AMOUR
Synopsis : Georges et Anne sont octogénaires, ce sont des gens cultivés, professeurs de musique à la retraite. Leur fille, également musicienne, vit à l'étranger avec sa famille. Un jour, Anne est victime d'un accident. L'amour qui unit ce couple va être mis à rude épreuve.
Mon avis : Il est toujours agréable après une accumulation de films un peu sans goût qui déferlent dans nos salles chaque semaine de tomber sur une pépite qui réveille en nous ceux pourquoi nous allons au cinéma. Ceux pourquoi l'Art existe et nous pousse à continuer d'aller voir des films. Amour c'est ce que j'appelle du Cinéma noble, pas facile forcément car ici ceux qui prennent le cinéma pour un simple divertissement ne comprendront pas le but d'une telle entreprise. Mais personnellement c'est ce que j'ai vu pour le moment de plus beau cette année, de plus dur, de plus intelligent et de plus marquant. Un traitement aussi digne sur un sujet aussi peu facile, je crois qu'il n'y avait que Haneke pour le faire. Un grand cinéaste comme lui avec son regard d'une justesse inouïe ne pouvait que rendre cette descente aux enfers à la fois complexe, noire, douloureuse mais aussi profondément lumineuse, onirique, douce même parfois drôle et belle (merci à la photo divine de Khondji qui éclaire constamment le couple parfaitement) qui ne cherche jamais les effets faciles à la fois pour émouvoir ou pour mettre mal à l'aise.
Un regard aussi respectueux, aussi subtil que pudique c'est ce qu'il fallait. Ce maître du hors champ et du plan fixe se livre corps et âme à son sujet, on sent que son film vient profondément du coeur. Le film a beau garder cette emprunte clinique qui le caractérise, il n'a jamais été aussi doux, aussi empathique avec ses personnages.
Pas de sentimentalisme ou de pathos néanmoins mais un choix des cadres judicieux, de la direction d'acteurs qui ne cherche jamais à tirer des larmes, mais à questionner notre regard et à donner même dans la mort et la décomposition un sentiment de vie et d'amour comme peux ont su montrer. Leçon pure de mise en scène, la palme d'or n'a pas démérité, c'est un film plein qui touche toujours juste, qui utilise les ellipses comme hors champ douloureux, montre ou ne montre pas leur souffrance quand il le faut, et donne à voir les plus beaux gestes d'amour qui soient notamment le geste final d'une grande force émotionnelle qui fait passer le film à chef d'oeuvre absolu.
Bien sur Trintignant et Riva sont incroyables, mais c'est le regard d'Haneke qu'il l'est encore plus. Un grand film d'une très grande sagesse qui après avoir filmé et analysé la violence sous toutes ses formes, questionner l'origine du mal dans Le ruban blanc, Haneke semble avoir franchi un cap. Elle est toujours présente souvent là où on ne l'attend cette violence, mais elle est balayée par cette force de vie, par l'Amour justement. On a jamais filmé le départ comme cela, un film à hauteur d'hommes tout simplement. Respect.
18/20