autrichon gris a écrit:Toujours intéressant de lire (et partager) que pris un par un tous ces films sont au mieux divertissants, au pire mauvais, alors que pris ensemble ils forment au choix, une œuvre (en fait non, mais tout le monde pense que si) un témoignage de son époque, une évolution des mœurs, un mythe qui défie le temps et j'en passe. En fait Bond est devenu une marque, et rejoint Rolex ou Porsche au rang des mythes marketing qui ont réalisés leurs faits de gloire dans les années 50 et 60 et surfent de façon maline sur cette légende ! Le tour de force de Bond c'est ça.
En fait, Bond tire une partie de ses origines à l'écran de l'expressionnisme allemand, avec ses décors souvent stylisés avec des formes géométriques prononcées. Le décorateur historique de James Bond, Ken Adam, était un juif berlinois dont la famille s'était réfugiée en Angleterre avant guerre. Il a également signé les décors de Dr Folamour, avec la fameuse salle de guerre. Beaucoup de bases de méchants de Bond sont vraiment très épurées : Dr No, le repaire de Goldfinger (ou Fort Knox), le volcan de Rien que pour vos yeux...
Autre influence expressionniste : l'idée de l'homme qui tire les ficelles, le super-méchant, un truc repris du Dr Mabuse de Fritz Lang. Dans les livres, Blofeld et SPECTRE sont moins présents, il y a quelques intrigues qui ont été adaptées à l'écran pour y intégrer SPECTRE.
Un grand fan des James Bond, c'était Federico Fellini, qui adorait l'idée de ces mondes souterrains, où il suffit de passer une porte pour se retrouver dans une autre dimension, de crime et de complots. Et j'ai appris récemment que Robert Bresson avait adoré Rien que pour vos yeux, notamment les scènes de poursuite dans la neige... Sans oublier Stanley Kubrick qui, entre Barry Lyndon et Shining, apprend par Ken Adam que Claude Renoir a des difficultés pour éclairer l'énorme intérieur du super-pétrolier de L'Espion qui m'aimait, et qui passe un dimanche matin, plateau fermé, pour suggérer de placer des éclairages dans le décor lui-même (les ampoules dans les marches d'escalier) et régler lui-même à la main les projecteurs pendant des heures.
nashtulsa a écrit:Le côté "too much" c'était quand même la signature d'un James Bond.
Mais ça c'était avant
Ça faisait longtemps que je n'avais plus revu les Bond et j'ai fait l'acquisition du coffret intégrale en 2012.
Le côté too much avait pas mal causé de problèmes au niveau du ton et des histoires.
Jusqu'à Opération Tonnerre, Bond est un des agents secrets 00, il a accompli des missions héroïques et pis c'est tout.
Après Opération Tonnerre, il a sauvé le monde d'un chantage aux armes nucléaires. Dans On ne vit que deux fois, il empêche à lui tout seul la Troisième Guerre Mondiale. Du coup, après ça, il est un demi-dieu invulnérable pour les services secrets britanniques. L'ère Roger Moore est infâme de ce côté. Il est copain comme cochon avec M, qui lui pardonne toutes ses excentricités, et il est le chouchou du professeur (cf. les scènes d'exposition où on lance 007 sur un sujet et où il fait un exposé scolaire sur tel composant, sur tel espion, etc.). Côté femmes, c'est encore pire : il passe devant une fille qui a 20 ou 30 ans de moins que lui, il n'a même plus à l'aborder ou à la bonimenter, elle veut d'emblée coucher avec lui. Et comme à partir des Diamants sont éternels, on a deux trois films avec un enjeu moindre que la survie de l'humanité et que Roger Moore est un type plus suave et plus cool que Sean Connery, ça fait super-héros limite grotesque dont les super-pouvoirs sont de ne pas rater une cible quand il tire, de sortir des vannes qui font rire tout le monde et de susciter de la moiteur dans les strings, qui s'occupe de simples trafiquants de drogue ou de tueurs à gages.
Il y a eu quelques exceptions (le Lazenby, qui est très proche du ton du livre, Rien que pour vos yeux, les deux Dalton) mais à partir de Brosnan, les scénaristes et producteurs ont commencé à trouver des parades pour que Bond n'ait pas tous les superpouvoirs dans les trois premières minutes.
D'abord, ils ont mis Judi Dench dans le rôle de M, plutôt hostile a priori à Bond, et ça crée une tension d'avoir Bond qui répond aux ordres d'une femme.
Ensuite, l'idée qui apparaît dans Meurs un autre jour et qui se répète dans tous les suivants, c'est que Bond est déconsidéré à chaque début d'histoire : suspect de lavage de cerveau, agent débutant, responsable d'un fiasco, blessé et affaibli, etc. Évidemment, à la fin, il s'impose fatalement en héros, mais (à part dans Meurs un autre jour), il n'a pas non plus droit à un triomphe, vu qu'il foire une partie de sa mission. Et il faut à chaque fois qu'il convainque du monde, qu'il devienne à nouveau le James Bond que l'on connaît. Donc il y a de nouveau une part de défi.
Mais au moins, quand il y a une séquence "too much" dans un des nouveaux, c'est fendard, parce que ça va être un truc isolé qui rompt une histoire, pas un déballage de cascades de plus en plus coûteuses comme dans les films années 80-90.