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Films (débats, critiques), personnalités (acteurs, réalisateurs), prochaines sorties, les salles, la presse spécialisée...

Olaf Stromberg. Le plus grand cinéaste de tous les temps !

Message » 04 Avr 2022 20:21

Nous découvrons ainsi que le réalisateur suédois, sur une idée impromptue d'André Techiné, confie la musique de Pas de pruneaux pour monsieur Paul à the Depeche Mode.
Zéro risque pour Stromberg car ils sont connus sur la scène internationale. Ce groupe anglais est depuis quelques années présents sur toutes les pistes de danse de la planète. Techiné avec les Wampas a été plus courageux. Olaf s'explique :

C'est le lyrisme d'Enjoy The Silence qui a emporté ma décision. Dès sa première écoute je me suis dit "voilà, c'est elle, la chanson de mon film". Cette Ode au Silence résume une situation jusqu'à son essence et je ne désirais pas intégrer suite à un pari une musique qui ne participerait pas à la narration idéale de l'histoire. Presque comme un des piliers. Je ne connaissais pas personnellement les musiciens et je redoutais même leur intégration, j'ai encore quelques souvenirs avec des célébrités qui amenaient leur lot de problèmes jusque sur le plateau.

A ce titre, j'ai lu dans Kino Actu qu'on y louait ma soit-disant fidélité à mon équipe. Je travaille souvent avec les mêmes qui sont devenus par la force des choses mon vivier naturel. Au delà des connivences amicales, j'aimerais préciser que je travaille avec elles et eux en premier lieu car ce sont des professionnels. Cela peut sembler étrange mais dans mon boulot c'est le premier critère. Le fait que nous nous aimions et prenions plaisir après le tournage à continuer à vivre des moments plaisants et parfois totalement délirants (rire d'Olaf) est la cerise sur le gâteau. Mais je ne confonds pas tout. C'est le genre d'erreurs que je faisais au début, durant la phase d'apprentissage du métier mais c'est déjà un tel boxon un tournage que tu ne peux pas te permettre de rajouter de l'amateurisme au désordre. Tu gagnes du temps lorsque chacun connaît sa mission et dans un film, le temps, c'est l'ennemi. Ex-aequo avec l'imprécision.

Augusto, mon chef lumière pour ne parler que de lui sait quel éclairage je souhaite. En fonction de la situation il interagit pour, éventuellement, me proposer une alternative correcte. Je ne suis pas son ampoule. Il fait au mieux et ses capacités sont grandes. S'il me dit "pas jouable", c'est que ce n'est "pas jouable". Le miracle, je sais qu'il l'aurait fait. Au delà, je ne peux pas demander. Et il en est ainsi pour chaque rouage. Je ne peux pas leur demander d'avoir le film dans leur tête mais je les observe parfois pendant qu'ils imaginent être seul modifier un paramètre, ajouter ce petit quelque chose qui va dans le sens que je souhaite. Peu à peu, ils s’accaparent la vision du projet, instinctivement. Je sens dans leur attitude une interrogation silencieuse, un peu comme s'ils se disaient "woyons woâr, ici on s'éloigne de l'intention, là en faisant ça, on s'en rapproche et mon petit puzzle colle avec le reste, là ça le fait bien..."

Et ils se trompent rarement. C'est ça l'implication. Leurs égos, c'est le film qu'ils sont en train de réaliser et rien d'autre. Au début c'est forcément un peu flou mais à un moment donné, c'est presque une locomotive avec la bonne focale. Pif, paf, pouf ou encore tchac boum tchac boum comme dans un groupe qui ne sacrifie qu'à une seule chose : la musique. Rien à foutre des gros solistes qui finissent par saboter le taf' du copain au détriment du projet. Le talent - seul - c'est rien. Si le long métrage n'obtient que des palmes pour le son, l'image ou que sais-je encore, passé le moment de joie, toute l'équipe est un peu déçue car le véritable enfant, c'est le global. Si ça loupe, c'est que quelque chose a foiré et tu ne sauves pas le navire et son équipage avec la palme de l'éclairage du pont.

Si le long métrage ne marque pas un tant soit peu les esprits, s'il ne continue pas, ensuite, une vie différente dans l'expérience de chaque spectateur, c'est que quelque chose a foiré. Je dois dire, avec le temps qui passe, que le responsable c'est très souvent le scénario. Avec un bon casting, rarement les actrices ou les acteurs. C'est l'histoire que tu racontes qui conditionne ton film. Avec comme unique arme le style, tu ne ne bluffes personne très longtemps. Sauf mon ami Lynch. Il n'y avait de la place que pour lui sur le podium. Non, n'imprimez pas ça, il va me faire la gueule. C'est un joke entre nous.
peg-harty
 
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Message » 04 Avr 2022 22:46

Le cadreur exclusif d’Olaf n’aurait-il pas précisé que JCVD, le comédien préféré du maître, est toujours filmé hors champs en apportant sa philosophie aux dialogues silencieux ?
Yabaar
 
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Message » 04 Avr 2022 23:25

Non, cher Yabaar, il ne l'aurait pas :D

Votre information date du 1 er Avril 1995. Cette rumeur continue à circuler preuve que nous préférons souvent perpétuer une contre vérité marrante à une réalité moins amusante. Ceci nous permet de constater que Stromberg n'a jamais investi le registre des films de combat. On se demande même pourquoi. Je l'interrogerais à l'occasion car il aurait pu y provoquer la surprise.

ps : mais il est tout à fait possible que la philosophie de JCVD ôh combien profonde l'est influencée dans l'un ou l'autre dialogue. On ne peut pas être complètement insensible à son univers si spécial.
peg-harty
 
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Message » 04 Avr 2022 23:46

peg-harty a écrit:ps : mais il est tout à fait possible que la philosophie de JCVD ôh combien profonde l'est influencée dans l'un ou l'autre dialogue. On ne peut pas être complètement insensible à son univers si spécial.


Une intéressante porte d'entrée à cette philosophie peut être trouvée dans l'excellent ouvrage : Initiation à l'ontologie de Jean-Claude Van Damme (Le concept aware, la pensée en mouvement) de Monsieur Vandermeulen.
coincarre
 
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Message » 05 Avr 2022 22:35

Note à l'usage de l'étudiant et de l'historien.


Clarifions la chronologie. Après les films de 1990, vous vous attendez (probablement) à retrouver ici les films de 1991.
Ce serait si simple. Mais la vie, parfois, ne l'est pas. Pour des raisons que les scientifiques tenteront d'expliquer à leurs contemporains, l'année 1991 et son "ordinateur fou" - celui qui est équipé du système d'exploitation GOS, s'est retrouvé page 27, donc à une date de rédaction antérieure. Score provisoire Ordinateur 3 Humain 2.

Pour continuer, plusieurs logiques différentes peuvent se disputer.

LA LOGIQUE POSITIVE : L'ordinateur fou qui mélange les dates a fait son gag. Il engrange le point et s'auto-met à jour, comme si de rien n'était avec le patch 526358. Parallèlement, moi, l'utilisateur lambda, j'ai confiance, je lui tape sur le capot dans un réflexe amical et je continue sans présager d'un quelconque running gag. J'attaque donc l'année 1991.

LA MEFIANCE PREVENTIVE : l'ordinateur fou s'attend à la logique positive, à ma confiance en faisant fi du patch rectificatif 526358. Il va tenter le gag récurrent pour semer la pagaille. Ce serait fourbe de sa part. Il ne m'a pas habitué à ça. Je place les probabilités à 40%. Il faudrait dans ce cas que je passe directement à 1993 qu'il placerait après 1992 en pensant me piéger alors, qu'au contraire, cette anticipation géniale ne ferait que ré-imposer la vraie chronologie. Le point me reviendrait et nous serions à égalité.

Bon... 60% de probabilité en faveur de la logique positive. Je tente le coup...

Bientôt ici, le deuxième film de l'année 1991 : Le mécanicien, le pompiste et le laveur de carreaux.
peg-harty
 
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Message » 06 Avr 2022 10:14

peg-harty a écrit:
Ceci nous permet de constater que Stromberg n'a jamais investi le registre des films de combat. On se demande même pourquoi. Je l'interrogerais à l'occasion car il aurait pu y provoquer la surprise.



Quand même ! Dans "un homme au sang chaud" en 2004, il y a cette scène d'une extrême violence ou il filme au ralenti la main qui s'abat sur la table familiale lors de la scène ou l'amant invité par Anne Parillaud (oui encore elle) se joint à la famille. J'ai sursauté, il faut dire que le plan précédent, soit 7 minutes sur une roue de Fiat 500 en mouvement était certes assez bouleversant mais très paisible.

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Message » 06 Avr 2022 12:32

autrichon gris a écrit:
peg-harty a écrit:
Ceci nous permet de constater que Stromberg n'a jamais investi le registre des films de combat. On se demande même pourquoi. Je l'interrogerais à l'occasion car il aurait pu y provoquer la surprise.



Quand même ! Dans "un homme au sang chaud" en 2004, il y a cette scène d'une extrême violence ou il filme au ralenti la main qui s'abat sur la table familiale lors de la scène ou l'amant invité par Anne Parillaud (oui encore elle) se joint à la famille. J'ai sursauté, il faut dire que le plan précédent, soit 7 minutes sur une roue de Fiat 500 en mouvement était certes assez bouleversant mais très paisible.


Il fallait, je pense, comprendre "films d'arts martiaux". Car Olaf a tout de même légèrement investi le registre du film de combat dans la première partie de La quadrilogie de Garl(1971), intitulée Le combat.
En revanche La petite bataille(1975), aussi connu sous le nom de La grande bataille, est un faux-ami, bien qu'il s'agisse d'un combat intérieur.
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Message » 07 Avr 2022 22:33

N'anticipons pas trop l'avenir Autrichon Gris, il faut penser à l'étudiant et à la cohérence générale. 2004... c'est loin. On peut se tromper de film :)
J'entendais encore récemment un journaliste parler d'un film de pâtissier d'Agen pour Pas de Pruneaux pour monsieur Paul, et pourtant nous étions aux antipodes du sujet réel.

Coincarré soulève un lièvre sur lequel Olaf ne s'est guère épanché. Son traumatisme consécutif à ce qui est devenu la quadrilogie de Garl. Nous nous souvenons que ce film - effectivement de "combat" - ne s'est transformé en Quadrilogie que par souci de précision.
Emu par le résultat auprès des spectateurs, déçu par ce qu'il pouvait véhiculer il a repris sa caméra presque pour "expliquer" le caractère violent du film et son véritable enjeu qui était passé malheureusement inaperçu.

Une faute, avouera-t-il. Une erreur qu'il lui fallait rectifier pour tenter, à sa manière, de contribuer à une génération qui romprait enfin le dur cycle de l'Histoire et de ses vicissitudes. Ses efforts sont aujourd'hui récompensés par monsieur Coincarré qui a parfaitement résumé l'intention de Stromberg.

Comme Kubrick - lui aussi décrié - dans son dernier long métrage "Eyes Wide Shut", Stromberg a tenté de transmettre un message simple et compliqué à la fois : envisager différemment des situations et leurs paroxysmes. Les observer comme le miroir de sa propre perception. Le faible les vivra par procuration, se chargera d'en définir les responsabilités, se placera en spectateur. Le réaliste, mais dans le sens du chercheur grec de la Réalité, s'interrogera sur lui-même et son rôle dans "ce qu'il semble regarder".

Et là, effectivement, avec un habile sens du raccourci, monsieur Coincarré a très raison d'utiliser l'expression "combat intérieur".

Stanley a concentré ce "mystère" sur le couple tandis que Stromberg, encore jeune à l'époque, s'amusait du monde, la Cour du couple royal, mais sans en identifier correctement l'essence. C'était là tout le thème de leurs discussions lorsqu'ils se rencontrèrent. Deux expériences différentes mais globalement assez semblables sur la perception, ses embûches et leurs interactions sur le vécu, tant individuel que collectif.
Kubrick, tragique, a adopté un regard presque désabusé et fataliste sur cette autre réalité tandis qu'Olaf, plus gamin et joueur, propose de s'en accommoder et, dans la mesure du possible, d'en raboter les excès qui peuvent rendre mélancoliques.
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Message » 08 Avr 2022 12:10

Le mécanicien, le pompiste et le laveur de carreaux. (1991)

]Long métrage 35 mm (couleur) – genre film à sketchs interactifs - Durée : 1 H 39 mn
Réalisé par Olaf Stromberg avec la troupe de théâtre d'improvisation du village de Hoffstetten. Musique de la Fanfare municipale.

L’histoire : C'est la fête au village. La fanfare enchaîne ses tubes. Trois personnages vivent ce même instant et vont se croiser plusieurs fois au hasard de situations cocasses, alambiquées, ambiguës, bizarres. Un condensé de vie dont, contrairement aux protagonistes, seul le spectateur possédera toutes les clés.


Olaf Stromberg renoue avec la légèreté. Après Pas de Pruneaux pour Monsieur Paul il a envie de rire et de rendre complice le public. Un tout petit film sans autre ambition que de s'amuser de la vie, piaffer à l'inattendu, sourire aux incompréhensions, observer des humains aux préoccupations différentes dans un espace identique.

Il expliquera plus tard, c'est un hommage à Jour de fête de Tati. J'ai juste tenté de rajouter ou plutôt d'accentuer le côté "complicité avec le spectateur". L'idée c'était de lui accorder un rôle plus impliqué quoique irrémédiablement passif. Le public sait exactement de quoi il en retourne dans toutes les situations. Quel dommage il ne peut pas intervenir pour tout expliquer au mécanicien... ce serait si simple. Un enfant pourrait réparer cette panne encore faudrait-il connaître son origine.
Le pompiste, lui, vit le décalage. A dix secondes prêt, les tenants et les aboutissants se rejoindraient. La rencontre aurait lieu mais tel n'est pas le scénario et au spectateur d'être désolé pour lui. Elle est à gauche, ne va pas par la droite ! Malheureux. Tu ne la vois ? Elle est là, elle te cherche, elle aussi. Oh noooon. Reste... elle arrive... Zut, tu viens de la louper... mais tu fais exprès ou quoi ?
Le laveur de carreaux navigue entre la salle de bal, sa buvette et le café-bar, de l'autre côté de la place du village. Son esprit s'embrume. Ses explications deviennent de plus en plus poétiques. Il n'est pas là pour s'amuser, il cherche son seau et l'éponge. Il travaille. Encore faut-il qu'il puisse réunir tous ses outils. Il a laissé l'éponge sur le comptoir de la buvette du bal. Il ignore que, serviable, le pompiste est déjà en train de lui la ramener au Café-Bar... où le mécanicien attend sa dulcinée... Et lui aussi est serviable...
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Message » 08 Avr 2022 13:39

Je me souviens de la critique lapidaire des Cahiers du Cinéma à l'époque, dont le chapô était : "Ballet d'essuie-glace".

Ils reprochaient au film son côté léger, aérien, ainsi que sa musique. Ils n'avaient rien compris.
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Message » 09 Avr 2022 1:18

La critique fut pour le moins... mitigée.

Au moins auront-ils (les Cahiers) fait une discrète référence à Tati dans leur chapô. Stromberg reconnaîtra qu'il s'agissait d'un hommage-exercice, une tentative au petit bonheur la chance. Malgré la minutie de maints cadrages réglés parfois au 10ème de seconde pour un effet qui dure... autant, l'utilisation d'astuces discrètes que seul de rares esthètes de la chose pourront noter, au montage du film, des témoins se souviennent de son humeur chafouin.
Le résultat projeté obtenait trop rarement son satisfecit. Comme d'habitude, de bonnes âmes faisaient semblant de le conforter, mais il voyait le chemin qui lui restait à parcourir pour ne serait-ce qu'approcher la virtuosité de Jacques Tati dans ce registre très singulier. La troupe de Théâtre avait donné son maximum et il avait parié sur le côté approximatif de leur jeu. Il cherchait à l'écran l'illusion de la maladresse occasionnelle, presque l'amateurisme du naturel.

Mais seul un grand comédien sait jouer la maladresse. Le vrai maladroit, et c'est un paradoxe, est moins crédible dans son propre rôle. Une des scènes, pourtant insignifiante, a nécessité 47 prises. Une scène d'une banalité affligeante :
- le maire du village devant un micro desserré qui tombe tout le temps. Le maire, puis deux personnages du service technique de la mairie tentent de le fixer. En vain. il tombe tout le temps. Sous le regard navré et rempli d'un mélange d'exaspération et de professionnalisme du mécanicien. Il n'y tient plus, pousse le maire, s'empare du micro, avec un air d'expertise ambiance "laissez... je vais le faire...". Il resserre la chose avec le regard de celui qui sait et qui va le montrer à tous. Il est LE mécanicien du village. Geste sûr, une mimique à peine condescendante. Voiiilààà. Une bouille satisfaite, le travail est fait. Il se retourne, le micro re-tombe, mais il a encore le visage du manuel satisfait pendant qu'il s'éloigne tranquillement. 47 prises pour un malheureux petit gag insignifiant que Stromberg ne voulait absolument pas couper en plusieurs plans. Du direct in-situ, sinon, c'est nul. Et parfois, le timing, les expressions tout était à merveille... mais le micro ne tombait pas au moment opportun. De la folie...

Lorsqu'il resonge à son film aujourd'hui, Olaf réussit néanmoins à retrouver son oeil joueur. Lui il sait que l'éponge à voyagé 14 fois dans des mains différentes, d'un espace à l'autre. Le seau, 8 fois seulement. Seau, éponge et produit ont été réunis à 3 occasions mais jamais au bon endroit. Il a passé une semaine à régler le ballet et c'était un véritable casse-tête pour que ça colle avec les scènes intermédiaires. Il voulait simplement que les spectateurs au coeur d'enfant esquissent à l'occasion un sourire en se disant intérieurement "tiens, y'à l'éponge qui passe..."
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Message » 09 Avr 2022 17:44

Cette rigueur au service de la fantaisie force le respect.

"Du direct in-situ, sinon, c'est nul."

Il se dit à ce propos que le film aurait fait forte impression sur deux réalisateurs danois, Thomas Vinterberg et Lars Von Trier et qu'il serait à l'origine de la rédaction, quatre ans plus tard, de leur manifeste : le Dogme95. Le mécanicien, le pompiste et le laveur de carreaux en respecte effectivement l'essentiel des règles : tournage en conditions réelles, son et musique intradiégétiques, caméra portée à la main, etc... qui existaient bien sûr depuis la Nouvelle Vague mais cette fois-ci avec cette sensibilité nordique à laquelle les deux réalisateurs seront sensibles.
Dernière édition par coincarre le 10 Avr 2022 22:14, édité 1 fois.
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Message » 10 Avr 2022 13:41

Bonjour chers élèves étudiants, masse silencieuse autant qu'attentive à d'expertes attentions à les leurs.

Monsieur Coincarré - véritable encyclopédie du 7ème Art - Président tournant du CVOS - vous offre ici l'occasion de réfléchir à la notion "d'influence".

Dans le cadre de votre formation, que nous souhaitons distrayante, nous aimerions vous souhaiter la bienvenue dans la grande mécanique du Cinéma. Certain(e)s d'entre vous deviendront demain rouages du grand mouvement ininterrompu depuis plus de cent ans, période de manivelle. Nous savons que vous serez dignes héritiers de cette magie et qu'à votre tour vous vous référerez à de plus anciens fabricants de rêves dans vos propres réalisations. Ainsi va la vie en Art, mais aussi en Artisanat. Nos métiers sont tout, sauf ingratitude.

Vous possédez aujourd'hui les qualités requises pour observer à leur juste valeur les efforts de vos aînés qui quêtaient, comme vous, un idéal théorique. J'allais dire, le regard. Olaf Stromberg a toujours affirmé filmer pour le regard qui regarde son propre regard. Il peut y avoir Maestria à l'occasion mais lors de ses conférences au Kino Institute il précisait toujours "Ne vous enfermez pas dans ce qui peut devenir un piège, avec le temps, vous déclarerez peut-être, comme moi, qu'un bon film c'est celui où l'on ne remarque pas le travail".
Cette attitude est un leitmotiv chez Olaf. Il "porte" une histoire. Des interférences techniques, fussent-elles brillantes, ne gagnent que si elles s'effacent devant le récit. Si elles s'oublient finalement.

L'époque est moderne et nombre d'entre vous se roderont à l'Ecole de la publicité ou du Clip vidéo. Qui a eu faim comprendra. Mais ici, nous évoquons le Cinéma et non la virtuosité commanditée. Apprenez-y mais je n'ai qu'un goût modéré pour ceux qui continueront plus tard à privilégier la forme au fond. Je les nomme affectueusement les esbrouffeurs-stroboscopes.

Influence, disions-nous ? Le Danemark est l'autre pays du Roll Mops. Eux aussi peignent leurs maisons avec de jolies couleurs et ce fier pays de pêcheurs ne s'en laisse pas compter quand on lui parle de poisson. Ici, c'est l'habitant qui le mange et pas le contraire. On ne se nourrit pas à la peur à Copenhague. Lars et Olaf se sont croisés dans l'un ou l'autre festival et les olives vertes s'en souviennent. L'instinct Viking tant redouté dans les latitudes sans pulls.

Lorsque Olaf déclare "Von Trier et Vinterberg ils sont graves" je vous laisse le soin d'imaginer la portée de l'information. Il ne faut pas encombrer leur suite avec de grands bouquets. D'une part cela les gêne lorsque l'envie leur prend de disputer un tournoi de Curling nocturne sur moquette, et d'autre part, tout ce qui est vert, pour eux, ce sont des algues, et ils les mangent. Même s'ils s'en défendent en déclamant "non, mais ça, c'était avant..." les organisateurs évitent aujourd'hui de les placer à la même table, pour endiguer les rechutes toujours possibles de l'unité scandinave.

Des similitudes de leur approche du Cinéma, nous retiendrons surtout leurs différences. L'absolutisme presque intégriste des danois et la convivialité naturelle et philosophique du suédois, presque toujours prêt à tenter la conciliation, du moins jusqu'à un certain point...
peg-harty
 
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Message » 22 Avr 2022 15:07

Bonjour.

Renouons avec la Tradition calendaire actualisée afin d’observer à son prisme la grande aventure cinématographique humaine de son plus immense (et humble) représentant.

1992, début. Petit tour d’horizon

L’époque est communautaire. Tandis que les européens découvrent la ville de Maastricht, d’autres s’échinent à comprendre les grandes lignes de son Traité. Ce que Olaf - alors qu’il avait promis de ne plus se mêler de politique extérieure et ce sera l'exception - résumera devant un micro par « mais regardez-les, y aller sans y aller, deux pas en avant, un en arrière, un de côté, ce n’est pas un Traité, c’est un manuel de Samba, ils l’épousent cette mariée ou ils la draguent avec un explicatif du plan comptable ? ».
A peine regagnait-il sa demeure forestière que son téléphone stridait :

- Olaf ? Salut, c’est Carl (Carl Bildt, représentant du Gouvernement suédois). Ecoute, je viens de t’entendre sur Rödiö Ferzeum 2 et… mais qu’est-ce que tu racontes ? Non, écoute, c’est terriblement… non, attends, non, là tu nous mets en porte-à-faux…. Non, je comprends, mais là, attends… si, je vais être obligé de clarifier. Oui, je sais, mais tu ne te rends pas compte, ils sont en train de plancher là sur le continent et tu ne peux pas à une heure de grande écoute… non, tu ne peux pas… non. Non tu ne peux pas… non tu ne peux pas… Non, si Abba avait fait une telle déclaration, j’aurais appelé Abba, aussi. Oui, s’il te plait, envoie leur un fax, fais un rectificatif et tu supprimes au moins le mot «Samba ». Non, pas le mot valse à la place, tu finis juste par ce traité est un manuel. Là c’est bon. Allez, merci, hein. On se voit à l’occasion. Oui, je compte sur toi, hein. Allez, steuplè, fais le tout de suite.

Quelques éclaircissements diplomatiques : La Suéde, sous l’impulsion de Bildt, venait d’entamer la demande d’adhésion à l’Union Européenne. Elle sera effective le 1er janvier 1995.

Olaf, plus tard, se sentira obligé d’expliquer son positionnement assez "juvénile" lors de l’émission Ikea Direkt depuis les Studios de Älmhult. A la question :

- Mais enfin Olaf, dites-nous, vous êtes plutôt pour ou plutôt pas pour l’adhésion de la Suède à cette Europe unie ?

Mais 100 % pour ! C’est la meilleure idée politique depuis plusieurs siècles. A part les marchands de canons, je ne vois pas quelqu’un qui ne préfère pas être jeune sur la Rambla de Barcelone en train d’essayer de retrouver le chemin de son appartement en colloc’ avec d’autres jeunes fous européens, que de se coltiner des passeports, des visas, des changes compliqués pour payer une bière dans un pays où on te regarde dans le meilleur des cas comme un étranger, dans le pire, comme un ennemi. Allez-y les jeunes, c’est votre monde à vous et surtout n’écoutez pas l’ancienne garde qui regardait d’un œil méfiant les habitants du village d’à côté à l’époque en balançant un sentencieux « ils ne sont pas comme nous ».
Croyez-en un bourlingueur, à 3 heures du mat’, à Lisbonne, on pleure tous en écoutant la plainte existentialiste d’un Fado. Allez en Alsace, en France, et vous verrez qu’ils peignent les maisons comme nous. Bowie aussi il doutait un peu avant de découvrir les berlinois en 78.


- Mais alors, cette déclaration pour le moins ambiguë sur Rödiö Ferzeum 2 ?

Ambigue ? Ce sont les rédacteurs du Traité qui sont ambigus. Je veux bien qu’il y ait des règles minima de gestion et tous ces trucs mais à un moment donné tu partages une vision dans un relationnel humain, et pas uniquement un fascicule législatif. Tu vois, tu me diras peut-être que ça n’a aucun rapport, mais mes films sont budgétisés et parfois ce n’est pas une mince affaire, mais quand il s’agit de le présenter au grand public, je parle du scénar et je ne sors pas le budget prévisionnel en conf’ de presse. Et si - car c’est un passionné, je ne sais pas comment il fait - mon comptable caresse l'espoir de passionner les foules avec son plan comptable ou que le responsable des cascades nourrit la velléité d'expliquer toutes les règles de sécurité lors des tournages, je leur reprends le micro et je fais un signe au barman de leur servir un Peppermint pendant que j’explique le film...

Le sens du raccourci d'Olaf, parfois très enfantin, souvent trop diront les professionnels de la profession, avait encore frappé.
peg-harty
 
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Message » 26 Avr 2022 14:51

Le temps, sa concordance, sa chronologie.

Le tournage de Le Labyrinthe de Chartres s'est étalé sur trois années. Olaf aime le définir comme un documentaire à lecture cryptée. Davantage qu'un hymne au seul bâtiment, il désirait donner quelques clés pour en appréhender "l'esprit". Une approche quasi silencieuse et symbolique des Cathédrales, avec maints anciens documents, des comparaisons, des points de vue étonnants, des contextualisations modernes. Un travail de fourmi, dense et une bande son soignée aux petits oignons. Que des bruits de la Nature, de la Physique, aucune voix humaine, pas même des chuchotements.
Les seuls bruits d'origine humaine seront, pour les attentifs, ceux de pas sur le sol. Encore pourra t'on noter que leur sonorité est toute entière "habillée" par l'édifice. Une maestria sonore et visuelle d'où se dégage toutefois un sens moins caché qu'il n'y parait.
Ce travail lui tenait à cœur et l'équipe fut réduite au strict minimum. John Cale pour le son... et lui pour les images. Un travail de documentaliste, de montage, un exercice intellectuel monacal.

Nous y reviendrons. Who is in the Freezer sort en mars 1992, donc avant le documentaire.

Who is in the Freezer ? 1992
Long métrage (couleur) - genre fiction - durée 1 h 35 mn.
Réalisé par Olaf Stromberg avec Jonny Depp, Catherine Deneuve, Joe Pesci. Musique de Dr Dre.

L'histoire :
Baggy est un marginal. Un homme solitaire qui fouille. Un jour il pénètre une grande propriété. Plus par esprit sportif et curiosité que par vice. Ce n'est pas un truand. Et là, surprise. La grande maison au fond semble inhabitée. Le jardin commence à ressembler à un fouillis. Des véhicules poussiéreux dans le garage. Il visite et à son grand étonnement découvre un univers très riche... mais désert. La maison d'un homme apparemment seul mais au goût luxueux. Il repart, intrigué, mais il va revenir. Pour finir par s'y installer.

Olaf, joueur, entraîne le spectateur dans une atmosphère étrange, dans un monde parallèle où un inconnu va croiser le destin d'un autre inconnu qui, lui aussi, semble apte à disparaître sans trace. A s'effacer volontairement (?). Une enquête commence. Comment se fait-il qu'il y ait encore de l'électricité ? de l'eau courante ? et aussi peu d'objets de la vie intime ? Pas une photo de famille, mais des ouvrages très spécialisés, du mobilier de luxe, des œuvres d'art. L'homme, un certain Robert Parants, semble (semblait ?) nourrir le goût du secret et la science de l'évaporation. Que lui est-il arrivé ? Baggy n'aura de cesse de vouloir le découvrir... un pari au départ insensé mais qui va, peu à peu, transformer sa vie.
Dernière édition par peg-harty le 28 Avr 2022 0:50, édité 2 fois.
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