Je souscris évidemment totalement à l'argumentaire développé par Scytale, y compris à sa référence Kantienne de la valeur de la pomme
en soi.
Loin d'être une référence à un quelconque café du commerce philosophique elle est au coeur du problème.
Je souscris également totalement à celui de Fredql...
A force d'être tenue pour une chose "musicale", à force de glissements sémantiques opérés par une presse hifi composée de testeurs majoritairement incultes dans le domaine de la musique, on a fini par tenir le matériel de haute fidélité pour une oeuvre d'art. Qu'il n'est pas et ne sera jamais : l'art est dans l'enregistrement qui le fixe. D'ailleurs certains constructeurs carossent leur machine comme si elles étaient des oeuvres d'art pour accroître ce sentiment confus.
Tout le monde ou presque s'y est laissé prendre un jour où l'autre. Les professionnels du son, moins que les audiophiles.
Ce faisant, la haute-fidélité émanant de constructeurs à vocation audiophile a créé un marché irrationnel qui n'existait pas voici trente ans. Non pas tenir la valeur d'un objet de sa qualité réelle, mais du jugement subjectif que l'on porte sur lui. Et surtout ne pas croire aux mesures.
Il n'est que dans les oeuvres d'art que l'on ne fait pas payer le tableau en fonction du temps passé et du prix de la peinture étalé dessus ou la sculpture au poids du bronze fondu : ce ne sont que les valeurs résiduelles de l'oeuvre présentée. Le prix c'est le talent, la rareté et le talent, la spéculation et la capacité d'un artiste vivant à occuper le terrain, la valorisation de l'acheteur.
La ville de Paris vient ainsi d'acheter une sculpture vivante composée d'un perroquet dans sa cage encadré de deux palmiers en pot... valeur résiduelle : 1500 euros. Valeur d'achat : 310.000 euros. Pour moi : 1500 euros et plainte pour cruauté avérée envers un animal. Pour celui qui a payé 310.000 euros. Il a payé le nom de l'artiste et son idée et la peur d'être tenu pour un con s'il n'est pas capable d'apprécier l'oeuvre d'art.
Ajoutons à cela, la dose de mystère de la hifi, les légendes urbaines sur le coup de patte du génial concepteur qui a magnifié le travail des ingénieurs qui ont conçu le produit (le patron qui prend le proto et l'améliore en retirant le maximum de composants au cours d'un week end!) et le prix est fixé en fonction de critères qui ne tiennent qu'assez peu compte de la valeur résiduelle du produit (ajouté évidemment de tous les frais d'un constructeur : études, protos, fabrication, etc.) et beaucoup plus du positionnement qu'il veut avoir sur le marché.
Et l'on abouti à quelques aberrations économiques qui si elles n'étaient pas le fait d'un marché irrationnel (coté client...), ne pourraient pas exister. Car les produits n'auraient aucun acheteur...
Un téléviseur à 20.000 euros parce que M. Truc muche a changé deux condos...?
Si la clio coute moins cher que la Vel Satis, c'est aussi parce que tous leurs éléments qui ne sont pas communs valent beaucoup plus chers dans la Vel Satis dont les performances sont objectivement d'un tout autre niveau. Sa valeur résiduelle est beaucoup plus élevée.
En hifi audiophile, on vend malheureusement beaucoup trop de Clio au prix de la Vel Satis, parce qu'on a maquillé la première pour faire croire au client qu'il achète la seconde. ça ne se voit pas au premier coup d'oeil. Ce que l'on voit, c'est l'extérieur... qui influe sur l'écoute.
La valeur d'une platine CD est son cout de conception (faible car la quasi totalité des fabricants audiophiles mettent en oeuvre des solutions mécaniques, numériques, analogiques conçues par d'autres), de fabrication et de distribution. Pas son résultat d'écoute : il ne fait que découler du reste. Et les différences réelles entre modèles de marques différentes ne sont pas systématiquement en faveur des plus chères.
Si un constructeur propose une platine à plus de 1500 euros et que ce prix est un prix justement calculé qui lui laisse une marge normale, il devrait changer de métier, car il n'est pas viable dans un marché normal.
Ce qui le sauve, c'est que le marché de la haute fidélité est irrationnel... et ne s'appuie que sur la subjectivité.
Alain