Avant de passer à l'étude de l'acoustique et aux transformations, une petite photo de ma pièce telle qu'elle se présentait avant les transformations.

Même si ça ne paraît pas aussi évident sur la photo que dans la réalité, la décoration avait un urgent besoin de renouvellement. La moquette avait largement fait son temps et les tissus muraux que vous apercevez sur les parois latérales avaient progressivement pris une teinte bizarre (entre le rose et le chocolat) alors que, à l'origine, ils étaient gris argenté. La question esthétique ne représentait, toutefois, pas l'unique motivation. Bien que globalement excellente, l'acoustique était un poil trop amortie à mon goût. J'y reviendrai.
Commençons par les grandes lignes directrices qui avaient, à l'époque, guidé la conception du local. Je n'analyse ici que mes objectifs et leur réalisation. Les discussions plus théoriques nous emmènerait hors du cadre que je me suis fixé ici.
Les proportions de la pièce ont été définies par différentes études publiées dans la revue "L'audiophile". J'aurais aimé adopter les proportions idéales proposées par Louden (1 x 1.4 x 1.9) mais cela m'amenait à une hauteur de plafond impossible à caser dans la structure du bâtiment. J'ai donc opté pour une autre combinaison elle aussi, bien classée dans les études : 1 x 1.6 x 2.3. Les dimensions étaient les suivantes : 2.8 m de haut, 4.48 m de large et 6.44 m de long.
Le local est semi enterré et le sol est positionné en dessous du niveau des égouts. Malgré les propos rassurants de l'architecte quant à l'efficacité du système de drainage sensé éviter les remontées humides, ces dernières n'ont cessé de m'empoisonner la vie. Les premiers travaux de correction avaient ramené la hauteur à 2.73 m. Suite à une grave résurgence des problèmes, une récente, drastique et, je l'espère, définitive opération d'assainissement a, cette fois, ramené la hauteur à 2.60 m. Je n'ai, heureusement, pas ressenti de désagréments auditifs résultant de ces changements de proportions.
Le local ne présente aucune ouverture autre que la porte d'entrée. Les murs sont constitués de blocs de béton positionnés à l'envers et remplis de sable. Difficile de faire mieux pour le comportement vibratoire…
Pour le traitement des parois, les deux objectifs suivants ont été poursuivis :
- obtenir, à toutes les fréquences, un TR (temps de réverbération) optimal.
- éviter la naissance de "flutter echoes", en particulier, dans la zone située à l'avant du point d'écoute.
Pour atteindre ces objectifs, les solutions adoptées dans la plupart des structures professionnelles font appel à des mousses acoustiques et à des appiques diffractantes destinées à lutter contre les effets du parallélisme des parois. Parfois, pour contrôler le grave, il est aussi fait appel à des "bass trap". L'efficacité de ces moyens ne fait aucun doute mais je leur reproche un coût trop élevé. Depuis mes premières expériences en matière de traitement acoustique, je me suis fixé pour but d'obtenir les mêmes résultats en faisant appel à des matériaux beaucoup meilleur marchés. Le caractère inesthétique de ces derniers est masqué par du tissu tendu.
Pour l'obtention du TR optimal, j'ai réalisé un quadrillage juxtaposant des carrés de laine de roche d'une épaisseur de 10 cm à des structures résonantes.

Nombreux sont ceux qui ignorent à quel point les matériaux absorbants et, en particulier, les mousses acoustiques présentent une efficacité fréquentielle déséquilibrée. Ils peuvent constituer des pièges à sons absolus (100% d'absorption, coefficient alpha est = à 1) pour les fréquences égales ou supérieures à 1000 Hz (cette fréquence charnière dépend surtout de l'épaisseur du matériau) mais, en dessous de cette limite, la valeur d'absorption chute de manière vertigineuse pour devenir quasi nulle dès 125 Hz. Aussi sophistiquées que soient leur forme (pyramides, alvéoles…) les mousses acoustiques présentent le double inconvénient d'être coûteuses et d'être plutôt moins efficaces qu'une épaisseur équivalente de laine de verre ou de roche. Sachez, toutefois, que, à moins de recourir à des épaisseurs dépassant le raisonnable, l'emploi exclusif de matériaux absorbants classiques présente des inconvénients qu'il convient de bien connaître.
Lesquels ? Sachez que, plus la quantité présente dans la pièce est grande, plus le risque de déséquilibre fréquentiel croît. Ce n'est pas si difficile à comprendre. Imaginez que vous tapissiez les parois d'une importante surface de mousse acoustique dont le coefficient alpha est = à 1 pour les fréquences supérieures ou égales à 1000 Hz. Selon un comportement typique de ces matériaux, la valeur sera proche de 0.7 à 500Hz. On tombera à 0.2 à 250 Hz et, finalement, à des valeurs égales ou inférieures à 0.1 à partir de 125 Hz. Si vous savez que qu'une valeur de 1 correspond à 100% d'absorption et que 0.1 n'en fournit plus que 10%, vous comprendrez que les fréquences du haut médium et de l'aigu cesseront rapidement de se propager dans le local puisqu'une seule rencontre de l'onde sonore avec une paroi suffira à empêcher la poursuite de la propagation (absorption totale). Les fréquences graves, tout au contraire, continueront à tournoyer joyeusement puisque le contact avec la mousse ne prélève que 10 à 20 % de l'énergie en mouvement. Il n'est, ainsi, pas rare de trouver des locaux "fortement traités" qui présentent un TR avoisinant les 0.2 secondes pour le médium aigu et, en même temps, un TR de plus d'une (voire deux) secondes dans le grave. Par le déséquilibre acoustique qui en résulte, un tel traitement peut être pire que de n'en effectuer aucun…
La solution que j'ai adoptée pour résoudre ce problème consiste à compléter l'action de la laine de roche par des résonateurs accordés sur la fréquence de 125 Hz. Ceux-ci sont sans effet sur le médium et l'aigu et n'absorbent que le grave. Leur efficacité est, toutefois, limitée puisque le coefficient alpha ne peut dépasser 0.5. Pour obtenir un équilibre, théoriquement, parfait, il faudrait en placer une énorme quantité mais cela n'est pas nécessaire ni même souhaitable. Comme les matériaux tels que les tentures, les moquettes, les coussins et cetera… ont un comportement assez semblable à celui de la mousse acoustique, un léger déséquilibre fait partie de notre environnement acoustique normal. S'éloigner trop de nos habitudes auditives peut être ressenti comme antinaturel.
Sur les photos, vous constaterez que, outre la laine de roche et les résonateurs (surfaces en bois), certains carrés sont remplis d'un matériau de teinte verte. Il s'agit simplement de surfaces qui, pour ajuster la réverbération, avaient, initialement, été laissées libres de tout traitement. La déperdition calorifique s'étant révélée trop importante, les alvéoles ont été remplies de Styrodur, à l'effet négligeable sur l'acoustique.

La mesure du TR obtenue dans mon local donne des valeurs comprises entre 0.4 et 0.6 secondes pour le grave et l'extrême grave. Dès 250 Hz, il se stabilise aux environs de 0.2 - 0.3 secondes. Même si des auteurs comme Ibre considèrent qu'un tel cas de figure est proche de l'idéal absolu, mon objectif initial visait des valeurs très légèrement supérieures. Erreur de calcul ? Oui et non. Le résultat correspondait parfaitement à mes attentes techniques et subjectives avant que le tissu tendu ne soit posé mais celui-ci ne m'a pas offert la transparence acoustique escomptée. Avant transformation, le local était donc (juste un poil) trop amorti à mon goût. L'emploi de tissu acoustique du style "toile de haut-parleur" et l'abandon de la moquette (remplacée par du carrelage partiellement couvert de tapis à poils longs) a permis de rendre le local un peu plus "vivant". Ces deux légères évolutions représentent les seules modifications apportées en matière d'absorption.
Pour la diffraction / diffusion des ondes sonores, les apports récents sont plus nombreux. A l'origine, j'avais, sur la partie des murs latéraux situées en avant de la position d'écoute, appliqué des structures en plâtre auxquelles j'avais donné une forme de toitures dont les deux pants seraient de pente inégale. Chacune de ces structures mesurait environ 60 cm x 60 cm et formaient un quadrillage alternant un positionnement horizontal et vertical du "faîte". Comme première évolution, j'ai eu recours à une technique qui m'avait souri dans le passé. J'ai le souvenir d'avoir obtenu, dans deux locaux différents, une acoustique remarquable en n'adoptant, pour seul moyen de diffraction, que l'application sur les murs latéraux de grandes surfaces de tôle ondulée, en matière plastique dans un cas et en Eternit dans l'autre. Pour parfaire la diffraction dans mon local actuel, j'ai fixé des panneaux ondulés sur les pans des "toitures" en plâtre. Le matériau est de nature bitumeuse


Sur le mur situé derrière les enceintes (photos, ci-dessous), vous remarquerez, outre le revêtement en liège "Caméleon" des sortes de petites appliques arrondies constituées du même matériau. L'éclairage fort sympathique qu'elles permettent ne forme qu'un prétexte à un fonction beaucoup plus acoustique. Ces appliques sont, en effet, positionnées exactement sur le chemin de la réflexion directe effectuant le trajet "enceinte – mur – auditeur". Elles ont donc une fonction de diffuseur.


Le même rôle est attribué à un grand panneau incurvé accroché au plafond. Ce dernier est placé sur la trajectoire du flux d'onde "enceinte – plafond – auditeur". Ne vous inquiétez pas pour le léger gondolement du panneau, le bord en a, par la suite, été masqué par une finition idoine.

Vous en savez, à présent, autant que moi, tant sur la conception de base que sur les modifications apportées.
Et le résultat visuel et subjectif après la pose des tissus de finition ? Je vous en réserve la surprise pour la présentation du système de reproduction. Il faut bien ménager un peu le suspens…
Cordialement,
Paul
