Test HCFR Focal Utopia, casque audio

Test HCFR Focal Utopia, casque audio

Compte-rendu d’Eric_dub

L’utopia, Une utopie pour mélomane?

Dring!!! Petit colis, reçu de la part de l’Association des Membres HCFR contenant… un Utopia! Quand c’est comme ça, ça fait plaisir d’ouvrir au facteur.

Et donc déballage. L’Utopia est un très beau casque – qui pèse 480g (ce qui fait un certain poids: mais une fois bien réglé et mis en tête, le poids s’oublie et le son reste). Le coffret (à fermeture magnétique…) n’appelle aucune remarque (à part qu’il est volumineux). Le seul “détail” qui me chagrine vraiment, c’est la présence d’un seul câble, certes de 3m, mais à terminaison jack 6.35… Certes, la longueur y est, mais, pour ma part, je trouve qu’à ce tarif-là, il manque au moins une option à terminaison XLR 4 points (ou encore 2 XLR) –, et ce, sans compter une terminaison mini-jack symétrique pour les amateurs de DAP haut de gamme, dont le nombre est tout de même devenu significatif. En général, quand on achète du haut de gamme en casque, ça n’est pas pour le brancher sur la prise casque d’un lecteur de CD acheté au super marché du coin, à supposer qu’on en trouve un avec prise casque. Ça me paraît d’autant moins justifiable que les 80 Ohms de charge couplés avec une excellente sensibilité (104db pour 1mW à 1kHz) permettent d’envisager un nombre très élevé d’amplis et de sources pour tirer parti de ce produit.

Alors, oui, je sais, c’est un détail, et l’essentiel n’est pas là; mais je continue de penser que l’on devrait, au déballage, pouvoir profiter de toutes les options disponibles…

Amandine Beyer & Gli Incogniti - Vivaldi et CorelliMa première approche de ce casque (que j’avais déjà pu essayer longuement il y a quelques années, et plusieurs fois en passant dans tel ou tel magasin), a consisté à passer avec lui une (longue) soirée, entamée vers 19h avec un petit coffret de 4 CD par Amandine Beyer et Gli Incogniti intitulé Vivaldi & Corelli sorti chez Zig Zag Territoire (ZZT349) en 2014. Ce coffret, qui reprend des CD sortis entre 2006 et 2014, est toujours disponible, facile à trouver et peu onéreux (le catalogue de ZZT a été repris par Alpha Classics chez OutThereMusique. Bref, une petite merveille qu’on peut s’offrir pour une vingtaine d’euros, même si l’on peut trouver un peu excessif d’écouter ça d’une traite de 19h à minuit… Mais je trouve que c’est une manière (comme une autre) de se faire une idée sur les qualités d’un casque, d’autant qu’autant le dire, j’ai eu l’occasion d’aller écouter A. Beyer tantôt avec Gli Incogniti, tantôt avec sa sœur ou d’autres musiciens: je trouve que la musique baroque (que j’affectionne beaucoup) ne supporte pas la médiocrité et que, là-dessus, “tout s’entend”, pour le meilleur et pour le pire. C’est aussi pourquoi j’ai choisi, pour ce test, de n’écouter que de la musique dite “classique”, en me disant que si cela “passe” avec ce genre, cela devrait pouvoir passer avec tous les autres.

Les CD sont “dématérialisés”, comme on dit, lus sous Audirvana relié à mon combo DAC MSB Link III + RKV3, via un Streamer Pioneer N30 (branché par sa sortie numérique). L’écoute de type “immersive” présente cet avantage de donner le temps de s’habituer à un casque – ou pas, ce second cas étant tout de même rare. Certes, en général quand j’écoute longuement, je ne fais pas que ça. Je n’ai rien contre les écoutes religieuses ou paramilitaires, du genre au garde-à-vous, le cou bien tendu et on écoute en fermant les yeux (si possible on balançant son corps rituellement d’avant en arrière): chacun fait ce qu’il veut et on a l’activité sportive que l’on peut. Pour ma part, je préfère écouter (vautré) en lisant et lire en écoutant (vautré aussi). Cela permet aussi de repérer s’il y a un truc qui ne passe pas. En général je suis tantôt interpellé par la qualité de ce que j’entends: sur tel passage bien connu, je peux être saisi par la beauté de ce que j’entends, mais, plus souvent, arrêté par un truc qui accroche ou qui ne passe pas: “m’enfin, c’est quoi ça?…”

Côté qualités, avec l’Utopia, autant le dire nettement et tout de suite, quasiment tous les poids se retrouve sur le plateau “pour” de la balance. Ce qui frappe, en particulier, c’est de profiter d’énormément de transparence, de détail, de naturel et de facilité, avec un violon brillant et bien équilibré (or, je n’ai aucun doute sur la qualité de la prise de son, qui est très bonne).

Des passages très connus de l’Hiver de Vivaldi, par exemple, m’ont forcé à lever le nez en me disant que “là oui, on y est” — et même chose sur la “Symphonie” à Sainte Béatrice de Corelli que, pour une raison qui m’échappe, j’apprécie beaucoup… En revanche, il reste un petit détail qui me chiffonne, à l’issue de cette (trop?) longue écoute, un peu, juste un peu, mais quand même, de fatigue auditive et l’impression, aussi, d’une sorte d’insistance un peu répétitive dans le médium — certes, cela m’étonne un peu, mais c’est peut-être aussi (surtout?) une affaire de goûts personnels, ou d’habitudes tenaces, acquises à force d’écouter de la musique avec des casques comme le HD600 ou d’autres, comme l’Ergo AMT, plus “descendants” de réputation. Outre cela, ce n’est qu’un détail.

Deuxième et troisième sessions, avec un petit changement d’équipe, mais pas vraiment de style… Cette fois-ci, ce seront des SACD, lus par mon petit Yamaha CD-S2000, branché via ses entrées XLR (deux fois 15 mètres de câbles Sommer font le tour de la pièce, car j’utilise le même lecteur sur mon système principal) sur mon RKV3…

Jordi Savall Esprit d'Armenie (AVSA9892)

Jordi Savall Esprit d’Armenie (AVSA9892)

Avec, pour commencer Esprit d’Arménie de Jordi Savall et l’ensemble Hespèrion XXI (AVSA9892) et Bailar Cantando des mêmes, augmentés de la Capella Reial de Catalogne (AVSA9927). Pourquoi ceux-là et pourquoi toujours du Savall? C’est là que je vois bien, ami lecteur, que t’es jamais content: et d’abord parce que c’est plus du baroque, mais carrément de la musique du monde (donc, j’ai fait un effort)… Et ensuite parce que ce sont d’excellents albums. Esprit d’Arménie, à mon avis, ne manque de rien, et certainement pas d’une prise de son splendide, ce qui, s’agissant de tester un casque comme l’Utopia, n’est pas innocent. Je passe sur la longue présentation qui accompagne le disque, sur les attendus humanistes que Savall y développe, non sans signaler que l’album est dédié à Montserrat Figueras, son épouse, alors récemment disparue. De même, Bailar Cantando nous donne accès aux chants et danses des “couches populaires” (dirait-on de nos jours) vivant au Pérou fin XVIIIe siècle: le livret qui accompagne le CD explique dans le détail l’histoire du codex contenant ces chants, une très belle iconographie et le texte des chants accompagné d’une traduction que l’on peut suivre pendant l’écoute.

Jordi Savall Bailar Cantando (AVSA9927)

Jordi Savall Bailar Cantando (AVSA9927)

 

Avec cet album, rien de démonstratif, et des instruments non pas classiques, mais traditionnels, et des mélodies simples et envoûtantes, des percussions à la fois discrètes et subtiles. L’Utopia me semble reproduire cette musique de façon quasi parfaite, tout au plus l’arrivée d’un chant de viole dans l’aigu (plage 7) me fait-elle lever le nez, car l’instrument me semble un peu trop incisif ou brillant, pas assez “baroque” (comme si les cordes montées étaient des cordes modernes). Il se peut que je sois trop habitué à la signature de mon Kennerton Odin (accompagné de pads Dekoni et d’une légère équalisation), mais l’écoute de l’album de Bailar Cantando, elle aussi, me donne la même impression d’un peu trop de brillance (la plage 10, par ex., que je trouve assez exemplaire de l’ensemble).

 

J’ai donc procédé à une petite comparaison, entre mon Odin (avec ses pads, mais sans l’Eq, puisque la lecture se fait à partir de mon lecteur intégré) et l’Utopia, et oui, je trouve que le Focal en fait peut-être “un peu trop”, là où le Kennerton n’en fait sans doute “pas assez” (et subjectivement et objectivement, pas la peine de tergiverser, car les avantages et les inconvénients de l’Odin sont bien connus). J’ai donc changé de dispositif en repassant à une lecture via fichiers (depuis mon MacMini, en utilisant Audirvana + Voxengo, la transmission au couple MSB/RKV3 se faisant via le streamer Pioneer). J’ai commencé par raboter, à la louche, 2, puis 3db, d’abord entre 1000 et 1200 Hz: ce qui fait un petit changement, mais pas assez net à mon sens. Puis entre 800 et 1300Hz: je trouve alors le résultat plus linéaire et les instruments moins “modernisés” — mais avec un résultat un peu “terne” entre 1500 et 4000Hz, zone dans laquelle j’ai finalement rajouté 2,5db (je passe le détail, car le procédé prend du temps, puisque je fais la comparaison et la correction en utilisant des fichiers de fréquences pour “entendre” le plus ou moins de niveau de gain). Les puristes seront, je n’en doute pas, horrifiés par un tel tripatouillage, mais je me refuse à sacraliser le matériel, qui n’est qu’un moyen au service d’une fin. Il ne s’agit que de chercher à obtenir le résultat le plus favorable – favorable à la musique, et à ce que je peux savoir du “son des instruments”.

 

Jordi Savall The Celtic Viol (AVSA9865)

De ce point de vue, je suis ensuite revenu à un autre album de Savall, consacré à La Viole Celtique (AVSA9865), pour la bonne et simple raison que, même si je n’en possède malheureusement pas une version fichier highres, j’ai eu deux fois l’occasion d’entendre ce répertoire en concert (certes pas dans la salle où la prise de son a été effectuée). La comparaison entre les deux écoutes, avec l’Utopia équalisé (trop rapidement) et avec l’Odin (équalisé lui aussi), la donne change réellement, en tout cas pour moi. Car, il ne s’agit pas, de ma part, d’une approche “normative”. Ou bien l’Utopia propose une légère coloration par excès autour de 1kHz, suivie d’un petit tassement, ou bien c’est moi qui suis habitué à une coloration inverse (ou dont l’oreille est déformée, ou dont le goût est scabreux). Peu importe, car, l’important est, me semble-t-il, le résultat à l’écoute. Car, s’il est possible que le registre grave de l’Odin frappe plus, en raison de son caractère “organique”, mais celui de l’Utopia me semble à la fois plus net et plus modulé. D’autre part, si la scène sonore est bonne des deux côtés, celle de l’Utopia me paraît plus ample. Enfin, l’Utopia propose une aération et une transparence de très très haut niveau: je ne serais pas du tout étonné qu’à la mesure, les résultats soient très bons. J’avoue m’être, un moment, posé la question, comme on dit, de l’acquisition d’un casque Focal (Clear, Utopia ou Elear), pour y renoncer: mais uniquement pour des raisons de préférences personnelles et subjectives. Selon le goût de chacun, en procédant à un peu d’équalisation, ou en l’écoutant “nature”, voilà un casque qui permettra d’écouter n’importe quel disque de sa discothèque, sans aucune ombre au tableau, pendant un minimum de quinze années renouvelables!

 

 

Ivan Fischer Symphonie n°6 de Mahler

Ivan Fischer Symphonie n°6 de Mahler

J’ai, pour finir, passé un autre disque, la Symphonie n°6 de Mahler dans la version proposée par Iván Fischer chez Channel Classics Records en 2018: sur ce type de musique l’écoute proposée par l’Utopia est, cette fois-ci, hors du commun, à la fois en termes d’aération, d’ampleur et de naturel. Peut-être certains regretteront-ils une assise dans le grave un peu moins étendue vers l’infra-grave qu’avec certains casques de technique “orthodynamique”, mais le réalisme et la fluidité générale de la restitution font, selon moi, oublier ce point. Ce qui me fait conclure que ce casque saura satisfaire tous les amateurs de musique, d’abord utilisé directement et sans recours à d’autres artifices que ceux proposés par le matériel habituel. Et que l’on pourra, suivant ses goûts et la démarche que l’on privilégie, retoucher encore le résultat. J’ajoute aussi que, ayant fait aussi l’expérience de le brancher sur mon (tout) petit DAP (iBasso DX50), ce que j’ai entendu m’indique que c’est un casque qui peut évidemment bénéficier d’un très bon ampli casque, d’une source de haut niveau, mais qui peut aussi se “contenter” d’un matériel moindre sans, pour autant, démériter. Le tarif public de ce casque a donc beau être très élevé, il n’en reste pas moins qu’il peut, à lui seul (ou presque: il faudra tout de même des disques, un ampli, etc.), satisfaire et combler l’ami de la musique: et n’est-ce pas là, après tout, l’utopie que recherche tout mélomane?

Eric_dub
HCFR- Septembre 2019

 

 

– lien vers le sujet dédié au casque Focal Utopia : https://www.homecinema-fr.com/forum/casques-sedentaires/focal-utopia-stellia-clear-test-hcfr-elear-elegia-t30074075.html

 

 

 

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