Test HCFR : Audeze LCD-i3, écouteurs Planar-Magnétiques

Test HCFR : Audeze LCD-i3, écouteurs Planar-Magnétiques

Compte-rendu d’Eric_dub

 

Audeze LCD i3 : est-ce que Ça planar pour moi?

Les Audeze demandent, pour leur mise en œuvre, quelques soins. Celui, tout d’abord, de choisir les embouts convenant à la morphologie, forcément particulière, de l’utilisateur; celui, ensuite, d’en “équilibrer”, pour ainsi dire, l’usage, avec les “arceaux” servant de supports et de guide qui, une fois fixés sur les LCDi3 et passés autour des pavillons de l’oreille, soulageront le poids – non négligeables – de ces intras.

Il faudra y passer un certain temps, de façon à trouver le meilleur compromis, et je ne prétends pas, pour ma part, y être parvenu. Ne serait-ce que parce que les arceaux guides fournis avec les Audeze m’ont paru trop petits pour moi: ils engendrent, au bout de 15/20 minutes quelques douleurs parasitaires et regrettables.

De plus, même avec ces guides en tour d’oreilles, les Audeze ont du mal à tenir en place, et tendance à s’extraire spontanément des conduits auditifs — ce qui est peut-être dû au fait que, dans la collection des 3 ou 4 douzaines de paires de tips dont je dispose, je n’ai pas trouvé ceux qui convenaient. Quoi qu’il en soit, il me paraît douteux, vu ce que j’ai pu constater en restant chez moi, dans mon salon, qu’on puisse facilement et immédiatement les utiliser en promenade, à l’extérieur et en mouvement.

Certes, le poids des intras est bien là et contribue à l’inconvénient en question. De plus, il est possible que l’on puisse trouver, chez Audeze ou ailleurs, des guides mieux adaptés: je n’en sais rien et n’ai rien trouvé, mais il faudra y réfléchir et prendre le temps, qui est toujours indispensable dès qu’il s’agit de la mise en œuvre d’un système d’un certain prix — et qui en vaut la peine.

Mes premiers essais ont été réalisés sur mon smartphone, un Sony XA1, qui embarque qobuz en application, et avec lequel j’écoute régulièrement de la musique quand je suis en déplacement, tantôt sur un casque ouvert classique, tantôt avec mes propres intras, des AKG N40. Cela conduit à expliciter d’entrée de jeu un doute sur le résultat: il ne me semble pas évident que la puissance d’amplification disponible sur mon smartphone puisse suffire — ce malgré les impédance et sensibilité, a priori faciles, annoncées pour ce système.

 

Les écoutes :

Le premier disque utilisé, est lalbum de Rodolphe Raffalli: À Brassens, volume 1, édité chez Fremeaux & Associé, il y a de cela presque deux décennies, en 2001. Le Volume 1 et le Volume 2, sorti, lui, en 2006, demeurent disponibles facilement en téléchargement. Le premier des deux volumes dus à Raffalli commence l’exploration de Brassens par La Marine, L’Orage, la Supplique pour être enterré sur la plage de Sète et J’ai rendez-vous avec vous. Un petit jeu de société pourrait consister, exactement comme dans les concerts donnés par Maxime le Forestier donnés dans la seconde moitié des années 70 (l’un des premiers auxquels j’avais pu assister), et où il proposait des chansons de Tonton Georges sous d’autres arrangements en faisant exprès de les rendre méconnaissables, à deviner, d’entrée de jeu, de quelle chanson il s’agit — sans tricher, bien sûr.

En tout cas, on a droit, avec les LCDi3 à la restitution d’une belle guitare “manouche” (comme on dit maintenant, et comme on ne disait pas il y a 30 ou 40 ans). Raffalli a joué sur des guitares faites par le luthier Cyrille Morin, mais j’ignore s’il y est resté fidèle. De la guitare de son très typique, donc, dont j’ai pu essayer un ou deux exemplaires, il y a quelques années, avec une attaque et une ampleur très grandes, et un son très cristallin, mais sans agressivité: la restitution m’a paru restituée avec, peut-être, une atténuation du registre aigu et/ou un soulignement du bas aigu. Cela ne transforme pas tout à fait une guitare manouche en un modèle Parlor tout acajou, mais… Reste que la pompe très rythmée, placée au second plan, et le soutien de la belle contrebasse du trio sont bien en place et leur lisibilité est au rendez-vous. Les progrès réalisés par les intras ces dernières années nous ont possiblement habitués à bénéficier d’un grave très présent, donc rendus plus exigeants. On ne sera pas déçu, me semble-t-il, avec ce modèle, avec lequel le registre grave donne une belle assise et une belle ampleur, tout en conservant, au moins en partie et autant que le peut un système de reproduction de musique, l’impact et surtout la lisibilité de l’ensemble. Avec en question: est-ce au détriment de l’aigu ou s’agit-il ici d’une question d’optimisation? Pour ceux qui préféreraient une version avec les paroles, ou qui voudraient compléter leur discothèque, je signale l’existence, toujours chez Frémeaux, d’un CD dans lequel le trio Raffalli et Renée Garlène ont proposé d’autres versions dans l’album Avec Georges Brassens – J’ai Rendez-Vous Avec Vous sorti en 2018 — également facile à se procurer.

Autant dire donc que cette première expérience s’est avérée assez agréable. Second essai, avec le premier des Quatuors à cordes de Ginastera par le Cuarteto Latinoamericano, dont l’intégrale est sortie, il y a une décennie, chez Brilliant Classics. La restitution proposée par les Audeze donne un résultat correct, même si l’on pourrait souhaiter plus d’aération et plus de définition dans les cordes, le premier violon ayant tendance, me semble-t-il, à se tasser et à rester un peu inhibé.

Autant — me dis-je — essayer un disque un peu plus critique: les Sonates pour quatuor de Ferneyhough par le quatuor Arditti. On me dira que c’est se “risquer dans le bizarre”, dans la recherche de “l’anti-accord absolu”, comme on dit dans les Tontons Flingueurs. À quoi je réponds que je connaissais une Polonaise qui en écoutait au petit déjeuner. Et surtout, on sait que le quatuor Arditti est, pour dire le moins, dans une esthétique sonore plutôt “incisif”. Ce, non seulement dans le choix et les créations auxquelles ils œuvrent inlassablement depuis des années, mais aussi dans les couleurs qu’ils proposent, voire par l’enregistrement. Il me semble, ici, que l’excès dans le haut-médium, autour, disons de 2/3000Hz, ou alors une sorte de creux dans le registre médium juste en dessous de cette zone, est sensible (j’ai refait l’écoute en branchant les Audeze sur mon iBasso, qui dispose de plus de puissance, et, surtout, d’un équaliseur embarqué: en agissant sur ces zones, on peut rétablir quelque chose de moins agressif, me semble-t-il). Reste qu’il me semble difficile de savoir exactement à quoi s’en tenir: s’agit-il d’une volonté de restitution choisie dans la conception du système, ou d’une particularité inhérente à un système “ouvert”, avec lequel le choix des embouts et la difficulté de trouver des embouts assez hermétique sont des paramètres déterminants?

Reste aussi que mon smartphone est sans doute un peu léger pour alimenter ces intras. Certes, je n’ai pas eu besoin de mettre le volume au maximum, mais quand même, du moins visuellement, vers les 80%. Je passe donc, pour les essais qui suivent à des écoutes sur mon DAP iBasso, de façon à pouvoir en exploiter l’amplification qui, sans être un très haut de gamme, est tout de même plus développée. Avec quelques essais, j’en reste à un positionnement du gain sur “normal”. De Pink Floyd, donc, l’album Meddle. C’est tout de même agréable de pouvoir atteindre un volume confortable, ce sachant que je ne suis pas spécialement friand de volume très élevé: avec ce DAP, j’en reste à un volume situé vers les 200, ce qui reste loin du maximum disponible. L’assise dans le grave proposée par les LCDi3 est très confortable. Certes, comme je l’ai dit, les intras me semblent, pour la petite expérience que j’en ai, moins à la peine, depuis quelques années, que nombre de casques électrodynamiques dans ce registre. Mais avec les Audeze, c’est surtout la netteté et la lisibilité du message qui frappent concernant ce registre. À l’écoute de la plage 2, la voix et la guitare de Gilmour sont très présentes, ce qui pourra séduire — ou révéler une tendance assez montante dans la signature sonore proposée par ce système, une restitution un peu trop soulignée, voire trouble: question de préférence aussi, sans doute. En revanche, si la question de l’étanchéité est, comme je l’ai dit, une chose, l’isolation en est une autre. Le bruit de deux tondeuses à gazon brusquement passées à l’action, juste à côté de chez moi (sur une pelouse pourtant déjà bien rase, voire et pelée par la chaleur) m’ont contraint à interrompre mes écoutes… Il faudra sans doute n’utiliser ces intras atypiques, dont l’isolation phonique n’est sans doute pas le point fort, que dans des conditions (relativement) calmes, chez soi, en vacances ou en ballade dans des lieux peu agités… N’ayant pas essayé le module Bluetooth qui accompagne le dispositif et, moins encore le câble Lightning, qui demanderait de disposer d’un iPhone ou d’un iPad, je ne peux pas en dire beaucoup plus sur ces points.

Je passe ensuite à l’album de Bashung, Bleu Pétrole, et au morceau bien connu, Résident de la République. Le système de chez Audeze gratifie, là encore, d’une très belle nappe et d’une belle assise dans le grave, et d’une basse qui reste lisible, sans effet de masque particulier sur le reste du message. Dans le médium/haut médium, règne une grande clarté, et la voix ainsi qu’une partie des instruments et des arrangements me semblent plus soulignées que dans mes habitudes d’écoute, avec des casques qui ne sont pas spécialement avares de détails dans ce registre, mon Hifiman HE6 et mon Sennheiser HD800. De même encore, la signature me semble beaucoup plus claire que celle proposée par mes AKG N40. Reste que, de cet album, qui est un quasi-testament — Bashung nous ayant quitté bien trop tôt, en 2009 —, “passe” malgré tout l’émotion. Ainsi de Tant de Nuits: comment entendre “mon ange, je t’ai trahi” sans rien éprouver? C’est toute une nostalgie aux ombres équivoques. Et, sur ce type de musique, les LCDi3 proposent un certain type de restitution, avec de l’assise dans le grave et une voix très présente — trop, peut-être — qui, selon les goûts, sera fort appréciée.

Et pour finir, puisqu’il n’est de meilleure compagnie qu’il ne faille quitter, je me suis offert l’écoute de l’Album de King Crimson enregistré lors d’un concert à Montréal en 1984: Absent Lovers. Ce live conclut, à mon avis, l’une des périodes de ce groupe déjà plus que cinquantenaire et à l’histoire complexe. La version du morceau Red proposée ici est, me semble-t-il, l’une des meilleures dans la discographie, pourtant plus que kilométrique, de ce groupe (ma discothèque comprend environ 190 albums et… je n’ai pas tout!). Quoi qu’il en soit, par rapport à mes habitudes d’écoute sur mon DAP, tant avec mes AKG N40 qu’avec mes casques ouverts habituels sur le iBasso, Sennheiser HD600 ou HD380, il me semble que le Médium/haut médium est très souligné, écoute un peu “en V”. Ce quand bien même cet enregistrement ne me paraît pas être un modèle du genre, en raison des conditions dans lesquelles il a été enregistré. J’ai donc tout de même tenté une comparaison en réécoutant le même morceau, Red, dans le Live in Vienna de King Crimson, enregistré en 2016 et sorti en 2018. À la comparaison directe, ce live plus récent pourra paraître plus “sombre” — il est à mon avis mieux “équilibré” que le précédent, tout en restant largement aussi intéressant. Et, certes, il “passe” mieux avec les LCDi3 que le disque précédent, plus vieux d’un tiers de siècle…

Je m’arrête là, non sans préciser que j’ai passé de longues heures d’écoute avec les LCDi3 de chez Audeze, malgré mon avis assez contrasté. Côté lumineux de la force, il y a l’assise dans le grave, qui est très bonne et probablement due à la technologie employée sur ce système.

Côté obscur de la force, je dois tout de même signaler, d’une part, un manque de confort à l’usage, tout en reconnaissant qu’il est sans doute fort lié à la morphologie de l’auditeur, donc, par essence, variable. Et, d’autre part, une écoute en V ou, si l’on préfère un soulignement du haut médium/aigu ou, pour le dire autrement, un médium en retrait par rapport à cette zone, comme par rapport à la très bonne assise dans le grave.

Mais j’ajoute que mes essais ont été réalisés exclusivement en liaison filaire, mon opinion étant que cette liaison devrait tout de même donner de bons résultats, à partir d’une certaine gamme tarifaire. Il est bien possible que les Audeze, en liaison Bluetooth, avec le module Cipher et ses DSP embarqués, proposent une restitution plus équilibrée: ce serait, dans ce cas, un exemple atypique d’intras haut de gamme destinés à être utilisés en liaison sans fil (donc en éliminant la question de la source et de l’amplification de l’équation) et chez soi…

 

Eric_dub
HCFR _ Octobre 2020

 

 

– lien vers le sujet HCFR dédié aux intras Audeze, LCD i3 : https://www.homecinema-fr.com/forum/casques-haute-fidelite/audeze-lcdi4-lcd-i3-test-hcfr-post-1-t30080715.html

 

 

 

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