A Tournan-en-Brie, en Seine-et-Marne, dans une vieille maison vide où les voix résonnent, Hélène s’affaire avec son mari Aurélien à décoller un papier peint floral jaunâtre des années 70. Bientôt ils pourront emménager à trois avec leur fille Nora. Après des années à Paris et au Brésil, dans le «bruit et la folie» le besoin du retour à la campagne est devenu trop pressant. Elle retourne s’installer à quelques kilomètres de là où elle a grandi jusqu’à 17 ans. Pourtant, la campagne, Hélène lui doit l’une de ses plus grandes souffrances. Nora est née seulement cette année après six ans de vaines tentatives avec son mari.
En menant l’enquête, elle a découvert les perturbateurs endocriniens et leurs effets.
Après de longues hésitations, elle va en parler un jour, en colère, à ses parents. Alors qu’elle évoque ses soupçons, sa mère lui répond qu’elle se souvient que quand elle jouait dans le tas de pommes de terres avec ses petits frères, ça faisait un petit nuage de poussière.
En fait ce nuage c’était de l'anti germe que mon père mettait pour éviter que les pommes de terre germent, raconte Hélène. J’avais 12 ans, je jouais là-dedans, j’étais en pleine puberté. Peut-être que c’est pas du tout ça mais toujours est-il qu’il a fallu que j’attende 18 ans pour avoir un cycle normal. C’est terrible de se dire que les gens qui nous aiment le plus au monde ont pu peut-être entraîner involontairement un truc qui nous a tellement pesé.»
Que laisse-t-on derrière nous alors que la retraite approche? Comment transmet-on aux autres ce qui nous est cher?
Si Pascal a parfois répandu des pesticides par ignorance de leurs dangers, il s’est toujours attaché à transmettre l’amour de la terre à ses enfants et à les guider pour qu’ils se lancent.
Père d’Hélène mais aussi de Rémy et Jean, dans l’ordre d’arrivée, il a espéré longtemps qu’un de ses enfants reprenne l’exploitation qu’il tient depuis plus de trente ans avec sa femme Anne, et qu’il a hérité de ses beaux-parents.
Hélène est d’abord partie faire des études pour faire du journalisme, Jean est devenu éducateur spécialisé et Rémy a suivi à 18 ans Claire en Bretagne avant d’exercer comme paysagiste. Tous sont partis tôt; aujourd’hui, ils reviennent vivre près de la ferme. Avec sa femme Claire, autour d’un projet d’agroforesterie et de culture de plantes aromatiques et médicinales, Rémi a décidé de faire de l’exploitation de leurs parents une ferme bio.
Pascal, harassé par sa vie d’agriculteur, se libère de plus en plus de temps pour lui et est devenu maire du village de Lumigny. Aider et transmettre, c’est pour lui une «mission» après avoir fait visiter sa ferme à des générations de classes.
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