ThP a écrit:Je ne parle pas de passer le délai de rétractation de 7J à2H. Je parle de définir objectivement l'usure du produit.
Pourquoi pourrait on exiger que le droit de retraction ne puisse s'opérer qu'avec un produit "présentant l'état du neuf, avec emballages d'origine" (car celà est bien légal ??) et ne pas pouvoir définir objectivement la tolérance de cette notion (compteur d'un projo) ?
Parce qu'une telle clause n'est pas valable: le client n'a pas à se justifier, rappelle-toi. L'exercice du droit de rétractation est
inconditionnel.
En cas d'abus, le vendeur pourra exercer une action en responsabilité en justice, ou bien provoquer le litige en refusant le remboursement ou en effectuant un remboursement partiel du prix.
Mais, que ce soit sur l'action du vendeur, ou bien en défense face à l'action à fin de remboursement du prix de l'acheteur, il devra faire la preuve de l'abus (Celui qui invoque un droit doit le prouver). En pratique, le juge va se forger sa conviction sur ce qui est ou non abusif; toute clause contractuelle définissant un état d'usure du bien au-delà duquel la rétractation serait impossible serait nulle, car elle mettrait une condition suspensive illégale à l'exercice du droit de rétractation (C'était le cas dans le jugement cité plus haut).
Quelle autre solution y aurait il fasse à un produit présentant une usure normale et dépreciante ?
Ne pas vendre d'emblée, mais louer préalablement un bien à terme, fût-ce à titre gratuit.
Ou faire un contrat
sui generis d'essai, qui précéderais un contrat de vente.
Dans les deux cas, mieux vaut exiger la signature d'une promesse de vente avec le prêteur afin d'éviter que l'essayeur n'aille, une fois qu'il est fixé sur son intention d'achat, aller chercher le produit moins cher ailleurs... La promesse de vente vaut vente s'il y a accord sur la chose et sur le prix. Sa rupture, ou l'exercice abusif du droit de dédit est une faute contractuelle qui peut être sanctionnée en justice par l'allocation de dommages-intérêts. Et encore faut-il prouver que le client est allé acheter ce produit s'il ne se déclare pas prêt à conclure la vente au terme de l'essai. Mais, tout compte fait, le risque n'est pas moins grand en cas de vente à distance: le client peut à près tout se rétracter dans les délai parce qu'il a trouvé moins cher ailleurs. Qui pourra le savoir?
Pour renforcer sa sécurité, le vendeur peut conclure la promesse de vente avec arrhes. Les arrhes faut-il le rappeler, sont une somme d'argent versée avant la levée de l'option de vente, et qui se déduiront du prix. Celui qui a reçu les arrhes, s'il décide de ne pas conclure la vente, doit en restituer le double. Celui qui les a versées, s'il se dédit, perd les arrhes. Toutes sommes versées préalablement à la conclusion d'un contrat de vente mobilière sont réputées être des arrhes, sauf stipulation contraire. Autant le préciser immédiatement: cette règle n'est pas applicable au contrat de vente à distance; le régime particulier de la vente à distance se substitue au régime générale de la vente: le client n'est tenu à aucune pénalité s'il se rétracte.
Attention: toujours dans les deux cas de prêt ou d'essai, et si aucune promesse de vente n'a été signée, si la vente est ensuite conclue à distance après l'essai (si l'accord sur la chose et sur le prix est faite en-dehors de la présence physique des parties au moyen d'un procédé de communication à distance), le régime de la vente à distance s'appliquera! La loi est impérative. On ne peut déroger au droit commun par des ententes privées.
Autre méthode: la conclusion d'une vente à l'essai
en présence des parties. Une vente à l'essai est toujours réputée faite sous condition suspensive. Cette convention pourra soumettre la levée de l'option à une formalité qui pourra être exécutée à distance (envoie d'une lettre, par ex.) ou tout simplement le fait de conserver le bien au-delà d'un certain délai. Un tel acte pourra prévoir une indemnité contractuelle pour pallier l'usure du bien qui serait retourné avant le terme de l'essai, cela avec ou sans arrhes
Mais, je le répète: l'acte de vente à l'essai
doit impérativement être conclu en présence physique des deux parties; s'il est fait à distance, c'est la législation impérative relative à la vente à distance qui s'applique (Du moins pour les sept premiers jours, ou les trois mois si défaut d'information; rien n'interdit de stipuler un essai au-delà de la période de rétractation, puisqu'il s'agit d'une stipulation favorable au client; mais une telle stipulation ne peut avoir pour effet de contourner la loi).
Et un produit "consommable" ? on ne peut parler de limitation de jouissance si on empeche de renvoyer une bouteille de vin vide !
Quelle nuance est faite ?
Rien n'empêche de renvoyer une bouteille de vin, même vide; le vin ne se dépérissant pas
rapidement (c'est presque le contraire
), il n'est pas visé par une exception au droit de rétractation.
La vente sera anéantie, mais le vendeur pourra invoquer l'abus de droit pour obtenir réparation de la perte d'une partie de son patrimoine du fait du comportement abusif du client.
En pratique: il va refuser de rembourser tout ou partie (rembourser puis agir directement en justice ne ferait que compliquer les choses, et surtout, sachant que les juges peuvent refuser de statuer sur une demande dont l'objet est dérisoire ou futile, s'il n'y a qu'une bouteille de piquette en jeu...
). Si le client agit en justice pour obtenir le remboursement complet (avec le même risque de se voir opposer l'irrecevabilité d'une demande futile s'il n'y a que la bouteille de piquette en jeu), il opposera l'abus de droit par voie de demande reconventionnelle (abus qu'il devra prouver) et obtenir la compensation des créances au
prorata de son préjudice.
Et encore, je ne suis pas certain que les juges appliquent la théorie de l'abus de droit si, dans un lot important de bouteilles, une seule serait entamée. Je pense que, dans une telle hypothèse, ils statueraient en faveur du client. Difficile de plaider l'abus alors que le client s'est montré raisonnable! S'il n'y a qu'une seule bouteille ou quelques-unes, se serait évidemment différent. L'appréciation du comportement du client serait de toute façon proportionnée aux circonstances de l'espèce.
De toute manière, ThP, ne te fait pas de soucis à propos des hypothèses qui peuvent te parraître absurdes sur la foi du seul texte de la loi:
Argumentum ab inconvenient plurinem valet in lege, "C'est la preuve par les inconvénients qui a le plus de poids dans la loi." Ce qui signifie que, lorsque l'expression de la loi manque de clarté (mais uniquement dans ce cas), on pourra, en montrant les inconvénients d'une disposition équivoque (par exemple le tort causé à autrui) que l'esprit de la loi commande de choisir la solution qui évite la survenance de ces inconvénients.
Mais attention, là aussi! L'esprit du droit de la consommation est parfaitement limpide et bien connu de tous les praticiens: il s'agit de protéger le consommateur, fût-ce malgré lui! Aussi, le tort que subit le professionnel sera apprécié très sévèrement.
Et puis flûte! 1h30 pour réfléchir (ces satanés bien consomptibles m'ont fait fumer sur des débordements théoriques que je vous épargnerais...) et rédiger tout ça alors qu'il y a des conseils juridiques qui se font payer pour...