[Ep.III] Igor Kirkwood : Les écoutes
Les impressions de Scytales
Avant de décrire mes impressions sur le son de la chaîne d’Igor Kirkwood, je voudrais revenir et insister sur une expérimentation qu’il a menée en notre présence en coupant toutes les voies du filtre actif des enceintes sauf une, alternativement sur chacune des voies.
Le disque de voix et d’orchestre utilisé lors de cette expérience permettait d’apprécier, avec des sons à la fois relativement familiers et très variés, l’importance relative de chacun des haut-parleurs des enceintes Yamaha NS-1000 et du caisson dans la restitution d’un son d’une qualité subjective suffisante.
Cette expérience était d’autant plus intéressante qu’il est rare pour un amateur de pouvoir la mener.
Bien sûr, il convient d’en pondérer les conclusions, puisque les haut-parleurs et les fréquences de coupure retenues sur la chaîne de Igor Kirkwood ne sont pas nécessairement représentatifs de tous les transducteurs du marché et de leur emploi dans une enceinte.
Néanmoins, pouvoir entendre et constater in situ que les hauts-parleurs des voies médiums véhiculent à eux seuls la presque totalité du son est une expérience des plus rafraîchissante.
Par comparaison, les voies d’extrême-grave (caisson) et d’aigu (tweeter) ne véhiculent que des sons de très faibles niveaux.
L’importance relative de la voie d’extrême-grave par rapport à toutes les autres a pu être apprécié en la coupant de temps en temps sur un programme musical.
La voie d’extrême-grave apporte tout autant sinon plus à la richesse des timbres qu’au poids (la puissance, le coffre) des sons.
L’écoute d’un disque de piano (Calliope – Chopin – Nocturnes – Amoyel) est particulièrement révélatrice des qualités de la chaîne d’Igor Kirkwood : les attaques de note sont reproduites sans inertie, avec une grande netteté et sans dureté, et la résonance des notes est d’une grande richesse harmonique avec beaucoup de poids, et pas seulement les notes graves.
Il ne semble y avoir aucune mise en avant de telles ou telles fréquences ; l’équilibre de la chaîne me paraît très bon.
L’image sonore est stable et ne présente pas de déformations : on assiste vraiment à l’événement sonore qui se produit devant soi, en réduction, certes (la pièce d’écoute est de taille modeste), mais avec des proportions homothétiques à l’image que j’ai d’un récital de piano produit dans une salle de concert adaptée.
J’insiste particulièrement sur la netteté sans dureté des attaques, car c’est en définitive un aspect auquel je suis particulièrement attaché, et auquel j’associe (à tort ou à raison) le caractère vivant que je peux prêter à la reproduction sonore (l’importance que j’attache à ce facteur n’est, je crois, pas étranger à mon propre choix d’enceintes).
Pour illustrer encore cet aspect, j’évoquerai la démonstration spectaculaire de la première scène du film The Dark knight – Batman (la chaîne d’Igor est aussi un instrument de divertissement pour visionner des films !).
A haut volume, il est vrai, les déflagrations des coups de feu et les autres effets sonores sont effrayants, tant ils sont reproduits avec puissance, sans pour autant devenir agressifs.
Le niveau sonore n’était pas nécessairement excessif, car les voix humaines sur les dialogues ne me paraissaient pas irréalistes et n’étaient en tout cas pas déformées.
La profondeur de l’image et son ampleur subjective sont sans communes mesures avec ce que les dimensions de la pièce pouvaient laisser présager.
Il est en de même sur une scène du film Ludwig Van B.
La reproduction multicanal du son me démontre là encore une fois sa nette supériorité intrinsèque sur la reproduction du son en stéréophonie sur deux canaux principaux (même avec l’apport d’un caisson).
L’un des disques à la fois les plus impressionnants et les plus intéressants que j’ai écouté : Jade – Christus Rex chant grégorien – Hervé Lamy.
Notre hôte nous a expliqué que ce disque a été enregistré dans l’abbaye de Frontfroide, qui a une acoustique particulièrement longue (plusieurs secondes).
Un mot pour mettre mes impressions en perspective.
Mon expérience avec les disques enregistrés dans des acoustiques naturelles très longues a souvent été difficile (RCA Red Seal – 8e symphonie de Brucker – Günter Wand – enregistré dans la cathédrale de Lübeck ; Archiv – Missa Saliburgensis – Paul McCreesh – difficulté de prise de son renforcée par le placement de plusieurs groupes instrumentaux ou vocaux en différents endroits de la cathédrale de Salzbourg ; disque non testé chez Igor Kirkwood, mais donné à titre d’exemples).
En effet, avec une chaîne présentant un mauvais équilibre ou lorsque la distance d’écoute n’est pas optimale, il arrive que le son et l’image sonore issus de tels disques deviennent brouillons.
Chez Igor, rien de tel lorsque l’on écoute cet album Christus Rex.
L’intelligibilité des voies est excellente malgré la réverbération très longue, admirablement captée par la prise de son.
L’audition de musique de qualité dans une acoustique à la fois longue et belle est toujours un moment de grande exaltation pour moi, mais les opportunités de bénéficier de conditions aussi favorables sont rares.
Grâce, à la fois, à un disque gravé à partir d’une prise de son d’une telle qualité et à la mise en œuvre manifestement très réussie de la chaîne d’Igor, il est possible d’obtenir une représentation très convaincante et très plaisante d’un chœur chantant dans une acoustique naturelle de très grand volume.
Je remercie très sincèrement et de façon tout à fait spéciale Igor Kirkwood de m’avoir accueilli, ainsi que mes compagnons, lors de cet après-midi.
A titre personnel, cette visite a en effet été pour moi l’opportunité de découvrir les bienfaits d’une approche certes complexe de la reproduction sonore, mais qui apporte des possibilités qui dépassent largement presque tout ce que j’ai pu entendre en simple stéréophonie ou en multicanal de type homecinema conçu autour de produits de grande diffusion.
L’expérience dont Igor Kirkwood m’a fait profiter a été un élément déclencheur décisif pour prendre plusieurs décisions cruciales pour modifier en profondeur ma propre installation de sonorisation.
Je crois que je n’ai rien de plus à dire pour exprimer mon opinion sur la qualité et les performances de l’installation d’Igor Kirkwood.