On ne peut pas refaire l'histoire et on ne peut pas évoquer les Cabasse d'avant 90 sans évoquer une caractéristique fondamentale: elles étaient conçues en n'écoutant que de la musique classique (et un peu de jazz) enregistrée suivant les principes posés par Georges Cabasse. Ceci voulait dire qu'on écoutait d'abord les bandes maison enregistrées généralement par Bernard Neveu (et un peu par moi vers la fin de l'ère Georges Cabasse/François Bellec) et rien d'autre. Cabasse ne faisait pas des enceintes capables de reproduire ce qui était à la mode. La live music était le système référent par principe. Si les disques des gens étaient comparables: tant mieux s'ils ne l'étaient pas: tant pis!
Il n'y avait pas de service marketing chez Cabasse. Cette maison fut d'abord l'acte de foi d'un type assez génial et convaincu dont le petit atelier est devenu un temps le numéro un français, ce qu'il n'avait pas vraiment cherché. Je fus le premier à qui on a proposé ce poste en 1996 et j'ai refusé. Cabasse était une marque intemporelle qui a commis certaines erreurs stratégiques qui ne sont pas celles auxquelles on croit généralement. Le monde est assez grand pour faire vivre une marque atypique mais Cabasse n'a pas su prendre le virage de l'international comme il aurait fallu le faire. L'erreur est là puis sont venues certaines enceintes qui n'étaient plus en phase avec la pensée maison. Les fidèles n'ont pas compris, tandis que la clientèle visée n'avait pas attendu et avait déjà fait d'autres choix moins jansénistes.
Comme les enregistrements de référence étaient tous réalisés à base de micros omnidirectionnels à très petites membranes, il avaient une excellente linéarité ainsi que du grave en suffisance et on ne demandait pas aux enceintes d'apporter le grave qui manquait à certains disques car Haskil a raison: le room gain amplifie presque toujours les basses et cette caractéristique fut très rapidement prise en compte par le labo. Chez Georges Cabasse, je me souviens d'une écoute d'un Bösendorfer Imperial sur des Colonne 100 grandeur nature et tout y était (enceinte close avec 21cm).
J'ai pu évaluer personnellement la supériorité d'un Galion qui m'avait servi à amplifier une guitare basse fretless et un stick lors d'un enregistrement de jazz. C'était assez extraordinaire et le musicien était
puis j'ai recommencé une autre fois avec des 135 et là:
La 135 était plus flatteuse sur des disques compressés mais sur de la musique libre, il n'y avait pas de comparaison possible, les HP talonnaient, ce qui n'était pas le cas du galion avec un Nikko de 2x450W aux fesses. Il faut dire qu'un stick ça pousse fort! Ceci dit, le Galion n'était pas une chose simple à optimiser: l'apport d'un sub dans le bas du bas peut faire des miracles. Je précise que je n'utilisais pas de caisson au cours de cette séance d'enregistrement.
Les Cabasse n'étaient pas faites pour les amateurs de pop mais nous n'y songions pas; il y avait assez de marques pour eux. C'est d'ailleurs ce que je continue à dire à ceux qui voudraient que j'enregistre de la variété ou du rock à Passavant: il y a assez de studios pour ça laissez le peu qui reste à la musique classique et c'est ce que nous pensions chez Cabasse. Il fallait d'abord que ce soit bon sur des enregistrements naturels et puis tant mieux si ça pouvait passer autre chose mais ce n'était pas la préoccupation majeure du boss.
Les premières Cabasse étaient bass-reflex (c'était indispensable avec du tube) puis avec l'arrivée du transistor et l'emploi de grands HP dans des caisses assez petites, il n'était pas possible d'accorder proprement sans effet boum boum ou alors sans efficacité. L'accord aurait été trop bas pour le HP et le volume considérés et il ne servait plus à rien. Donc Cabasse n'était pas pour le clos mais était contre des mauvais bass-reflex et, à cette époque, question respect du message, rien ne valait un 30cm qui a naturellement de la surface et du rendement avec de faibles déplacements. Un Sampan est une petite chose pour un 30cm. Rappelez-vous qu'à l'époque, un 21cm supportait rarement plus que 25/30Watts et on ne savait pas faire des HP à très grands débattements qui restent bons. Pour faire du niveau, il fallait de la surface.
Une autre chose importante: avant la mode des amplis sans rien, les amplis avaient un correcteur de tonalité, quasiment toujours de type Baxandal. La courbe des Cabasse a toujours été étudiée pour être linéaire dans des conditions normales mais aussi pour pouvoir être corrigée à l'aide du Baxandal présent sur les amplis de l'époque. Celui qui voulait des basses pouvait en avoir mais à tout moment, il pouvait retrouver l'équilibre naturel en remettant tout à zéro.
Vous allez rigoler mais le retour au bass-reflex fut décidé pour gagner des étoiles au labo fnac car Cabasse se vautrait toujours pour la mesure de la distorsion. Marceau Crasson et son équipe (labo fnac) jugeaient la distorsion des basses à 40Hz. Dans ce coin, les enceintes closes distordent davantage qu'une enceinte dont l'accord se situe à... 40Hz. Quelques constructeurs avisés accordaient à 40Hz et avaient plein de points et d'étoiles. comme la fnac était une grosse puissance en hifi et que les gens achetaient en fonction de l'avis du labo, Cabasse a donc fait comme tout le monde: il a accordé ses enceintes à 40Hz et les points sont venus et les ventes avec. La première fut la Bisquine qui fit un véritable carton.
Il n'y avait rien de cheap chez Cabasse, pas même le filtre. Ce filtre n'en jetait pas mais il était très bien fait. Il n'y avait pas une seule résistance qui aurait désamorti les HP mais uniquement des condensateurs et des selfs à entrefer très caractéristiques, chargées également de l'adaptation en niveau. Bellec, qui avait fait Supelec et Arts et Métiers tenait beaucoup à ses selfs alors que tout le monde lui réclamait des grosses selfs à air. Quand vous trouvez une Cabasse de cette époque avec d'autres selfs, ne l'achetez surtout pas, à moins de rechercher un modèle exotique sans aucun rapport avec l'original.
Pour les HP, ce qui compte, c'est le champ dans l'entrefer, pas la taille de l'aimant. Un gros moteur peut être moins performant qu'un petit bien usiné. L'usinage coûtait très cher à l'époque et Cabasse s'était offert un tour à commande numérique qui lui avait coûté les yeux de la tête.
L'évent laminaire ne coûtait pas plus cher mais faisait plus noble. C'était une réalisation de Tronçais avec des chutes de bois. La machine qui faisait le folding évidaient ces petites plaques qui étaient collées en-dessous de l'enceinte. La pose d'un évent tubulaire requiert presque davantage de main d'oeuvre. Je suis désolé de casser ce mythe.
Le bois était de l'aglo marine plaqué des deux côtés, ce qui était rare car beaucoup plus cher à l'époque. Ceci permettait au bois de ne pas se cintrer puisque les forces étaient égales des deux côtés.
L'asservissement fut une très belle chose sur les trois voies mais Cabasse dut l'abandonner progressivement sur les quatre voies, non sans avoir tout tenté.
Les belles caisses Cabasse datent d'avant le folding quand elles étaient faites au Danemark, après l'incendie de 1975 ou 76 et jusque 90 environ. A partir de Tronçais (SEVE racheté par Cabasse), les caisses ont perdu leurs rives et sont passées de l'état de meubles à celui de boîtes bien faites.
Cabasse est une entreprise qui a vécu différentes époques très significatives. La philosophie maison n'a pas pu suivre simplement parce qu'elle n'a pas été transmise quand ses auteurs ont pris le (grand) large. Voilà pourquoi je distingue les époques.