Le Dharma D1000 est un nouveau venu dans le monde du casque:
http://www.enigmacoustics.com/prod-in-f ... sp?idno=97. C’est un casque de technique plutôt “rare”, car hybride, qui embarque deux cellules par canal, une électrodynamique, une électrostatique: ce qui ne rajeunira personne, car cela nous renvoie au fameux AKG K340 (sorti avant le K1000 et que certains conservent encore avec soin au chaud):
http://www.akg.com/pro/p/k340#featureshttp://cloud.akg.com/9719/k340_service.pdfSes spécifications: 26 Ohms et 103db – annoncent un casque bien moins difficile que le K340, ou d’autres casques à très faible sensibilité. Ça se traduit chez moi par un poil de montée de volume en plus sur mon potentiomètre (bas de gamme) qu’avec l’Odin, sans pour autant sortir de la “moyenne” (HD800, Sony MDR-CD2000, HD6X0, etc.). Il devrait pouvoir se contenter d’un ampli relativement “normal”: l’Athena, fait pour être couplé avec le D1000, est un tube en classe A sur base d’ECC82 qui annonce dans les 20V en peak to peak, mais je gagerais que n’importe quel ampli de bonne qualité, qui ne s’effondre pas sur les basses impédances, devrait pouvoir le faire chanter.
Je ne dirai rien du matériel employé: l’amplificifusionneur et le système que j’utilise n’étant pas artisanaux et venant de trop loin risqueraient de nous détourner du principal sujet, à savoir le casque lui-même… Je dirai donc seulement que j’ai mis les choses en route comme il faut et même très comme il faut, en disposant à proximité tous les accessoires indispensables, de la zapette au pot de café en passant par les cigares cubains et le Philipponnat 1522 de 2005…
Peut-on plaire à tout le monde ?Ma curiosité pour le D1000, on l’aura deviné, vient de mon goût pour le K340. Mais, à l’inverse, pas mal de commentaires sur le net autour de la capacité de ce casque à insister dans l’aigu ou le haut médium m’ont laissé sinon réticent, du moins prudent: s’agira-t-il d’un casque qui en fait tellement dans cette zone qu’il devient fatiguant voire intolérable en quelques minutes, en tout cas à mes oreilles ? ou d’un casque plus dans la veine du K1000 et de son prédécesseur, c’est-à-dire riches et transparents, mais sans agressivité ?
Donc, j’ai d’abord écouté 3 morceaux au hasard dans la petite liste que j’ai concoctée pour essayer des casques, histoire de prendre une première impression globale avant de lancer deux albums complets:
Dire Straits, premier album du groupe du même nom, qui contient
Sultans Of Swing, que j’avais acheté à sa sortie en 1978, en 33t évidemment et que j’ai toujours, mais dont j’ai utilisé la version CD; et
Larks' Tongues in Aspic, cinquième album de
King Crimson sorti en 1973 – dont j’ai utilisé la version remixée pour l’anniversaire du disque (je parle du gros coffret de 13 CD sorti chez Panegyric, et non du mini-coffret CD + DVD-Audio, que j’ai aussi: je crois que c’est le même mastering).
Il est d’usage, lorsque l’on fait un essai, de dire que l’on utilise des enregistrements spéciaux, pourvus de qualités hors du commun que seuls des casques zextraordinaires accouplés à des zoreilles à la Steve Austin peuvent apprécier, etc… Eh bien en fait là, non: c’est seulement un disque que j’aime bien depuis le début: et je ne suis pas le seul. Il faut dire que ça changeait un peu des
New York Dolls autant que des
Who… Àmha, il n’y a rien à jeter dans cet album même presque 40 ans plus tard. Quant à KC, disons que quand j’étais tout môme, au début des années 70, avec le Pink Floyd, les Beatles et Led Zep, ça faisait partie de mes groupes préférés. Et dans leur production, cet album, avec
Red, me semble l’un des meilleurs de la “première période”.
Quelques notesLa guitare de Mark Knopfler est très belle, avec un son bien pulpeux et sans agressivité: il faut “entendre la pulpe des doigts” pour pouvoir savourer ce style blues-rock, avec un brin de ballade folk, voire de country bien cul-cul comme on l’aime – et un poil de jazz dans certains solos. Comme je connais par cœur cet album, ceux qui se disent: “Merde! Encore un gros bavardage du dub! Vite, ma souris, que je passe directement à la fin pour voir si, pour une fois, il a rendu un jugement clair et distinct sur la valeur de ce casque… Eh non… merde! Comme d’habitude…” – seront au moins content d’une chose: ils ne m’entendent pas chanter!
En tout cas, sur cet album ça passe “comme une lettre à la boîte”, sans rien pour arrêter l’écoute. Une superbe basse bien lisible, bien tendue, se fait entendre, qui ne demande aucun effort pour être entendue, mais sans déborder de manière pâteuse, des percussions de même, avec pas mal d’impact: de mémoire, certains casques, dont l’Odin ou le HE6, font peut-être un peu mieux, l’Abyss, sûrement. Mais il faudrait comparer directement, car je n’éprouve, en tout cas, aucune frustration: c’est sûrement mieux que le HD800, évidemment plus profond que le K1000, et sans doute plus aussi que le K340 BL que je possède, ainsi que de la version HB. La voix de Knopfler et le jeu qu’elle entretient avec la guitare sont très bien restitués, dans un ensemble peut-être un peu “clair”: la voix, sur
Water of Love, par exemple, est à la limite de venir “gratter” un peu l’oreille, de même que l’accompagnement de guitare – mais en restant en deçà de la limite à ne pas franchir, justement. Certains casques donnent plus de matière dans ces registres, dont – cette fois, je n’ai pas le moindre doute, même de mémoire – l’Odin, mais sans qu’il soit question de “perte” ou d’“excès”. Enfin, le côté “aérien” du jeu de Mark Knopfler est superbement rendu et il suffit pour s’en rendre compte d’écouter l’intro de la plage 1 : la première minute de
Down to the Waterline déballe toute la panoplie de ce dont ce casque est capable.
Même impression avec l’album de KC. L’assise dans le grave frappe, par exemple, sur le morceau
Easy Money, avec une basse bien présente, qui ne “bave” pas sur le reste. Et de même, les effets de voix par synthétiseur qui sont en arrière du morceau (vers 5’30), ou l’intro de
Exiles sont bien restitués (avantage, de ce point de vue, au mix 2013 sur le 33t d’origine, même en bon état), ou encore celle du morceau
Talking Drum (les “mouches synthétiques” et le “vent” qui précèdent l’entrée des percussions): les effets viennent de “loin sur les côtés” et restent distincts en arrière-fond de la masse du signal. Sur la guitare et la voix, par exemple
Exiles vers 1’55 puis ~2’20, ou
Easy Money, vers 0’15 et le petit coup de percussion ver 0’41 – je retrouve le côté un peu clairet du signal, à la limite du grattage. Même chose sur la “boîte à rire” à la fin du morceau. Ça reste toutefois acceptable même en fonction de mes goûts personnels de casse-bonbon (© modèle hifi japonaise Kifê-Chi-Hé 1964), mais le médium/haut médium étant une zone audiophiliquement érogène, que certains peuvent considérer comme le point G de l’oreille, seul un essai personnel pourra décider chacun à dire “oui” ou “non”. De mon côté, j’entends un “petit retrait” sur le médium, qui donne une coloration un poil liquide et douce, façon “tube” si l’on veut, additionné d’un “petit zest” d’accent dans le haut médium, qui donne beaucoup de présence et d’impact, le tout sans que ça devienne agressif: c’est très plaisant, même sur la durée d’un album, et ça me ferait dire “pourquoi pas”. On est dans ces registres, me semble-t-il, très loin d’une écoute dans le style Sennheiser HD650 ou Hifiman HE1000: ça sera sans nul doute une question de goût.
Synthèse… ou pas…Bref, est-ce que ce casque peut plaire à tout le monde? Peut-être pas à n’importe qui, peut-être pas n’importe comment, et pas pour n’importe quoi. Mais cela importe-t-il?… À première écoute, ce casque, quoi qu’il en soit, me plaît beaucoup et, dans mon échelle, il vient incontestablement se ranger parmi les hauts de gamme très recommandables du moment. Ai-je des “reproches” à formuler? Oui, sans doute, mais qui sont liés à une recherche très personnelle… Il faut dire (car il y a peut-être des nouveaux venus dans le monde du casque qui liront ces lignes) que si les amateurs de hifi sont des obsessionnels compulsifs (parfois à tendance maniaco-délirante), les amateurs d’écoute au casque sont pires: le moindre petit truc prend avec eux des proportions inattendues – et ce sans compter qu’ils ont tendance à vouloir retrouver “leur meilleur casque du monde”, mais “en mieux” (et en plus “en moins cher”)! Note que, s’ils sont mariés, au moins pendant qu’ils écoutent, ils ne sortent pas les poubelles et ne font pas la vaisselle, mais on ne les entend pas (sauf quand ils chantent à tue-tête avec le casque sur les oreilles)!
Dans mon cas, je ne sais pas si je l’ai déjà dit, mais c’est le K1000 et le Float (ou l’AMT): il me faudrait un casque qui fasse tout ce que fait le k1000 sur l’aération, la précision et l’image stéréo, mais avec une assise dans le grave comparable à celle de l’Odin et de l’Abyss, et avec la richesse des timbres dont un Jecklin Float ou un Ergo AMT bien amplifiés sont capables – et le tout pour un prix avoisinant celui de la revente de mon exemplaire! Rien de moins, s’exclamera-t-on, mais rien de plus, répondrais-je… Bref, je voudrais une “synthèse” de ce que j’aime le plus…
De ce point de vue, le D1000 marque des points sur l’assise dans le grave vis-à-vis des 3 modèles que je viens de citer. De ce point de vue, on est directement dans les meilleurs du moment et disponibles sur le marché, probablement au-dessus du MD2 et du HD800 (je ne me souviens pas d’avoir entendu avec ces deux-là un grave aussi net et tendu). Sur la richesse du médium, j’aurais tendance à croire que ça pourrait être plus plein et il faudra que je confirme ou infirme ce jugement par des comparaisons plus poussées et sur du classique (tu la vois arriver la viole de gambe? non? eh ben, patiente, elle va débarquer!). Ça donne un résultat pas désagréable du tout, en tout cas sur du rock, avec un petit mélange de matité dans le médium et de soulignement dans le haut médium et l’aigu: ça est la large assise dans le grave et la lisibilité (le haut grave ne bave pas sur le bas médium), cela donne une écoute sans frustration particulière. Car la richesse dans le haut médium / aigu, en revanche est bien au rendez-vous: on est très loin de l’art d’esquiver avec élégance une bonne partie du message à retranscrire (mettons, pour parler d’un casque que j’ai récemment branché sur mon amplificifusionneur, le HE1000 de chez Hifiman). Il faudra que je le compare de manière plus approfondie au K340, car de mémoire, j’ai le sentiment qu’on est dans ces régions-là. Est-ce que ça tombe dans l’excès? Difficile à dire “dans l’absolu” – sauf pour ceux qui croient à l’existence de l’absolu (voire à qui il serait apparu au fond d’une grotte), ce qui n’est pas mon cas. Disons que je connais des casques – certains très réputés – qui en font beaucoup plus et beaucoup trop dans cette zone, au point d’exercer sur mon appareil auditif une influence allergène en m’irritant directement la muqueuse mélophile. Bref, ça n’est PAS le cas ici, même si c’est “juste au bord”: à la question “est-ce que c’était bien?”, j’aurais tendance à répondre “pas mal – et pour toi?”
Mais… mais il n’y a pas l’aération et la sensation de “champ libre” (free field) qui me plaît tant dans le k1000, ni l’ouverture 3D qui va avec. D’une part, il n’y a pas la “respiration”: je veux dire qu’il ne m’arrivera jamais avec ce casque de me demander si je n’ai pas oublié de couper mes enceintes et de brancher mon amplificifusionneur casque (comme ça peut m’arriver avec le K1000, sur un morceau pas trop chargé en grave évidemment). D’autre part, l’image stéréo me paraît très bonne “pour un casque”, avec un bon étagement en largeur, pas spécialement rejetée “derrière la tête” (comme c’était le cas avec le HE1000), mais, si l’assise dans le grave contribue à donner une bonne impression d’ampleur (sans le côté “cathédrale” du HD800), l’image n’est pas construite en profondeur. Sa géographie va d’est en ouest, mais pas du nord au sud.
Sur le point de conclure, avec un “D”Je m’arrête là, vu que je suis sur le point de conclure (avec un “D” comme dans “dub”), comme d’habitude (quand il s’agit de casques seulement, ne t’y méprends pas): à chacun d’aller essayer pour son compte et de tirer la conclusion. Mais pas sans dire que j’ai passé la journée à écouter d’autres choses en mettant mes notes au propre: un 33t de Gréco à l’ABC de 62, enfin retrouvé sur mes étagères à galettes après que j’ai cru l’avoir perdu depuis 3 ans, un de Nougaro au Zénith de 89, un troisième de Jane Birkin au Bataclan de 87, puis le coffret CD de Mouloudji «Un Cœur Libre» sorti en 2014, passé en lecture aléatoire. Et ce, sans jamais trouver l’écoute inconfortable ni m’en lasser, ou trouver que ça faisait obstacle à ce que j’entendais. Ce qui me fait dire que “si je n’avais que celui-là, je pourrais vivre avec”. Comme disaient Gaingain et Dutronc: “pas dégueux!”, “champagne, cigare et pousse-cigare!”
Cdlt