chris.c a écrit:C'est bizard de voir que ces sujet soient si peu traités (l'acoustique) voir pas du tout (la psychoacoustique) sur les revues de nos jours.
Questions:
Est-ce vraiment un hazard que je soit tombé la dessus ?
Ou est-ce parce qu'il y avait moins de choses à cacher, que les revues étaient moins influancées par les fabricans et se permettaient plus d'articles sur la psycho-acoustique ?
Chose qui en dérange beaucoups car ça discréditent leurs dicours sur la magie de tel ou tel gri-gri.
Il y a une tendance générale, relayée par la communauté. L'audiophilie est quelque chose qui s'apprend, avec ses débutants, ses spécialistes, et ses experts. Aujourd'hui, l'une des leçons que tout expert donne aux débutants, c'est qu'il y a des choses qui s'entendent, mais qui ne se mesurent pas.
Ce paradigme est très fort, car il conditionne l'existence de l'ensemble du marché des câbles et pointes, des lecteurs de CD et amplis moyens et haut de gamme, et de toute mécanique CD (source sans convertisseur).
Il est donc accepté comme une évidence qu'il serait quasi impensable de remettre en question, car cela reviendrait à remettre en question la majeure partie de toute la haute fidélité audiophile (par opposition à haute fidélité grand public, de supermarché, ou professionnelle, de studio ou de sono).
Par conséquent, devenir expert en haute fidélité se fait généralement sans aborder le côté technique, uniquement à l'oreille et à l'intuition.
Ensuite, il y a une forte connotation négative appliquée aux écoutes critiques en aveugle, notamment relayée par John Atkinson, rédacteur en chef de Stereophile, qui empèche tout progrès dans l'utilisation de l'écoute comme moyen d'évaluation de la qualité d'une chaîne.
Les écoutes en aveugle sont d'autre part complexes à mettre en oeuvre pour un particulier. Il faut du matériel, du temps, des auditeurs, et quelques connaissances en probabilités et statistiques.
Or il se trouve que les chercheurs en électroacoustique et les professionnels du son, qui auraient les moyens de travailler en écoute aveugle, pensent plutôt que tout ce qui s'entend se mesure, et ne voient donc pas l'intérêt de réaliser des séances d'écoute longues et complexes, alors qu'une simple mesure électrique leur donne un résultat plus précis et plus objectif.
Enfin, un élément essentiel ayant permis le désintérêt de la communauté audiophile pour l'acoustique et la psycho-acoustique, et la focalisation sur l'importance des appareils eux-mêmes, est précisément d'ordre psycho-acoustique. C'est l'existence de conditionnements mentaux menant à ce que j'appellerais des illusions sonores (par analogie avec des illusions d'optique).
C'est ainsi qu'une personne croyant à tort écouter un amplificateur bas de gamme va trouver sa propre chaîne, perfection absolue à ses yeux, comme affreusement mauvaise. [
lien] C'est un exemple basique de suggestion.
Plus généralement, des illusions sonores persistantes se forment spontanément lors d'une comparaison forcée entre deux sources identiques présentées comme différentes. Par exemple des personnes comparant des cordons secteurs masqués, sans préjugé sur leur qualité, pourront finir par trouver des différences sonores, et même déclarer être prêtes à dépenser des sommes importantes, après essai à leur domicile, pour acquérir un cordon masqué... identique au leur ! [
Lien, voir le paragraphe
Test de câbles secteurs de Kiang]
Ainsi la boucle est bouclée : le rejet de la psycho-acoustique s'auto-valide tel un serpent qui se mord la queue. Rejeter toute analyse technique rend propice l'apparition d'illusions sonores, car l'audition n'a plus aucun point de repère objectif, et les illusions sonores, une fois établies, discréditent les analyses techniques.
Montrer la présence d'illusions est facile, grâce à des tests en aveugle, mais la tendance actuelle est plutôt à l'immobilisme de ce côté. Le lectorat des revues grand public n'est pas demandeur (contrairement aux revues destinées aux chercheurs, où le double aveugle est systématique), et préfère acheter du rêve que de la technique.
Il faut aussi être bien conscient de la grande puissance persuasive de telles illusions (je parle en connaissance de cause). Les différences que l'on croit entendre sont si grandes que les tester en organisant une comparaison en aveugle paraît totalement idiot ! C'est un point à garder à l'esprit si on veut bien comprendre le fonctionnement de nombreux accessoires en hifi tels le ionostat. On parle souvent de mensonge, d'escroquerie... mais je pense que cela vient d'une grave sous-estimation de l'intensité et de la persistance des "illusions sonores" que notre cerveau est capable de générer.
Des tests en double aveugle intéressants ont été menés par l'association espagnole Matrix-hifi (
lien... En particulier un exemple frappant : [
lien]). Mais il leur manque la
parole aux auditeurs, qui serait à mon avis essentielle pour mieux comprendre les résultats absurdes obtenus dans leur test. Qu'est-ce que les auditeurs ont entendu ? Se sont-ils vraiment trompés ? Pensent-ils pouvoir recommencer en faisant davantage attention ? Voilà les questions qui nous permettraient de mieux comprendre comment nous percevons le son d'une chaîne hifi, et où se situe la frontière entre l'
objectivisme (la bande passante d'un haut-parleur, par exemple) et le
subjectivisme (le rodage d'un câble secteur, par exemple).