Plus une oeuvre est grande et plus elle supporte des lectures différentes. L'idée même qu'un seul interprète domine tous les autres n'est recevable que dans deux cas :
- il est le seul à avoir enregistrer l'oeuvre
- il ne sont pas nombreux du tout et il s'impose réellement car les autres se sont plantés !
Seulement voilà quand il s'agit des symphonies des grands compositeurs dont il existe des dizaines de versions, c'est pas défendable sauf à titre personnel, mais cela n'a pas de portée "universelle".
Raison pour laquelle, je suis totalement en phase avec Gilles quand il écrit ceci :
il faut toutefois se méfier de la passion que l'on peut avoir du style de direction d'un grand chef.
Habitué à ses façons d'articuler, de faire phraser certains pupitres (les cordes) d'équilbrer certain groupe (petite harmonie), toute autre interprétation devient presque inacceptable ou du moins parait décalée par rapport à ce que l'on attend inconsciemment (même avec la partition sous les yeux).
Le paradoxe peut même être parfois qu'un interprète plus précis, plus proche du texte puisse être jugé inférieur de façon personnelle à un qui serait moins fidèle.
Souvenir récent d'avoir révisé un jugement laudateur d'une interprétation d'une symphonie de Schumann qui est tellement forte émotionnellement que jamais je n'avais entendu que le chef faisait... Justement au cours des passages les plus émouvants... rigoureusement le contraire de ce que le compositeur écrivait...
Mais oomme tout cela est compliqué : rien ne dit que Schumann n'aurait pas aimé ! Des compositeurs plus proches de nous ont ainsi adoubé des interprétations qui divergeaient avec ce qu'ils avaient voulu...
Quant à Karajan : le détester a été la tarte à la crème chez certains mélomanes branchés. Mais il a occupé une place tellement prééminente qu'il n'était pas bien grave et plutôt sain de lui voler un peu dans les plumes. Mais fallait alors argumenter un peu plus que dire qu'il était "jet set" !
Alain
