Mange disque audiophile Dingleton MD70On ne présente plus aux connaisseurs la vénérable maison Dingleton. Un simple coup d’œil sur le minitel (3615 Dingleton) nous apprends que, basée en Irlande du nord cette société est réputée pour faire preuve d’avant-gardisme dans tous les domaines, même musicaux. L’année dernière ils nous surprenaient avec le grandiose K7-AB, un lecteur (et enregistreur !) de K7 audio mono et les revoici sur le devant de la scène avec un nouvel appareil révolutionnaire : le MD70… M comme Mange, D comme Disque.Sur le papier, les caractéristiques sont effectivement alléchantes : coffret en plastique moulé, 45 tours/minutes, haut-parleur intégré, éjection automatique, touche ON/OFF, volume de 0 à 10, réglage des aigus et des basses couplés, prise 220 volts, rallonge de cent mètres et surtout, point non négligeable : une distorsion non mesurable !
Certains de nos lecteurs seront dubitatifs sur la technique employée. Nous ne sommes encore guère habitués à utiliser ces nouveaux supports mais, selon les ingénieurs de Dingleton, le vinyle enterrera bientôt les archaïques enregistrements numériques (CD, DVD, clé USB, Ipod etc). Pour le moment, le catalogue d’artistes est encore confidentiel mais dans un avenir proche il devrait s’étoffer. On parle d’une intégrale Joe Dassin dans les prochaines semaines qui pourrait bien bouleverser la donne. A suivre…
Il lui restait à franchir le test de nos oreilles de mesure et le résultat est époustouflant quoique mitigé (voir le chapitre réserve de nos petits bémols). Banc d’essai exclusif.
Philosophie générale :Le Dingleton MD70 est donc un équipement autonome, transportable et réellement complet. Pour faire simple, une galette est insérée dans une ouverture, puis happée par un mécanisme complexe qui tourne à la vitesse de 45 tandis qu’un bras se pose sur un genre de sillon creusé dans une matière noire, le vinyle. Le Saphir fait un tout petit bruit et la partie amplification se charge de l’augmenter pour alimenter, via deux câbles, un haut-parleur de 7 cm bien caché dans le plastique. Il y a encore quelques années ce type d’équipement pesait 130 kg (nom de code : juke box portable) mais grâce au progrès de la miniaturisation et aux économies d’échelle, le microsillon, longtemps dévolu au seul secteur professionnel pourrait bien envahir les oreilles du grand public.
.Nous sommes loin du « plug and play » mais très proche du « what you want, here it is ». Comprendre que les ingénieurs ont devancé nos envies et tout prévu pour que le plaisir audiophile soit immédiatement au rendez-vous, et ce, quel que soit l’utilisateur final, l’endroit ou le moment. Un enfant de 40 ans pourrait s’en servir. Le maniement est très convivial et instinctif. On branche la prise (fournie !!!), on insère un support audio rond (fourni aussi !!!)et Joe Dassin pénètre vos oreilles. Joli tour de force quand on connaît sa taille.
Le mode d’emploi, malheureusement en patois irlandais, consacre dix pages à tous les lieux où vous pourrez à présent écouter de la musique si vous habitez au centre ville de Belfast. Un vieux rêve de l’homme est devenu réalité : s’affranchir de la distance. Grâce, et il suffisait d’y penser, à une poignée (un genre de cavité dans laquelle on peut glisser sa main) et un très long câble (cent mètres) qui s’enroule sur lui-même. Un très bel exemple d’intégration !
Audition A en chambre sourde :Souvent, lorsque nous testons un nouvel appareil, nous sommes obligés de le coupler à d’autres pour obtenir de la musique. Au final, nous ne savons plus si c’est le câble, l’amplification, la pré-amplification, les enceintes, la platine CD ou le disque que nous testons. Cette époque est révolue ! Le Singleton MD70 réduit les supputations : le résultat audible, c’est lui, le disque ou nos oreilles. Première surprise. D’habitude dans cet endroit, en hiver, la musique paraît toujours un peu froide, et là, mystère du plastique moulé, nous entrapercevons immédiatement une chaleur qui n’est pas sans rappeler les meilleures productions à tubes, ou les radiateurs, au choix. La voix de Joe se détache nettement de la guitare électronique et le départ de son chant coïncide bien avec le début du premier couplet. Ce test est redoutable, mais ici le matériel est bien au service de la musique et non l’inverse comme dans beaucoup de réalisations tapageuses concurrentes dont nous tairons le nom par pudeur commerciale. La spatialisation est excellente et les Clodettes semblent réellement entourer Joe Dassin, ce qui nous surprend quand même un peu. Perplexes, nous préférons arrêter le test pour nous interroger.
Audition B en extérieur :Rendez vous sur le trottoir dans le parc qui jouxte nos laboratoires. Deuxième surprise, le constructeur annonce un câble secteur d’une longueur maxi de100 m. Nous le mesurons et confirmons la véracité : mieux, en tirant un peu, nous arrivons à 105 qui est un chiffre exceptionnel. Nous insérons le disque de Joe Dassin, appuyons sur « on ». Rien. Après vérification, nous constatons que la prise s’était désolidarisée du secteur. Nous décidons d’en rester aux spécifications du constructeur (100 mètres maxi) et de ne pas pousser le Dingleton dans ses derniers retranchements du moins avant d’avoir correctement rôdé les composants. Contrairement à l’écoute en chambre sourde, Joe Dassin semble moins –enfermé- . Difficile de quantifier mais c’est un peu comme si le champ de vision s’élargissait sur trois dimensions. Au loin, on discerne nettement le clocher d’une église qui nous avait complètement échappé lors de la première écoute. Les Clodettes ont disparu et Joe semble plus ému. Sa voix chevrote. Troublant de réalisme…
Petit bémol : Retour au laboratoire. Quoique d’une construction exemplaire par ailleurs, nous avons eu beaucoup de mal à ouvrir le boîtier pour y insérer nos appareils de mesure. Aucune vis, aucun écrou. La coque est fortement collée aux endroits stratégiques et nous avons dû « ouvrir » le Dingleton en insérant une fourchette dans le seul endroit accessible : la fente centrale. Habitué aux mécaniques d’exception, nous avons fait levier, à la manière des ostréiculteurs. Avec un peu doigté, l’opération se révèle finalement assez simple, à condition de ne pas atteindre trop d’éléments fragiles durant la manœuvre. Pour une personne non méticuleuse, changer le saphir pourrait néanmoins vite se transformer en aventure périlleuse.
Une fois ouvert, nous nous retrouvons avec une quantité assez impressionnante de rouages, petites tiges et ressorts sur le sol. On aperçoit également un élastique noir assez large qui nous prouve ce que nous pressentions : le Dingleton MD70 est un modèle à courroie, gage de qualité. A première vue, tous les éléments semblent de bonne facture, surtout les petites billes.
Dans l’état, la distorsion n’est pas mesurable et correspond donc en tous points à ce qui était inscrit sur la notice du produit. C’était déjà le cas avec le magnétocassette K7-AB de la marque que nous avions eu tant de peine à ouvrir. Il convient de saluer ces entreprises qui communique des valeurs que nous retrouvons effectivement en laboratoire. Pas d’esbroufe, juste de la vérité.
Conclusion :Pour moins de 7000 euros, et à condition d’investir dans un bon couteau à huîtres, le Dingleton MD70 réussit haut la main un doublé étonnant : une solution complète avec les avantages du transportable. Nous ne voyons pas, à l’heure actuelle, un matériel capable de rivaliser avec lui. Difficile de le mettre en défaut, tout au plus pourrions nous lui reprocher de légèrement sur-évaluer les enregistrements (voir la note sur les clodettes et l’émotion dans la voix de Joe Dassin en extérieur). Nous relativiserons en rappelant que c’est un moindre défaut et sans commune mesure avec la froideur numérique à laquelle nous sommes habitués avec les anciennes techniques. Son succès sera toutefois fortement dépendant des sociétés éditrices de musique. Sauront-elles relever le défi et proposer au mélomane un catalogue divers et variés des oeuvres des Joe Dassin. Réponse dans quelques semainesNote 9/10