» 17 Nov 2022 20:55
Etant originaire d'une région où la corrida fait partie des traditions, j'ai eu le temps de me faire une idée, seulement personnelle, sur la question.
Il faut d'abord savoir qu'il y a 5 types de "spectacles taurins":
_La corrida espagnole, où mon père m'a emmené plusieurs fois dans ma jeunesse: c'est celle-là qui est en jeu.
Pour être franc je déteste.
La seule chose que j'y trouve magnifique ce sont les taureaux eux-mêmes: des animaux réellement superbes, athlétiques, de 400 à plus de 600 kg, élevés en liberté avec le minimum de contacts avec les humains, très impressionnants.
En revanche les 4 phases par lesquelles passe la bestiole sont très éprouvantes: d'abord les banderilles qui commencent de fatiguer la bestiole (se terminent par des harpons de 3-4 cm, enfoncées dans le cou ), ça pisse déjà pas mal. Ensuite le picador (à cheval), censé éprouver la vaillance du taureau, en réalité qui vient l'affaiblir considérablement et l'empêcher de relever désormais correctement la tête pour encorner le guignol qui va bientôt se présenter devant lui (la pointe de quelques centimètres cisaille les muscles au niveau des cervicales ). Ensuite la faena: le torero fait bouger le taureau d'une manière supposée être artistique, ce qui aggrave les blessures venant des banderilles dont les harpons labourent la chair à chaque mouvement latéral. A noter que sans ces 3 phases le torero risquerait de se faire pulvériser car l'animal garderait toutes ses capacités et tous ses réflexes. Enfin la mise à mort: l'épée est censée occasionner une mort instantanée en plongeant dans le cœur. En réalité c'est peu fréquent et elle vient surtout perforer les poumons ou la trachée: il s'écroule alors noyé dans son propre sang ou doit être achevé (autre coup d'épée ou couteau qui tranche la moëlle épinière).
_La corrida portugaise:pour l'essentiel elle se pratique avec les mêmes animaux mais à cheval (banderilles, sans picador), le taureau sort sur ses 4 pattes puis est achevé rapidement dans les coulisses. L'esthétique des chevaux qui sont dressés dans ce but est certes pas trop mal, mais cela reste sanglant (trop pour moi)...
_La course landaise: pratiquée avec les femelles des taureaux de combat. Grosses différences: si elles sont elles aussi élevées en liberté dans des très grands élevages (les ganaderias), elles ne sont absolument pas destinées à être blessées ni tuées. Certaines vivront de leur belle vie jusqu'à 20 ans, souvent après avoir mis bas. Certaines sont devenues plus célèbres que les humains qui les écartent. Car le but d'un "écarteur" est de provoquer leur charge et d'esquiver l'impact le plus tard et le plus proche possible (d'où "l'écart"), soit latéralement, soit en sautant par-dessus l'animal. Les seules blessures que j'ai vues dans une course landaise sont celles des écarteurs, potentiellement gravissimes, voire mortelles.
Les vaches landaises des courses (= corrida en espagnol) du même nom n'ont en effet pas grand-chose à voir avec les bestioles style Intervilles: nettement plus volumineuses et vraiment agressives, entre 300 et 400 kg tout de même. Inutile de dire que même les extrémités des cornes encapsulées, un choc avec cette masse bien lancée peut faire de gros dégâts (en plus elles "apprennent" avec les années), mais pour le coup les écarteurs assument.
C'est marrant mais assez répétitif à mon goût.
_Les spectacles comico-taurins: je les trouve pas du tout comiques... Des vaches landaises style Intervilles jouent avec des clowns (bon, pourquoi pas) et surtout avec des singes et/ou des chiens. J'ai eu le cœur serré et la boule au ventre en voyant ces pauvres bestioles risquer de se faire gravement blesser par les vaches. Un peu comme du cirque, en pire.
_Les spectacles "Arts et courage": ce sont les plus récents, des courses landaises avec écarteurs mais avec des taureaux de combat cette fois. Ce sont des animaux qui n'ont pas été jugés a priori assez bons pour les corridas. Ils font plutôt dans les 400 à 500 kg et sont néanmoins vraiment superbes. Pas de blessure, pas de mise à mort dans l'arène, des risques accrus pour les bonhommes (z'ont pas intérêt à se louper car les taureaux ne sont pas exactement là pour jouer).
Les animaux sont abattus dans les coulisses mais cela ne me dérange pas: ils auront de toutes façons eu une vie autrement plus longue, plus variée et plus libre que n'importe quel bovin élevé pour l'abattoir (sans parler de ceux qui foulent à peine une vraie prairie).
En tout cas c'est de très loin ce que je préfère et vous pouvez aller voir ça avec femme et enfants.
Interdire les corridas? Je pense que ce serait contre-productif, en provoquant une réaction identitaire très forte qui renforcerait cette pratique dans tout le Sud de la France, par opposition à "ceux de Paris" (ce serait vu ainsi en tout cas). Autant laisser les corridas s'atténuer d'elles-mêmes, et laisser d'autres spectacles les remplacer.
Comme quelqu'un l'a écrit plus haut, il y aurait d'abord énormément d'autres pratiques "alimentaires" (ou non d'ailleurs) scandaleuses à éradiquer, et qui concernent des millions de bêtes de toutes natures, et dont on est les complices en nous rendant quotidiennement dans n'importe quel magasin ou supermarché.
Mais soyons clairs: les corridas je déteste vraiment, même si Hemingway (et plein d'autres!) en était aficionado.