» 27 Mai 2019 17:11
Il y a tout un sous-genre dans le porno où l'on a une "débutante" qui passe un casting pour être modèle, et à qui on propose incidemment pendant l'entretien de filmer une scène hard. On peut aimer ou ne pas aimer, mais il se trouve qu'il y a en fait deux types de studios qui proposent ça.
Les premiers prennent des jeunes femmes qui ont concrètement déjà décidé de tenter leur chance dans le X (webcammeuse qui veut en faire plus, stripteaseuse, etc.) et leur font une offre ($$$) en rapport avec le fait que ça soit une de leurs toutes premières scènes, voire leur première. Ça représente 90 % de ce type de scènes.
En face, il y a quelques sites, où une partie des filles croit au départ sincèrement faire un shooting banal, sans rien de pornographique. On leur propose une fois arrivées sur place de tourner la scène ou de rembourser les frais, on leur fait fumer un joint ou on met un cachet dans un verre, on leur promet que le résultat ne sera jamais vu dans leur pays, mais sera diffusé chez des collectionneurs en Australie sous forme de DVD, on leur donne le numéro de quelques anciens modèles qui n'ont jamais eu le moindre souci après leur scène, etc. Et on ne leur donne évidemment pas le temps d'étudier leur contrat. Et, bien sûr, deux mois après, un type de leur lycée les reconnaît et en informe les réseaux sociaux.
Je n'invente rien du tout, il y a un procès en cours aux USA contre un site assez connu dont c'étaient les méthodes (et qui va certainement devoir arrêter ses activités), et ce sont des pratiques courantes pour d'autres en République tchèque ou en Russie, là où l'application de la loi est assez laxiste. Les femmes hésitent évidemment à porter plainte, de peur d'affronter une grosse entreprise (souvent liée à la pègre à l'Est) et d'être encore plus humiliées (ce qui est à la base le fond de commerce de ces sites de casting en question).
Je ne sais pas, mais il me semble qu'il y a une énorme différence éthique et légale entre les deux. Dans un cas, on a quelqu'un de pleinement consentant à faire des choses que "la morale réprouve", de l'autre on manipule quelqu'un, on le laisse dans le flou et des approximations, histoire d'arracher sa décision. On peut ensuite arguer que les deux participent au relâchement des mœurs, mais il y en a au moins un qui est un comportement criminel.
Dans la production télé ou ciné d'aujourd'hui (je ne parle pas du monde du X), il y a un poste en voie d'apparition, coach ou coordinateur d'intimité. C'est l'équivalent, pour les scènes de nu ou de sexe, du superviseur des cascades pour les scènes d'action. Il joue le rôle de médiateur entre les acteurs et le réalisateur, histoire que tout le monde soit bien à l'aise avec ce qui doit être fait dans la scène, pas de censurer ce qui se passe, simplement s'assurer que le réalisateur ne fasse pas de changement de dernière minute destiné à manipuler par exemple son actrice (comme Bertolucci avec Maria Schneider ou Kechiche sur son dernier film), parce qu'il y a concrètement un rapport de force très inégal entre un réalisateur reconnu et une actrice débutante.
Il y a eu ça sur la saison 2 de The Deuce, il y aura ça sur le prochain James Bond (alors qu'il n'y a sinon aucun risque d'avoir une séquence particulièrement crue à l'image), il n'y a pas eu ça sur la série SMILF, où une des actrices a dénoncé le comportement de la créatrice. Elle avait apparemment tendance à changer ses scènes de nu à la dernière minute, dans un sens bien plus dégradant pour le personnage de l'actrice, et à laisser un retour moniteur des caméras à l'extérieur du plateau, là où on doit normalement travailler avec une équipe réduite et en circuit fermé.
Je ne doute pas que Brisseau souhaitait consciemment saisir le désir féminin à l'écran et en faire le sujet de ses films. Mais il est également clair que le type franchissait des dizaines de lignes jaunes pendant la préparation de ses derniers films, au point où il était certainement incapable de déterminer où s'arrêtait la recherche artistique et où commençait son plaisir personnel. Le mec a concrètement dérapé, et l'argument de ses supporters au sujet de sa démarche en tant qu'auteur a ses limites.
Moi, en tout cas, ça me dérange moins de voir L'Empire des sens ou un autre film avec des scènes non simulées mais où tout le monde était pleinement consentant, que la deuxième moitié de la filmographie de Brisseau, même si les actes sexuels y sont simulés, parce que je sais concrètement qu'il a exploité et forcé plusieurs actrices, même si elles ne sont pas dans le film.