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Olaf Stromberg. Le plus grand cinéaste de tous les temps !

Message » 17 Juin 2023 17:58

Mais quand bien même : atteindre à l'image d'Olaf Stromberg, le cinéaste de la non-image, en niant son image, voire en la renvoyant au néant, cela trouble l'image que l'on peut avoir de lui. Même faux, le propos demande une interprétation.

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dub
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Message » 19 Juin 2023 10:21

Cher Dub,

Comme souvent, vos réflexions sont pertinentes, années après années, et dépassent parfois allégrement l'absence de limites que nous nous sommes fixés dans l'étude de la filmographie d'Olaf. Vous possédez cette faculté rare de mettre en relief la 3d et nous sommes parfois obligés de relire plusieurs fois vos assertions pour tenter d’en cerner toutes leurs fabuleuses perspectives.

Avant tout, gardons en mémoire la déclaration angulaire et préalable de monsieur Stromberg :
- je filme pour le regard qui regarde mon propre regard. (dès l’époque Oeuf)



La notion externe de cinéaste de la non-image est apparue bien plus tard, dans un cercle d'intellectuels passionnés de critiques quantiques néo cinephiles et qui refusaient de "voir" les films pour ne pas se laisser influencer par le support.

Ce parti pris, fort honorable, a fait école ensuite dans de nombreux domaines, dont celui des émissions télévisées spécialisées. Au début, le système était balbutiant. L’animateur se fiait à des collaborateurs zélés qui lisaient, écoutaient ou assistaient aux projections pour lui et ce fut l’avènement du « tu me feras une fiche... ».
Puis dans un souci d’objectivité, ces mêmes collaborateurs améliorèrent le système en puisant la précieuse information directement sur internet, via des forums. D’autres humains avaient eu un contact direct présumé avec l’oeuvre et cette technique permettait un regard critique beaucoup plus neutre.
A l’époque de ChatGPT, c’est encore plus simple car c’est l’intelligence artificielle, sur le système farceur d’exploitation GOS 5, qui gère directement le résumé de l’information y compris sur les forums via de multiples identités indétectables. Cela dégage énormément de temps libre pour la critique, véritable coeur de métier de ces émissions spécialisées.

La non- image d’un film, ou la non-page d’un livre, n’implique plus depuis longtemps dans leur raisonnement son absence physique réelle, mais davantage la non-connaissance absolue de l’original. Cet aveu conceptuel induit est tout à leur honneur et s’inscrit dans le mouvement des intellectuels dits rationalistes qui ne croient que ce qu’ils voient ou touchent, bref appréhendent avec leur propre sens. Sinon, « ça » n’existe pas.


Reste, et nous ne pouvons pas l’occulter, le rapport que nous entretenons nous-mêmes avec le réel et son corollaire réactif, la fiction. Et il est indéniable qu’Olaf Stromberg travaille et procède de la fiction.



Le sujet a été effleuré par Cylon, sur ce topic, le 5 avril 2013 à 17h32.



Il s’agissait d’une courte mais abyssale interrogation sur le "réel" et sa perception. Nous avons tous immédiatement mesuré la portée de sa contribution. Il était trop tôt pour aborder cette perspective mais je me souviens d'un Olaf Stromberg pensif et admiratif qui me répondait :
- Il a cerné un point important et peut-être primordial pour les générations futures. Mais ça dépasse mes réalisations. C'est autre... même si mes films y participent.

C'est à partir de là que cette réunion informelle de philosophes a commencé à évoquer la non-image pour caractériser l'oeuvre Strombergienne. Qui pourrait en vouloir à des penseurs de se ré atteler à un sujet complexe sur lequel même les brillants précurseurs hellènes se sont englués, à savoir : Qu'est vraiment le Réel ?

La Dream Team grecque s'est accordée à le différentier de sa "représentation" pour conclure - momentanément - que nous vivions un monde d'Idées. Le Mystère de la matérialité ne serait probablement qu'adaptation. Image et Imagination partagent la même racine étymologique. A partir de ce simple constat vous devinez qu'il serait aisé d'infirmer l'hypothèse de départ de ce groupe de chercheurs.

Mais tel n'est pas notre intention ici; Loin de nous "l'Idée" de mésestimer l'approche scientifique de ce groupement dont le but est louable et que je classerais dans la rubrique enviable de "Recherche Pure". Il ne faut pas décourager les bonnes volontés mais l'ampleur de la tâche est gigantesque.

Déterminer"Ce qui est" en listant l'exhaustif de ce qui n'est pas et procéder ensuite à la déduction, donc analyser l'image globale du puzzle -1 qui représenterait l’intégralité du non-existant pour, ensuite, retrouver l’élément manquant (donc le Réel), est une solution intéressante, quoique la démarche titanesque. Olaf a lui-même proposé cette solution dans un vieil entretien. Ce n'est donc pas pour reprocher son utilisation par un collectif de nouveaux penseurs. Selon moi, ils gagneront à se replonger dans la non-étude du film l'Intention pour, peut-être, y glaner un élément vital.

Vous m'interrogiez aussi sur l'actuel d'Olaf. Aujourd'hui, il explore de nouveaux horizons et s'en amuse. Il me disait récemment se consacrer à un "machin" complètement étonnant aux possibilités incroyables : la projection, toujours encore, mais débarrassée de ses instruments archaïques et, selon lui, antédiluviens pour observer les effets de son essence la plus pure : l’histoire.


La technique est autrement plus prometteuse mais les résultats pour le moment embryonnaires. Il est néanmoins très confiant dans le futur développement de la chose.
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Message » 20 Juin 2023 0:58

Le CVOS tient à communiquer qu'après l'enthousiasme de l'annonce le 17 juin de la reprise potentielle de l'analyse filmique de l'œuvre d'Olaf Stromberg, il s'interroge sur cette notion de "non-étude" de film, en particulier si elle devait s'appliquer à d'autres films que L'Intention. A ce jour - corrigez-moi si je me trompe - ces "non-études" n'ont été publiées que dans des non-revues consultées uniquement par quelques non-lecteurs, engendrant certes quelques non-débats par-ci par-là mais enfin...

Cette remarque ne s'adresse pas à Peg-Harty, qui a rappelé l'objectif potentiel de l'analyse de 2 films par an (chiffre correspondant effectivement à la production moyenne d'Olaf mais aussi seuil en-dessous duquel, selon le dernier rapport du cabinet de conseil en stratégie McHaphazard, les lecteurs et lectrices de ce topic pourraient commencer à ressentir une légère impatience, voire frustration) mais à ces non-critiques qui ont déclaré pas plus tard que récemment qu'une non-étude de Oui Oui est d'accord (2002) était préférable à son étude. Cela prêterait à sourire si ces gens n'étaient pas si désespérément sérieux dans leurs propos, et n'avaient pas de jeunes étudiants sous leurs ailes.
coincarre
 
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Message » 20 Juin 2023 7:55

Bonjour Cher Coincarre.

Nous prenons acte de votre communiqué qui, comme à son accoutumée, place la Vigilance au centre de ses préoccupations. Sans le CVOS nous pourrions tous courir le risque de nous perdre en chemin, d'oublier l'essentiel au profit de l’accessoire, privilégier l'annexe au détriment de l'axe initial de notre étude.

A celles et ceux, les malheureux, qui se demandaient si leurs cotisations gratuites n'étaient pas dilapidées en futilités diverses telles que voyages d'étude au Bahamas, Jeroboam de Dom Perignon au Tasr Folie's de Saint Tropez et autres locations de véhicules sportifs avec chauffeur d'une maison au cheval cabré, vous apportez - et sans même vous y appesantir - l'éclatante riposte avec ce rapport prospectif du cabinet de conseil en stratégie McHaphazard.

C'est à la lueur de leur paragraphe de synthèse, vers la fin du rapport, juste avant leur conclusion que nous allons éclairer la suite de notre parcours.

L'étudiant(e) en Cinéma !!! Souvenons-nous de l'Etudiant(e) ! Cette charmante entité aux cheveux en bataille. Toujours à réviser entre deux soirées à thème où il ou elle résiste courageusement à yodler sur le balcon pour se remémorer soudain les partielles du lendemain.

C'est pour l'étudiant(e) que nous nous sommes attelés à la charrue de ce travail et il a le droit d'en connaître un jour l'épilogue car les gouvernements ne pourront pas indéfiniment reculer l'âge de la retraite pour essayer de coller avec notre calendrier. Le CVOS, par son Président tournant, en appelle à notre sens des responsabilités et nous allons devoir ranger pour quelques heures les cotillons et chapeaux en papier pour continuer à creuser le sillon de la Connaissance.

A ce stade de la lecture, le sage étudiant a compris que ce n'est pas notre genre d'abandonner notre clavier pour tournicoter autour du pole dance sous les vivas enjoués des copains qui, eux aussi, veulent l'essayer. Oh non. Sans empiéter jusqu'à l'austérité nous savons parfaitement, comme eux, ne pas confondre la sonnerie du téléphone avec celle de la porte et actionnée par la maréchaussée et qui s’enquière, au nom des voisins, de la play-list de notre DJ pour lui demander gentiment d'y intercaler davantage de Joe Dassin pour calmer les animosités nocturnes.

Bienvenue, donc, dans la suite des aventures raisonnées d'Olaf !
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Message » 29 Juin 2023 8:23

peg-harty a écrit:
Vous m'interrogiez aussi sur l'actuel d'Olaf. Aujourd'hui, il explore de nouveaux horizons et s'en amuse. Il me disait récemment se consacrer à un "machin" complètement étonnant aux possibilités incroyables : la projection, toujours encore, mais débarrassée de ses instruments archaïques et, selon lui, antédiluviens pour observer les effets de son essence la plus pure : l’histoire.
.


C'est vrai. Il serait d'ailleurs intéressant de prendre en considération toutes les solutions envisageables à travers le prisme analytique de la phénoménologie historique. Mais ça Olaf le fait très bien !

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Message » 20 Sep 2023 13:50

On a vu passer Olaf !

Il a absolument tenu à faire une apparition en caméo dans le film de son copain Aki Kaurismaki. On l'aperçoit dont à 0:16 un verre de bière à la main dans cette bande annonce prometteuse !

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Message » 20 Sep 2023 15:45

Pour ma part, j'ai lu (dans le N°9087 de Cinéma Invisible), que l'on aurait retrouvé une recréation de Blanche Neige de la main d'Olaf dans des archives ? Il semblerait que le rôle de Blanche Neige soit tenu par une huître, celui des 7 nains par des moules, celui du prince charmant par un bernard-l'ermite et celui de la reine-sorcière, par une palourde. Info ou intox ?

Et au cas où : quelqu'un sait si cela va pouvoir sortir en Blu-Ray 4k et 3D, ou mieux encore en VHS — ou idéalement en Super 8 ? :idee:

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Message » 05 Oct 2023 9:52

L'automne, quel beau pays.


Olaf, serein, retiré du monde, ou, du moins des mondanités s'est ré-habitué facilement à la bienfaisante normalité. Etre de petite chose il recède enfin avec volupté à l’extraordinaire prédominance de la quotidienneté. Tant oublient la condition terrestre qui induit que l’on appartient au jour qui se lève et non l’inverse. Il participe ainsi à la tradition scandinave, celle qu’il avait tenté d’importer à Hollywood en même temps que les meubles en kit et ses devenues célèbres soirées free-hareng. C’est une des qualités suédoises de savoir renouer avec l'essentiel, de garder les pieds sur terre. Une histoire de climat probablement. Habitué à travailler en compagnie de sa solitude pour le regard qui regarde son propre regard, personne ne s'étonne que, attelé à la recherche, il s'y plonge en s'interrogeant sur... les arcanes de la recherche.

Réaliser un film, c'est matérialiser une histoire mais également, d'une manière induite, participer à une recherche fondamentale sur le rôle des Idées dans l'exploration des formes possibles de réalités connexes. Depuis tout petit, avec sa caméra Misher Price déjà, il s'extasiait d'un univers qui, quoique fabriqué de toute pièce, pouvait interagir sur les sentiments et l'émotion. Le petit oeuf demeurait vivant et son gigantesque potentiel jaune, intact, malgré les années. Mieux, figé sur pellicule il était devenu immortel, étape indispensable avant la prochaine, se transmuter en pure symbolique.

Dans un petit ouvrage confidentiel édité à compte d'auteur et sous un nom d'emprunt il essaye de répondre à des questions que personne ne semble vouloir se poser :

- Qu'est-ce qui pousse un artiste à créer ? A se mettre en équation à plusieurs inconnues en explorant sans cesse de nouveaux horizons ? A prendre le risque d’être incompris même par ses proches, sans même s’appesantir sur la critique et son danger corollaire, le risque d’abandon du public ?

Selon lui, des interrogation qui ne prennent un véritable sens qu'avec le temps qui passe, celui qui se charge de tout relativiser. A ses débuts un créateur est, selon sa thèse, compressé par on ne sait trop quel ressort et d'innocentes muses, perchées sur son épaule lui soufflent alors les idées. De là, des choses naissent, vraies et authentiques. Une succession d'événements vitaux dont le co-auteur ne savourera que très brièvement le résultat. Le public découvrira - éventuellement - le fruit de son labeur mais son auteur-transmetteur est déjà ailleurs. Tant de choses par lui non exprimées restent encore à explorer qu'il s'est déjà attelé à une nouvelle tâche. Connaître le pourquoi de sa démarche ne l'effleure pas vraiment. En Suède, c'est encore le réflexe bûcheron qui hante l'inconscient collectif. Devant lui des arbres, à perte de vue, et l'envie irrépressible de les débiter en stères. Il en reste tellement et les petits tas de bûches vont apporter au paysage une légère touche d'harmonie qui tranchera avec le joyeux cafouillis de la forêt.

L'Homme est passé par là et du promeneur au moindre écureuil chacun peut constater le nouvel état du bois-stère, s'en émerveiller ou s'en offusquer. Ranger les bûches est tout un art. On pense que l'artiste crée le chaos mais le chaos pré-existe et c'est le vaste foutoir ambiant qui demeure la matière première du sculpteur de l'imaginaire. La glaise, la boue, elle traîne par terre et même le plus petit des potiers conceptuels débutant n'aura de cesse de la recomposer à sa façon, la cuire pour la présenter ensuite au feu doux du projecteur d'une expo branchée new-yorkaise ou, plus modestement, l'offrir à sa mère qui placera la chose sur une étagère en louant le génie de la chair de sa chair. Un film, c'est pareil mais dans son petit ouvrage, il préfère s’éloigner du particularisme post-Lumière pour gambader dans le concept général. C’est David, le fils de son papa aux bottes boueuses, qui l’avait incité à fouiller l’intime, l'essence du geste créatif. Chez les Lynch, le retour aux sources est une seconde nature. Ni lui ni Olaf ne mésestiment la boue car un seul centimètre cube contient davantage de vie que tous les microprocesseurs de la planète réunis. Au contraire, dans cet univers froid et clinique, lors de la construction, le moindre germe du vivant est considéré comme une pollution. Une asepsie qui n’empêche évidemment pas les contagions autres. Entrer dans un poulailler industriel avec un sachet en plastique sur la tête avait fini de convaincre nos deux compères que l’hygiénisme avait, par mimétisme, débordé dans tous les esprits. Au microscope, ce qui est trop propre est mort.

Dans Métaphysique de la Création, paru aux éditions de l'Ours polaire et signé Svät Jönsön, Olaf s'amuse à envisager les stades successifs auxquels n'échappe aucun artiste. Il s’intéresse à l'étape d'après cette facilité, celle où l'inspiration presque divine disparaît, momentanément ou définitivement. Ce vide que les écrivains ont associé à l'angoisse de la page blanche, et sa propre corporation à celle de la pellicule vierge.

Olaf est partisan de la simplicité "si tu n'as rien à dire, tais-toi". Sa filmographie parle pour lui et si les errements font partie de l'univers du postier, du potier ou du peintre du dimanche, il est risqué, pour qui place haut la volonté de surprendre, de s'y complaire. L’errement sans but ne mérite pas d’être consigné sur un support, d’y consacrer une énergie totalement disproportionnée à son absence de résultat.

Le souci, pour lui comme pour d'autres, c'est que l'expérience lui a offert une "technique". Ce savoir-faire acquis - s'il ne remplace pas l'inspiration - permet néanmoins de faire passer chez celle ou celui qui ne le possède pas, un navet pour une gousse de vanille. Il suffit de l’effiler, le peindre en noir et rajouter un arôme synthétique. Qui pourrait en vouloir à l'affamé de faire bouillir la marmite ? Mais qui pourrait excuser le repu d’aller continuellement poudrer les yeux de son public ? Elle en pense quoi, la gousse de vanille de ce vague ersatz ?

Selon Olaf, la technique, c'est le joker de l'illusionniste. Indispensable dans tous les métiers, elle devient antinomique de la création lorsqu'elle dépasse sa fonction d'outil pour en devenir la substance. Lorsqu’un créateur a eu un jour l'audace et la première fois de signer et revendiquer à sa gloire un urinoir émaillé blanc, il faut ensuite un discours aussi bien rôdé que trompeur pour qualifier d'original celui qui dédicace ensuite et pompeusement un catalogue Ikea en salon littéraire. "j'ai voulu, par ce geste, ré-inventer la notion de livre" n’est qu’une vulgaire adaptation du talent du célèbre surréaliste. Aussi inutile qu’ininteressant. Du rabachage scolaire. Du faire-soi du travail d'un autre.


Il ne faudra plus s'étonner dès lors de l’avènement futur et éventuel de "machines à créer" aptes à remplacer ses propres faiblesses. Ctrl-C et Ctrl-V peuvent prendre un pouvoir laissé vacant par le bipède s’il est lui-même répétitif jusqu'à la nausée.

Olaf, passionné de musique rock, s'amusera longtemps à étudier le phénomène souvent identique et omni-présent dans l'univers discographique. Le premier album de tel groupe est prometteur ou grandiose, le deuxième, souvent moins étonnant, et quant au troisième... il dépendra de la décision de la maison de disque. Aller expliquer à l'auditeur que les quinze premiers titres sont souvent la quintessence de dix années de complicité, que le deuxième est une page blanche et une mise à l'épreuve en condition réelle et que le troisième dépendra d'un camembert Excell des ventes sur le bureau de la major. Ceux qui franchiront le cap des trois avec une mention honorable auront peut-être la chance de connaître l'angoisse de la suite. On s'amuse, on s’enthousiasme, on prend des risques ou on sort le joker salvateur pour payer les traites ? Olaf les aime ces petits anges fragiles tombés de haut. Mais sa préférence va vers les irréductibles. Ceux qui, contre vents et marées, amarrent sans se soucier des contingences. Fous et confiants, classés dans les bacs indépendants car réfractaires aux autres boites, il les affectionne ces bourlingueurs armés de leur seule conviction. Il faut y croire un minimum pour oser durer.

La petite soixantaine de pages du recueil lui seront utiles plus tard, lorsque le souci, immanquablement, se présentera. Là, il profite encore des muses pour anticiper. Ce sont elles qui ont orienté son axe, dès l’Oeuf en lui murmurant sa liste de devoirs. C’est assez pratique, cette désormais rigidité. Elle apporte à l’ensemble une forme de cohérence, des lignes directrices, presque une structure qui finira bien par devenir évidente aux yeux du public. Prévenir d’une surprise… c’est encore une surprise et son annonciation y participe en adjoignant une nouvelle interrogation qui inclue la notion de temporalité.

C'est pour aujourd'hui ou pour demain, la suite ? C'est là où Olaf a toujours préféré la réponse de la sincérité "euh, j'sais pas" à la formule ésotérique de bateleur, tendance chuis le maître des horloges. pirouette dans ta tête. Globalement, ça revient au même.

Ps : Métaphysique de la Création, édité à compte d’auteur, tiré à 90 exemplaires, jamais traduit, est difficile à consulter aujourd’hui. Introuvable en pdf sur internet. L’étudiant en cinéma, pour lequel nous œuvrons, est donc confronté à deux obstacles majeurs :
1) dénicher un exemplaire
2) apprendre le suédois sur le site du cuisinier des Muppets.
peg-harty
 
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Message » 05 Oct 2023 18:17

Et à ne pas confondre avec l'excellent article de Louis Perron, La métaphysique de la création : Jean Ladrière interprète de Thomas d’Aquin, qui nous rappelle fort justement que : "Le traitement ladriérien se présente comme une reprise herméneutique de la doctrine thomiste de la création à la lumière des développements contemporains de la science. "

Il est passionnant de comprendre le rapport qu'entretient Olaf avec la création artistique, et en particulier sa technique. Il existe en effet des artistes chez qui tout est dit dès la première œuvre, les suivantes n'étant que des versions progressivement moins étonnantes et intéressantes au fur et à mesure que le technique se perfectionne et que le budget de production augmente. D'autres au contraire, comme Stromberg ou Kubrick, plutôt que de creuser le même sillon, se renouvellent constamment. Le changement de genre à chaque œuvre aide, mais Olaf insiste surtout sur le danger des automatismes dans le domaine artistique. Une démarche plus exigeante, bien plus coûteuse en énergie, mais tellement nécessaire en ces temps de surproduction.

Merci Peg-Harty.
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