
Ce qui frappe quand on regarde un film de Sion Sono c'est cette singularité, cette liberté de ton et cette impression de "jamais vu". Sion Sono c'est la chance de voir un truc unique, souvent complètement taré mais aussi d'une profondeur et d'un lyrisme qui peut vous foutre les larmes aux yeux. C'est le dernier grand punk du cinéma qui a profondément envie d'en découdre avec la société japonaise tout en donnant son sens au mot catharsis. Ce type aime filmer le chaos, la démence, l'ultra-violence, le surréalisme tout comme la poésie, la comédie, l'amour et la tendresse. C'est ce mélange qui fait tout le sel de son cinéma.
Il s'est fait connaître en France avec le barré Suicide Club qui reste potentiellement à ce jour son plus connu (et célébré ?). La scène d'intro mémorable où des milliers de lycéennes se suicident en joie sous le métro est déjà un bon indicateur pour cerner Sion Sono. Un film désenchanté qui oscille entre kitsch, satire et surréalisme. Une bonne porte d'entrée.

Mais le gros morceau de sa filmo, le film qui faut voir pour le percer et vivre ce que j'appelle une "expérience de cinéma ultime" c'est Love exposure.
Film qui commence enfin à se tailler une sacrée réputation depuis qu'il a été édité chez HK dans une superbe édition dvd/blu-ray que je conseille à TOUT LE MONDE de se procurer.
Quand je l'ai découvert il y a 3 ans maintenant, ça m'avait tué sur place. Déjà il y a sa durée : 4h. Oui 4h. Ça peut rebuter et pourtant le film a un rythme d'enfer qui je vous assure ne faiblit que rarement. Ce film contient tout ce que le cinéma doit contenir et être. C'est le film d'amour ultime, une énorme comédie (très typée japonaise évidemment), un drame bouleversant, un pur manga live et parfois un film d'horreur dérangeant. Tout est là. Une claque démentielle.
Mais Sion Sono c'est d'autres films qui vont loin dans la folie, même Lynch n'irait pas aussi loin. Il y a Strange Circus qui est son film le plus cauchemardesque et dérangeant. Il y a Cold Fish qui brise le cocon familial dans un maelstrom là encore d'ultra-violence (le final est tellement dingue). Guilty of romance film miroir de Cold fish sur une femme là qui essaye de s'émanciper du pouvoir patriarcal et bascule dans une spirale infernale. Certaines séquences m'ont marqué à vie, l'autre grosse claque avec Love exposure.
Sion sono c'est aussi quelques drames réalistes très beaux sur Fukushima comme Himizu ou Land of Hope, j'aime moins quand il est dans le classicisme "sage", mais ça l'empêche pas d'être brillant.
Tout récemment il est devenu prolifique en enchaînant quelques perles qui montrent là encore que sa rage ne s'arrête jamais. Que ce soit le manga live Tokyo Tribe (édité chez Wild side) feu d'artifice déchaîné d'un monde futuriste déglingué (une idée fucked up à la seconde) ou son jouissif Why don't you play in hell qui là encore derrière le délire potache contient une mise en abyme profonde sur le cinéma. On est constamment surpris par sa façon de se renouveler, d'inventer des formes, il a tellement d'idées.
Hier j'ai pu voir une autre adaptation d'un manga Tag the chasing world qui m'a foutu là encore une sacrée claque. Imaginez un épisode de Black Mirror mixé à la Quatrième dimension réalisé par un Lynch élevé aux mangas et vous aurez peut-être une idée de l'objet. Il est toujours marrant de constater que derrière le côté fun décomplexé se cache un propros, une tragédie et une idée très forte. Un film très pessimiste sur ce besoin fondamental de liberté qui parcourt toute l'oeuvre du réal.
Il y en a d'autres évidemment mais là vous avez l'essentiel à découvrir.