusion qui en ressortira ne sera jamais que le résultat statistique des avis des participants et que ces participant sont des audiophiles, comme toi ou même moi, qui ont des préférences, un vécu d’audiophile, un substrat émotionnel qui les influencera dans leur vote. L’écoute en aveugle ne désincarne pas ceux qui y participent. L’objectivité qui résultera des votes sera donc simplement une majorité d’avis, tous originairement subjectifs.
Et, dans ma conception, et c’est pourquoi je romps une lance, l’avis qui serait contraire à l’avis statistique de la majorité devrait recevoir autant de considération de l’avis majoritaire, justement par ce qu’il est minoritaire et qu’il est susceptible d’éclairer la vérité majoritaire, de la relativiser sinon de la renverser. Voilà ce qui est pour moi une juste discussion.
De plus, une comparaison selon le mode aveugle ne peut se concevoir que pour du matériel qui s’y prête. Il ne peut s’agir que d’appareils qui peuvent être rassemblés dans un même endroit, être utilisés l’un après l’autre très rapidement dans une mise en œuvre similaire avec des éléments qui leur conviennent. Il est donc exclu, me semble-il, qu’une installation puisse être comparée à une autre de cette manière aveugle. C’est pourtant le sujet de mon intervention. Il en va de même aussi dans une grande mesure pour les enceintes dont le couplage avec un ampli adapté est primordial et surtout une mise en oeuvre particulière avec la pièce d’écoute sans laquelle mise en œuvre d’excellentes enceintes peuvent très mal sonner.
En fait, sans vouloir être réducteur à tout prix, il me paraît que la comparaison à l’aveugle ne peut être organisée efficacement que pour jauger des appareils électroniques. Or, c’est précisément dans cette sorte de matériel que, selon la fama, il n’y a que peu de différences (n’a-t-on pas prétendu que la plupart des amplis se valait : comment différentier même en aveugle des fils droits avec du gain). Alors l’écoute en aveugle pour faire la preuve que le prix du THDG ne se justifierait pas d’un point de vue audiophile ? C’est quand même un objet très étroit, qui se confinerait à très peu de chose (et pas à toute l’industrie de la haute-fidélité comme le souhaite Pm57).
Pour moi, et dans la logique de mon raisonnement, la matière où les comparaisons en aveugle trouveraient leur plus entière justification, c’est dans le domaine de la critique musicale où la renommée de l’artiste, de l’orchestre ou celle de l’ingénieur du son peut être un facteur déterminant du jugement.
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Gyrovaque est le seul à évoquer le nom du défunt Michel SERRES alors que cette discussion porte son nom. J’avais été un peu étonné que le ton de cette discussion pût être aussi peu consensuel alors qu’elle portait le nom d’un philosophe.
Saviez- vous qu’il a écrit un opuscule qui s’intitule MUSIQUE ? J’en ai lu quelques pages et je ne suis pas encore arrivé au bout. Y arriverais-je jamais ? Il cache sa pensée dans un maquis d’érudition, sa phrase dans une suite de juxtapositions très savantes pour exprimer une idée qui déshabillée de ses oripeaux littéraires deviendrait presque banale. La musique, par la musicalité des muses, me donne un bien plus grand plaisir que la narration ampoulée de ses origines.
Cordialement Olivier