L’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine se produisait au Palais des Sports sous la direction de Kazushi Ono. Au programme : d’abord la 31e symphonie de Mozart, dite « Paris », composée dans le style français à l’occasion du second voyage du prodige viennois dans notre pays. Ensuite, le concerto pour percussions et orchestre de Toshio Osokawa. Enfin, la symphonie numéro 4 de Robert Schuman.
Si l’orchestre réduit de la symphonie « Paris » ne sonnait pas vraiment bien dans l’acoustique ingrate du Palais des Sports, la 4e symphonie de Schumann, aux effectifs plus amples et généreux, a été l’occasion de révéler dans les mêmes conditions difficiles le sens esthétique certain du chef japonais.
Le clou du concert était cependant le concerto pour percussions du Japonais Toshio Osokawa. Dans cette œuvre, la vue participe au spectacle autant que le son, car la performance musicale du soliste ne peut s’obtenir que grâce à une dépense physique intense. Isao Nakamura a fait plus que réussir honorablement son exhibition : il a largement contribué a enflammé la plus grande partie de la salle. Je dis la plus grande partie seulement, et non toute la salle, car si le public n’a pas ménager ses applaudissements, quelques trop nombreux spectateurs n’ont pu retenir quelques ricanements
malvenus face à la mise en scène et aux attitudes imprégnés par la culture orientale du percussionniste.
Habituellement, lorsque la musique s’élève au-dessus du silence, je ferme les yeux et je me laisse baigné par ses vagues. Mais dans le cas présent, mon regard a été captivé par les gestes qui font naître les sons. Il est stupéfiant de constater quel éventail de timbres l’on peut tirer de peaux tendues ou de surfaces de métal en variant simplement la façon de les frapper, de les caresser, de les effleurer… Plat de la paume, tranchant des doigts, coudes, frottements de doigts humectés de salive, baguettes de toute taille nanties ou non de maillets de différentes constitutions, racloirs passés sur les gong, …
Isao Nakamura ne se ménage pas, court d’un coin à l’autre de son pupitre au milieu d’un bosquet d’instruments de toutes tailles, joue d’eux en extension. Il donne de sa personne : souffle sur des clochettes pourvues d’éventails, siffle, chantonne parfois.
Derrière lui, l’orchestre tisse une enveloppe sonore chatoyante qui mime une nature tantôt vivifiante, tantôt bucolique et apaisante. Ono a souhaité immerger les spectateurs dans un environnement sonore familier. Aussi, des joueurs de trombones sont-ils disposés parmi le public au quatre coin de la salle. Ils confortent l’orchestre, enivrant les sens auditifs par un tourbillon sonore venant de tous côtés ou soufflent à vide dans leurs instruments pour simuler le murmure du vent avec les contrebasses jouées sur leurs harmoniques.
Après une longue et impressionnante cadence, l’orchestre s’épanche et s’apaise sur un pianissimo qui n’en finit pas de faiblir jusqu’à l’inaudible pendant que Nakamura descend dans le public, avec des clochetons à la main.
Nakamura, Ono et l’ONBA ont gagné un succès d’estime mérité. Le percussionniste a remercié le public avec une improvisation décapante dans laquelle, là encore, il n’a pas ménagé sa personne, chantonnant, criant sur la membrane de ses tambours !
Cascade d’applaudissements pour saluer une esquisse de cet orient qui a pris ce soir-là des accents si proches de notre univers habituels. C’est la magie de l’universalité de la musique.
