Dès l'adolescence, j'avais réussi à convaincre mes parents d'acheter une chaine hi-fi. Plus tard, mes premiers salaires furent l'occasion de me procurer une installation personnelle et, en particulier, un paire d'enceintes B&W DM6.

L'argument de vente principal avancé par le constructeur était un positionnement des HP et un filtrage permettant d'obtenir le respect de la phase. La presse spécialisée de l'époque fit un accueil chaleureux à ce concept, jusque là inconnu ou négligé. Le mouvement fut suivi par d'autres constructeurs tels que B&O qui présenta un modèle au filtrage très particulier. Pour relier le tweeter au woofer, il était fait appel à un troisième HP faisant office de cellule de remplissage. L'argument, universellement utilisé pour vanter les mérites d'une bonne mise en phase était que celle-ci permettait d'obtenir une bien meilleure image sonore en profondeur.
Le résultat ne devait, sans doute, pas me satisfaire entièrement puisque je me mis à rêver de pouvoir m'offrir une paire d'enceintes "Perspective", la première création connue de Gilles Milot (LEEDH, je n'ai, malheureusement, trouvé aucune illustration). Cette réalisation avait une particularité unique qui, à ma connaissance, n'a plus jamais été reproduite depuis lors, même pas par Gilles Milot lui-même. La linéarité et la mise en phase étaient si poussées que cette enceinte était capable de reproduire une impulsion rectangulaire de manière quasi parfaite. Bien sûr, aujourd'hui, grâce au filtrage FIR et à la convolution, ce n'est plus un exploit mais, en filtrage passif, c'est assez unique. Je ne puis jurer de rien mais je ne crois pas que, par exemple, le filtrage à la mode Le Cléac'h y parvienne.
Pour découvrir les Perspective, j'étais allé jusqu'à Lille où j'étais tombé sur un revendeur typé "audiophile puriste". Sa démo, tenue dans un local de grandes dimensions, fut éblouissante. Toutefois, quel que fût mon enthousiasme, il me fallut attendre que se présente, bien plus tard, l'opportunité d'une vente en occasion pour pouvoir, enfin, réaliser mon rêve car le budget du neuf dépassait largement mes possibilités financières de l'époque.
Chez moi, le résultat oattendu ne fut pas immédiatement au rendez-vous. Pourquoi ? Je m'interrogeais. Les réflexions des parois proches de l'enceinte perturbaient-elles trop le signal direct et faisaient-elles, ainsi, perdre une grande part du bénéfice attendu du travail sur la phase ? Qu'à cela ne tienne, j'achetai quelques panneaux de mousse acoustique et les disposai à chaque point de réflexion primaire. Le résultat fut… catastrophique.
Je me mis, alors, à déplacer les enceintes dans tous les sens et m'aperçus que l'image 3D était optimale lorsque celles-ci étaient éloignée d'environ 1 m des murs latéraux et que les faces avant se trouvaient à une distance variant entre 1.40 m et 1.60 m du mur situé derrière les enceintes. La remise en place des plaques de mousse aux points de réflexion primaires faisait, automatiquement, perdre tout le bénéfice du travail de placement. Je pu aussi constater que, lorsque l'éloignement du mur du fond s'agrandissait au-delà des valeurs citées, l'mage perdait de sa consistance et la perception se rapprochait de ce que l'on peut ressentir au casque.
Les valeurs ainsi définies m'ont servi de guide dans des locaux de tailles diverses, avec, presque systématiquement, une excellente 3D à la clef.
A la même époque, j'étais tombé sur un article traitant l'acoustique des locaux sous un angle différent de qui m'avait été enseigné jusque-là. Je ne me souviens plus du nom de l'auteur et je n'ai, malheureusement, pas gardé la revue.
La conception "française" de l'acoustique (dixit l'auteur, je n'ai plus jamais retrouvé cette terminologie ailleurs…) était confrontée à celle communément admise dans les pays anglo-saxons. La première visait une polarisation du local respectant les règles suivantes :
• Les absorbants était placés autour de l'auditeur.
• Le mur situé derrière les enceintes était dépourvu de traitement absorbant de manière à lui garder son caractère réfléchissant. Tout au plus était-il conseillé d'éviter les revêtements trop lisses.
• Les parois latérales bordant les enceintes étaient équipées de structures diffractantes visant à lutter contre les flutter echoes.
Tout au contraire, la "polarisation à l'anglo-saxonne" entourait les enceintes de matériaux absorbants tandis que, pour éviter un son trop "mort", elle plaçait l'auditeur au milieu de surfaces plus réfléchissantes.
L'auteur de l'article marquait une préférence évidente pour la polarisation "à la française". Selon lui, celle-ci permettait l'obtention d'une meilleure image sonore ainsi qu'une sensation globale de naturel nettement supérieure.
La lecture de cet article était postérieure aux expérimentations décrites plus haut mais ses conclusions confirmaient largement les expérimentations que j'avais menées avec les mousses absorbantes. Depuis lors, en sus des prescriptions classiques des traités d'acoustique (Helmholtz & CO…), j'ai toujours tenu compte des lignes directrices de la "polarisation à la française" pour les traitements effectués pour mon compte personnel ou pour d'autres. Cette disposition m'est toujours parue très favorable à l'obtention d'une bonne tridimensionnalité et, ainsi que le décrivait l'article susmentionné, elle me semble procurer des sensations plus naturelles que la polarisation inverse. (1) Je fus encore renforcé dans cette conviction par une discussion avec un importateur d'une marque d'enceintes anglaise qui m'avait raconté à quel point il haïssait les démonstrations faites à la maison mère où les enceintes étaient littéralement engoncées dans de l'absorbant.
Il y a-t-il une base scientifique à tout cela ? Pas à ma connaissance. Voilà bien un domaine où la psycho-acoustique ferait bien de se démener un peu. En attendant, je ne puis me baser que sur la seule hypothèse qui me paraisse à peu près plausible.
J'ai toujours été frappé par le contraste entre une écoute faite au départ d'enceintes positionnées selon les critères définis plus haut et la perception, spatialement, totalement irréaliste, obtenue au casque. Ce fait me laisse à penser que, dans le cadre d'une reproduction stéréophonique, pour situer un objet sonore, notre cerveau utilise les premières réflexions issues des parois entourant les enceintes comme une sorte de "point d'appui" qui lui sert de cadre de référence. Les temps de retard de ces différentes ondes par rapport à l'onde directe semble jouer un rôle significatif.
Je le reconnais volontiers, il ne s'agit là que d'une hypothèse qui restera sans valeur scientifique aussi longtemps qu'elle n'aura pu être validée par des études de laboratoire. Au niveau perceptif, toutefois, ne dit-on pas qu'un fait est plus important qu'un Lord Meir ?
Et la phase dans tout cela ?
La suite au prochain épisode…
Paul

(1) A titre d'illustration j'ai republié dans la section acoustique la quasi intégralité d'un texte écrit, il y a deux ans, pour un autre forum. Le spécialistes me pardonneront le caractère plus didactique que scientifique de l'abord. Les participants à ce forum n'avaient, pour la plus grande part, que des connaissances techniques très élémentaires. C'est ICI : http://www.homecinema-fr.com/forum/post177585899.html#p177585899