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Musique enregistrée : BLURAY, CD & DVD musicaux, interprètes...

L'opéra en DVD et BLU-RAY

Message » 04 Avr 2020 12:58

Le pourquoi d’un nouveau sujet? C’est une question que l’on peut se poser raisonnablement avant d’ouvrir un sujet sur le forum et que je me suis posé avant d’entreprendre la rédaction de cette nouvelle discussion et de lui donner un cadre.

Il y a sans doute une raison d’opportunité en ces jours de confinement où l’on cherche à s’occuper et à se distraire. J’ai trouvé opportunément le temps de me consacrer à la rédaction de ce nouveau sujet et tous ceux qui le voudront bien auront facilement le temps de me lire jusqu’au bout sans se presser, et le temps aussi de participer à la discussion qui s’ouvre. Ce serait peut-être pour eux l’occasion d’écouter ou de réécouter des DVD ou BLU-RAY d’opéra qui dorment dans le fond de leur discothèque. Peut-être pour certains d’entre nous, ce sera jusqu’au point de renouveler l’envie de commander un enregistrement qu’il n’avait pas, de prendre le temps qui ne leur manquera pas de l’écouter longuement dans un quant-à-soi obligé et, pourquoi pas, de prendre le temps de faire partager ensuite leurs impressions.

Je ne suis pas, je l’avoue, un spécialiste de l’opéra et, tout compte fait, au long de ma longue vie, je n’ai fréquenté les salles d’opéra que très parcimonieusement. Je ne suis jamais allé à Garnier, ni à la Scala, ni à Bayreuth, ni aux Fenice.

Mais j’ai gardé un souvenir inoubliable des représentations que la troupe et l’orchestre de l’opéra de Vienne avaient données au Palais de Beaux-Arts de Bruxelles dans la grande salle de concert réaménagée en lieu de spectacle. Il y a bien longtemps. C’était immédiatement après la guerre et l’opéra de Vienne avait été contraint de tourner à l’étranger pendant un an ou deux ans car l’Autriche sortait difficilement de l’occupation soviétique et la guerre avait détruit le bâtiment qui abritait cette illustre maison.

J’ai ainsi eu l’occasion incroyable d’entendre les Noces de Figaro, Don Juan, l’Enlèvement au Sérail, avec notamment le Don Juan de London (ou de Paul Scheffler je ne me souviens plus), la comtesse d’Elisabeth Schwarzkopf, la Susana d’Irmgard Seefried, sous la baguette de Joseph krips et de Karl Bohm, tous ces artistes au sommet de leur talent. Les premières versions Karajan des opéras de Mozart en vrai. J’étais étudiant et c’était dans la grande vague de l’enthousiasme artistique qui a suivi la fin des hostilités.

Tout cela pour vous dire que j’aimais l’opéra par le souvenir plus que par la fréquentation de salles jusqu’au moment où, assez récemment, j’ai ajouté à mon installation haute-fidélité un lecteur de blu-ray et un écran de télévision et que je me suis mis à regarder des enregistrements d’opéra. Ce fut pour moi une véritable révélation, et presque un retour vers des sensations d’autrefois, par l’intensité de l’émotion. Je connaissais certes par le disque une bonne partie du répertoire mais sans avoir véritablement compris tout le plaisir que l’on pouvait en retirer, même chez soi, en regardant tout en écoutant.


Il y a en effet ce qu’on y voit et ce qu’on y entend et je peux concevoir combien doit être difficile le travail d’enfermer une représentation d’opéra dans un disque en valorisant au mieux chacun des éléments d’une telle complexité.

Ce qu’on y voit, c’est la mise en scène dans un décor, la conduite des chanteurs qui deviennent également des acteurs, l’éclairage qui donne à la scène sa vitalité visuelle, les costumes qui situent l’action dans le temps. Très importants pour moi les costumes car ils doivent revêtir l’action d’une certaine crédibilité intemporelle sans détruire la musique qui garde, elle, son époque.

Et ce que l’on entend est évidemment tout aussi important. L’orchestre, les voix, l’équilibre entre la fosse et la scène. La prise de son qui se réalise sur le vif, dans les conditions de la mise en scène, dans le feu de l’action, donc avec des nécessités qui ne sont pas toujours celles pour une meilleure captation par les micros. Je conçois que la prise de son d’un opéra nécessite de nombreux micros, les uns pour chacun des chanteurs, les autres pour les pupitres de l’orchestre, sans compter ceux de l’ambiance de la salle. J’appréhende que le mixage de toutes ces sources dans le montage d’un support unique demande beaucoup de savoir-faire, une connaissance parfaite de la partition et un gout musical très sûr.
Je pense donc que la discussion sur les mérites d’un enregistrement d’opéra devrait pouvoir être très fructueuse en raison précisément des multiples aspects du sujet.

En remontant assez loin dans la table des matières de l’espace réservé sur ce forum à la MUSIQUE ENREGISTREE, j’ai découvert un sujet, hélas laissé en désérence, qui traitait des enregistrements d’opéra en BLU-RAY et DVD. J’avais d’abord eu l’intention de l’utiliser pour communiquer sur ce qui était le même sujet. Mais je me suis aperçu que la manière d’apprécier de mes prédécesseurs (les qualités musicales et surtout techniques des enregistrements y étaient évaluées par des notations un peu professorales sur 5 ou sur 10), exigeait des connaissances approfondies que je ne possède pas.

Mon intention est de donner simplement les impressions à tous ceux qui, comme moi, sont sans connaissances particulières, mais qui sont curieux de voir et d’entendre un opéra chez soi, pour leur permettre d’échanger sur ce qu’ils ressentent ou de guider éventuellement leur choix parmi les exécutions d’une même oeuvre.

Je m’adresse également aux mélomanes qui n’auraient pas jusqu’ici chercher à regarder des opéras en DVD ou BLU-RAY estimant sans doute, comme ce fut mon cas, qu’il n’était pas nécessaire de voir pour bien entendre la musique de Mozart, de Wagner, de Verdi ou de Lulli, comme si les œuvres étaient destinée avant tout à leurs oreilles et pas à la scène. Je leur dis qu’ils se trompent.

Ils se trompent évidemment parce que le spectacle est un élément essentiel de l’opéra, de tout opéra, et parfois même l’élément dominant pour bien entendre la musique, comme c’est le cas pour les opéras-ballet à l’instar de ceux de Rameau dont la musique est parfois si malmenée par la chorégraphie moderne.

Et puis il y a les sous-titres qui permettent la compréhension de ce qui est chanté. La prononciation intelligible du texte n’est pas la qualité première des chanteurs, surtout quand ils chantent dans une langue qui leur est étrangère ; et plus spécialement la diction des sopranos qui vous donnent souvent à entendre des syllabes désarticulées de toute compréhension.

C’est pourquoi l’enregistrement avec ses sous-titres vous permet non seulement de mieux suivre l’action du livret mais surtout de comprendre comment la musique suit, illustre, approfondit ce que les chanteurs expriment, parfois presque mot-à-mot et note après note comme dans les opéras de Mozart.

Enfin l’enregistrement m’a procuré un bénéfice plus intime mais que je veux partager avec ceux qui serait dans mon cas. Mon grand-âge a fait que j’entends moins bien, que je suis devenu un peu dur de la feuille comme on dit familièrement. Une des manières de combattre ce handicap, qui est même un grand malheur pour un audiophile, c’est d’écouter au casque. Or, pour moi en tout cas, l’écoute au casque est assez amoindrissante et même désagréable dans la mesure où l’audition se circonscrit à l’enclos de la tête, emprisonnée qu’elle est entre les deux oreilles.

Mais la vision de l’origine des sons, comme voir chanter, c’est-à-dire voir l’émission du son dans la bouche des chanteurs, me donne l’impression de désenclaver les sons issus du casque. J’ai l’impression que ce que j’entends se répand dans l’espace à partir de ce que je vois et que, par exemple, j’entends le chant comme s’il sortait de la bouche des chanteurs. Et l’orchestre lui-même flotte devant moi dans un lieu de l’espace qui n’est pas défini, un peu comme à l’opéra, où l’on entend l’orchestre confiné dans sa fosse sans le voir.


Après avoir tracé le cadre d’une future discussion, il restera à le remplir de nos expériences d’écoute et de vision, ce que je ferai pour ma part dans un avenir très proche. Cependant le sujet vous appartient et ce sera à vous aussi de lui prêter vie.


Voilà pour l’introduction que certains trouveront peut-être un peu longue pour une discussion de forum. Mais n’a-t-on pas aujourd’hui le temps de lire comme on ne l’eut jamais. Autant profiter des bienfaits de nos loisirs de confinement et d’oublier, sans doute pour un moment trop court, la terrible pandémie qui nous entoure. En tout cas, aujourd’hui particulièrement, je souhaite une bonne santé à chacun.

Cordialement Olivier

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Le daim
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l'Aïda de Verdi

Message » 05 Avr 2020 22:37

Voilà une ouverture de fil bien sympathique, même si l'Opéra interesse, à priori, peu le monde du Home Cinéma.

Je dois avouer que j'ai mis un temps certain à m'interesser à l'Opéra autre que celui de Mozart.Verdi m' évoquait.... la Castafiore :oops:

En plus la modestie des petites maisons de disque aboutissait du fait des budgets pharaoniques que je n'ai pu enregistrer qu'un seul Opéra dans ma carrière (sans image hélas) Los Villancicos du Padre Soler éditeur: le label Jade.

20200405_224142.jpg


Un mot de l'Aîda de Verdi filmé avec talent par le metteur en scène Italien Franco Zeffirelli, à la Scala de Milan .

Cest une réussite quasiment absolue avec un Roberto Alagna impérial et tendre dans le rôle de Radamès (voir photo ci dessus), des décors d'un kitch Egyptien à couper le souffle ! des ballets avec le plus grand danseur actuel Roberto Bolle, près d'une centaine de personne sur scène parfois. j'ai aimé aussi pariculièrement la voix du Pharaon, celle de Marco Spotti.
Le son en 5,1 est parfait et les fameuses trompettes d'Aïda de la victoire réparties sur la scène en hauteur en 2 ensembles, se renvoient un son d'une richesse et d'une finesse exemplaire. Attention seulement à la grosse caisse dans le grave vite envahissante si celui ci est réglé trop fort (celà est arrivé à un moment des réglages de mon installation !) .

Rare sont les metteurs en scène ayant filmé un Opéra, citons Bergman avec sa Flute enchantée de Mozart
La maitrise de l'image, en Blu-Ray ,par Zeffirelli est époustouflante.

20200405_215347.jpg
Igor Kirkwood
 
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Message » 06 Avr 2020 11:35

Bonjour Olivier et Igor, :D

Excellente entrée en matière qui rejoint mon vécu, puisqu'en plus de la musique classique, l'opéra c'était Nice et le ballet Cannes et Monte-Carlo.

Aussi, étant natif de Cannes et bien qu'une tante avait des chanteurs lyriques parmi ses amis, dont Lilly Pons (que je n'ai malheureusement pu entendre parce qu'elle était de l'autre côté de l'Atlantique), que j'habitais très près d'un ténor, j'ai pu entendre ces chanteurs dans ma prime jeunesse (on chantait beaucoup et souvent à l'époque), mais jamais un opéra.

Ensuite, à part des extraits ou compilations d'airs de bravoure, je n'ai acheté que très peu de disques d'opéra pour les raisons que tu évoques et ce n'est que lorsqu'il a été possible d'enregistrer et d'assister aux diffusions tardives proposées par Arte, France 2 et France 3, sur d'assez grands écrans, que je me suis mis à l'opéra. Certaines, gravées ensuite sur BD-R, sont excellentes.

En revanche, ayant démarré avec l'intégrale de celles de Beethoven enregistrées à Barcelone (Dudamel/orchestre Simon Bolivar), ce sont plutôt les symphonies enregistrées qui occupent mes après-midi de confinement.

D'ailleurs, j'imagine ce que symphonique et opéra doivent pouvoir offrir sur les excellents écran et système audio d'Igor. :wink:

Enfin, à signaler à 0h55 la nuit prochaine: l'opéra Rinaldo de Haendel sur France 2 et que nous avons un grand amateur d'opéra dans l'univers du casque HCFR. Renecito, dont le frère OK3D fabrique un excellent casque électrostatique DIY (mon exemplaire est retourné à Paris pour bénéficier de la dernière version des membranes).


Bonne journée.
ajr
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Message » 06 Avr 2020 12:25

Igor Kirkwood a écrit:Voilà une ouverture de fil bien sympathique, même si l'Opéra interesse, à priori, peu le monde du Home Cinéma.

Je dois avouer que j'ai mis un temps certain à m'interesser à l'Opéra autre que celui de Mozart.Verdi m' évoquait.... la Castafiore :oops:

En plus la modestie des petites maisons de disque aboutissait du fait des budgets pharaoniques que je n'ai pu enregistrer qu'un seul Opéra dans ma carrière (sans image hélas) Los Villancicos du Padre Soler éditeur: le label Jade.

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Un mot de l'Aîda de Verdi filmé avec talent par le metteur en scène Italien Franco Zeffirelli, à la Scala de Milan .

Cest une réussite quasiment absolue avec un Roberto Alagna impérial et tendre dans le rôle de Radamès (voir photo ci dessus), des décors d'un kitch Egyptien à couper le souffle ! des ballets avec le plus grand danseur actuel Roberto Bolle, près d'une centaine de personne sur scène parfois. j'ai aimé aussi pariculièrement la voix du Pharaon, celle de Marco Spotti.
Le son en 5,1 est parfait et les fameuses trompettes d'Aïda de la victoire réparties sur la scène en hauteur en 2 ensembles, se renvoient un son d'une richesse et d'une finesse exemplaire. Attention seulement à la grosse caisse dans le grave vite envahissante si celui ci est réglé trop fort (celà est arrivé à un moment des réglages de mon installation !) .

Rare sont les metteurs en scène ayant filmé un Opéra, citons Bergman avec sa Flute enchantée de Mozart
La maitrise de l'image, en Blu-Ray ,par Zeffirelli est époustouflante.

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Mon cher Igor. C'est toujours avec une grande satisfaction que je converse avec toi. Mon premier commentaire d'opéra aura vraisemblablement pour sujet le Lohengrin de Wagner publié en blu-ray chez DG sous la direction de Christian Thielemann, avec Pior Beczala dans le rôle titre et Anna Netrebko dans celui d'Elsa. Un enregistrement que tu apprécies également comme tu m'en as fait part. Cet enregistrement réunit, à mon estime, toutes les qualités que l'on peut souhaiter dans une production enregistrée d'opéra et il me paraît donc qu'il constituerait une entrée en matière exemplaire. Cordialement Olivier

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Message » 06 Avr 2020 12:58

ajr a écrit:Bonjour Olivier et Igor, :D

Excellente entrée en matière qui rejoint mon vécu, puisqu'en plus de la musique classique, l'opéra c'était Nice et le ballet Cannes et Monte-Carlo.

Aussi, étant natif de Cannes et bien qu'une tante avait des chanteurs lyriques parmi ses amis, dont Lilly Pons (que je n'ai malheureusement pu entendre parce qu'elle était de l'autre côté de l'Atlantique), que j'habitais très près d'un ténor, j'ai pu entendre ces chanteurs dans ma prime jeunesse (on chantait beaucoup et souvent à l'époque), mais jamais un opéra.

Ensuite, à part des extraits ou compilations d'airs de bravoure, je n'ai acheté que très peu de disques d'opéra pour les raisons que tu évoques et ce n'est que lorsqu'il a été possible d'enregistrer et d'assister aux diffusions tardives proposées par Arte, France 2 et France 3, sur d'assez grands écrans, que je me suis mis à l'opéra. Certaines, gravées ensuite sur BD-R, sont excellentes.

En revanche, ayant démarré avec l'intégrale de celles de Beethoven enregistrées à Barcelone (Dudamel/orchestre Simon Bolivar), ce sont plutôt les symphonies enregistrées qui occupent mes après-midi de confinement.

D'ailleurs, j'imagine ce que symphonique et opéra doivent pouvoir offrir sur les excellents écran et système audio d'Igor. :wink:

Enfin, à signaler à 0h55 la nuit prochaine: l'opéra Rinaldo de Haendel sur France 2 et que nous avons un grand amateur d'opéra dans l'univers du casque HCFR. Renecito, dont le frère OK3D fabrique un excellent casque électrostatique DIY (mon exemplaire est retourné à Paris pour bénéficier de la dernière version des membranes).


Bonne journée.


Mon cher Ajr. Je crois que c'est la première fois que j'ai le plaisir de converser avec toi sur le forum et je suis heureux de te rencontrer. Le casque n'a pas été pour moi une approche préférentielle de la musique enregistrée; j'ai indique pourquoi et pourquoi aussi le casque constitue aujourd'hui pour moi une bouée de sauvetage dans le naufrage de la vieillesse au milieu de l'océan des sons mal perçus.

Je comprends ton plaisir d'écouter sur DVD ou BLU-RAY de le musique symphonique et plus particulièrement les symphonies de Beethoven. Le fait de pouvoir voir les musiciens jouer, et plus spécialement de voir entrer en scène tour-à-tour chacun des pupitres de l'orchestre lorsque la polyphonie les appelle, aide grandement à la compréhension de la partition. Et puis il y a le phénomène casque qui, chez moi en tout cas, disparaît lorsque l'on voit sur l'écran l'émission des sons que les oreilles perçoivent; il y a une sorte de synthèse entre l'audition et la perception qui fait que les sons sont comme remis à leur place dans l'espace. C'est très curieux et en tout cas très heureux pour moi. Cordialement Olivier

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Message » 06 Avr 2020 17:28

Je te remercie pour ton accueil et si je n'interviens que très rarement sur le fil consacré au système audio de Igor, nous nous sommes déjà croisés sur celui-ci puisque je le suis régulièrement. C'est également avec grand plaisir que je partage les diffusions de programmes de musique classique et de danse qui sont diffusés sur la TNT-HD chaque semaine. C'est d'ailleurs à partir de ces diffusions enregistrées sur deux Panasonic BWT720/745 + HDD externes que je peux organiser mes concerts privés. Certaines, que je ne peux employer, ayant lieu en 5.1, Igor devrait nous indiquer ce qu'il en est réellement.

Cela dit, vu que j'ai travaillé pendant quelques années dans le domaine du spectacle d'un établissement qui comportait quatre orchestres, dont le symphonique précurseur de l'orchestre régional Cannes-Alpes-Côte d'azur, je comprends tout à fait ce que tu décris. La vue générale de l'orchestre et les gros plans permettent de mieux supporter les inconvénients inhérents à une écoute au casque ou à celle avec un système audio de moins bonne qualité (Cabasse Cinéole 2.1) que la chaîne Hifi (Dynaudio Contour 3.0) qui est elle-même réductrice.

A moins, bien sûr et peut-être, d'avoir la bonne fortune de pouvoir utiliser un Smyth Realiser A16 ou une grande salle spécialement dédiée à la musique, comme celle que j'avais envisagée à une époque avant de décider de revenir en appartement en ville.

Ce qui n'est finalement pas si mal, puisque bien que j'ai déserté les deux derniers début mars, pour lesquels j'avais une place, je me rattrape régulièrement en allant à des concerts. Mais, toujours pas à l'opéra du côté de Nice ou Monaco. :wink:

En tout cas et plus particulièrement en ce moment, il est réconfortant de pouvoir préserver notre santé et de conserver un très bon moral grâce à la Musique.


Bonne journée.

André.


PS: Igor m'ayant invité plusieurs fois à venir partager des écoutes dans la RP et dans son nouvelle installation. Si l'occasion devait se présenter, ce serait avec grand plaisir que je ferais la découverte du résultat de l'immense travail d'optimisation acoustique à laquelle il s'est livré avec l'aide de ses nombreux amis.
ajr
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Message » 07 Avr 2020 9:15

Bonjour,

C'est tout en assistant au Rinaldo de Haendel diffusé la nuit dernière dans cette version que je viens indiquer que c'est grâce aux diffusions télévisées que je me suis beaucoup plus intéressé à l'ensemble de l'œuvre de Jean-Philippe Rameau que je ne l'avais fait auparavant.

Et, c'est cette surprenante interprétation mêlant baroque et hip-hop de Les Paladins qui m'avait lancé sur la voie d'autres pièces que - La poule - si souvent entendue au piano. D'ailleurs, ne s'agit-il pas d'une bonne façon pour permettre que la jeunesse s'intéresse à l'opéra ?




Bonne journée.
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Lohengrin de Wagner

Message » 08 Avr 2020 10:19

Le daim a écrit:Mon premier commentaire d'opéra aura vraisemblablement pour sujet le Lohengrin de Wagner publié en blu-ray chez DG sous la direction de Christian Thielemann, avec Pior Beczala dans le rôle titre et Anna Netrebko dans celui d'Elsa. Un enregistrement que tu apprécies également comme tu m'en as fait part. Cet enregistrement réunit, à mon estime, toutes les qualités que l'on peut souhaiter dans une production enregistrée d'opéra et il me paraît donc qu'il constituerait une entrée en matière exemplaire. Cordialement Olivier


Le son des cordes de l'ouverture du Lohengrin de Wagner représente , pour moi, un sommet musical absolu .
Ce thème est repris lors de l'arrivée avec le cygne du héros: Lohengrin fils de Parsifal, avec une tension insoutenable, illustant l'espoir mystique de Elsa de voir son chevallier arriver.
On aurait peut être souhaité le Philarmonique de Berlin ou celui de Vienne pour la couleur des cordes, mais le Philarmonique de Dresde réussit très bien, aidé en cela par une prestation technique hors pair des équipes de la DGG et d' Unitel réunies pour ce sommet de l'Art musical.

20200407_2227191.jpg


Rappel important l'image est en 4 k :thks:les costumes splendides, les décors réussis . Une grande maitrise dans les déplacements des foules.
J'ai toujous eu une grande admiration pour la sublime Anna Netrebko, dans le rôle d'Elsa. Je ne connaissais pas Pior Beczala, dans le rôle de Lohengrin. dont le timbre de voix si particulier renforce l'idée du sauveur venu d'ailleurs.
Voici (avec un piètre rendu de mon portable) le couronnement de Elsa.

20200407_223318 88(1).jpg


La fin sera plus triste, parfois il ne vaut mieux ne pas s'obstiner à savoir, la lumière pouvant alors ne pas être supportable.

ajr a écrit:PS: Igor m'ayant invité plusieurs fois à venir partager des écoutes dans la RP et dans son nouvelle installation. Si l'occasion devait se présenter, ce serait avec grand plaisir que je ferais la découverte du résultat de l'immense travail d'optimisation acoustique à laquelle il s'est livré avec l'aide de ses nombreux amis.

Cela serait André une occasion unique pour toi de confronter la restitution sonore du casque que tu domines si farfaitement, avec le travail de Jean-Luc Ohl pour qui la qualité acoustique du local de Briare, représente un laboratoire pour ses idées en matière de reproduction sonore. Sans oublier les amis aux fines oreilles qui objectivent la mise au point: SB10,Syber, Pio....
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Message » 08 Avr 2020 13:07

Bonjour,

Merci Igor pour la présentation de cette version qui paraît vraiment excellente et superbe. :thks:

J'en profite pour indiquer le curieux phénomène que je ressens lorsque je regarde un opéra sur le téléviseur avec un casque. En l'occurrence, le Focal Utopia. J'ai la sensation que la scène s'élargit lorsque je passe d'une écoute sans voir l'écran à celle avec vision de l'image.

J'en ai donc conclu qu'il s'agit d'un phénomène psycho-acoustique, identique à d'autres, bien connus, relatifs aux tests en aveugle. :idee:

Très bonne journée.
ajr
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Message » 09 Avr 2020 18:00

ajr a écrit:Bonjour,

C'est tout en assistant au Rinaldo de Haendel diffusé la nuit dernière dans cette version que je viens indiquer que c'est grâce aux diffusions télévisées que je me suis beaucoup plus intéressé à l'ensemble de l'œuvre de Jean-Philippe Rameau que je ne l'avais fait auparavant.

Et, c'est cette surprenante interprétation mêlant baroque et hip-hop de Les Paladins qui m'avait lancé sur la voie d'autres pièces que - La poule - si souvent entendue au piano. D'ailleurs, ne s'agit-il pas d'une bonne façon pour permettre que la jeunesse s'intéresse à l'opéra ?

Bonne journée.


Salut AJR

Je crois que je possède l'enregistrement des PALADINS de Rameau auquel tu fais allusion. Il fait partie d'un coffret édité par OPUS ARTE.

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Il s'agit d'une version en deux DVD exécutée par les Arts Florissants sous la direction de William CHRISTIE.

Image


Si je t’avais répondu tout de go, j’aurais certainement écrit qu’il s’agissait d’un enregistrement que je n'appréciais guère. Je m’en serais excusé auprès de toi, Ajr, qui sembles avoir pris plaisir en regardant sa retransmission à la télévision. J’ai donc pris la précaution de l’écouter une nouvelle fois avant d’échanger avec toi.

Le livret de cette comédie-ballet est plutôt difficile à suivre malgré les sous-titres et j’avoue que j’ai dû lire un résumé pour comprendre le suivi de l’intrigue qui se déroule d’abord dans le cadre d’une forteresse médiévale (dont la production ne nous montre qu’une lithographie) et puis, au troisième acte, dans celui d’un palais chinois fantomatique (mais ou j'ai cru reconnaître un palais à l'architecture bien française en arrière-fond).

C’est évidemment une comédie, ce qui pouvait permettre des écarts avec le bon gout pour faire rire. Car il faut bien avouer que le livret est complètement sans intérêt malgré son caractère échevelé. C’est sans doute, pour compenser la nullité de la trame dramatique, que la production a misé sur une mise en scène dont le caractère envahissant et la volonté affichée de faire moderne m’ont quelque peu rebuté.

Heureusement qu’il y a la musique, la superbe musique de Rameau, aérienne et volubile pour le chant, concise et rythmée pour les nombreux intermèdes dansés. Au premier acte que je viens de réécouter, on entend avec plaisir les émois tellement ramiste de l’héroïne Argie (Stéphanie d’Oustrac), une jeune femme qu’un tuteur vieillissant veut épouser (traditionnel ressort d’intrigue de l’époque) alors qu’elle aime un beau jeune homme Atis (Topi Lehipuu). On est séduit par les accents martiaux de ce jeune homme qui revient opportunément de pèlerinage pour défendre sa bienaimée. On s’accroche avec plaisir aux vocalises délurées et même un peu triviales de la servante dévouée d’Argie, une certaine Nérine (ainsi prénommée comme tant de boniches de comédie) (Sandrine Piau), qui utilise ses charmes et sa gouaille pour séduire et ridiculiser Arcan (la belle voix de Laurent Naouri), le vilain garde-chiourmes qui est chargé de veiller sur la vertu de la demoiselle.

Tout cela est merveilleusement chanté, sans effort, je dirais avec naturel si la musique si particulière de Rameau pouvait se prêter à ce que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de naturel. Elle est trop personnelle et trop de son temps pour cela.

Les Arts Florissants sont comme toujours dans cette sorte de musique comme chez eux, évoluant avec souplesse dans les mouvements incurvés de ses arcanes. La caméra s’est trop peu souvent attardée sur la fosse. Dommage que ce ne soit qu’à de trop rares moments que l’on aperçoive William Christie diriger en donnant de la main, de la tête et de tout le corps les inflexions nécessaires pour soulever par vagues l’onde mouvante de la musique de Rameau.

Malheureusement, comme c’est un opéra, j’ai dû avaler la mise en scène et les décors en même temps que la musique. Et là, je le dis avec retenue, j’ai été plus que décontenancé.

On pourrait comprendre que les faiblesses du livret donnent toute licence au concepteur de la réalisation pour combler par des artifices scéniques les trous ou les invraisemblances de l’action dramatique tout en soulignant le côté un peu farce de cet opéra qui se veut comique ; à la condition essentielle cependant de ne pas saborder l’œuvre et la musique de Rameau. LES PALADINS, ce n’est quand même pas une opérette grivoisement populaire.

L’idée de faire exprimer par la gestuelle d’un danseur ou d’une danseuse ce que les chanteurs expriment par la voix était certainement une façon complémentaire de traduire visuellement la musique de Rameau. Mais pas de la manière outrageusement soulignée dont la production a donné le spectacle. Je ne reproche pas à cette chorégraphie de ne pas suivre les inflexions et le rythme de la musique mais de le faire en privilégiant une danse acrobatique où le motif dansé tourne à la gesticulation désarticulée, avec des effets de muscles, avec une ostentation corporelle de mauvais goût, en résumé dans un style de danse moderne qui détruit cette musique de Rameau toute imprégnée par son 18e délicat et un peu suranné.

Image

C’est ainsi que les sentiments d’amour chantés par Agie dans un air voluptueusement chantourné comme sait le faire si bien la musique de Rameau sont traduits sur scène par une danseuse courte sur jambes et affublée d’un énorme postérieur dont elle agite les fesses en cadence comme la dérision de ce que la musique suggère.

Image

Le metteur en scène (José Montalvo) n’a pas eu de scrupules esthétiques en affublant une oeuvre vieille de plusieurs siècles de tout un attirail d’effets spéciaux. Comme on peut le voir ici, tout l’arrière-plan du délicat duo où Atis et Agie se chantent leur amour a été décoré, par la magie de la créativité électronique du concepteur, avec une multitude de lapins serrés les uns contre les autres dont les nez renifleurs fonctionnent tous ensemble en cadence avec la musique.

Que vient faire dans cette galère de mise en scène tout un bric-à-braque visuel plaqué sur un texte dont le sujet presque exclusif, l’amour, est exprimé dans le langage emprunté du 18èmesiècle !

C’est ainsi que l’on peut voir, des exemples parmi beaucoup d’autres, des chevaux, des lions, des volatiles qui courent sur un bandeau surplombant les chanteurs (qui s’évertuent à chanter malgré tout) ou encore, une procession anthropologique où se suivent le singe, l’homo erectus et un malheureux contemporain tout-à-fait rapetissé. Et encore, autre exemple, des personnages en costumes d’un certaine autrefois faisant du trampoline dans un ciel bleu.

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Mais rien ne vaut en fait d’imagination ego-satisfaite la naissance en grand sur le fond de la scène d’un poussin qui sort de son œuf avec une patte qui essaye de gratter en cadence avec la musique la coquille maternelle.

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On peut voir aussi des rames de métro qui circulent cette fois aux pieds des chanteurs, rames sur le toit desquelles galopent parfois des chevaux et autres bêtes.

Et puis il y a les costumes des danseurs et des choristes, certes chatoyant, mais habillés dans une esthétique loubarde pour les uns, dans le style d’un catalogue d’été de prêt-à-porter bon marché pour les autres. C’est ainsi attifés qu’on chante et qu’on danse sur la magnifique musique de Rameau !

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Tout, même la laideur des costumes,
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concourt de la volonté de vouloir plaquer un visage moderne sur cet opéra typé 18e siècle au point de faire oublier la beauté de la musique et le talent des chanteurs.

C’est dire que je n’ai pas été vraiment conquis par cette production malgré la musique qu’il faudrait pouvoir entendre en essayant de ne pas regarder.

Cordialement Olivier

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Les Arts Florissants trahis

Message » 09 Avr 2020 22:59

Tu as eu de la malchance Olivier, jamais je n'ai vu un tel étalage de médiocrité dans une mise en scène d'Opéra ! c'est un must :mdr: :hein:

La grossièreté de "la mise en scène" si elle pouvait à peu près passer (et encore !) dans un Opéra Bouffe Italien, ne convient pas du tout à la musique baroque de Rameau, toute en finesse et nuances. Quelle trahison !

Je pourrais donner d'autres exemples de ce mauvais goût ..... Mais pas aussi mauvais.

On peut incriminer sans doute la piètre culture musicale des metteurs en scène; mais surtout une certaine "mode" de "faire moderne".

Quand je pense à la qualité des mises en scènes d'Opéra au Théatre de la Monnaie à Bruxelles :D sous la Direction de Gérard Mortier :thks:
Dernière édition par Igor Kirkwood le 11 Mai 2020 14:49, édité 1 fois.
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Rameau Castor et Pollux

Message » 13 Avr 2020 9:53

Nous sommes bien d’accord, mon cher Igor. Cependant tout n’est aussi contestable dans ce coffret OPUS ARTE consacré à Rameau.

Je viens de mettre sur le plateau de mon lecteur une autre réalisation de ce coffret : CASTOR ET POLLUX, une production du Nederlandse Opéra qui est un véritable antidote aux outrances imaginatives de la production des PALADINS. Là où cette dernière production paraissait ne savoir qu’inventer pour se faire valoir, celle de CASTOR ET POLLUX se remarque par une sobriété très nordique.

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Ici pas d’effets spéciaux, ni de modernité contreplaquée. La scène que l’on nous donne à voir dès le lever de rideau de ce CASTOR ET POLLUX est un espace nu, délimité par quelques poutres disposées comme une charpente qui donnent à l’action un confinement géométrique, avec pour seuls impédimentas les formes cubiques des sièges sur lesquels les personnages viennent s’assoir ou se recueillir. Les poutres, soutien du décor, demeureront en place tout au long des cinq actes de l’opéra comme la marque voulue d’une économie de conception.

Chez les mortels
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Chez les dieux
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Les personnages sont revêtus de tuniques qui nous rappellent que l’action se déroule dans un temps très ancien entre les dieux et leurs enfants. Dans un tel univers, il n’est pas nécessaire de paraître plus que l’on est. La maîtrise des moyens s’imposait donc, pas de falbalas ostentatoires mais un antique dépouillement.

Même l’orchestre participe à sa manière à cette rigueur générale. Hervé NIQUET à la tête de ses TALENTS LYRIQUES donne de la partition une exécution structurée, avec des accents bien marqués, avec une clarté générale très française qui ne messied pas à la musique de Rameau. Peut-être y manque-il parfois cette infime souplesse dans le phrasé qui est comme le parfum de la fine fleur raméenne. Un geste caressant de la main pour mimer mon propos. Mais la large éloquence des TALENTS LYRIQUES donne magnifiquement toute leur dimension musicale aux scènes centrales de l’opéra qui se déroulent d’abord là-haut chez Jupiter, puis dans les bas-fonds des enfers, ensuite dans la lumière de l’olympe.

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La distribution par contre ne m’a pas paru aussi remarquable que celle des PALADINS. Télaïre (on n’y peut rien, chez Rameau tous les héros et héroïnes portent des noms ridicules), Télaïre donc (Anna-Maria Panzarella) est aimée par deux frères, par Castor (un mortel chanté par Finnur Bjarmason ) et par Pollux (le roi fils de Jupiter, chanté par Henk Neven) mais aime en secret le jeune et beau Castor. Le roi Pollux renonce à la femme qu’il aime pour permettre à son frère bien aimé d’être heureux. Cependant il fallait un ressort qui permette à la tragédie de se dérouler. Ce ressort, c’est le personnage noir de Phébé (la fille d’Apollon incarnée par Véronique Gens), qui est l’amoureuse malheureuse du même Castor et qui de dépit va l’envoyer dans les enfers. Il y serait resté si son frère Pollux n’était bravement parvenu à l’en faire sortir avec le concours de son père Jupiter.

La prestation de Mme Panzarelle est vocalement honorable mais à l’entendre et surtout à la voir on ne comprend pas toujours pourquoi les deux frères en sont tellement énamourés. Son jeu et son chant manquent un peu de cette subtile distinction qui fait le pain et le sel de la musique de Rameau. La voici couchée qui se meurt d’amour :

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Il en va de même pour la prestation de Finnur Bjarmason dans le rôle de Castor, même s’il a parfaitement le physique du personnage, une charmante virilité nordique ; on comprend en le voyant qu’il soit aimé et jalousé. Mais son chant sans être désagréable n’est peut-être pas tout-à-fait aussi séduisant que sa personne. La prononciation du français (langue si difficile à chanter pour les étrangers avec ses e muets et ses voyelles détourées) handicape sa dextérité vocale qui devient un peu dure dans les vocalises, là où elle devrait n’être que souplesse et facilité voluptueuse.


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Le couple ne convainc pas complètement mais chante son amour avec un enthousiasme fervent.
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Par contre, Henk Neven dans le rôle de Pollux, le frère à la générosité royale, est parfait de sensibilité et d’autorité dans son jeu et subtile dans son chant, bien que le français ne soit pas pour lui non plus sa langue maternelle.



Enfin Véronique Gens est l’incarnation de son personnage et son chant celle de la musique de Rameau. Sa voix sombre est le moule bondissant de la turpitude de cette femme jalouse et maléfique.

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La danse est évidemment un élément essentiel d’un opéra-ballet. Chez Rameau, les intermèdes dansés occupent une place très importante dans la partition. La chorégraphie est donc un élément déterminant de la réussite de cette production. C’est peut-être d’ailleurs une des éléments les plus difficiles réussir car il faut reproduire par les gestes toute la subtilité de la musique qui est à la fois rythme et volupté sonore, très chantournée Louis XV, sans le carcan secourable des rigidités contrapontiques de la musique baroque, comme dans la musique d’opéra de Haendel par exemple. A mon avis, un des éléments importants de la réussite de la production se trouve dans sa belle chorégraphie.

Il est très agréable de regarder les danseuses et les danseurs mimer dans l’espace la musique de Rameau.

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Ainsi par exemple, au troisième acte, lorsqu’à la demande de Jupiter qui cherche à convaincre Pollux de ne pas descendre dans les enfers pour y prendre à jamais la place de son frère, c’est avec une sensualité toute musicale que les danseuses entourent celui-ci de leurs corps, avec des mouvements simples et amples, avec des gestes des mains, des bras, des attitudes synchronisées qui tracent la séduction suggérée par la musique.

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Et quand le héraut se trouve aux portes de l’enfer, il est accueilli par une multitude toute vêtue de noir qui se démène aux sons des rythmes de l’orchestre :

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Les hordes infernales sont finalement terrassées par les troupes éclatantes de Jupiter.

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Mais après l'épreuve, le victoire sur les enfers avec ce symbole d'humanité derrière Pollux:

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Les chœurs du Nederlandse opéra pourraient passer inaperçus car ils se produisent depuis la fosse et demeurent donc invisibles. Les chœurs constituent pourtant un élément important de la partition et l’apparition des choristes sur scène une occasion, ici manquée, de relever l’intérêt du spectacle. Leur prestation musicale est tout à fait honorable. L’articulation du texte n’est peut-être pas sans reproche, d’autant plus qu’on ne les voit pas chanter, mais c’est secondaire ; on peut s’en remettre aux sous-titres.


Une mise en scène conventionnelle ? La réponse est évidemment une question d’opinion personnelle. Quant à moi en en tout cas, j’ai apprécié une mise en scène qui me paraissait convenir à l’esprit de l’œuvre, dans le respect du style de son époque, avec ce qu’il fallait néanmoins d’imagination pour la rendre naturellement vivante à nos yeux, loin du bataclan d’effets (spéciaux ou autres) des PALADINS.


Cet enregistrement néerlandais de CASTOR ET POLLUX me paraît surtout convainquant par le fait que ce que l’on voit et ce que l’on entend forment un tout, dans une conception particulière certes, mais où chacun des éléments prend sa part pour nous faire voir et entendre une œuvre aboutie, où la musique de Rameau trouve son incarnation sur la scène, même si certains pourraient souhaiter dans une autre production une incarnation plus sensuellement nuancée, moins rigide, plus latine.


Un enregistrement qui est donc à mon avis très recommandable et peut être un premier pas pour ceux pour qui l’œuvre de Rameau serait encore inconnue et qui voudraient la pénétrer par une porte accessible.


L’enregistrement en DVD devrait pouvoir être acquis seul sans devoir acquérir tout le coffret.

Cordialement Olivier

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Don Juan de Mozart

Message » 25 Avr 2020 14:38

Après avoir donné mon avis sur deux œuvres de Rameau, un avis assez critique, il est vrai, pour la production des PALADINS du Théâtre du Chatelet et un avis avec beaucoup plus de satisfaction pour la production néerlandaise de CASTOR ET POLLUX, je vous propose cette fois de me suivre dans un opéra que je considère comme un des plus grands chef-d’œuvre de la musique, le DON JUAN de Mozart sur un livret de Da Ponte. On ne soulignera jamais assez le talent, et même le génie, du librettiste Lorenzo Da Ponte à qui l’on doit un livret avec une progression dramatique sans faille et une vision des événements scéniques hors du commun. On pourrait de ce point de vue le comparer à Molière.

J’espère pouvoir vous communiquer ne serait-ce qu’une petite partie de mon admiration pour cet opéra dans la splendide production, bien que parfois en dehors des sentiers battus de la tradition théâtrale, du ROYAL OPERA HOUSE édité en 2014 en BLU RAY par OPUS ARTE avec le chœur et l’orchestre de la maison sous la direction de Nicola Luisoti dans une mise-en-scène de Kasper Holten.
https://imagizer.imageshack.com/v2/800x ... 6iCpzE.jpg

Don Juan est un personnage mythique dont chacun connaît la réputation et dont le nom est devenu un lieu commun pour qualifier les grands séducteurs sans scrupule. C’est un homme qui éprouve un plaisir insatiable dans la conquête obsessionnelle de toutes les femmes plutôt que dans la possession passionnée d’une seule. C’est ce que nous relate le livret de DA Ponte qui est de ce point de vue assez extraordinaire car, si généralement le ressort du drame, c’est l’amour, c’est presque toujours un amour au singulier, un amour d’autant plus immense qu’il est contrarié par le destin (Tosca, Lohengrin, le Trouvère, Didon, Orphée, Tristan etc…). Ici, point de passion partagée jusqu’à la mort; au contraire, le destin de ce grand séducteur à qui la nature a donné toutes les armes de la séduction, n’est conduit que par lui-même, par son feu dévorant de conquérir jusqu’au dénouement, un dénouement qui se voulait moralisateur, la mort du méchant.

On connaît le nombre des victimes féminines de Don Juan. C’est le valet Leporello qui en bon serviteur a tenu l’inventaire de ses conquêtes. Il en a recensé 1.003 rien qu’en Espagne. L’opéra se contente de nous en présenter trois. Il y a d’abord Dona Anna qui crie vengeance après la mort de son père, le commandeur qui avait voulu laver l’honneur de sa fille et que Don Juan a tué en duel. Il y a ensuite Dona Elvira, l’épouse délaissée qui crie son désarroi et sa colère mais aussi alternativement son amour. Enfin Zerlina, la jeune mariée dont Don Juan interrompit la noce pour essayer de la séduire après avoir écarté le marié avec l’autorité sans réplique du grand seigneur.

Toutes ces femmes poursuivent leur séducteur tout au long des deux actes de l’opéra dans un mélange de haine, de violence, d’amour, de détermination meurtrière, avec le pâle concours de Don Octavio, le soupirant esseulé de Dona Anna, et celui plus rustique de Masetto, le futur mari de Zerlina. Mais ce sera la statue du commandeur qui viendra depuis l’éternité tendre la main au séducteur de sa fille pour l’emmener en enfer. Une scène des plus fameuses du monde de l’opéra.

C’est du moins ainsi que la tradition mozartienne nous représente Don Juan mais la production du ROYAL OPERA HOUSE a pris quelques libertés avec cette tradition en présentant d’une façon originale l’action dramatique et la psychologie de certains personnages.


Mariusz Kwiecièn campe magistralement le personnage-titre.
https://imagizer.imageshack.com/v2/800x ... idqgXl.jpg

Nous avons devant nous un chanteur qui conduit sa partie avec une autorité magnifique. Et si curieusement, Mozart ne lui a réservé que peu d’airs comme faire-valoir de sa virtuosité vocale mais quelques très belles interventions comme la fameuse scène où il compte fleurette à la jeune paysanne Zerlina, (un chef d’œuvre de séduction musicale),
https://imagizer.imageshack.com/img923/2497/hsyvTt.jpg

Il donne à son personnage une présence de tous les instants et un abattement hors du commun, une fougue impétueuse, endiablée, qui est le nerf de l’action. De ce point de vue, Mariusz Kwiecièn est un vrai phénomène ; Il est omniprésent dans tout l’opéra ; il occupe la scène de bout-en-bout en répandant à gorge déployée sa morgue libertaire de grand seigneur dépravé. Bravo ! Mais nous verrons que la production l’a moralement un peu épargné en le faisant moins mauvais que la tradition le montre.


Le valet Leporello est chanté par Alex Esposito.
https://imagizer.imageshack.com/img922/8356/kSFfO7.jpg

Le serviteur est à l’image de son maître. Il le suit comme son ombre. Il l’accompagne de sa personne mais aussi de sa voix. On a dit de lui qu’il était le double populaire de Don Juan, celui qui réagit avec un certain bon sens plébéien aux extravagances de son maitre, mais qui a aussi le bon sens d’oublier devant une bourse bien garnie les remords qu’il manifeste de temps en temps de servir un aussi méchant seigneur. Alex Esposito donne à son personnage exactement ce que l’on attend de lui, celui d’un valet de comédie. Son jeu de scène est chargé à souhait d’attitudes et de mimiques qui incarnent le coté comédie de l’œuvre et justifie le titre d’« opera buffa » donné par Mozart à son ouvrage. Le valet et le maître ont d’ailleurs l’un et l’autre un timbre de voix assez semblable et ils forment musicalement une paire indissociable qui fonctionne on ne peut mieux. Donc Bravo aussi.
https://imagizer.imageshack.com/v2/800x ... 4Y1YmF.jpg



Dona Elvira, l’épouse délaissée incarnée Véronique Gens.
https://imagizer.imageshack.com/img922/2240/3nEsS3.jpg

Elle est la seule à qui Da Ponte prête des sentiments sincères pour l’homme qu’elle aime, qu’elle aime pour s’être donnée définitivement à lui mais qu’elle déteste parce qu’il l’a abandonnée. Cette ambivalence dans les sentiments, qui donne au personnage toute sa dimension humaine, est parfaitement incarnée sur scène par Véronique Gens. Sa voix chaleureuse et dramatique revêt tantôt les accents de la haine et tantôt ceux de la tendresse comme le texte le lui impose et comme la couleur de la musique l’exprime en suivant les méandres du texte. Bravo aussi.
https://imagizer.imageshack.com/v2/800x ... 7Mhokc.jpg


Elisabeth Watts est une Zerlina en robe de mariée moins naïve qu’avisée. Elle sait comment berner Mazetto, son futur époux, pour se faire pardonner ses privautés avec le cavalieri, ; Elle le plaint, elle panse ses plaies physiques et d’orgueil avec les gestes et les caresses qui révèlent la main d’une femme accomplie plutôt que celle d’une pucelle effarouchée. Le timbre de voix de Mme Watts évoque bien celui d’une jeune première mais son physique et son jeu n’ont pas la spontanéité pleine de friponneries innocentes de l’inoubliable d’Irmgard Seefried dans le même rôle (mais c’est un souvenir d’il y a bien longtemps).

Le metteur-en-scène a d’ailleurs finalement coupé le cou à ce qui pouvait lui rester de son ingénuité initiale, en lui faisant ouvrir le final du premier acte par un appel retentissant au secours alors qu’on la voit ouvrir impudiquement ses vêtements. Cette petite vipère essaye de simuler des violences que Don Juan lui aurait fait subir et se venger ainsi de ses belles promesses en le livrant à la vindicte publique et se rabibocher une vertu.
https://imagizer.imageshack.com/v2/800x ... Gp59HT.jpg

Bravo quand même pour la prestation de Mme Watts, même si on lui a donné à jouer un personnage qui n’est pas tout-à-fait celui imaginé par Da Ponte.


Au ténor Antonio Poli revient la tâche difficile d’incarner Don Octavio, l’amoureux fervent de Dona Anna qui est fort peu payé de retour.
https://imagizer.imageshack.com/v2/800x ... JAF4mE.jpg

Mozart a réservé à son personnage des airs d’une magnifique tendresse, parmi les plus beaux de la partition, mais la voix de ténor léger pour lesquels ils ont été écrits et la situation de pâle soupirant auprès d’une femme des plus indomptables, comme sa rivalité avec le très viril Don Juan, confèrent au personnage une fragilité native de femmelette qui passe difficilement la rampe malgré la très grande beauté de la musique. Il faut dire que Poli est meilleur chanteur qu’acteur. Je l’ai écouté donc pour la qualité de son chant plus que je ne l’ai regardé.


Enfin il y a Donna Anna, ici Malin Byström, et son père, le commandeur, Alexander Tsymbalyuk. J’ai réservé ces personnages pour la fin de ma galerie de portrait car sur eux repose une conception dramatique qui veut faire entrer dans la modernité cette production du Don Giovanni, un opéra vieux de plus de deux siècles à la tradition pérenne bien établie.

Depuis toujours, le viol de Dona Anna est à l’origine du drame car ce viol et la mort du Commandeur qui s’en est suivie demandent la punition exemplaire de leur auteur et cristallise l’action vengeresse de tous les personnages imaginés par Da Ponte. Depuis toujours cette action vengeresse se dénouera par la fameuse scène de la mort du héros où apparaît l’imposante statue du commandeur. Avec une formidable voix d’outre-tombe, la statue invite Don Juan à lui prendre la main; une poignée de main que celui-ci a le courage d’accepter, malgré les exhortations terrifiées de son valet, et qui l’envahit d’une froideur létale pendant que les chœurs l’accompagnent vers l’enfer. Il disparait dans les flammes en poussant un cri déchirant. Je puis témoigner pour l’avoir vue représentée par l’Opéra de Vienne que cette scène est d’une saisissante efficacité. Je me souviens d’avoir tressailli, tout averti que j’étais, lorsque la statue est apparue dans le fond de la scène sur trois coups de semonce donnés par l’orchestre et d’un vent froid venu comme elle de l’au-delà. Le dénouement du drame est donc la mort de Don Juan. Cette mort est le pendant moral du viol qui ouvre l’opéra.

Or, les réalisateurs de cette production ont bouleversé la conception fondamentale de l’oeuvre. Donna Anna n’est plus la femme abusée mais la maîtresse consentante d’une nuit d’amour. La première scène qui ouvre l’opéra et où apparaissent les deux amants dans une musique haletante laisse comprendre que l’émoi exprimé par Dona Anna n’est pas celui d’une femme violentée mais celui d’une maitresse qui tente de retenir son partenaire.
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Et si son père est tué par son amant, cela ne l’empêchera pas par la suite de planter là son fiancé Don Octavio qui lui chante son amour pour franchir sans remord la porte d’une chambre dans laquelle Don Juan la fait entrer et qui se referme sur eux. C’est tout le système dramatique du premier acte qui s’en trouve modifié car Dona Anna connaît son amant et lorsqu’elle prétendra par la suite le désigner en reconnaissant sa voix et fera le récit de son prétendu viol, elle ne fera rien d’autre que mentir.

Il faut dire que le sens de la musique qui accompagne le texte du livret est malgré tout parfaitement respecté, que les mots chantés par Don Anna accompagnent la duplicité de son nouveau personnage sans aucun contresens musical. La tristesse qu’elle exprime naturellement devant le cadavre de son père mort deviendra tout aussi naturellement un sentiment de vengeance lorsqu’elle constatera que son amant l’a trompée avec une jeune paysanne en robe de mariée.

Malin Byström qui est certainement une grande chanteuse se devait également d’être une très bonne comédienne pour rendre crédible son double jeu tout en préservant dans son chant la puissance évocatrice de la musique.
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On peut se demander ce qui a pu pousser les réalisateurs à concevoir une rupture aussi évidente avec les intentions de Da Ponte. Ils ont probablement cherché à donner à un personnage féminin de l’œuvre une stature qui dépasse son rôle d’objet impuissant du désir masculin, en faisant de l’héroïne violée une fille aussi perverse que son partenaire. Ce serait en quelque sorte un rééquilibrage moderne entre les sexes.

Et les entorses à la tradition ne s’arrêtent pas au personnage de Dona Anna. La conception du personnage du père prend le même chemin transgressif que celui de sa fille dans l’esprit des réalisateurs. Le commandeur n’est plus le grand seigneur qui meurt en lavant le déshonneur de sa fille et le sien dans un courageux car inégal duel à l’épée entre gentilshommes. Celui qui meurt de la main de Don Juan n’est plus qu’un simple père incompréhensif qui menace Don Juan avec un couteau puis le provoque en faisant par derrière tomber son chapeau dans un geste de mépris. Il est frappé après une courte lutte avec son propre couteau. Il a certainement ici transgression de la partition de Mozart qui évoque le duel à l’épée pendant quelques rapides mesures ascendantes.

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Ce ravalement du commandeur au niveau d’un bourgeois sans épée lui coupe sa stature et lui vaut la perte de sa statue. Ce n’est pas sa statue de commandeur qui se rendra à l’invitation à souper de Don Juan mais son fantôme, c’est-à-dire lui-même grimé en cadavre. Cela prive hélas la grande scène de la mort de Don Juan de beaucoup de sa puissance scénique et aussi la musique de Mozart d’un de ses moments les plus évocateurs.
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Don Juan lui-même n’est plus tout-à-fait aussi maléfique que traditionnellement. La mort du commandeur est certes un meurtre mais après provocations, un meurtre non prémédité dont ce père bourgeoissisant est lui-même responsable en partie. Et, puisqu’il s’agit d’un fait divers, il n’y a pas lieu de lui donner une issue fantastique. Au lieu de mourir dans un trépas justicier commandé de l’au-delà, Don Juan s‘enfonce dans une sorte de folie
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dont les chœurs moralisateurs de l’enfer lui envahissent la tête.
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Cette punition psychiatrique est finalement la vengeance de toutes les femmes qu’il a séduites en abusant de leur crédulité : il est devenu plus crédule qu’elles en s’imaginant qu’il est poursuivi par un mort qui veut se venger ; une fin somme toute très contemporaine qui ne conduit pas à la mort mais vers un établissement pour handicapé mental.
Et puisque le héros n’est finalement pas mort, il n’y a pas lieu de maintenir dans le final les passages où les autres personnages se réjouissent de la mort de ce malotru de séducteur et exposent ce qu’ils vont faire de leur avenir après en avoir été débarrassés. Une entorse certaine au livret et à l’opéra.

La transcription par l’enregistrement est de tout premier ordre. L’usage du blu ray permet une grande précision dans la reproduction des costumes, des éclairages et des décors.

Une lumière qui assombrit les décors presque jusqu’au noir lorsque Dona Anna relate avec véhémence un viol qui n’est rien d’autre que la description à l’envers des plaisirs qu’elle a pris avec son amant.Une lumière qui colore la scène de rouge lors de la mort du commandeur. Une lumière éclatante lors de la fête au palais qui clôture le premier acte :

Les costumes constituent un élément important car ils fixent l’action dramatique dans une certaine époque et il faut selon moi que l’époque à laquelle renvoient les costumes soit compatible avec le style de la musique. Les personnages portent des habits à la mode du temps de Mozart et non à la mode du temps de l’action dans une Espagne féodale. Le style de l’habillage est en rapport avec l’embourgeoisement de la conception de l’opéra. Mais cela n’est guère gênant car les concepteurs du spectacle ont eu la sagesse de moderniser autrement qu’en faisant enfiler par les personnages des habits du vingt-et-unième siècle qui auraient été un camouflet pour la musique de Mozart.

Les dames portent des robes somptueuses comme, sans doute, les dames de la société en portaient alors.
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La jeune mariée est entourée d’une nuée de falbalas blancs qui la prédestine à l’autel. Don Juan a vraiment l’air d’un grand bourgeois enveloppé dans son élégant manteau avec col de fourrure tandis que Leporello vêtu d’une sorte d’imperméable et d’un pantalon bouffant a véritablement l’air d’un subalterne, du genre travailleur à gages.

Les chapeaux de ces messieurs ont une grande importance dans le jeu scénique, le maitre qui porte haut selon son rang est coiffé d’un gibus à reflets tandis que le valet qui porte bas selon sa condition d’un simple chapeau-melon. Les personnages échangeront parfois leur chapeau dans un signe d’entente; Il arrivera à Leporello de déformer et même de fouler au pied le haute-forme de son maître dans un geste de revanche bravache, à Don Juan de porter le chapeau-rond de son valet par dérision.
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Le décor est fonctionnel, propre à accompagner un drame qui est devenu bourgeois. Pas de palais mais parfois une façade sans style
https://imagizer.imageshack.com/img924/865/3Oa0Bh.jpg
ou parfois un bâtiment sans époque avec deux niveaux de portes et de fenêtres et une galerie au premier étage à quoi on accède par un escalier.
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Cette disposition permet de mettre en scène des personnages qui chantent en même temps sans se rencontrer ou qui se rencontrent sans se voir ou avec distance. Cela permet également certains jeux de scène révélateurs comme la disparition de Dona Anna par la porte de la chambre de Don Juan. Il y a aussi, pour la grande fête qui clôture le premier acte par exemple, un intérieur plus somptueux qui répond mieux à ce que Don Juan nomme son palais. Le tout est monté sur des ensembles tournants qui permettent de suivre les personnages d’une scène à l’autre sans interruption.

Une dernière remarque à ce propos des qualités de comédien que l’on demande aux chanteurs. L’expulsion de l’onde sonore avec une très grande intensité comme le nécessite le chant d’opéra leur ouvre souvent entièrement la bouche et la déforme. Une telle déformation qui passe facilement à la scène peut devenir caricatural lorsque les chanteurs sont filmés d’un peu près. Cette déformation de la bouche affecte sans doute malheureusement parfois le jeu de Mme Byström comme ceux des autres chanteurs. Il s’agit d’une nécessité qui ne doit pas affecter notre perception de la sensibilité de leur composition scénique.

L’orchestre du ROYAL OPERA HOUSE est dynamique à souhait et enlève la partition avec une légèreté giocoso très mozartienne qui soutient, enlève, pousse le déroulement de l’action. Bravo !


La réalisation en blu-ray est sans reproche et les effets de lumière très agréables à regarder.

Voilà, c’était peut-être un peu long mais on n’est jamais trop long quand on aime par ces temps de confinement. Une magnifique réalisation que je vous conseille vivement de mettre sur votre lecteur si vous en avez l’occasion. Les quelques libertés que les réalisateurs ont pris avec l’esprit du livret de Da Ponte ne devraient pas faire disparaître la très grande qualité de ce Don Juan. Il s'agit probablement d'un sommet de la discographie de l'oeuvre en DVD/BLU-RAY par la valeur exceptionnelle de tous ses interprètes, et surtout par tenue vocale et scénique du couple Don Juan-Leporello, par une distribution qui crève l’écran, dans une mise en scène dont il faut plusieurs lectures pour en déceler toute l’invention.


Cordialement Olivier

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Message » 16 Mai 2020 17:26

J’ai mis sur le plateau de mon lecteur l’enregistrement de TOSCA, le célèbre opéra de Puccini. Il s’agit d’un BLU-RAY édité en 2012 par EMI avec Angela GHEORGHIU dans le rôle-titre, Jonas KAUFMANN dans celui de Mario CAVARADOSSI, Bryn TERFEL dans celui de l’infâme Baron SCARPIA. L’orchestre du ROYAL OPERA est dirigé par Antonio PAPANO.
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J’entre ainsi dans le monde de l’opéra italien que je connais mal et que je n’appréciais guère par manque de connaissance vraisemblablement. La tâche n’en sera que plus éclairante pour moi.

Le livret est inspiré d’une pièce de théâtre de Victorien Sardou « La Tosca ». L’action se situe à Rome aux confins du XVIIIe et du XIXe siècle lors des guerres italiennes alors que Napoléon marche sur Marengo. Le drame se noue par l’arrestation du peintre Mario CAVARADOSSI par les suppôts du chef de la police royale SCARPIA et se poursuit par les tentatives désespérées de la cantatrice Floria TOSCA pour sauver la tête de son amant, tentatives qui n’aboutiront qu’à la mort des trois protagonistes.

Puccini a écrit pour cet amour détruit deux des plus beaux thèmes musicaux de l’opéra italien. Le premier de ces thème jumeaux est celui de l’émoi des deux amants, thème émouvant qui ondule comme une houle en soulevant le plaisir d’aimer ; le second plus tragique s’infléchit et se retourne comme une vague en fin de course qui évoque le destin désormais sans avenir de ces deux êtres.

Au premier acte, Puccini dessine les trois personnages principaux du drame : TOSCA, une diva toute italienne qui chante au théâtre et prie à l’église, dont le fil de l’âme est l’amour, un amour juteux comme un fruit méditerranéen avec ses élans et sa jalousie. CAVARADOSSI est un artiste progressiste qui peint sur le mur d’une église une Marie Madeleine aux yeux bleus dans toute sa féminité. SCARPIA, le chef de la police royale, est le mauvais à l’âme plus noir que charbon qui veut posséder la diva TOSCA et faire mourir son amant sous le prétexte qu’il est un conspirateur républicain.

Le rideau du premier acte s’ouvre sur l’intérieur d’une église de Rome où Mario CAVARADOSSI peint une fresque.
TOSCA et CAVARADOSSI y chantent leur amour dans une musique qui est parfois douce comme une caresse sur la peau et parfois explosive comme une étreinte, où se mêlent, à la jalousie latente de TOSCA, la démesure furieuse des sentiments puis l’apaisement mélodieux de la concorde des cœurs.

Cette scène d’amour du premier acte est un événement majeur de l’opéra ; il faut que la musique nous enveloppe de l’amour de TOSCA pour le beau Mario car cet amour passionné constitue le ressort du drame ; c’est cet amour qui poussera TOSCA à tuer SCARPIA au deuxième acte et à se tuer lorsqu’elle s’apercevra au troisième acte que le peloton d’exécution n’a pas tiré à blanc comme celui-ci l’avait promis. Tout le drame est bâti sur ce simple mécanisme tragique dont rien n’entravera la rigoureuse marche vers la mort.

Jonas KAUFMANN est le beau Mario CAVARADOSSI qui répond fougueusement et tendrement aux emportements de sa maitresse. Sa voix de ténor escalade à merveille et en puissance les notes les plus aiguës de sa tessiture pour exprimer sa flamme conquérante, dans un style très bel canto, sans aucune aspérité ni raclement de gorge. Cette voix puissante peut à l’instant se fondre dans une douceur merveilleuse, mezzo voce, pour exprimer la tendresse de l’amour apaisé. Certainement un grand CAVARADOSSI.
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Mme Angela GHEORGHIU est une TOSCA féminine à souhait qui sait se faire aimer. Elle est même assez jolie, ce qui n’est pas un atout négligeable quand on joue devant la caméra un grand amour partagé. Sa voix possède toutes les séductions de son rôle, souple, brillante, insinuante, assurée dans tous les registres, celle d’une femme qui exprime sa passion avec éloquence jusque dans la jalousie.
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Enfin, au milieu de ce premier acte, apparaît le SCARPIA de Bryn TERFEL, le redoutable chef de la police.
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TERFEL remplit à merveille le rôle de composition d’un sinistre personnage. Sa voix autoritaire de baryton-basse nous fait entendre dans des tons sombres les sentiments ignobles que son visage exprime : une énorme tête, des yeux terrifiants de dogue, une bouche déformée par un rictus amer. Il nous relate par quel stratagème il espère tenir la célèbre TOSCA à la merci de ses désirs, comment il trame de faire arrêter le peintre parce qu’il est républicain et que les républicains sont les ennemis du Roi et de l’Eglise sans doute, mais surtout parce qu’il est beau et aimé par TOSCA. Il montre comment il va se servir d’elle et de sa jalousie pour les piéger, elle et son amant.
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Le deuxième acte est presque entièrement consacré à la confrontation entre TOSCA et SCARPIA. Tout se déroule comme SCARPIA l’avait prévu. Il a fait arrêter CAVARADOSSI sous l’inculpation d’avoir favorisé la fuite d’un évadé de la prison Saint-Ange. Il le fait torturer dans une pièce voisine à petit feu, plus ou moins violemment selon les réactions de TOSCA qui entend les cris de son ami. C’est une longue scène extrêmement dramatique que la musique de Puccini se devait de soutenir à l’unisson avec les sentiments exprimés par les personnages.

SCARPIA reste semblable à lui-même, aussi monstrueux. Il affronte TOSCA sournoisement ou brutalement. Il veut qu’elle entende le marché qu’il lui propose d’abord à demi-mots en jouant avec elle, avec ses sentiments et ses peurs (c’est alors qu’elle lui jette le fameux quanto « combien ? » en espérant qu’il est simplement vénal), ensuite sans détour ; ce qu’il veut c’est elle et il la veut sans qu’il doive la forcer, de son plein gré. Il savoure par avance l’instant où elle s’abandonnera à lui qu’elle déteste par amour, pour l’amour de ce peintre qu’il abhorre!

Quand le rideau du deuxième acte se lève, SCARPIA est seul en scène assis à son bureau. Les première mesures de la musique sont d’un contour imprécis, liquéfié (typique du style de Puccini) où perce en sourdine le hautbois, la clarinette, le basson et aussi la harpe; c’est la description sonore d’un univers sans repère. Cette sorte de moment de vide exprimé par l’orchestre se reproduira à plusieurs reprises au cours du second et du troisième acte de l’opéra pour suggérer une situation d’attente sans espoir. Puis les notes s’enchainent rapidement jusqu’à l’étalage que fait SCARPIA de ses projets d’anéantissement et de mort où domine la grande voix de baryton-basse de TERFEL, ponctuées par des accords saccadés donnés forte à l’orchestre pour souligner la détermination du chef tout puissant de la police.

Tosca aborde le duel avec une certaine hauteur ; elle toise son misérable adversaire. La tête bien droite, elle est résolue à ne pas se laisser intimider. La partition se fait parfois bravache. Les accords de l’orchestre sont résolus comme ses répliques hautaines.
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Mais très vite, elle est déchirée lorsqu’elle entend son amant crier de douleur sous la torture dans la pièce voisine. Elle lutte un instant contre elle-même pour ne rien révéler comme CAVARADOSSI le lui a demandé en aparté. La musique s’emballe. Les thèmes musicaux qui soutenaient au premier acte l’incandescence de son amour inquiet deviennent haletants, brisés, défigurés. La musique exprime le désarroi qui la poussera finalement à révéler la cachette du fugitif puis à se mettre à genoux pour supplier SCARPIA d’épargner celui qu’elle aime.

On amène alors le peintre couvert de blessures soutenu par deux de ses bourreaux. Il interroge immédiatement TOSCA pour être certain qu’elle n’a rien révélé. TOSCA se tait.
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C’est SCARPIA qui lui répond en donnant bruyamment l’ordre d’arrêter le fugitif caché dans le fond du puits. Malgré son état, CAVARADOSSI trouve assez de forces pour reprocher à son amie sa faiblesse et, à l’annonce de la victoire de Napoléon à Marengo, pour proclamer haut et fort ses convictions républicaines dans un air de bravoure qui n’est pas sans rappeler le patriotisme exprimé de la même manière par Verdi. Cet acte de rébellion jette SCARPIA dans une colère noire dont la violence physique est accompagnée par une musique tonitruante où se déchainent les voix et les cuivres.

On emmène CAVARADOSSI et TOSCA se retrouve face à sa décision. Elle dialogue un moment avec elle-même et se demande ce qu’elle a pu faire au ciel qui lui envoie une pareille épreuve. Elle se remémore son amour pour CAVARADOSSI, sa vie qu’elle a consacrée à secourir les malheureux et à honorer l’Eglise par ses dons. L’orchestre accompagne ce moment pacifié au milieu du tumulte, en reprenant dans toute son ampleur le thème qui, au premier acte, incarnait son bonheur. C’est vraiment très émouvant ; si émouvant que SCARPIA qui a entendu fait mine n’applaudir en sourdine par dérision.
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Mais, lorsqu’elle se rend compte qu’il est inutile de chercher à émouvoir cet homme de pierre, elle devient la femme blessée qui accepte son sort et consent à sacrifier ce qu’il demande, sa vie de femme, contre la vie de son amant et un sauf-conduit pour eux deux.
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Mme Angela GHEORGHIU ne doit pas donner seulement à TOSCA l’image d’une femme aimante ou désespérée ; elle doit se faire tragédienne, et lui donner la figure, à la scène comme devant la caméra, de la femme qui va oser, dans un geste spontané, tuer finalement le redoutable chef de la police avec un couteau qui traine sur le bureau, en s’écriant : « voilà le baiser de Tosca ». Y réussit-elle ? Ce sera à chacun de juger de cette composition très difficile où la posture scénique, l’expression du visage et le timbre de la voix doivent concourir à faire prendre corps à la femme violente qu’elle est devenue.
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La partition se modifie insensiblement; la musique n’exprime plus le désarroi mais la froide détermination dans le dégout, puis une sorte d’apaisement après le meurtre. TOSCA quitte la scène du second acte après avoir pardonné à SCARPIA et avoir entouré son cadavre avec les deux candélabres qui ornaient le bureau ; elle dépose sur la dépouille une croix de diamants qu’elle portait au coup, car elle est aussi une bonne chrétienne. On la voit s’en aller de dos accompagnée par un orchestre qui quitte l’acte dans un accord d’apaisement.


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Le troisième acte, c’est la fin de l’histoire avec la mort des deux amants.

Le décor nous transporte dans le lieu d’exécution. C’est un lieu vide sans repère sinon quelques poteaux de supplice à l’avant plan. La production n’a pas cru opportun de suivre le livret qui situe cet acte sur une terrasse du château Saint-Ange qui domine les toits de la ville de Rome. C’est dommage car chacun connaît cette massive bâtisse, qui a été le tombeau de l’empereur Hadrien, avec ses deux terrasses crénelées. Au lieu d’un site historique, d’une célèbre prison qui se rappelle à la mémoire des spectateurs, la production a préféré un espace sans attrait qu’elle a jugé probablement plus dans le sens du drame. C’est sinistre à souhait mais c’est aussi dépourvu de toute imagination.
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Il fait encore nuit, CAVARADOSSI attend l’aube et son exécution qui doit se produire au petit matin. La musique ouvre l’acte longuement dans ce style impalpable, liquide et transparent semblable à celui qui ouvre le second acte. Il s’agit d’une des pages orchestrale les plus célèbres de Puccini. Après une brève intervention forte aux trombones comme pour rappeler qu’on est en plein drame, les bois esquissent une atmosphère presque champêtre dans la fraicheur de l’aube. Le destin est suspendu, jusqu’au moment où les cordes à l’unisson clôturent le moment dans le thème de la destinée avec sa coda qui s’infléchit comme une vague se retourne. Ce lever du jour qui aurait dû être un levé du jour sur Rome depuis le haut du Château Saint-Ange est une magnifique page symphonique qui ne trouve pas ici son lieu d’épanouissement.

Non seulement le lieu n’est pas là mais on peut se demander s’il était nécessaire d’ajouter de la mise en scène à la musique. On aurait compris que le condamné attende son sort et écoute dans une solitude immobile l’évocation musicale d’un dernier lever de soleil. Mais le spectacle du lever de soleil ne se produit pas. Il continue à faire nuit. L’écoute de la musique est troublée par la présence d’un soldat qui allume une cigarette en grattant une allumette sur sa chaussure, geste prosaïque que le condamné souligne en demandant du feu à son gardien pour en griller une en s’habillant après avoir fait sa toilette à côté d’un seau. Dans un coin de la scène, on voit un magistrat tout de noir habillé qui confère avec un greffier tout aussi tristement vêtu. Ces efforts de mise en scène sont pour moi absolument inutiles ; ils distraient par leur caractère incongru de l’évocation d’une aube musicale qui sera sans zénith pour le condamné.

Le drame reprend lorsque le greffier annonce à CAVARADOSSI qu’il lui reste une heure à vivre. Celui-ci essaye d’écrire une ultime lettre à TOSCA ; mais n’y parvenant pas, il chante de son désenchantement sur le thème de leur amour, devenu nostalgique dans l’instant, que rappelle discrètement la clarinette : « je meurs désespéré sans elle ». Mais TOSCA apparaît. Elle lui apprend que l’exécution est une mise en scène et comment elle a obtenu que SCARPIA lui rédige un sauf-conduit avant qu’elle le tue. CAVARADOSSI s’étonne que des jolies mains innocentes aient pu en arriver à cette extrémité pour l’amour de lui. Les deux amants expriment leur joie et se décrivent l’avenir avec enchantement, enchantement que la musique souligne avec le thème de leur amour mais ensuite en souligne le caractère trompeur en jouant à plein cœur le thème de leur destinée. C’est un moment très poignant qui est le miroir du chant d’amour du premier acte. Le drame est en train de se refermer sur lui-même.

Pendant que le peloton d’exécution se livre à des pantalonnades avant de se mettre en place, le souci de TOSCA est que CAVARADOSSI joue la mort avec naturel, lui qui n’est pas comédien comme elle. Attaché au poteau, faisant face aux fusils, il doit s’écrouler sur lui-même comme s’il était réellement mort. C’est ce qui arrive mais ce n’est pas un jeu de comédien. La fin est sans surprise. TOSCA constate la mort de son amant.
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Elle est éperdue de douleur et se jette dans le vide en donnant rendez-vous à SCARPIA devant Dieu « SCARPIA ! avanti a Dio ! ».
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L’orchestre joue une dernière fois le thème de leur amour et celui de la destinée pour clôturer le drame, puis quelques accords finaux comme il se doit, et le rideau se referme sur ce qui fut l’amour et la mort d’un peintre et d’une cantatrice.

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La réputation de L’orchestre du ROYAL OPERA n’est plus à faire. Il s’agit d’une phalange que l’on retrouve souvent dans la musique enregistrée d’opéra. Disons qu’elle fut ici à la hauteur de sa notoriété sous la direction d’Antonio PAPANO, un chef qui a l’opéra italien dans les gènes. Il interprète cette musique de Puccini, parfois taxée de populaire, voire de vulgaire, avec une distinction à peine soulignée qui en fait apparaître toute la beauté dramatique sans tomber dans un travers inutilement pathétique.

La réalisation de Jonathan KENT a mis un peu de couleur dans le déroulement inéluctable de ce drame tout en respectant une rigueur indispensable dans la conduite des personnages au destin pathétique. Le fait de filmer un opéra conçu pour la scène n’est pas sans écueil. Le jeu des acteurs, parfois exposé en gros plan, ne doit pas dépasser la limite de la vraisemblance expressive et tomber dans une outrance de mauvais goût. Le metteur en scène devait se garder aussi, d’un autre côté, de gommer le caractère très italien de l’œuvre : une diva qui a l’amour sur la main, un peintre qui a les idées républicaines près du bonnet et un chef de la police aussi mauvais que l’imagerie populaire se le représente. Un difficile équilibre que Jonathan KENT a pleinement réussi à mon avis et, à mon avis toujours, à même trop parfait en échangeant le très italien Château Saint-Ange contre un banal lieu d’exécution.

J’ai été subjugué sans retenue par cet enregistrement qui met en présence trois monstres sacrés de l’opéra comme le commun des mortels ne pourra jamais les voir réunis sur scène, aujourd’hui ou même alors, lors de la réalisation de cette production y a huit ans. Voilà un bel exemple du caractère irremplaçable des enregistrements d’opéra, celui de conserver la mémoire de grands artistes dont l’art se serait sans eux inévitablement perdu avec le temps qui efface tout.

Cordialement Olivier

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Message » 19 Mai 2020 13:05

Bonjour,

Au nom des amateurs d'opéra et de ceux qui débutent dans ce genre d'expression artistique, je tiens à remercier Olivier_Le Daim de nous faire partager sa passion pour l'opéra et de nous faire profiter de ses connaissances pour nous permettre de nous retrouver dans les meilleures conditions pour apprécier le spectacle, au moment d'appuyer sur la touche play du lecteur Bluray. :bravo:

Cependant, je trouve quand même un peu dommage que ce sujet et le temps consacré par son auteur au partage de cette passion, ne remportent pas le succès qu'ils méritent, et j'espère que les graines qui sont semées aujourd'hui, porteront de nombreux fruits que viendra déguster un plus grand nombre de nos membres et visiteurs demain.


Merci encore et très bonne journée. :thks: :D
ajr
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