Cold Fact de Rodriguez, merveille cachée

[sopor]

Les trésors cachés des années 60-70, qu'ils soient de rubis folk, rock ou pop, ne sont plus aussi mystérieux qu'à l'époque où dénicher une perle chez un disquaire revenait à courir les quatre coins de Paris et de France. grâce soit rendu à Internet qui a fait le boulot de dizaines de labels fainéants ou mercantiles et nous épargne aujourd'hui la question rituelle aux disquaires mal aimables : "c'est pour quand la réédition de machin ?" On ne fantasme plus sur le Starsailor de Tim Buckley, on l'écoute. Ivo Watts-Russel de 4AD n'a plus besoin d'enregistrer, même bien accompagné des Cocteau Twins ou de Dead Can Dance, les merveilles de Tom Rapp, on les écoute, depuis son PC, ainsi que le splendide one nation underground de son groupe, Pearl Before Swine. quel fan de musique ne possède pas aujourd'hui les joyaux de Nick Drake, de Love, de Karen Dalton ou de Van Morrison ?
Mais le Net est un océan, on s'y perd souvent, et certains petits labels font le travail pour nous. Light in the Attic, déjà responsable des rééditions de Karen Dalton, ressort le tout premier album de Sixto Rodriguez, Cold Fact. Rodriguez n'est culte qu'en Afrique du Sud et en Australie, très peu ailleurs, aujourd'hui comme à la sortie du disque en 1970 où il passa complètement inaperçu au point d'être viré de son label au bout de deux essais seulement. Rodriguez est d'origine mexicaine et est né à Detroit. Pas besoin de savoir autre chose.
Cold Fact marque la défaite du Flower Power, un peu avant l'heure, du lyrisme et des baladins américains, des drogues qui font rêver d'un monde meilleur, de la scène psyché de San Francisco et des béatitudes anglaises. Cold Fact est dur, urbain des pieds à la tête, et, dans le corps et l'esprit, doit autant au folk de Dylan et au baroque des Love qu'à la soul réaliste de Stevie Wonder, de Marvin Gaye ou de Curtis Mayfield. Sugar man, moins tape-à-l'oeil qu'une bouffonerie théatrale du vieux Lou, habillé SM pour l'occasion, s'ouvre, désossée, avec une guitare acoustique folk, vite rattrapée par un bourdonnement de cordes mélancoliques avant qu'un gimmick cuivré donne une couleur mariachi à l'ensemble. "silver magic ships you carry / Jumpers, coke, Mary Jane" : le ton noir est donné. Only good for the conversation est aux antipodes de ce Sugar man, avec sa guitare à la Hendrix, son chant menaçant et hautain ("You're the coldest bitch I know"). Crucify your mind émerveille avec ses arrangements audacieux qui corrigent le baroque un peu forcé des Love. Establishment blues est un brûlot réaliste et lucide qu'on aurait bien vu sur le Innervisions de Stevie Wonder, mais en moins démago et simpliste, presque punk. Hate street dialogue et Inner City Blues montrent avec quelle simplicité et quel naturel s'écoule le talent de Rodriguez avant que Forget it n'emprunte une voie plus classique et soul, déchirée par quelques cuivres et cordes. I wonder est une ritournelle pop pervertie, qui n'a jamais connu la révolution sexuelle. Like Janis et Rich Folks Hoax ont dû donner des sueurs froides à Dylan, priant qu'on ne les découvre jamais tant ils surpassent le meilleur de ce dont il est capable. Jane S. Piddy conclut l'album avec une simplicité et sûreté désarmantes, belles à pleurer quand la voix s'étrangle. Seul le bluesy Gommorah déçoit avec sa chorale d'enfants un peu bancale mais l'ensemble vole si haut qu'un semi échec compte pour rien.
Cold Fact est tout simplement l'un des meilleurs disques des années 60-70, injustement boudé, de façon incompréhensible et criminelle, quand on pense juste qu'on aurait pu pour toujours vivre sans lui. Il n'a pas vieilli et exhalera longtemps l'odeur des villes et des souffrances, loin des gourmandises folk et des voix angéliques.

[bobim]

up sur ce rare sujet sur ce chanteur méconnu des années 70
la fonction recherche sur hcfr n'indique que deux sujets parlant de Mister Rodriguez dont un seul dédié à cet artiste totalement et injustement méconnu

je conseille fortement de voir le film docu réalisé sur cet artiste et surtout la critique excellente de Sopor

Lien vers site officiel
http://sugarman.org/index.html

Film docu sur cet artiste


Je rajoute quelques photos des deux seuls albums




bonne écoute et bon film

[autrichon gris]

Ouaip, étrange cette résurrection miraculeuse. Mais bon, le gars a un talent certain. En plus j'ai pas ce disque (cold fact), et je vais combler ça dérechef !

Bon, maintenant, pour les déterreurs de gens super talentueux disparus des radars, le challenge suprême, retrouver Sly Stone, et le remettre sur scène et/ou en studio, bonne chance !

[bobim]

pas surprenant, c'est lié au film/docu amha

Pour les chercheurs, direction South Africa

[Loug]

pas surprenant, c'est lié au film/docu amha

Pour les chercheurs, direction South Africa

Le message de Sopor date de 2008 donc bien avant le film

[bobim]

je ne parlais pas dans ma réponse du message de Sopor
mais du fait qu'à peu près partout on trouve les albums de cet artiste

[musik]

J'ai découvert Sixto Rodriguez comme beaucoup grâce à ce film qui fut pour moi une véritable leçon de vie (et de musique, forcément). Cet homme a un charisme exceptionnel empli d'humilité, de générosité et de simplicité.
A travers Rodriguez j'ai trouvé mon Bob Dylan, que je cherchais depuis si longtemps sans le savoir. Les deux albums sont vraiment excellents, une sorte de folk qui transpire la soul. Superbe !!

[rann]

un peu vieillot quand même quant aux arrangements
mais ta comparaison avec Dylan est amusante
Il faut en effet protéger cette espèce en voie de disparition en ne les forçant d'aller sur scène alors qu'ils sont visiblement épuisés
show biz

[bobim]

un peu vieillot quand même quant aux arrangements
mais ta comparaison avec Dylan est amusante
Il faut en effet protéger cette espèce en voie de disparition en ne les forçant d'aller sur scène alors qu'ils sont visiblement épuisés
show biz

Hello

Rann, remets dans l'époque 1970 et 1971
Quel dommage qu'il n'y ait pas eu un live de la tournée sud africaine

[ajr]

Bonsoir,

Après avoir regardé le film hier, je fais donc désormais partie de ceux qui connaissent enfin ce talentueux et rare auteur/interprète.


Bonne soirée.