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Films (débats, critiques), personnalités (acteurs, réalisateurs), prochaines sorties, les salles, la presse spécialisée...

12 Years a Slave

Message » 14 Fév 2014 10:37

oui,oui,je sais,comme je le disais precedemment "....ou alors mais oui je sais tout cela,j'en mange tous les quatre matins,ça finit par me souler,rien de nouveau à l'horizon..."
oui le film de mcqueen ne te surprends jamais...heu ..tarantino il nous refait un peu le meme numero à chaque film,ses films sont d'une simplicité enfantine à comprendre,rien de bien complexe.quand à ses intentions dans son django,il est toujours amusant de voir comment certains veulent percevoir les films en laissant de coté des faits de film,en ne prenant pas en compte les proportionnalités des elements,,bref en s'eloignant de tout ce qui fait que l'on peut discerner une structure de construction amenant vers la pensée de l'auteur que tout film possede si ce meme auteur l'a souhaité ou pas,s'il a operé une oeuvre fermée ou ouverte.
bien sur qu'un film peut aller là ou il veut,dépasser l'histoire s'il le veut,faire en fait tout ce que l'auteur veut....mais les faits de films disent les choses,t'as raison de balayer d'un revers de la main ce que j'ai commencé à dire sur ce que les faits du film de tarantino disent.t'as raison de t'eloigner des choses precises pour aller vers ce que tu veux voir et pas vers ce qui est.comme pourrait dire rouletabille,les elements qui constitue la structure d'un film sont tetus et l'on ne peut pretendre analyser un film en ecartant ce qui ne nous interesse pas en eux.
tarantino reussit à montrer la violence de l'epoque là ou macqueen n'aurait aucune puissance dis tu.un gros lol,je me rappel ce que je disais à la sortie de django unchained,mais les scenes que tu evoque n'ont aucune puissance,la distanciation ne leur laisse aucune chance d'etre se qu'elles pretendent exprimer.on les regarde comme des scenes sorties d'une bd avec un mauvais decalage par rapport à ce qu'elle seraient sensées exprimer.il n'y a que l'aspect jouissif de la surface du film qui existe.l'attachement de django à sa femme,leur amour,aucune emotion pour happer le spectateur vers les motivations du heros.

je me repete mais un film ne peut à lui seul embrasser le vaste sujet du triangle,lorsque je vois la posture du reproche à l'angle d'attaque choisit par macqueen,donc à ce qu'est le livre sur lequel il s'appuie,je sais pourquoi j'evoque que "ce n'est pas demain la veille que...." de mon post precedent.cette posture critique est oh combien revelatrice du malaise.si un tel sujet est historiquement non traité,masqué,reduit à ce qui ne derange pas trop,et je ne parle pas seulement du cinema...c'est bien qu'il existe une motivation à ce que cela soit fait.ceci ne releve evidemment pas du passé mais du present,du futur,de la geopolitique(et oui car travailler sur l'inconscient collectif et les perceptions historiques n'est pas anodin),de tellement de chose que cette posture critique dit tout.on peut meme songer que s'il n'y avait pas un president noir actuellement,le film de macqueen n'aurait jamais vu le jour,mais obama passera et les choses rentreront dans l'ordre qu'un certains nombre veulent..lol.eternelle recommencement.
penetrer un prisme pour convoquer un debut de clairvoyance sur un systeme de pensée cadrer dans des verrous culturels ou le libre arbitre n'a que la liberté que lui impose le cadre,macqueen le fait tres bien.
12 years a slave ne se reduit evidemment pas à ce que tu veux qu'il soit,la façon dont tu ecarte les structures du film pour n'en ressortir que ce que tu veux est diablement amusant.si tu ne vois qu'un film qui dit les mechant blancs tapent sur les noirs et pleurez donc avec les noirs,alors je ne peux evidemment rien ajouter à une perception pareille.....
marck5
 
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Message » 14 Fév 2014 15:02

Je peux te rétorquer la même chose sur Tarantino tu sais.
N'y voir qu'une violence jouissive de BD alors que justement la force est de mélanger à la fois le réalisme et la cruauté de cette période (la femme de Django dans un trou en plein cagnard, les combats de Mandingues qui font très mal), sauf que Tarantino ne joue pas sur l'indignation mais sur un ensemble de points de vue et d'émotions parfois antinomiques pour justement arriver à un trouble passionnant.
Mélanger oui une violence jouissive typiquement tarantinesque avec une violence parfois hyper crue, frontale, c'est plus troublant que faire un film comme 12 years a slave toujours sur le même ton et sur les rails constamment.
Le film ne dérange pas car justement il n'est que dans le passé en disant à la fin que ce passé est révolu et que tout est bien qui finit bien. Le film ne salit jamais l'Amérique, ne fait remonter rien à la surface de dérangeant. Je paraphrase un peu la critique d'Accreds mais c'est exactement ça. On est ici juste dans une parenthèse, une sorte de vilain cauchemar mais qui finit bien et soulage. Et hop ensuite on est tranquille et on peut aller au Mcdo rassuré. Voilà ce qu'est 12 years a slave.
Toutes les données géopolitiques, les répercussions historiques, la complexité d'un tel système est balayé justement par McQueen, c'est esquissé juste mais c'est pas le sujet. On ne s'intéresse qu'à la souffrance, point. La souffrance sur un homme libre à qui on prouve toute liberté pour devenir un objet, mais ce sujet là n'est montré que sous le prisme d'un fait divers, un simple survival qui réduit du coup la portée de l'ensemble. Un survival où en plus Brad Pitt se prend pour le grand sauveur de Salomon.
Grotesque.
Nikolai
 
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Message » 14 Fév 2014 19:43

Tarantino ne reconstitue pas l'époque de l'esclavage. Il reconstitue la représentation sanglante et racoleuse des films d'exploitation sur l'esclavage, façon Mandingo. La vision de Tarantino est toujours un assemblage de films et de scènes qui l'ont marqué et qui l'inspirent, et l'on aurait un tableau un tableau à peu près aussi réaliste sur la mentalité esclavagiste avec Django Unchained qu'Inglourious Basterds est un documentaire sur le nazisme et la Seconde Guerre Mondiale...

Quant à Brad Pitt qui aurait obtenu un rôle de sauveur parce qu'il était producteur, c'est de la simple mauvaise foi. Je ne vois pas en quoi Brad Pitt est particulièrement impliqué dans les causes humanitaires (à la différence de sa compagne) et il faut surtout voir que ça n'est pas évident de faire financer un film historique pareil, sans vedette américaine célèbre (Fassbender et Cumberbatch sont des acteurs connus au cinéma par des seconds rôles mais n'attireraient pas le grand public dans les salles, le reste de la distribution a surtout joué dans des séries télé).
Son nom au générique apporte au moins une grosse tête d'affiche et permet de vendre plus facilement le film, surtout dans les marchés étrangers. Vu que Pitt a aussi produit deux films d'Andrew Dominik, dont Cogan (où son personnage est loin d'être un saint...), je ne crois pas que Brad Pitt ait produit 12 Years a Slave pour jouer le rôle du type qui met fin symboliquement à l'esclavage. Je crois plutôt qu'il a joué un rôle dans le film parce que ça a contribué au bouclage financier et au succès commercial du long métrage. Il faudrait aussi lire le récit d'origine pour voir si son personnage a été modifié ou développé par rapport au livre.
En tout cas, Brad Pitt n'est pas présent dans la scène où Solomon est libéré. C'est le shérif et l'épicier qui le connaissait à New York qui s'en occupent. Et Solomon demeure le personnage principal de la scène. On est donc très loin de ça :

[youtube]A3ZG1-o9KWc[/youtube]
Sledge Hammer
 
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Message » 14 Fév 2014 23:53

La seule chose que ce film m'ait appris c'est qu'un noir américain pouvait se faire enlever pour devenir esclave.
Tout le reste avait déjà été traité de nombreuses fois au cinéma.
La dernière phrase écrite avant le générique de fin était particulièrement instructive sur la fin probable du héros
KurtLil
 
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Message » 15 Fév 2014 10:47

Non mais que Brad Pitt joue dedans n'est pas un problème, mais depuis World War Z il aime bien se sentir être le grand héros important de ses films on dirait. Là pour moi on atteint un point de rupture.
Son rôle je le trouve grotesque, jamais crédible, c'est limite Jésus-Christ le charpentier, libre, indépendant, bienfaiteur, bâtisseur, philosophe qui fait la morale au grand méchant pour lui dire que ce qu'il fait est pas bien, et que lui Brad Pitt sait ce qui est Juste dans ce monde, la justice, l'humanité. Il est le seul blanc qui enfin écoute Salomon et l'aide à s'en sortir, c'est vraiment se donner le Beau rôle exprès.
Non vraiment non hein
Nikolai
 
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Message » 15 Fév 2014 11:07

En quelque part, Nikolai, tu as un peu raison. Cependant, dans le contexte, je ne suis pas d'accord avec toi, tout simplement pcq je ne l'ai pas ressenti comme ça.

Pour moi, c'est avant tout un film qui se concentre sur le protagoniste principal, l'esclavage est secondaire, même si important dans le contexte. Et c'est principalement l'histoire de ce protagoniste qui m'a marqué dans ce film, avec un jeu d'acteur juste parfait. Toutefois, je conçois parfaitement que tout le monde n'accroche pas à cela, mais à titre personnel, ça m'a particulièrement marqué, et ce, de manière très positive.
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SnipizZ
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Message » 15 Fév 2014 14:55

KurtLil a écrit:La seule chose que ce film m'ait appris c'est qu'un noir américain pouvait se faire enlever pour devenir esclave.
Tout le reste avait déjà été traité de nombreuses fois au cinéma.


Ha bon ? Dans quels films, en dehors d'Amistad et de Beloved ?

Pour mémoire, tu peux déjà écarter tous les films antérieurs aux années 60. Aucune major n'aurait couru le risque de voir le reste de sa production boycottée dans le Sud des États-Unis.

Il y a aussi un autre facteur qui est que la communauté afro-américaine n'a aucune envie de reconstituer un passé envers lequel ils n'éprouvent évidemment aucune nostalgie. Il y a un dégoût viscéral de cette époque, qui fait que ça n'est finalement pas étonnant que ça soit un réalisateur anglais qui se colle au sujet.

Nikolai a écrit:Non mais que Brad Pitt joue dedans n'est pas un problème, mais depuis World War Z il aime bien se sentir être le grand héros important de ses films on dirait. Là pour moi on atteint un point de rupture.


"Depuis World War Z", il a été à l'affiche de... deux films. Cartel, où il tient un rôle mineur d'homme d'affaire mouillé dans le trafic de drogue, et 12 Years a Slave. Là, pour moi, tu atteins le point de pipeau.
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Message » 15 Fév 2014 21:11

J'ai toujours du mal à comprendre qu'on puisse trouver le point de vue de Tarantino intéressant. Son cinéma n'est lié à rien de réel, il n'est ancré dans rien à part le langage cinématographique. Le cinéma peut être un monde en soi certes, on peut passer un bon moment, oui, mais quand je lis qu'il donne un traitement ou un angle intéressant sur la violence sociétale, sur l'esclavage,...Je me sens seul.
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Message » 16 Fév 2014 3:54

Sledge note plutôt sur les films qu'il produit. Pas forcément en général.
Après si pour toi ça t'a pas fait pouffer de le voir surgir comme ça dans le rôle de grand moralisateur pour recadrer le mal comme il se doit, et bien chacun son truc.
Sinon tu connais L'esclave libre de Raoul Walsh ? Parce que pour un film de 1957 je trouve ce film totalement osé. Bien plus d'ailleurs que 12 years a slave.

lag@uffre a écrit:J'ai toujours du mal à comprendre qu'on puisse trouver le point de vue de Tarantino intéressant. Son cinéma n'est lié à rien de réel, il n'est ancré dans rien à part le langage cinématographique. Le cinéma peut être un monde en soi certes, on peut passer un bon moment, oui, mais quand je lis qu'il donne un traitement ou un angle intéressant sur la violence sociétale, sur l'esclavage,...Je me sens seul.


Faut que certains comprennent que ses films sont pourtant très sérieux derrière les punchlines. Excuse-moi mais si t'arrives pas à voir que malgré ses délires, ses influences qui viennent de partout, il arrive à toucher une forme de vérité sur cette période et notamment sur sa cruauté.
Si pour toi la scène où Dicaprio assiste à un combat de Mandingues devant lui et que tu trouves ça pas réaliste ou super marrant, et bien...
Nikolai
 
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Message » 16 Fév 2014 12:00

lorsque j'evoque le fond du film de tarantino en mentionnant que je le fais lorsque je ne laisse pas de coté mon prisme et mon paradigme(en laissant de cote mon paradigme,je fais en sorte de ne voir que l'aspect jouissif qui n'a pas vraiment de force emotionnelle du fait de la distanciation),je pose en fait le probleme de fond de ce django unchained.si j'evoque tarzan l'homme singe que je considere comme un chef d'oeuvre,et bien inutil de dire le probleme si on sort du domaine du fantasme,de l'irreel et que l'on s'attache à ce qu'il peut vehiculer.
quand je fais de meme pour le voile des illusions,beau film plein de sensibilité,alors je suis interpellé lorsqu' edward norton a une idée pour comment amener l'eau en ville alors que les autochtones chinois avec 2000 ans d'histoire dans l'agriculture n'aurait pas eu cette idée.
le romantisme des choses peut avoir des effets tres tendancieux.
lorsque je m'egare avec un debut de petit discours sur l'ideologie du metissage meme si evidemment rien de cela dans le film de tarantino,je sais pertinnement pourquoi je le fais.outre le fait que l'on peut vite casser cela en introduisant la genetique(melanoderme,leucoderme...) et la realité tangible que tout etre a sous les yeux,on peut de fait montrer les postures et les discours qui peuvent parfois etre des masques.
lors de la 1ere campagne presidentielle d'obama,il etait amusant de voir comment en france,sur tf1 et france television,le dogme de obama n'est pas un noir mais un metis,alors que dans le meme temps sur les filiales cablées de ces chaines maison mere(les masses publics etaient moins touchées puisque chaines payantes)on se laissait aller à parler occasionnellement d'obama le noir.la posture ideologique etait flagrante.je me souviens donc egalement d'un notable noir americain d'un etat du sud qui commentait le fait d'avoir un president noir,il disait qu'evidemment c'etait bien comme evenement mais que cela ne masquait pas la realité....realité ou,disait il,il avait fini par etre accepté par les gens de l'endroit ou il vivait et occupait certaines fonctions seulement parceque ceux ci ne le percevaient plus comme un noir...sa conclusion etait donc sans equivoque.il n'etait pas accepté pour ce qu'il etait.
la structure du film de tarantino ne fait que permettre aux gens seduit par l'idee de la hierarchisation des variantes de l'humanité d'etre conforté dans leur perception.comme je l'evoquais avec les desincarnation des noirs dans le film ou seul django noir existe mais il n'est plus perçu comme noir puisque que les noirs ce sont ceux qui tapissent le film de tarantino.et le discours avec le crane et la mention d'alexandre dumas plein de gentil volonté de dire sympathiquement les choses,ne fait qu'assoir le romantisme et ses effets pervers.tout est fictionnel dans ce film au point d'enlever toute perception epistemologique qui seule peut deconstruire des mecanismes de pensée.
aux etats unis se developpe le creationnisme....en france nous avons l'ideologie de l'universalisme qui est aux antipodes de l'universalité.
les noms en isme sont souvent problematiques....postulat arbitraire de depart de pensée niant la realité,puisque conduisant à nier les variantes de l'humanité pour parait il depasser,transcender,ce qui poserait probleme,à savoir les differences entre les hommes.mais comme tout postulat absurde cela n'amenera qu'au mur.nier la realité,nier qu'aucun etre humain n'est comme un autre,là ou l'universalité fait des etres humains une espece ou tous les etres humains sont differents alors que ce qui les lie et les rend semblables est bien là puisque l'on parle d'espece,nier la realité pour rendre tout lisse sous couvert de bien pensance est tendancieux pour etre gentil.on cree toujours une ideologie pour aller là on l'on sait que l'on veut pertinnement aller.
tiens 12 years a slave les evoque les ideologies qui permettent aux gens qui vivent dans un systeme de le justifier,l'histoire montre que la negation du reel est toujours dangereuse.
on pourrait presque croire que l'universalisme ouvre les portes que certains en france semblent redouter aujourd'hui.l'ideologie du genre,meme si ce n'est que desinformation,recuperation politique et autres aujourd'hui,cette ideologie a la porte ouverte puisque l'universalisme amene au postulat arbitraire en depit d'une realité tangible...le creationnisme aux etats unis,la france a aussi ses ismes.
lorsque le discours politique,intellectuels,du moment n'est plus que dans le simplisme,cela est malsain.
non vraiment 12 years a slave interpelle sur beaucoup de choses qui peuvent se reveler tres actuelles.
marck5
 
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Message » 16 Fév 2014 15:08

Nikolai a écrit:Sledge note plutôt sur les films qu'il produit. Pas forcément en général.


Là, tu t'enferres... Je vois pas en quoi le fait que Pitt ait joué dans un blockbuster l'été dernier fait qu'il n'a plus que des rôles de sauveur du monde. De plus, être producteur, ça n'implique pas forcément d'ailleurs d'avancer les fonds. C'est même rarement le cas. Ça peut être celui qui supervise un montage financier, ça peut être une façon de donner des points sur les recettes du film à quelqu'un qui a reçu le minimum syndical, ça peut être un ticket pour les Oscars (ce sont les producteurs à qui on remet l'Oscar du meilleur film, pas le réalisateur). Donc, c'est très hasardeux d'affirmer que Brad Pitt a produit un film pour se donner un beau rôle de cinq minutes dedans.

Après si pour toi ça t'a pas fait pouffer de le voir surgir comme ça dans le rôle de grand moralisateur pour recadrer le mal comme il se doit, et bien chacun son truc.


... et ton truc est bien entendu supérieur au mien, ce qui est ton affirmation implicite.

Il faudrait d'abord voir, comme je te l'avais dit d'emblée, si le personnage est modifié par rapport au livre d'origine.
Ensuite, quand il s'agit de passer à l'acte, le personnage est loin d'être un intrépide redresseur de torts. Le type est un esprit libre (ce qui est possible plus parce qu'il est canadien, plus que parce qu'il est Brad Pitt), mais il a aussi la trouille quand il s'agit de passer à l'acte et de transmettre simplement le message de Solomon. Vu la façon dont Solomon Northup a lui-même été porté disparu trois ou quatre ans après sa libération, c'est d'ailleurs une crainte légitime.

Il serait plus intéressant que tu te demandes pourquoi cette scène t'a fait pouffer.
Elle t'aurait fait pouffer autant si ça avait été un acteur moins connu dans le rôle ?
Elle te ferait pouffer autant si elle ne faisait que transposer le récit de Solomon Northup ?
Elle t'aurait fait pouffer autant si on y ajoutait plus d'ambiguïté dans la motivation du personnage ?

Et il reste toujours que Brad Pitt n'est pas le centre de la scène. Il n'apparaît pas dans un halo de lumière tel un deus ex machina à la fin d'une pièce ou une STAR dans un film dont il est la vedette. C'est le type qui, après douze ans où Northup a été confronté à des salauds, des hypocrites et des menteurs, traite enfin Northup sans préjugés. À ce stade du récit, c'est forcé que Northup ait un jugement positif sur le bonhomme, mais si tu crois que la perspective du film, c'est "L'esclavage aurait été terminé plus vite grâce à des blancs courageux ayant nos valeurs politiquement correctes d'aujourd'hui comme Brad Pitt", on n'a pas vu le même film.

C'est en tout cas très intéressant que McQueen ne fasse justement pas preuve d'ambiguïté, parce qu'il dépeint de toute façon un monde binaire où il n'y a plus de place pour l'ambiguïté. L'ambiguïté, elle existe dans le Nord, où Solomon est un artiste indépendant, mais toujours quelque peu soutenu par l'effet de nouveauté (les libéraux qui veulent montrer lors de leurs fêtes qu'ils engagent des musiciens noirs). Et le boutiquier qui fait le voyage pour le libérer à la fin du film est le même que celui qui avait fait sortir de son magasin un noir qui était quant à lui un esclave. Il n'est pas non plus un militant anti-esclavagiste (et encore moins pro-Black Power...), c'est un type qui avait en revanche sympathisé avec Northup.


Sinon tu connais L'esclave libre de Raoul Walsh ? Parce que pour un film de 1957 je trouve ce film totalement osé. Bien plus d'ailleurs que 12 years a slave.


Sérieux ? Je l'ai vu il y a une dizaine d'années quand il était passé sur le câble. C'est quand même un mélo, une romance entre un Clark Gable un peu vieillissant et une métisse jouée par une actrice 100 % blanche à qui on avait mis un fond de teint légèrement plus foncé. Et c'est la vision très idéalisée et cul entre deux chaises de l'esclavage façon Hollywood de cette époque : c'était un mauvais système, mais la plupart des maîtres avaient un comportement honorable voire très honorable, eu égard aux circonstances, et il y avait juste quelques mauvais propriétaires sadiques. Et que c'est plus facile d'être contre l'esclavage qu'il y a une esclave blanche et hyper bien gaulée comme Yvonne De Carlo. Wouf wouf !

La thèse de 12 Years, c'est plutôt que le système de l'esclavage génère forcément chez le maître un comportement inhumain et que l'on est dans un système concentrationnaire plus que dans une dialectique hégélienne maître/esclave. Il n'y a pas d'ambiguïté parce qu'il ne peut pas y avoir d'ambiguïté dans ce monde. Juste des faux semblants.

Et ça me semble assez juste, rien qu'à cause des échos de cette idéologie dans l'ahurissant Naissance d'une nation, alors que Griffith (venu d'une famille sudiste) est sinon bien plus nuancé et profond dans son traitement (cf Intolérance).

Faut que certains comprennent que ses films sont pourtant très sérieux derrière les punchlines. Excuse-moi mais si t'arrives pas à voir que malgré ses délires, ses influences qui viennent de partout, il arrive à toucher une forme de vérité sur cette période et notamment sur sa cruauté.
Si pour toi la scène où Dicaprio assiste à un combat de Mandingues devant lui et que tu trouves ça pas réaliste ou super marrant, et bien...


Tu connais <i>Mandingo</i> de Richard Fleischer ? Un très très gros succès dans les années 70, à une époque où les sujets crapoteux avec nudité frontale et violence intéressaient les majors :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Mandingo_(film)

Et il s'avère effectivement que le combat de mandingues n'a pas grand chose à voir avec la réalité historique, mais plutôt de son travail d'identification des archétypes dans le cinéma d'exploitation pour les transposer ailleurs :

http://en.wikipedia.org/wiki/Mandingo_(film)

Director Quentin Tarantino has cited Mandingo as one of only two instances "in the last twenty years [that] a major studio made a full-on, gigantic, big-budget exploitation movie," comparing it to Showgirls. In Django Unchained, Tarantino took the non-historical terminology of "Mandingo fighting" from the use of "a Mandingo" being a fine slave for breeding in the film.


Tarantino ne chercher pas à reconstituer une vérité historique sur le Sud Antebellum (cf. la "naissance" du KKK). C'est quelqu'un qui explore ce qu'un thème dans un film représente vraiment dans l'imaginaire collectif pour ensuite le réinterpréter à sa sauce. Django, c'est mettre en parallèle et fusionner le western spaghetti et la blaxploitation, parce que les deux genres traitaient de l'affirmation du héros face à un environnement hostile et parlaient au fond de la même chose selon lui. La lecture idéologique de King Kong par l'Allemand blagueur au café d'Inglourious Basterds, c'est d'ailleurs pile le sujet explicite de Mandingo chez Fleischer : l'homme noir qui doit être enchaîné par un blanc impuissant, parce que sinon il séduira fatalement une fille blanche bien foutue grâce à son charme animal et à son gros braquemard (plus ou moins implicite).
Tarantino, c'est quelqu'un qui essaye de découvrir et d'exprimer une vérité en explorant les stéréotypes du cinéma, en les poussant à leur limite et en les confrontant les uns aux autres. Il ne fait absolument pas un film sur l'esclavage, il en fait sur les représentations plus ou moins métaphoriques de l'esclavage au cinéma, à partir desquelles il construit sa propre vision (en tant que spectateur et metteur en scène, témoin et juge, de l'esclavage.
Sledge Hammer
 
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Message » 16 Fév 2014 16:35

Tu nies quand même beaucoup Sledge le pouvoir de l'acteur justement dans la production aujourd'hui.
Quand Tom Cruise aussi produit, c'est limite lui qui a la toute puissance sur la production, sur son image, sur le film, sur ce qu'il véhicule.
Brad Pitt emprunte ce même chemin et je pense que cette tendance se confirmera dans ses prochaines prods.
Pour te répondre sur ce qui me fait pouffer, c'est que c'est clairement un tout. C'est le rôle et lui dans sa façon de jouer, c'est quelque chose de parfaitement global. J'adore en général Brad Pitt hein, je trouve que c'est un acteur brillant, mais là c'est grotesque dans l'écriture de bout en bout. Que veux-tu que je te dise de plus ? Voir cette forme de supériorité voire d'autorité morale incarnée par le grand Brad Pitt avec son air à la cool, bâtisseur droit dans ses bottes, c'est pas crédible une seule seconde, on y croit pas et quand bien même il aurait été incarné par quelqu'un d'autre de plus anonyme, ça aurait été tout aussi ridicule. Et honnêtement on s'en fiche si c'est dans le bouquin ou pas, faut dissocier fait historique et traitement. Qu'il y ait un personnage comme cela dans le livre qui a sauvé Salomon, peut-être, que Fassbender est un personnage qui a sûrement existé, oui sûrement, là c'est juste une question de mise en scène et d'écriture.

"L'esclavage aurait été terminé plus vite grâce à des blancs courageux ayant nos valeurs politiquement correctes d'aujourd'hui comme Brad Pitt" on n'a pas vu le même film.

Euh non c'est pas ce que je dis bien sûr. De toute façon le film n'est traité ici que sous l'angle du fait divers à l'échelle de un personnage pour toucher à l'universel, sauf que l'universel on ne le sent jamais. Le film n'a aucune perspective globale, c'est un simple survival dans le contexte de l'esclavage. Sauf que pour être réellement universel il aurait fallu une écriture qui touche à une forme d'ensemble, que le calvaire ne se termine pas juste parce que lui a été sauvé. Il aurait fallu par exemple filmer le procès ou que sais-je, dépasser le cadre de la simple souffrance évidente.
C'est le regard doloriste de McQueen, sa façon de tout réduire à la simple souffrance manichéenne qui me gêne.
Tu as raison le film est binaire et n'a aucune ambiguïté, c'est tout blanc ou tout noir. Aucune forme de gris dans ce film. Aucune réelle nuance. Aucune ampleur dramatique, c'est relaté littéralement un calvaire avec la libération comme finalité pour soulager. Personnellement le film ne me fait jamais réfléchir, ne m’apporte rien tant les effets sont éculés pour arriver à ses fins. Sur un thème aussi complexe, je le redis, ça ne m'intéresse que peu surtout quand ici c'est bourré de tics (musique, cadrages, facilité dans l'écriture, personnages etc..).
Je suis ressorti avec les mêmes idées que j'avais au départ, je lui reproche clairement de ne jamais dépasser les scènes évidentes et attendues, les lieux communs pour créer une simple indignation facile.
Nikolai
 
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Message » 22 Fév 2014 22:21

Très déçu par ce film communautariste où le blanc, bouhh il est méchant et que le noir bah il est super gentil... Bref, du vomi manichéen !
Même si Brad Pitt arrive à nous donner de bonnes réflexions par son personnage, mais il représente... 3 minutes sur 2h...
gotonin
 
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Message » 25 Fév 2014 1:16

Grosse compilation de procédés pour tirer la larmichette à grand renfort de Hans Zimmer qui va pas tarder à devenir ma boussole qui indique le sud. Pathos, drama et morale facile, personnages dont je n'ai pas eu grand chose à faire et traitement du sujet bien conforme.
A peu près tout ce que je déteste dans un film sans oublier l'impression de prise en otage de part le "tiré d'une histoire vrai".
Marlo
 
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Message » 25 Fév 2014 1:47

Parfaitement résumé.
Nikolai
 
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