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Du grain à moudre sur l'effet des hautes fréquences en audio

Message » 11 Jan 2023 0:03

L'influence des hautes fréquences (les fréquences radios et au-delà) sur les circuits électroniques est parfois avancée comme une cause possible pour expliquer des effets audibles ou des appréciations subjectives sur la qualité sonore produite par tel ou tel appareil d'une chaîne. Nonobstant les difficultés éventuelles à établir et à confirmer la réalité de ce qui est proclamé être entendu, surtout lorsque les effets audibles sont présentés comme étant subtiles ou délicats à décrire, ou bien lorsqu'ils sont évanescents ou circonstanciels, je n'ai jusqu'ici pu lire que des témoignages anecdotiques sur les effets de hautes fréquences supposées ou bien des hypothèses sur le mécanisme par lesquels ces hautes fréquences pourraient influencer la bande des fréquences irrévocablement audibles (20 Hz à 20 kHz).

Cependant, il y a quelques années j'avais pu noter l'apparition, dans certaines notes d'application et datasheets édités récemment par des fabricants de circuits intégrés, d'une spécification relativement nouvelle concernant des amplificateurs opérationnels (AOP) intégrés : le taux d'EMIRR (pour EMI Rejection Ratio), qui est donc un taux de réjection des modes communs (les signaux entre chacune des entrées d'un AOP et la masse) spécifiquement mesuré dans le domaine des hautes fréquences. Cette spécifications est applicable à certains AOP intégrés qui sont sensibles aux interférences radios-fréquences et voient leur tension d'offset varier en fonction du niveau et du spectre en fréquence de ces interférences. Des fabricants de circuits intégrés ont donc pu identifier un effet des hautes fréquences qui modifie un paramètre de fonctionnement de leurs AOP intégrés (tous ne sont pas égaux face à ce phénomène). Ceci étant, je n'évoque ce sujet que pour illustrer le fait que l'influence des hautes fréquences n'est ni un mythe, ni une simple hypothèse. Je ne prétends pas que le phénomène évalué par cette spécification particulière a nécessairement une importance en audio.

Mais il y a quelques semaines, je suis enfin tombé sur plusieurs documents publiés par des auteurs japonais qui ont clairement mis en évidence l'influence de hautes fréquences (de l'ordre du mégahertz à la centaine de mégahertz) dans la bande audio analysée à la sortie de différents amplificateurs de puissance. Le phénomène décrit dans ces documents n'a en soi rien de nouveau : il s'agit de mesures d'intermodulation en présence d'un signal composite de deux fréquences proches de même niveau. MickeyCam a longuement discuté de cette forme de distorsion d'intermodulation (et d'autres) dans un article et deux fils de discussion publiés sur HCFR, auxquels je renvoie pour plus de détails :

* Les distorsions d'intermodulation dans les amplis basse fréquence
* Discussion sur l'article sur les distorsions d'intermodulation
* Distorsions THD et IMD, la suite de la discussion

Si le phénomène décrit par les Japonais n'a donc rien de nouveau en lui-même, ce qui est, à ma connaissance, inédit, c'est la réalisation et surtout la publication de mesures d'intermodulation dans la bande audio à partir de signaux d'excitation de très hautes fréquences. Cela vaut donc la peine de s'arrêter sur ces mesures et leurs résultats pour en discuter.

Pour la suite, je vais m'appuyer sur l'un des documents que j'ai évoqués : The influence of non-audible plural high frequency electrical noise on the playback sound of audio equipment (2nd report), de N. Kimura et T. Yoshida (référence : IOP Conf. Series : Journal of Physics : Conf. Series 1234567890 1075 (2018) 012006 ; DOI : 10.1088/1742-6596/1075/1/012006). Ce document étant publié sous licence Creative Commons, je mets ce document, sans altération ni modification, en pièce jointe.

Voici des illustrations extraites de ce document pour aider à sa présentation.

Le dispositif expérimental utilisé par les auteurs est le suivant :

dispositif-experimental.png
Cliquez sur l'image pour l'agrandir.


Il n'y a rien de particulier à signaler : un générateur de fonctions arbitraires est programmé pour produire deux fréquences sinusoïdales qui sont mélangées pour créer un signal composite injecté directement dans l'entrée de l'appareil testé (représenté en couleur saumon), dont la sortie est observée au moyen d'un analyseur Audio Precision APx525, bien connu. Les deux fréquences sont choisies de telle sorte que l'intermodulation de second ordre produit une fréquence de 2 017 hertz, en plein dans le médium dans la bande audio. L'intermodulation que l'on qualifie d'ordre 2 est la fréquence qui correspond à la différence (en hertz) des deux fréquences du signal de test. L'atténuateur visible dans le dispositif avant l'appareil en test n'est utilisé que pour faire des mesures à différents niveaux de signal d'excitation. Les gains des différents amplificateurs sont alignés pour obtenir le même niveau de sortie de 0 dBV (1 V RMS) sur un sinus de 2 017 Hz.

Les auteurs ont testé six amplificateurs de marques et de modèles différents : trois amplificateurs linéaires et trois amplificateurs à commutation (c'est-à-dire des amplificateurs en classe D). Les marques et références des amplificateurs n'ont pas été divulguées par les auteurs. Ils ont effectués sur chaque appareil des mesures en faisant varier la première fréquence du signal composite de 0,1 MHz (100 kHz) à 100 MHz. Ils ont également procédé à des mesures à partir d'un signal composite avec une première fréquence déterminée en faisant cette fois varier le niveau du signal composite, de -35 dBV (17,8 mV RMS) à 0 dBV (1 V RMS).

Voici des extraits des résultats des mesures.

Ce graphique présente le niveau de la distorsion d'ordre 2 (la fréquence de 2 017 Hz) mesurée à la sortie de chaque amplificateur en fonction de la première fréquence du signal composite pour un niveau du signal de test de 0 dBV :

influence-hf-fonction-frequence.png
influence-hf-fonction-frequence.png (122.01 Kio) Vu 595 fois


A, B et C sont les amplificateurs linéaires ; D, E et F les amplificateurs en classe D. On peut constater que les comportements des appareils sont très variables et qu'il n'y a, apparemment, pas de comportement lié à une technique d'amplification en particulier. On peut aussi constater qu'avec un signal d'excitation de 1 V RMS, certains amplificateurs produisent, à certaines fréquences du signal d'excitation, une distorsion d'intermodulation supérieure à -40 dB (1 %), voir -20 dB (10 %).

Mais un niveau de 1 V RMS est plutôt très élevé pour des hautes fréquences. Les auteurs ont donc mesuré également les amplificateurs à différents niveaux de signal d'excitation. Voici un graphique qui synthétise ces résultats pour les trois moins bons amplificateurs selon la mesure précédente, le A et le C (amplificateurs linéaires) et le E (amplificateur en classe D ; il s'agit de l'appareil E précédent et non le F, qui est manifestement une erreur de typographie), chacun d'entre eux étant mesuré avec un signal composite dont la première fréquence correspond au pire cas précédemment observé :

influence-hf-fonction-niveau.png


Les courbes en pointillés sont les courbes moyennes déduites des points de mesure. On peut constater avec soulagement que la distorsion d'intermodulation diminue avec le niveau du signal haute fréquence. Pour fixer les idées, -20 dBV correspond à 100 mV RMS (ceux qui voudraient convertir les autres niveaux en dBV en V ou en dBu peuvent utiliser ce formulaire très pratique : https://www.pronine.ca/vdbudbm.htm ).

Quels enseignements préliminaires tirés de ces mesures inédites ? En fait, selon moi, elles ouvrent plus de questions que de réponses. Le mode d'injection du signal (généré directement à l'entrée des amplificateurs) n'est normalement pas représentatif d'un cas pratique réel (sous réserve de ce qui va suivre dans l'avant-dernier paragraphe). Mais avec les hautes fréquences, il faut se méfier : les voies d'entrées des signaux parasites sont parfois inattendues, cela d'autant plus qu'on monte en fréquences. Les niveaux des signaux d'excitation me paraissent tout de même très élevés (mais je n'ai pas de connaissance particulière sur la typicité de ce type de signaux). Ceci étant, il y a clairement un phénomène à observer et, éventuellement, à prendre en compte, et on peut se demander si des mesures de spécification ou de vérification de ce genre ne seraient pas une information utile pour apprécier la performance d'un amplificateur. En effet, tous les amplificateurs ne sont manifestement pas égaux devant les hautes fréquences, et cela indépendamment de la technique d'amplification employée. Enfin, ces mesures ont été réalisées avec un signal d'excitation en haute fréquence relativement simple. Qu'en est-il face à des signaux plus complexes, variables, ou à large spectre ?

Un dernier mot. Si, manifestement, tous les amplificateurs n'ont pas la même susceptibilité aux hautes fréquences, cela est sans doute dû à leur conception ou à leur qualité de fabrication, ou peut-être simplement à l'adhésion ou non à de bonnes pratiques par le concepteur ou fabricant. En général, il est recommandé de limiter la bande passante d'un amplificateur directement à l'entrée pour éviter, du moins atténuer, les éventuels problèmes apportés par les hautes fréquences. Était-ce le cas pour les amplificateurs qui ont été testés ? Plus généralement, le problème du monde audio(phile) est que beaucoup de conceptions mises sur le marché s'écartent des bonnes pratiques ou de pratiques communes pour d'obscures raisons, parfois irrationnelles en apparence. Cela n'est pas seulement vrai pour les amplificateurs. Si le niveau des signaux hautes fréquences qui a été employé pour le test parait très élevé et, en première analyse, peu typiques de ce qu'on peut rencontrer dans le monde réel (mais sans certitude de ma part), il ne faut pas oublier que certaines sources mises sur le marché de la "hi-fi" ont parfois des caractéristiques inhabituelles qui approchent ces niveaux. Sans nommer de marque, on peut par exemple se demander ce que produirait l'amplificateur C ci-dessus si on branchait dessus un convertisseur (DAC) sans filtre de sortie et, pire encore, sans filtre de sortie et sans sur-échantillonnage (les DAC dit "NOS"), ou une source alimentée en DSD avec un filtrage passe-bas inadéquat.

Il est peut-être grand temps d'investiguer plus en détail les performances des appareils analogiques lorsqu'ils sont soumis, volontairement ou involontairement, à des signaux en haute fréquence pour lever tout doute sur leur bon fonctionnement.
Fichiers joints
The_influence_of_non-audible_plural_high_frequency.pdf
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Scytales
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Message » 11 Jan 2023 0:20

Merci
Très interessant
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Message » 11 Jan 2023 1:33

Bonjour,

si influence de HF extérieure il y a, encore faut-il qu'il y ait une source d'émission permanente en porteuse pure ou modulée en analogique ou numérique de ces fréquences à proximité de chez soi
les sources puissantes sont les émetteurs de radio en PO et GO
mais elles ont toutes été arrêtées récemment, il n'y a plus d'émetteurs PO-GO en France, donc à éliminer (à par Allouis qui reste en émission sans musique)
perso, dans ma ville on a été emme*dés par un émetteur PO de France bleue pendant des années car à 1 km du centre ville avec 600 kW
et il faudrait être dans les parages, si on est près de sites de métallurgie, il peut y avoir des fours sur 13 et 26 MHz avec des kilowatts mais sans antenne et en principe blindés
les émetteurs ondes courtes existent, mais ils sont centralisés sur plusieurs sites, radiodiffusion, émission pour les sous-marins et autres, en général ils ont beaucoup de grandes antennes et sont dans des endroits isolés
au delà, peu d'émission de grande puissance avant d'arriver à la bande FM, là on peut avoir des soucis si on habite à moins de 500 m de ces sites d'émission
mais il n'y a aucune émission avec deux fréquences générées si proches l'une de l'autre, même sur des sites où cohabitent plusieurs émetteurs FM, il y a plusieurs centaine de kHz ou même de MHz entre eux
plus haut, tout ce qui émet n'est pas en émission permanente, avions, mobiles, navires, etc...
on arrive aux relais téléphonique, ils émettent en permanence avec quelques dizaines de watts sur plusieurs bandes de fréquences, 700,800,900 MHz, ensuite 1800, 2100, 2600 MHz et un peu plus haut
mais ce ne sont pas des porteuses mais des impulsions qui font des bzzz comme quand on a un tph près d'un appareil qui reçoit un appel
perso, j'ai un relais Orange dans mon jardin derrière la maison, distance environ 15 m avec mes installations rien constaté d'anormal
le Wi-Fi et le bluetooth, on oublie, c'est sur 2450 MHz, pas de porteuse mais des impulsions de dix millièmes de watt de puissance
pour voir si les amplis sont perturbés par les fréquences téléphonique, faire un appel avec le portable et le promener autour des appareil et écouter, à part du bzz bzz, je pense qu'il n'y aura rien d'autre
je peux montrer le spectre radio autour de chez moi, mais je ne suis ni en centre ville, ni entouré d'industries
tout ça pour dire que je suis sceptique comme une fosse...

Michel....
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Message » 01 Fév 2023 13:39

Merci pour tes lumières, Michel.

L'environnement d'émission radio ordinaire ne comporte donc quasiment aucune source de perturbation susceptible de produire des signaux avec des niveaux et des fréquences suffisamment proches les unes des autres pour produire de l'intermodulation dans la bande audio telle qu'elle a été observée sur certains amplificateurs.

Ce qui ramène donc la source de problèmes potentiels à des causes proches (dans l'environnement direct, chez soi), notamment des appareils mal conçus et/ou en panne, qui sont branchés directement sur les amplificateurs en aval de la chaîne. Je reviens sur l'exemple des convertisseurs sans suréchantillonnage et sans filtre de sortie, très à la mode dans certains milieux audiophiles. Une mode si tenace que même des fabricants sérieux offrent des options de supprimer le suréchantillonnage et/ou de diminuer l'efficacité du filtre passe-bas de reconstruction sur certaines sources numériques. Quid du contenu spectral du signal analogique à la sortie d'appareils de ce genre lorsqu'on l’observe dans les hautes fréquences ?
Dernière édition par Scytales le 01 Fév 2023 23:07, édité 1 fois.
Scytales
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Message » 01 Fév 2023 21:07

Bonjour,

et si on supprime les filtre de sortie HP sur les amplis classe D, on se retrouve avec des émetteurs grandes ondes autour des 400 kHz
et les câbles de HP comme antennes !

Michel...
MickeyCam
 
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Message » 01 Fév 2023 22:11

MickeyCam a écrit:Bonjour,

et si on supprime les filtre de sortie HP sur les amplis classe D, on se retrouve avec des émetteurs grandes ondes autour des 400 kHz
et les câbles de HP comme antennes !

Michel...


Ces filtres peuvent-ils être défaillants pour toutes sortes de raisons..? Et sans forcément produire de parasites ou pas évidant à déceler..?
wuwei
 
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Message » 02 Fév 2023 1:21

Non, je ne pense pas, c'est du gros fil sur des tores
il y a avec des condensateurs, tout dépend de leur qualité
maintenant, si c'est tiré au maxi à l'économie...
MickeyCam
 
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