Jean-Pierre Lafont a écrit:Il est temps, en ce qui me concerne, de faire une synthèse et d’apporter une conclusion à ce que j’ai écrit ces derniers mois concernant le système Dolby Atmos. Ensuite, je surveillerai moins le sujet.
Au mois de Mai dernier, bien avant l’annonce par Dolby de l’arrivée de la version grand public, un distributeur, sans doute visionnaire, me demandait :
"tu penses qu’on peut envisager un Atmos dans un appartement ? ". Connaissant l’énorme machine qu’est la version professionnelle, je répondais :
"et pourquoi pas un circuit de moto, tant qu’on y est". Cependant plusieurs rumeurs couraient. Début Juin, je prenais contact avec Dolby qui me confirma n’avoir aucun projet dans ce sens. Menteurs ! Fin Juin l’annonce officielle était faite.
Comme tout le monde, j’ai découvert les premiers dessins montrant la version domestique de l’Atmos, avec un nombre de sources limité et des faisceaux sonores réfléchis par le plafond. N’y trouvant aucune similitude avec la version pro et devinant quelques carences évidentes, j’ai écrit dans HCFR
"ça ne marchera jamais". Avis appuyé par Marc Mame qui connait bien le sujet et aussi par les techniciens Dolby qui installent l’Atmos. Qu’en est-il aujourd’hui ? La théorie est une chose, l’expérience en est une autre. J’ai beaucoup appris ces derniers temps, le bon et le moins bon.
Le principe de l’Atmos, qui consiste à préserver les ambiances diffuses et y ajouter des objets sonores, fixes ou mobiles pouvant être placés n’importe où dans l’espace, sans altération du niveau sonore et du timbre, est excellent.
La version professionnelle est assez proche de cet idéal. Les limitations techniques sont davantage d’ordre acoustique et architectural, mais l’électronique fonctionne plutôt bien. Le seul point faible vient à mon avis de l’utilisation des effets sonores, notamment au mixage. Face à ce nouveau jouet, les ingénieurs du son se sentent obligés de mettre des objets plus ou moins crédibles un peu partout et dans tous les sens. Mais ce n’est qu’une question d’apprentissage et de maturité. Laissons passer la découverte et le temps faire son travail.
De prime abord, la version grand public est surprenante à bien des égards. D’abord, budget oblige, elle parait squelettique comparée à sa grande sœur. Comment va-t-on obtenir des effets comparables avec 5 à 8 fois moins d’enceintes ? Bien sûr, les volumes sont plus petits mais un angle reste un angle. Quand vous placez une enceinte tous les 15 degrés il faut toujours 24 enceintes pour faire le tour de la pièce, qu’elle soit grande ou petite.
Premier problème : l’homogénéité du champ sonore.
Dans un cinéma traditionnel configuré en 5.1, on trouve 3 enceintes en façade et X enceintes surround, le nombre pouvant dépasser 30 ou 40. Malgré leur nombre impressionnant, les enceintes surround ne diffusent en tout que 2 canaux. Les niveaux sonores sont équilibrés pour que les spectateurs reçoivent la même quantité d’énergie sonore de chaque canal.
Mais le concept ne s’arrête pas là. Quand, à l’aide d’un joystick panoramique, on fait circuler un signal unique d’un canal à l’autre autour de la salle sur 360°, le niveau sonore doit rester constant +/- 3dB pour tous les fauteuils, quelle que soit la position du signal. Il est évident qu’en 7.1, le positionnement du signal sera plus précis, mais cela ne change rien à l’uniformité du champ. On obtient cette uniformité par le nombre et le placement judicieux des enceintes, épaulées par le traitement acoustique. Côté calibrage, on ajuste pour que la variation mesurée entre 400Hz à 8kHz dans un sweet spot situé au 2/3 à l’arrière de la salle reste inférieur à 0,5dB quand on envoie 50% du signal simultanément dans deux canaux adjacents.
La recommandation THX pour les home-cinémas est la même que décrite ci-dessus. On y arrive avec des enceintes dipôles hyper ajustées (nombre, placement et réglages) ou plus facilement avec un réseau d’enceintes éventuellement décorellées.
Par contre, il est rigoureusement impossible d’atteindre ce résultat avec des enceintes directives, écartées et dirigées vers les auditeurs. C’est pourtant la configuration que propose Dolby pour l’Atmos grand public. Regardez l’illustration de mon post précédent. Comment voulez-vous qu’un objet sonore qui se déplace entre l’enceinte de façade R et l’enceinte surround SR conserve un niveau sonore constant durant toute sa transition? C’est impossible et les démos auxquelles j’ai assisté l’ont confirmé.
Deuxième problème : la spatialisation des objets.
La stéréophonie consiste à placer l’image virtuelle d’un objet sonore dans l’espace. Une stéréophonie à deux canaux placera l’objet sur une ligne reliant les deux enceintes. Avec trois canaux, l’objet sera contenu dans le triangle formé par trois enceintes, etc. Il est facile de prédire avec précision le positionnement de l’objet quand les enceintes sont à égale distance de l’auditeur et que l’expérience est menée en champ libre, c’est-à-dire dans un espace sans réflexions. Par contre, quand une enceinte est plus proche de l’auditeur que les autres, le son de cette enceinte parvient en premier et l’objet sonore semble provenir de sa direction. De même, les réflexions sur les surfaces environnantes ou un écart de niveau entre les enceintes, faussera le fragile équilibre spatial.
Il est également plus simple de positionner une source virtuelle entre des enceintes rapprochées qu’entre des enceintes très écartées. Dans une salle professionnelle, l’écart angulaire horizontal (azimut) entre deux enceintes varie entre 3 et 15 degrés suivant la position d’un auditeur assis dans l’axe. Dans un HC équipé de seulement 7 enceintes dans le plan horizontal, cet écart angulaire peut atteindre 90 degrés pour un spectateur assis dans l’axe de la pièce et 150 degrés ou davantage pour les autres. Je veux bien croire que le processeur Atmos fait ce qu’il peut pour adapter le positionnement spatial des objets en fonction des caractéristiques de la pièce, mais là encore, force est de constater que la directivité des enceintes unipolaires proches des spectateurs ne permet pas d’atteindre la fluidité de mouvement ni la constance de niveau attendues.
Troisième problème : la dimension verticale.
Question : si la réflexion d’un faisceau sonore sur le plafond peut donner l’illusion que le son vient effectivement du plafond, qu’en est-il des réflexions des autres enceintes sur les surfaces verticales ? Les parois réfléchissantes engendrent des interférences qui se traduisent par des colorations importantes avec des écarts d’amplitude élevés entre deux fréquences. Bien sûr on est moins concerné par l'effet de précédence car la source étant dirigée vers le plafond, l'auditeur entend prioritairement la réflexion, en principe sans interférence.
La bande passante du faisceau réfléchi est volontairement limitée pour que la localisation ne soit pas perdue quand l'enceinte devient omnidirectionnelle aux basses fréquences. La coupure basse intervient généralement vers 400Hz. Il est donc inutile d'y loger de gros haut-parleurs comme en témoigne l’enceinte utilisée pour les démonstrations sur le stand Dolby. Sur ce modèle, le diamètre utile des HP fait 44mm. C'est suffisant pour la réponse souhaitée. Vous comprenez pourquoi j'ai trouvé le son aigu ?

Même quand le plafond à un coefficient d’absorption relativement faible (0,1), il faut tout de même 25% de puissance en plus pour compenser cette absorption. Or, le niveau sonore d’un objet qui se déplace depuis une enceinte de façade vers le ciel doit demeurer constant. Question : comment avec ces petits haut-parleurs et le handicap de l’absorption du plafond, espérez-vous avoir le même niveau qu’une enceinte de façade ?
L’inclinaison longitudinale du faisceau sonore des enceintes de ciel est comprise entre 30 et 45 degrés. Sachant qu’une enceinte de façade peut arroser le plafond jusqu’à 50 degrés (déconseillé mais réel avec des JBL M2 par exemple), le faisceau de la façade et celui du ciel sont partiellement confondus.
Outre le filtrage en peigne résultant de la réflexion du signal de façade, comment l’auditeur parvient-il a discerner les deux faisceaux ? La réflexion au plafond n'est décidément pas une solution.
Tous les problèmes qui précèdent seraient résolus avec la version étendue à 35 canaux telle que Dolby la propose et que les fabricants d’amplis ne proposent pas. A qui la faute ?
Faut-il acheter l’Atmos ou pas ?
Tout dépend de ce que vous attendez de ce système.
Si vous aimez les films d’action avec des effets non réalistes mais spectaculaires et des sons qui pètent dans tous les sens, oui, allez-y. Sachez quand même que vous entendrez surtout l’enceinte qui sera la plus proche de vous.
L’enveloppement sera haché et les ambiances laisseront des plages d’ombre. La fluidité des mouvements sera parfois bizarre et le son du ciel sera différent de la façade, tirant fortement vers l’aigu.
Si au contraire, vous préférez un rendu sonore aussi proche que possible du mixage original, conservez une configuration 7.1 classique avec 4 enceintes large bande au plafond. N’oubliez pas que même sans Atmos, les enceintes d’ambiances additionnelles au plafond sont autorisées en 5.1 et 7.1.
Conclusion: Nul doute que la puissance commerciale de Dolby va propulser ce produit dans nos chaumières. Il suffit de comparer le nombre de films mixés en Atmos depuis 2 ans avec ceux mixés en Auro 3D depuis 8 ans pour deviner la suite.
Mon conseil:
En tout état de cause, il me semble urgent de ne pas se précipiter, attendre que le buzz se calme et que l’expérience fasse son oeuvre.